Vous êtes ici : Page d'accueil > L'Actualité fantasy

Transposer Neverwhere en bande dessinée

Par Luigi Brosse, le mardi 27 juillet 2004 à 19:10:17

Comme « admis » précédemment par Neil Gaiman sur son webblog, et officiellement annoncé par Vertigo aujourd'hui, (NdT : le 24 août, dans le cadre de la convention Comic Con à San Diego) neuf numéros de l'adaptation de son roman Neverwhere vont être publiés. Mike Carey se chargera de l'adapatation tandis que Glenn Fabry sera au développement artistique. La mini-série doit commencer en novembre. Newsarama a eu la chance de discuter avec Gaiman et Carey sur le fait de donner vie à un livre grâce à la bande dessinée. Nous vous proposons la traduction de cette interview.

L'interview traduite

Comme Gaiman l'a rappelé, l'adaptation de l'histoire en une mini-série sur bande dessinée a été envisagée il y a six ou sept ans quand le roman est sorti. L'éditrice exécutive de Vertigo, Karen Berger et Gaiman ont eu des discussions préliminaires là-dessus, mais les projets n'ont jamais porté leurs fruits. Quand cela a été mentionné à ce moment, aucun d'entre nous ne pouvait vraiment se rappeler pourquoi on ne l'avait pas fait la dernière fois, se souvient Gaiman. Donc on l'a plutôt fait cette fois-ci.

Dès le début, un autre auteur faisait partie de la discussion. Si je devais l'adapter moi-même, cela n'arriverait jamais, déclare Gaiman. Je n'ai simplement pas le temps. Mike Carey était mon premier choix pour l'auteur, et j'étais enchanté qu'il veuille le faire - et, de ce que j'ai vu des scripts, qu'il veuille le faire à sa façon, plutôt que d'essayer de faire comme moi, si vous voyez ce que je veux dire.

Pour Carey, sa relation avec le contenu de base est lié à l'original - non, pas le roman, Neverwhere a tout d'abord été porté à l'écran grâce à une mini-série sur la BBC. Je l'avais attendue avec beaucoup d'enthousiasme : ceci étant la première incursion de Neil - du moins, la seule que j'aie rencontrée - en film ou à la TV, et avec une série fantasy qualifiée live, je ne pouvais en aucun cas ne pas en faire partie, déclare Carey. Et comme plusieurs fans de Sandman, ma réaction était un mélange poignant de plaisir et de chagrin. Du plaisir parce que c'est une histoire incroyable avec quelques personnages inoubliables et des dialogues formidables ; et du chagrin parce que la BBC semblait avoir pris toutes les mauvaises décisions concernant la façon de filmer, les plateaux, l'éclairage, les effets spéciaux, le rythme et pour ce que j'en sais, la restauration sur le plateau. La distribution, pour être juste, était le plus souvent excellente - mais à bien d'autres égards la BBC semblait avoir mal saisi le concept et dans une certaine mesure avoir trahi la portée et la poésie de l'histoire avec des interprétations banales et consternantes. L'exemple marquant est la grande Bête de Londres, qui était un animal inoffensif filmé avec un ralenti saccadé, mais ce n'était que la partie visible de l'iceberg - il y avait bien plus.

Puis j'ai lu le livre, qui est inévitablement meilleur parce qu'il n'a pas été filtré par sept producteurs maussades et un budget de dix-neuf dollars pour les effets spéciaux. C'était super de revisiter les personnages et de les voir communiquer comme ils étaient supposés le faire à l'écran. Dans le théâtre de l'esprit, on répond simplement de manière directe aux mots et la portée épique n'est jamais un problème. Cela faisait même encore plus ressortir l'imperfection de la série, et quel grand film cela aurait été si, disons, Jeunet et Caro avaient été autorisés à le faire.

Le fait que Neverwhere ait débuté avec une série TV a aidé Gaiman à trouver le détachement nécessaire pour lâcher prise et laisser son roman être adapté à nouveau dans une autre forme. Cela a commencé avec une série TV, finalement, puis c'est devenu un roman britannique, puis je l'ai ré-écrit pour l'édition américaine, déclare Gaiman. J'ai écrit quelques scripts de film pour ça, qui étaient tous plutôt différents. Ensuite j'ai arrêté d'écrire des scripts, parce que j'étais en train de ré-écrire la même histoire pendant plus d'une décennie, et j'étais heureux d'avoir terminé.

Comme pour l'histoire elle-même, tout commence quand le Londonien Richard Mayhew aide une fille blessée, et se retrouve de moins en moins dans la ville de Londres telle qu'il la connaissait, et plus dans une partie cachée de Londres - la cité à l'intérieur des ombres de la cité, pleine de magie, d'anciens pouvoirs, et de personnages hauts en couleur.

Ce sont ces personnages qui sont à la base de l'affection de Carey pour l'histoire. Les personnages sont excellents - particulièrement les trois rôles principaux, déclare Carey. Richard Mayhew est comme une sorte de fou bienheureux, absolument pas à la hauteur mais triomphant grâce à sa décence basique et parce qu'à la fin il est incapable d'être faible ou poltron ou malhonnête. Il est le chevalier qui obtient le Graal, en n'étant pas le meilleur combattant mais en ayant le coeur le plus pur, et la quête qu'il accomplit depuis la docilité navrée à l'héroïsme accordé à contre-coeur est géniale à voir. Et Porte est la distraction parfaite pour lui - la demoiselle en détresse qui est bien plus compétente et pleine de ressources, bien plus résistante que l'homme qui la sauve. Ensuite il y a le cynique Marquis de Carabas pour tout compléter et donner un aspect acide et cynique aux choses. Il y a une alchimie merveilleuse entre ces trois-là.

En terme de processus de travail, alors que Gaiman est responsable du contenu de base, son interaction avec Carey est plutôt limitée. Ils m'ont envoyé les scripts de Mike par politesse, et je les ai lus, déclare Gaiman. Je n'ai certainement rien eu de sensé à dire jusqu'ici. Mike est un excellent auteur et j'ai le sentiment que mon bébé est entre de bonnes mains.

Le calme de Gaiman à l'égard du traitement du livre par Carey n'est pas tout à fait le même avec l'autre auteur, étant donné que Neverwhere est la première adaptation qu'il ait jamais faite - et qui n'allait pas être comme n'importe quel autre livre Vertigo qu'il ait pu écrire. J'ai travaillé très étroitement avec l'éditeur Jon Vankin, et nous avons commencé - comme vous l'imagineriez - avec de la structure, déclare Carey. ^^Nous avons décomposé l'histoire en parties importantes et avons discuté longuement pendant quelques semaines où nous pensions que les répartitions naturelles arriveraient. Nous avons terminé avec une structure en trois actes, en répartissant très naturellement au point où Richard entre dans Londres d'En Bas - fin de l'Acte Un ; et l'épreuve dans l'abbaye de Black Friars - fin de l'Acte Deux. Nous aurions pu transcrire cela avec une mini-série en huit parties de manière très directe, mais nous l'avons fait en neuf parties afin de donner tout son poids à la quête finale et aux révélations.

Donc c'était la première étape. Ensuite nous avions besoin de penser à ce qu'il fallait inclure et exclure. Cette partie était difficile. Il y a tellement plus d'espace pour la mise en place d'une scène dans un roman - et dans Neverwhere on nous donne une quantité énorme d'informations concernant la vie de Richard avant que l'étrangeté ne débarque. Et bien sûr ce sont des choses importantes parce que cela donne le fondement contre lequel tout le reste est dosé. Mais on ne peut pas faire ça dans une bande dessinée - ou du moins, on ne peut pas le faire de la même manière. Nous devions nous assurer que nous donnions une très forte impression - pas du tout majestueuse - de la vie de Richard, des relations et des contextes, pour compenser le fait que nous devions faire passer l'histoire dans le premier numéro, au lieu de terminer partiellement le deuxième. Donc il y a de la compression - de la compression plutôt précise - mais cela ne nous était pas imposé par une quelconque pénurie d'espace. Cela provenait simplement de notre perception du déroulement de l'histoire.

A partir de là nous nous approchions d'un projet d'épisode, donc nous nous sommes arrêtés et l'avons officialisé, et nous l'avons envoyé à Neil pour ses commentaires. Il a aimé certains des changements que nous avons faits, était dubitatif pour d'autres, et avait des idées et des suggestions concernant certaines choses. Nous avons examiné ses commentaires, changé et amélioré ss modifications, incorporé, et produit le principal, dont nous étions tous heureux. C'était approuvé par Neil et Karen et nous étions prêts.

C'était probablement une période de gestation plus longue - ou une période de planning - que pour la plupart des autres livres que j'ai écrits, mais ce temps n'a jamais été gâché et en fait cela nous a permis d'anticiper des problèmes qui auraient été découverts plus tard. C'était la bonne façon de faire, je pense.

Selon Carey, il n'y a aucune règle établie par rapport à ce qui doit rester ou ce qui doit être supprimé en adaptant le roman vers un format de BD avec, de l'aveu général, moins d'espace pour les mots.

On doit juste considérer chaque cas sur ses mérites, déclare Carey. Vous voyez, je pourrais dire quelque chose comme "si une scène ne fait pas avancer l'intrigue ou ne révèle par un personnage, abandonnez-la," mais ça serait ridicule. Neil a créé un monde, et une grande partie du plaisir du livre repose dans l'exploration des grandes lignes de ce monde et des endroits où il se rapproche du notre. Nous avons opéré en essayant de faire les mêmes choses que le livre, mais avec les conventions d'un autre média. Et dans la plupart des cas ce n'est pas un processus de sélection ; c'est un processus de transformation : on a un livre profond, avec beaucoup de choses qui sont assez subtiles et minimisées, derrière la forte action du premier plan. Peu de choses ont été perdues ou gâchées.

Par exemple, le dialogue. Comme Carey a expliqué, les gens qui ont lu le livre vont entendre beaucoup de dialogues originaux de Gaiman, mais il y en a plein qui ont également été ajoutés par Carey. A nouveau, c'est en partie une question d'espace disponible avec les deux différents médias, déclare Carey. Les romans peuvent être plus prolixes, ils peuvent avoir des conversations plus longues, parce que dans un roman il n'y a jamais un compromis entre la conversation et l'action : l'esprit du lecteur va combler le fait que les personnages marchent, ou mangent, ou quoique ce soit, et on n'est pas nécessairement conscient d'une accalmie dans l'action ou d'un ralentissement dans le rythme. Un conflit est un conflit, et comme dans un roman tout le conflit prend finalement place au niveau des mots, le dialogue est un aussi bon média que l'action pour le représenter.

Dans une BD, cependant, les images accompagnent toujours les mots, et ainsi on a en quelque sorte une portée plus limitée pour tout arrêter afin que les personnages puissent longuement discuter. Les conversations sont donc plus condensées et concises, et l'équilibre entre le fait de montrer et le fait de raconter doit être différent. Donc ce que nous avons est un mélange des mots de Neil et des miens, avec les proportions exactes variant selon ce qui se produit 'sur le plateau' de chaque scène.

Et jusqu'ici, comme il l'a fait comprendre plus tôt, Gaiman est plutôt content de l'adaptation. Je me sentirais plus bizarre si c'était Les Nouvelles Aventures de Richard Mayhew ! mais ce n'est pas le cas. C'est Mister Carey et Mister Fabry adaptant le roman dans une nouvelle forme. Avec un budget illimité pour les effets spéciaux.

La réponse tacite de Carey : ouf ! C'est comme être appelé pour ajouter une nouvelle aile à un château : on est toujours en train de s'inquiéter concernant l'aspect futur de nos efforts quand ils font partie de ce tout. Mais tant de travail dans les bandes dessinées, c'est comme ça, et tant d'initiative, cela a toujours été exactement de cette manière, dans un esprit de collaboration et de façon cumulative. Nous sommes tous sur des souliers de géants, tout au long de nos vies créatives. On s'y habitue, sans - j'espère - jamais devenir blasé ou désinvolte par rapport à ça.

Après avoir vu d'autres séries adaptées en BD, Gaiman n'est pas pressé. De nombreux éditeurs étaient intéressés par l'adaptation d'American Gods, oui, mais je ne suis pas pressé de le faire, déclare l'auteur. Pour l'instant, personne n'a posé la question pour Anansi Boys, mais je ferais simplement une sorte de petit toussotement s'ils le faisaient, du genre qui signifie qu'ils devraient partir jusqu'à ce que ce soit terminé, et ne pas essayer de compliquer ma vie.

Cependant, si quelqu'un peut le convaincre de laisser ses livres refaire le grand saut, quelqu'un attend déjà de les adapter. Cela a été un projet très satisfaisant sur lequel travailler et cela m'a fait me battre avec des problèmes de structure et de présentation d'une manière qui, je pense, m'a fait évoluer en tant qu'auteur, déclare Carey. Maintenant, si je pouvais simplement persuader Neil de faire une adaptation en BD de Coraline.

Interview originelle
Traduction par Guybrush


Dernières critiques

Derniers articles

Plus

Dernières interviews

Plus

Soutenez l'association

Le héros de la semaine

Retrouvez-nous aussi sur :