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Neil Gaiman toujours dans l’actu

Par Thys, le lundi 6 novembre 2006 à 17:46:46

C'est le moins que l'on puisse dire !
Parutions en version originale et traductions françaises, adaptations de ses oeuvres ou scénarii de sa main en tournage pour le cinéma... L'auteur anglais se retrouve bien souvent mis en avant sur nos pages en ce moment, presqu'aussi souvent qu'Eragon, c'est dire...
En attendant, découvrez cette nouvelle interview entièrement traduite pour vous !

Un entretien avec Neil Gaiman

Vous dédicacez vos livres pour tout le monde ?

Oui, je signe pour tout le monde. C'est stupide. J'ai récemment été détrompé au sujet de Stephen King que j'ai rencontré en 92 et à une de mes séances de dédicaces. Il est venu avec sa famille et m'a invité à dîner mais la séance a tant duré que lorsque je l'ai rejoint c'était pour manger des hamburgers par terre dans sa chambre d'hôtel à 22h30 ou 23h. Et il m'a dit « Si j'ai pris rendez-vous pour dédicacer pendant une heure et demi, je pars après une heure et demi ». J'ai toujours pensé que c'était vrai, mais j'ai rencontré un de ses fils la semaine dernière qui m'a dit « Il dit ça, mais lui aussi reste jusqu'au bout ».

Avez-vous déjà clôturé un événement lorsqu'il y avait un couvre-feu ?

Oui, tout est arrivé. Les pires sont les séances de dédicaces où on vous donne une heure avant d'être remplacé par un autre auteur à la table et que ce n'est pas négociable. Vous réalisez que vous laissé plusieurs centaines de personnes déçues, et il n'y a rien que vous puissiez faire.

Le pire a été à Sao Paulo, au Brésil, en 2001. Les Brésiliens sont des gens adorables. Mais ils ne cachent rien de ce qu'ils ressentent. 1200 personnes sont venues et à partir de 700, le magasin a décidé que c'était assez. Les 500 personnes qui restaient dehors leur ont visiblement expliqué de manière très enthousiaste et gaie qu'ils pouvaient bien fermer la porte de leur magasin s'ils le voulaient mais que la foule allait détruire le magasin en question s'il le faisait. Ils ont finalement rouvert les portes, et j'ai dédicacé pour les 1200 personnes. Mais je n'ai appris ce qui s'était passé qu'à la fin de la journée. Je suis resté jusqu'à 2 heures du matin et j'ai perdu ma voix.

Mais vous avez une relation très ouverte avec vos fans.

(sourire minaudeur) Oui, nous avons une relation ouverte. Evidemment, ils peuvent voir d'autres auteurs s'ils le veulent, mais je peux aussi fréquenter d'autres lecteurs.

Oui, mais je ne connais pas le nom des chats des autres auteurs.

C'est vrai. Cet aspect peut devenir étrange parfois. Je peux être à une dédicace et quelqu'un va me dire « Alors, comment s'est déroulée l'opération de Fred ? » Il y a eu quelques tragédies félines que je n'ai pas mentionnées sur mon blog. Fred-le-chat-malchanceux a récemment subit une très grosse opération pour lui enlever une partie des intestins pour qu'il puisse s'alimenter normalement. J'ai décidé de ne pas en parler pour ne pas recevoir 200 messages de bon rétablissement pour Fred ou de conseils sur les chats. Dès qu'on mentionne les chats, les gens écrivent « Lorsque mon chat a eu ça, la seule chose qu'il pouvait manger étaient des sardines liquides. Il faut liquéfier les sardines et ajouter des acidophiles. » J'ai toujours voulu essayer ce genre de choses.

Et est-ce que certaines d'entre elles marchent ?

Jamais ! Aucune. Rien de ce qui m'a été suggéré, même par des véto, a jamais marché. Mais je les essaye quand même. Quoique je crois que j'ai entendu parler du phéromone du Chat Heureux dans un message. C'est ce truc en pulvérisateur buccal qui les empêche d'aller où ils ne devraient pas.

J'ai toujours voulu demander comment vous aviez rencontré Kathy Acker.

J'ai lu Blood and Guts in High School et j'ai aimé, en fait il y avait aussi Great Expectations et My Death My Life by Pier Paolo Pasolini dans le recueil, c'est ça ?

Je n'ai pas ses recueils, je n'en suis pas sûr.

J'ai adoré. Je crois que j'avais même vu un documentaire TV à son sujet, et il m'avait donné l'impression qu'elle était incroyablement grande. J'étais à une soirée, l'une de ces petites fêtes littéraires au Groucho club pour un auteur en visite, qui était peut-être bien Spalding Gray. Si ce n'était pas lui, alors c'était Tama Janowitz. Il y avait cette dame petite, blonde, adorable avec qui j'ai commencé à parler avant de découvrir que c'était Kathy. Mais nous avions déjà à ce moment une conversation si agréable qu'il était trop tard pour moi pour être intimidé. Je crois que nous parlions de Swamp Thing d'Alan Moore, qui était à ce moment la chose qu'elle préférait au monde, la mienne également, et j'étais ami avec Alan. C'est le genre de conversation que vous ne voulez pas voir finir, donc vous finissez par aller dans un autre bar, puis dans un autre jusqu'à ce que vous vous arrêtiez finalement de parler. Nous étions amis. Ce n'était pas le genre d'amitié qui doit nous amener à devenir meilleurs amis au fil du temps, c'était le genre d'amitié où vous vous rencontrez, il y a un déclic, et de nombreuses années après nous parlions et elle me disait « Oh, mon cher, je suis si fière de toi, tu te débrouilles si bien », je lui disais « Eh bien, j'ai toujours été écrivain » et elle me répondait « Quand je t'ai rencontré, je pensais que tu étais une sorte de groupie ».

Je l'ai présenté à pas mal de gens qui font des comics, à Alan Moore. Et puis notre amitié a été très tumultueuse et vraiment drôle pendant la décennie suivante. Je ne suis pas le genre à me brouiller facilement avec les gens, mais Kathy est quelqu'un qui se fâche tout le temps avec les gens. A un moment, elle est partie d'Angleterre pour s'installer à New-York où je la voyais à chacun de mes voyages. Puis elle est revenue et a acheté une maison à Brighton. Ça a été immédiatement suivit par un effondrement du marché immobilier et Kathy qui repartait pour San Francisco avant même que j'ai pu voir sa maison à Brighton. J'ai reçu un coup de fil me disant « Tu peux vendre ma maison pour moi, n'est-ce pas ? »

Et je me suis retrouvé avec la tâche singulière de devoir vendre sa maison sans que j'ai pu donner mon accord. J'ai passé quelques coups de fil, parlé à des gens et me suis rendu compte que c'était bien plus bizarre et compliqué que ce que j'avais pensé. Je crois qu'à un moment Kathy a renvoyé les clés de sa maison de Brighton et a décidé qu'elle m'en voulait parce que je ne l'avais pas encore vendu. Et je n'ai pas eu de ses nouvelles pendant un ou deux ans. Et puis elle s'est présenté à l'une de mes dédicaces à San Francisco sans prévenir, et ça a été un très bon moment. Elle m'a sauvé de l'une des dédicaces les plus bizarres où je sois jamais allé...

Qu'y avait-il de si étrange ?

Pour autant que je puisse en juger, la propriétaire du magasin, qui était plutôt folle, a décidé qu'il y aurait une pause de 45 minutes au milieu des dédicaces pendant laquelle elle avait décidé que la vendeuse de 15 ans, qui était visiblement fan de mes livres, et moi irions faire plus ample connaissance dans l'arrière salle. Ca m'a semblé la chose la plus improbable qu'on m'avait jamais demandé pendant une dédicace, c'est à ce moment que Kathy est arrivée sur sa moto pour me sauver. Nous avons discuté, elle me disait combien il était agréable de me voir à nouveau et me demandait pourquoi j'avais arrêté de lui parler. J'ai pensé lui expliquer que je n'avais pas arrêté de lui parler mais que c'était plutôt elle, mais tellement d'eau avait passé sous les ponts que j'ai fini par m'excuser de ne plus lui avoir parlé.

Après ça, nous avons gardé contact. Je me rappelle qu'en 94, elle m'a appelé pour m'inviter à passer 10 jours avec elle dans la ferme de William Burroughs dans le Kansas, j'y ai pensé pendant une bonne microseconde avant de dire non, merci Kathy, c'est très gentil mais non. J'avais ces coups de fils au milieu de la nuit de sa part où elle me parlait de tout ce qui l'intéressait. Et puis elle a commencé à sortir avec un de mes vieux amis, un écrivain Anglais nommé Charles. Elle est revenue en Angleterre, je la voyais quand j'y étais, elle était si heureuse d'être avec lui. Et puis son cancer a commencé.

Elle m'a appelé après son ablation des seins dans un hôpital de San Francisco, complètement horrifiée par tout ça. Grosso-modo, ils lui ont fait une double mastectomie lors d'une visite à l'hôpital.

Mon Dieu.

Pour autant que je puisse dire, c'était assez horrible. Elle n'a plus jamais eu affaire avec le système médical américain. Elle est revenue en Angleterre, a décidé qu'elle avait vaincu la maladie et expliquait à tout le monde que quelle que soit la maladie qu'elle avait, elle venait du fait qu'elle avait trempé une bouteille d'eau dans un canal dégueulasse et l'avait quand même bu. Il restait visiblement des bactéries de ce canal dans son organisme, parce qu'elle est retournée en Amérique, elle a rompu avec Charles et j'ai reçu un mail de quelqu'un disant « Je sais que vous êtes un ami de Kathy Acker, elle est en train de mourir dans un hôpital au Mexique ».

J'ai tout de suite envoyé un mail en Amérique pour avertir de la situation et un ami commun de Charles et moi, appelé Igor, m'a dit « Elle n'est pas en train de mourir, elle a la grippe, j'ai vérifié. Elle a la grippe à San Francisco, c'est juste une reine du mélodrame ». J'ai donc répondu au gars qui m'avait dit qu'elle était mourante pour lui dire ça, mais il m'a répondu « Elle est vraiment mourante ».

J'ai appelé Kathy dans son hôpital au Mexique, nous avons un peu parlé, elle était très faible, c'était bien de lui parler. La semaine avait été dure parce que mon ami écrivain John M. Ford était mort de manière tout à fait inattendue. Tout le monde était désespéré, notamment parce qu'il nous avait envoyé des mails le jour avant sa mort, et son cœur l'a lâché dans la nuit. Avec Kathy, ça ne s'est pas passé comme ça, elle me manque toujours mais j'ai pu l'appeler et lui dire au revoir. C'était bien. Ca a presque rendu ça supportable. Et puis elle est morte, dans la chambre 101, Alan Moore a dit « Il n'y rien que les femmes ne puissent tourner en référence littéraire ».

Vous ne faites pas beaucoup de tournées de promo pour Fragile Things et d'habitude Neil Gaiman est connu comme le Guerrier de la Route.

C'est en grande partie parce que la tournée promo de Anansi Boys est passée très très près de me tuer... J'en suis sorti en me promettant de ne plus jamais faire de tournée promo. Je me suis un peu ramolli. Cette tournée, c'était l'enfer. Vous m'avez vu à Chicago, j'y suis arrivé vers midi, j'ai laissé mes affaires à l'hôtel, je suis sorti pour faire quelques signatures puis je suis allé dans cet endroit, il était alors 5 ou 6 heures, j'ai signé pendant 45 minutes, mangé quelques sushis, j'ai fait une lecture pendant 30 ou 40 minutes, j'ai aussi répondu aux questions, puis j'ai signé jusqu'à 1h30. Puis je suis reparti en voiture à mon hôtel au beau milieu de Chicago, j'y suis arrivé vers 2h30, je pense. Tout ce que je me rappelle c'est ce type sympa qui m'a apporté quelque chose à manger, parce que j'étais affamé, je n'avais pas mangé depuis 8 heures, c'est le même gars qui, 3 ou 4 heures plus tard m'a amené ma tasse de café en me disant qu'il fallait que je me lève parce qu'une voiture m'attendait pour la suite.

Tout s'est passé comme ça. Je n'ai pas eu de jour de repos avant 10 jours, et j'ai fait l'Amérique, le Canada, l'Angleterre, et j'ai tout recommencé. Ca a été un mois très dur. Pour cette tournée promo, j'aurai préféré une tournée de lecture, mais à la fin, je finissais par dire « Je vous donnerai une semaine. Vous avez une semaine, et vous l'organisez comme vous voulez. Et j'aimerai un jour de repos à un moment ». Je pensais que ça allait être facile et agréable et puis j'ai réalisé que ça se calait entre deux conventions auxquelles j'avais déjà dit que j'irai, j'ai donc été à la FantasyCon, et puis 2 jours à Londres pour Fragile things et puis je suis revenu à Washington DC et plein de gens voulaient savoir pourquoi je n'étais pas à la Washington Book Fair cette année et je leur expliquais que ce serait ennuyeux que j'y sois tous les ans.

C'est l'une de ces conventions où ils démontent le festival autour de moi alors que je fais les dernières signatures, je suis resté 4 heures à signer et le Washington Post a écrit que j'avais fait ça simplement parce que je suis un businessman habile.

Vraiment ?

Oui, ils l'ont vraiment fait.

Demandiez-vous 5$ par autographe ?

J'ai trouvé ça vraiment très étrange, cette idée que je continuais de signer simplement parce que je suis un businessman. Je signe parce que c'est poli. Ces gens ont fait la queue et ils viennent parfois de loin, et c'est comme ça que j'aimerai être traité si je faisais la queue pour une dédicace ce que, Dieu merci, je ne fais jamais.

Je me demande comment est-ce que ça pourrait améliorer vos affaires. Ca me semble plutôt un mauvais business de rester si longtemps.

Je n'en sais rien. Personne d'autre ne m'a jamais traité de businessman dans aucun contexte. Je suppose que je pourrai découper l'article et l'envoyer à mon père pour lui faire plaisir. Tu vois ? Je suis un businessman. Ce que je suis, c'est un businessman qui a fait le truc de Douglas Adams où l'on gagne une horrible quantité d'argent, et où ça n'a vraiment aucune importance si vous êtes un sale businessman.

Surtout maintenant que vous faites des films.

C'est bien. J'ai maintenant trois sources de revenus. Le fait que Sandman se vende encore est vraiment bien, et puis je suis aussi romancier, ce qui est complètement diffèrent et puis il y a ces films où les gens arrivent en disant « Voici un million de dollars », et vous leur dites « Merci beaucoup, c'est très gentil ». Vous vous pincez et vous regardez les chiffres sur le chèque et vous dites « Je viens d'avoir un chèque de un million ».

J'ai réalisé que je n'étais pas un businessman en partie parce que je suis aussi excité de recevoir 300$ pour une nouvelle qu'un million. Ca serait vraiment triste si ça n'était pas le cas.

Mais c'est la raison pour laquelle vous avez un assistant, pour s'occuper de tout ça.

C'est vrai. Mon agent me trouve hilarant parce qu'elle sait que les seules fois où je l'appelle complètement excité par des royalties c'est quand elles viennent d'un obscur pays dont je ne connaissais même pas d'existence. Je l'appelle pour lui dire « T'as vu ? t'as vu ? On a 90$ de Croatie ! » et elle me répond « Neil, pourquoi est-ce que tu me parles de ça ? »

Vos agents doivent vous aimer, parce que vous avez l'air d'être ouverts à tous les médias, toutes les expériences.

Je le suis. Je ne suis pas très bon pour snober les choses. Si c'est quelque chose qui m'intéresse je serai évidemment heureux de le faire. Et je n'arrête pas de tomber sur des gens qui voudraient que je fasse soit l'un, soit l'autre. Mon agent de cinéma voudrait que je fasse uniquement des films et que j'arrête, par exemple, de faire des trucs pour la télé. Mais la télé c'est marrant, plein de gens la regarde. C'est intéressant de faire de la télé. J'aime écrire des romans, mais je suis heureux et étonné de vivre dans un monde où mes recueils de nouvelles sont publiés par un grand éditeur. Nous vivons dans un monde où aller voir un éditeur pour lui dire « Voudriez vous publier mes nouvelles ? » paraît aussi bizarre que si je demandais « Vous voulez investir dans un business de zeppelin ? » Ca n'arrive pas très souvent.

Quand, il y a 8 ans, ils ont publié Smoke and Mirrors c'était sans fanfare. J'ai dit « Est-ce que je pourrais faire une tournée promo pour ça ? » et ils m'ont répondu non. Ils se demandaient pourquoi je ferai une tournée pour des nouvelles. Ils ont été très surpris en se rendant compte que ça se vendait encore. J'ai pris une copie dans les bureaux de HarperCollins ce matin et j'ai vu qu'on en est à la 17ème impression. Et soudain, je suis dans un univers où j'ai un éditeur qui publie mes nouvelles comme un livre important avec de bons chiffres de distribution. Si ça dépendait de moi, j'aurai fait une impression de la moitié de ça et puis j'aurai tout renvoyé sous presse avec une super couverture.

La couverture est cool, mais j'avais quelques doutes sur le fait qu'elle survive à un voyage en avion pour New-York.

Apparemment, ce papier est plus solide que du papier normal. L'ancienne version était beaucoup, beaucoup plus fragile. J'ai pu dessiner la couverture, ce qui est une première. Mon éditrice Jennifer et moi avons fait le design ensemble. Le cœur derrière a été colorié par mon docteur. Nous avions des cœurs en couleurs qui n'allaient pas du tout et des noirs et blancs qui étaient supers, donc je l'ai montré à mon docteur en lui demandant « Vous voudriez bien colorier ça pour moi ? ». Donc il a colorié l'intérieur, nous montrant ce qui était rouge et ce qui était bleu, et il l'a renvoyé à HarperCollins.

C'était bien plus mignon et rassurant que j'aurai jamais espéré.

Vraiment ? Parce que le papillon est en morceaux, bien qu'on ne doit pas pouvoir le voir avant d'avoir enlevé la couverture translucide.

Je crois que cet aspect translucide travaille contre nous. Je voulais le papillon blessé. Le voir vraiment mort et endommagé... Je pensais que ça signifierait qu'il y avait des morceaux effrayants. Eh bien, maintenant, ça va prendre les gens pas surprise et ils vont être traumatisés.

Je suis sûre qu'ils iront bien. Bien que le public amateur de romance de Stardust puisse être un peu effrayé.

C'est ce qui est bizarre quand on ne fait pas toujours la même chose. Avec chaque livre, vous décevez une catégorie de gens qui aiment une chose spécifique et attendent à nouveau cette chose.

Avez-vous des mails de vos fans qui se plaignent de ça ?

Non, mais des gens viennent aux lectures pour dire « J'aime X, mais je n'aime vraiment pas Y ».Ceux qui lisent plus d'un livre s'en rendent comptent. Ceux qui n'en lisent qu'un pensent qu'ils se ressemblent tous. Ceux qui en ont lu deux comprennent qu'il y a des similarités mais que la plus grande partie est complètement différente.

Je suis sûre qu'il y a des gens qui voudraient que vous fassiez encore Sandman.

Bien sûr. Et il y a ceux qui voudraient que je n'ai fais que des romans de Neverwhere. Et puis ceux qui voudraient juste du American Gods. J'étais un peu inquiet lorsque Anansi Boys a été vendu comme étant la suite de American Gods. Je n'ai pas arrêté de dire (tousse, marmonne) euh, ce n'est pas le cas. L'éditeur disait « Oui mais American Gods était un best-seller du New York Times, et on doit jouer là-dessus ». Oui, mais c'est un livre différent. Je ne voulais pas que les gens s'attendent à la même chose. Si vous voulez la même chose que American Gods, il y a une histoire de Shadow dans Fragile Things.

Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à la mythologie ?

Je voudrais bien avoir une histoire sur le début de mon intérêt pour vous. Lorsque j'avais 4 ans, j'ai été mordu par un mythe radioactif.

Je me rappelle que la première fois que j'ai rencontré Thor, c'était dans un comics, cela m'a tellement intéressé que j'ai lu les Tales of the Norsemen de Roger Lancelyn Green jusqu'à ce qu'ils tombent en morceaux. Et puis je me suis acheté ses Tales of Egypt avec mon propre argent, je les ai beaucoup lu. J'étais un gamin de 7 ans lisant la mythologie de l'Egypte Ancienne pour son plaisir.

Je posais la question parce qu'il semble que peu d'auteurs contemporains utilisent la mythologie dans leurs écrits. Tout du moins, pas autant que ce que je voudrais.

La mythologie, c'est ce que devient une religion sur le déclin. Une seconde étape dans la religion en quelques sortes. Ou ce sont ces parties de religions qui ne vous feront pas tuer ou blesser si vous ne les prenez pas au sérieux. Il y a la mythologie Juive, Chrétienne, Islamique. Personne ne va vous menacer de mort si vous ne prenez pas l'Evangile de l'enfance de Christ au sérieux.

Qui est pourtant vraiment drôle, je n'ai pas lu le dernier Anne Rice Christ the Lord : Out of Egypt, mais je pense qu'elle se sert de cet Evangile. Il y a une partie où un enfant est poussé d'un toit et Jésus est accusé. Donc, il ramène l'enfant à la vie pour qu'il puisse dire « Ce n'était pas Jésus, c'était l'autre gamin là-bas » et alors, il le laisse mourir à nouveau. Et il y a un long passage où Jésus tue beaucoup de monde. Ils le chassent, alors Jésus les frappent et ils meurent. Jusqu'à ce que Marie dise à Joseph « S'il continue à tuer des gens comme ça, on va devoir lui interdire de sortir de la maison ». C'est une phrase vraiment géniale à trouver dans la Bible apocryphe. Comment pourrait-on passer de ce Jésus au gars du Nouveau Testament ? Mais bien sûr, c'est le Jésus mythologique. Ils adorent l'idée du gars qui passe son temps à frapper – un professeur lui dit d'écouter sa leçon et aaaahhhh !

Nous vivons dans un monde avec des religions, des mythologies, des choses semi-imaginaires, qui dépendent de l'endroit d'où on les voit, du degré d'imagination... Il y a des gens qui conçoivent ce qui se passe aujourd'hui dans le monde comme quelques personnes qui se battent pour savoir quel ami imaginaire les aiment le plus. Et puis il y a des gens qui disent « Non, non, ce n'est pas un ami imaginaire, il est réel. Mais ce type là-bas, lui, il est imaginaire ». C'est énorme et c'est responsable de nombreux problèmes et difficultés, et c'est pour ça que je ne peux pas voyager avec plus de 120 centilitres de shampoing. Il faut que je bazarde la moitié de mon shampoing pour pouvoir l'emporter, ce qui est vraiment bizarre.

Et tout ça parce que des gens se disputent à propos de choses que d'autres gens considèrent comme imaginaires. Principalement, les dieux, les religions et les frontières, qui sont absolument imaginaires. Ce sont des notions. Ca n'existe pas. Quand on regarde à terre, il n'y a pas de frontières nationales. Ce sont juste des lignes imaginaires que l'on trace sur des cartes.

Je ne sais pas trop où je vais avec ça. Je suis juste fasciné par les gens qui pensent que des choses qui sont imaginaires n'ont pas de rapport avec leur vie. Des choses comme la mythologie n'ont pas de vraie relation avec ce qui leur arrive au jour le jour. Voilà. Fin du discours. Désolé.

Et pour la suite? Vous avez Stardust et Beowulf.

Ils montent Stardust en ce moment, c'est un moment où je retiens mon souffle. Quand on tourne le film, on ne retient pas son souffle, tout le monde fait simplement un film, et ce qui doit être fait est fait. Dans la phase de montagne, tant de choses peuvent aller de travers. Tout le monde est tellement impliqué. Ils m'ont montré une scène l'autre jour quand j'étais à Londres, c'était la scène d'ouverture du film. Arrivé à la fin, j'ai dit ok, vous avez remis beaucoup des choses que vous vouliez enlever. Et ils m'ont répondu « En fait, le rythme nous préoccupe un peu ». « C'est bien, mais ce que vous avez tourné était le minimum absolu pour raconter le monde dans lequel Dunstan et la fille du marché des fées s'aiment tous les deux. Il est vraiment épris d'elle, et elle est vraiment amoureuse de lui, elle lui a donné cette fleur et là ils se faufilent entre les caravanes pour trouver un peu plus d'intimité. Et c'est l'information que vous avez. Vous avez coupé ça pour des raisons de rythme mais du coup on dirait qu'elle est la fille facile du marché parce qu'ils se rencontrent et s'éloignent ensemble pour un coup rapide ». J'espère vraiment que dans le prochain montage ils vont encore rallonger la scène.

Ceci dit, je sais qu'ils ont aussi essayé d'autres choses, ils ont un montage où cette scène est un flash-back au milieu du film. Ils pensaient qu'on devait commencer avec Tristan. Actuellement, le film a au moins trois fins. Du point de vue de ceux qui ont enduré Le Seigneur des Anneaux, une seule fin est suffisante. C'est en partie ma faute parce que dans un livre, je peux faire beaucoup de fins différentes. Je les traite assez rapidement en épilogue.

Avez-vous assez de distance avec ce projet, pour que, si c'est mauvais, vous puissiez juste tourner le dos et partir ?

Ish.

Ish ?

Non. Pas du tout. Je vais en perdre le sommeil si c'est mauvais. Evidemment j'espère vraiment que ce film sera brillant de toutes les manières, joliment tourné, merveilleusement fait, drôle, adorable pour que je sois fier de tous les détails, et puis qu'il sorte et soit la surprise absolue au box office par son succès, mais après l'avoir vu, je veux que les gens viennent toujours me voir pour dire « Le film de Stardust est excellent, mais le livre est meilleur ». C'est ce que je veux.

Je suis sûre que tous vos espoirs seront comblés.

C'est bien plus d'honnêteté que vous n'auriez de quelqu'un interviewé pour... ce qui est probablement ce que veulent tous les auteurs. On veut le meilleur film du monde, mais que les gens viennent toujours vous dire que le livre est meilleur.

Ils ont fait des choses vraiment très fidèles et d'autres selon leur propre point de vue. J'aime certaines de ces choses, et d'autres pas vraiment, et d'autres de ces choses mènent à des moments incroyables comme celui de Ricky Gervais Robert De Niro qui est improvisée et est l'une des choses les plus drôles que j'ai jamais vu.

Dès que l'on voit Ricky Gervais dans une belle robe...

Ricky Gervais avec un chapeau marrant, oui. Son rendu est étonnant.

Et pour Beowulf et Coraline ?

Je ne sais pas grand chose sur Coraline, et ce n'est pas parce que j'essaye de garder mes distances avec un flop. Etant donné le processus, c'est de l'animation arrêtée. J'ai vu quelques scripts. Il y a Ian McShane, Dakota Fanning et Teri Hatcher qui est, hum, ok. Des chansons par They Might Be Giants. Et puis c'est aussi parce que ça va prendre longtemps, ce n'est pas comme si on pouvait aller assister à un jour de tournage.

Beowulf est vraiment intéressant. Le 22 novembre 2007, il n'y aura probablement aucun homme vivant dans le monde occidental qui ne saura pas que Beowulf est sorti. Ce que j'ai vu jusqu'à maintenant ressemble à des personnages d'un jeu de Playstation. Dans un mois, je vais dans le sud de la Californie pour passer quelques jours avec Roger Avery et on verra un montage complet du film. Je sais que Polar Express était la version 1 de leur technologie, et Beowulf a commencé quand ils en étaient à la version 3 et ça continue de progresser alors qu'ils travaillent. Ils en sont à la version 3.8 ou 3.9, et ils pourraient sortir la 4 avant d'en avoir fini. Je crois que ce ne ressemblera à rien de connu. Je suis très fier d'avoir écrit le premier film d'animation réalisé aux Etats-Unis et destiné aux adultes. Beowulf n'est pas pour les enfants. Je crois qu'il sera juste interdit aux moins de 13 ans parce que le sang de Grendel est vert et celui du dragon doré.

Ca peut être terrible. Si Beowulf est un désastre, ça peut être très intéressant, ce dont, assez étrangement, je suis parfaitement satisfait.

Pourquoi avez-vous plus de distance avec Beowulf qu'avec Stardust ? Parce que Stardust est votre premier ?

Je pense que c'est parce qu'avec Beowulf c'est moi-même qui endommage le matériau originel. C'est moi qui dit, c'est comme ça qu'on le transforme. Faisons-en un film tout en restant fidèles, mais sans hésiter à endommager le poème si cela peut faire un meilleur film.

Avec Stardust c'est moi qui ai fait l'équivalent du poème originel, et Matthew Vaughan est celui qui n'hésite pas à l'endommager pour faire un meilleur film, mais c'est moi qui me prépare à pleurnicher dans un coin si c'est trop endommagé. Mais vraiment, j'aime beaucoup ce que j'ai vu et je sens qu'on a une chance de faire que quelque chose de magique arrive.

Article originel, par Jessa Crispin, octobre 2006


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