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Les Contes de Fées pour adultes de Neil Gaiman…

Par Luigi Brosse, le vendredi 3 août 2001 à 21:07:15

A l'occasion de la sortie de son dernier roman Stardust, nous vous proposons ici la traduction d'une interview de Neil Gaiman réalisée par Therese Littleton sur Amazon.com.

Pour rappel : Neil Gaiman est un merveilleux conteur. Sa première œuvre, la série de comics The Sandman, fut dévorée par des fans avides d'histoires magnifiquement réalisées et d'une fantasy pour adulte sophistiquée. Maintenant Gaiman a gagné une réputation de romancier et d'auteur d'histoires courtes, avec des titres tels que Neverwhere (1996, disponible chez J'ai Lu) et Miroirs et fumée (1998, chez Le Diable Vauvert). Il a aussi écrit un livre bizarre et hilarant pour les enfants : Le Jour où j'ai échangé mon père contre deux poissons rouges (illustré par le dieu du comics Dave McKean). La dernière œuvre de Gaiman, Stardust, est un parfait conte de fée, achevé avec un jeune héros légèrement maladroit, une affreuse sorcière ou deux, un trône non revendiqué, et plein de magie. Gaiman a parlé avec Therese Littleton d'Amazon.com de la manière par laquelle il a été amené à écrire Stardust, et de l'importance des contes de fées.

L'interview traduite

Comment avez-vous été amené à écrire un conte de fée ?
Cela semble avoir commencé en 1988 alors que j'étais en vacances en Irlande, et que je vis un énorme et antique mur de pierre. Il y avait comme un éboulis au milieu qui formait un passage, et au travers duquel je pouvais voir un pré, et une forêt, et j'ai alors pensé, ça pourrait être intéressant si c'était le pays des fées ? Tout ce que vous aviez à faire était de franchir le mur à cet endroit, et vous vous y retrouviez. Cela entra ainsi dans ma tête et y resta un certain moment. En 1991, Charles Vess et moi avons gagné le World Fantasy Award pour le tome 19 de Sandman : Songe d'une nuit d'été, qui fut republié dans Dream Country. Nous étions dehors dans le désert près de Tucson à une soirée lancée par Terri Windling et marchions dehors dans la nuit, et il y avait là toutes ces étoiles filantes. Et je n'avais jamais vu quelque chose d'aussi clair et magnifique que des étoiles filantes vues depuis le désert dans la nuit. C'était stupéfiant ! Et j'ai seulement poursuivi ce cheminement de pensée qui commençait à me venir, Qu'arriverait-il si tu voulais partir en obtenir une ? La nuit suivante, Charlie et moi avons gagné le World Fantasy Award, à la grande surprise de tous, la nôtre inclue. Et plus tard ce soir-là, j'ai tiré Charlie à l'écart de cette fête où il célébrait cela avec du champagne, et nous sommes sortis dehors dans la nuit de Tucson, et je dis : Regarde, j'ai trouvé cette idée pour le prochain travail que je veux réaliser ensemble, maintenant que nous avons remporté ce prix, et je lui ai raconté alors l'histoire de Stardust. Il a adoré. Tout ce que j'avais quand j'en ai parlé avec Charlie était seulement le noyau le plus réduit de l'intrigue. Le garçon parti à la recherche de l'étoile tombée.
Avez-vous été influencé par d'autres contes de fée ou livres ?
J'ai un énorme respect, admiration et reconnaissance pour ce qu'a fait Tolkien. Le Seigneur des Anneaux est une remarquable réalisation, et un excellent livre. Je pense qu'en tant que philologue et folkloriste Tolkien était quelqu'un de fascinant, et il fit l'observation - qui est, de loin, ma préférée - suivante au sujet des contes de fée : les histoires de fées ne furent pas écrites pour les enfants. Elles furent écrites pour les adultes, et on les a donné aux enfants de la même manière que les vieux meubles finissent dans la chambre d'enfant quand on n'en veut plus ou qu'on les trouve vieillots. Ayant dit cela, je pense à Tolkien un peu comme de mon point de vue les préraphaélites pensaient à Raphaël. Il n'y avait rien de mauvais avec Raphaël en soi ; ce n'est qu'à sa suite que tout alla mal. Et je pense vraiment qu'après Tolkien, tout alla mal, et la meilleure preuve que tout alla mal a été que la fantasy est devenu soudainement un genre monté de toute pièce par le marché. Avant Tolkien, les auteurs écrivaient des histoires, et certaines d'entre elles étaient fantastiques. Cela était possible. Personne ne se détournait de Kipling parce qu'il avait écrit Puck of Pook's Hill. Il était rare qu'un écrivain de quelque importance ne sorte pas des sentiers battus et n'écrive au moins une histoire se déroulant dans les royaumes du fantastiques. H.G. Wells. Chaucer. Après Tolkien, c'était devenu très, très cloisonné. La fantasy était alors quelque chose de commercial - tolkienesque pourrait-on dire. De nos jours, ce n'est même plus tolkienesque. C'est une pâle copie de copie de quelque chose de tolkienesque combiné avec tout ce qu'on a mis dans Donjons & Dragons, et à laquelle on aurait ajouté un soupçon de Robert E. Howard. Je pense le demi-mètre disponible aux livres estampillés "fantasy" dans les magasins va normalement être rempli de bouquins sans imagination ni inspiration. Paradoxalement, ce qui devrait être la forme la plus imaginative de la littérature est devenu l'une des plus prévisibles. Ce que j'ai voulu faire avec Stardust était d'écrire une nouvelle pré-tolkienne. Cela fut l'une des raisons qui m'ont finalement poussé à sortir et acheter un stylo à plume et mes rames de papier. Mais réellement, c'était seulement une tentative pour essayer d'écrire un conte pour adultes. Le dernier conte de fée dont je peux penser qu'il est pour adultes était probablement The Princess Bride, il y a 25 ans. Je pense que les contes de fées manquent aux gens. Je pense que les gens y réagissent positivement, de la même manière que les lecteurs de romans courtois, de romans historiques et de littérature générale le font pour Stardust.
Avez-vous lu Stardust à vos enfants ?
Non, mais je vais le faire. J'adore lire à voix haute aux enfants. Récemment, j'ai lu à mon enfant de 4 ans le gros livre illustré The Lion, the Witch and the Wardrobe (Ndt : Le Lion, la Sorcière et la Garde-robe fait partie des Chroniques de Narnia de C.S. Lewis), ce qui fut un plaisir, et elle était juste assez âgée pour cela. La seule personne à qui j'ai lu Stardust à voix haute est Charles Vess, au téléphone. J'ai commencé à le lire pendant ma tournée de séances d'autographes, et c'était en fait très complaisant envers moi-même puisque je lisais différents passages à différents magasins, seulement pour voir quels passages j'aimais et comment ils se lisent. Je vais lire certains passages et me dire, Nooon, je ne pense pas que je vais lire ce passage à nouveau, et à certains passages que je lirai, je me dirai Oh, ils ont aimé, et j'ai apprécié de le lire. Parfait. Ça devient l'un de mes passages favoris. Comme le premier épisode où Tristran entre en Féerie et le petit homme chevelu. C'est un tel plaisir de lire à ce moment car vous avez ces deux voix. Ça siffle et ça crachote alors, et ça se lit comme si cela avait été écrit pour être lu à voix haute.
Nous adorons Le Jour où j'ai échangé mon père contre deux poissons rouges. Allez-vous écrire de nouveaux des livres pour enfants avec Dave McKean ?
Dave et moi avons prévu deux livres de plus à ce sujet. L'un chez Avon Books, intitulé The Wolves in the Walls (Les Loups dans les murs) au sujet d'une petite fille qui est convaincue qu'il y a des loups vivant dans les murs de sa maison, et ses parents lui disent que ce ne sont que des souris et des rats. Mais naturellement ils se trompent, et elle a naturellement raison, et un jour les loups sortent des murs. C'est vraiment amusant, c'est un sacré divertissement. Et ensuite il y a... Je ne sais pas si c'est exactement ce que vous pourriez appeler une suite au Jour où j'ai échangé mon père contre deux poissons rouges, mais cela met en scène la même famille. Ça s'appelle Fortunately the Milk (Par bonheur le lait), c'est sur le jour où Papa sort chercher son lait et ce qui arrive quand il se retrouve kidnappé et bâillonné. Le livre du poisson rouge... est le seul livre dont je sais qu'il est acheté par les étudiants en art pour en étudier les dessins et par les enfants pour le lire... Ainsi ça me fait une certaine émotion. Les gens me demandent de temps en temps, Comment ressentez-vous le fait d'être toujours catalogué comme le type qui a écrit The Sandman ? Et je leur dit à ceux-là, Vous ne pouvez pas comprendre. J'ai écrit un livre pour enfants. A.A. Milne (connu pour Winnie l'ourson, 1926) a été l'un des dramaturges et essayistes qui ont eu le plus de succès de sa génération. On se souvient de lui maintenant pour deux livres d'histoires courtes et deux recueils de poèmes. Les livres les plus fameux de Kenneth Grahame furent Dream Days et The Golden Ages - A.A. Milne lui-même a finalement fait cet essai entier sur Il y a cette chose qu'il a écrite et que personne n'a jamais lu appelée {Le Vent dans les saules}} (écrit par K. Grahame en 1908). Et maintenant, un siècle plus tard, c'est tout ce dont on se souvient de lui. Je ne serai donc pas surpris si dans soixante ans une personne se tourne vers une autre et dit, Hein ? Tu veux dire que ce type qui a écrit le livre du poisson rouge a fait d'autres trucs ?
Cela vous manque d'écrire des comics ?
J'adore les comics. Je suis énormément fier de ce que j'ai fait dans les comics. Mais je me suis révélé être plutôt bon à écrire des comics. Vers la fin, je me sentais comme si j'avais acquis pleinement mon art. Et j'avais la sensation d'avoir fait du bon boulot. En matière de romans, je ne fut pas complètement satisfait avec Neverwhere. De bons présages fut un sacré divertissement mais ce n'était qu'une folie. Cela consistait pour Terry Pratchett et moi à se faire plaisir, et cela a été le cas. Miroirs et Fumée, j'ai beaucoup plus apprécié, je suppose, parce que c'était une fiction courte, et je sens qu'il y a comme une paire de bonnes histoires courtes dedans. Il y a là, sans aucun doute, peu de choses que je pouvais encore attendre d'une certaine façon et je me suis dit, parfait, je pense que c'est pas mal du tout. Maintenant avec Stardust, c'est comme si j'allais quelque part. Je commence un peu à attraper le coup. Nous allons voir ce qui se passe avec le prochain roman, dont je redoute qu'il se situera dans un endroit qui n'est pas près d'être aussi charmant. Je suis étrangement chanceux. J'ai connu tout au long de ma carrière d'écrivain une telle diversité littéraire que je semble avoir obtenu ce très large évantail de lecteurs qui ne savent pas à quoi s'attendre de ma part, qui ne savent même pas s'ils vont aimer tout ce que je fais, mais qui savent que les choses que je fais sont suffisamment différentes les unes des autres que s'ils n'aiment pas une histoire que j'aurais faite, ils reviendront à moi parce qu'ils savent qu'ils aimeront certainement la prochaine. On semble bien disposé à m'oublier - pour me laisser écrire tranquillement, m'éclipser et créer. Je suis persuadé que c'est le meilleure chose à faire ! Je ne suis pas sûr si quelqu'un veux faire différemment que cela soit plus sympa que juste s'éclipser et créer.

Traduction par Macros


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