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Comment voyager dans les terres oubliées
Titre VO: The Cautious Traveller's Guide to the Wastelands: A Novel
Catégorie : Aucune
Auteur/Autrice : Brooks, Sarah
Traduction : Esquié, Héloïse
XIXe siècle.
Quels secrets renferment les Terres oubliées, ces vastes étendues entre la Russie et la Chine totalement coupées du monde ? La seule activité que l’on y connaisse est le passage du Transsibérien. Si la traversée est réputée dangereuse, les voyageurs ne manquent pas, tous attirés par les mystères et les légendes de ce territoire isolé. Malgré d’inquiétantes rumeurs à propos d’un accident survenu lors du dernier trajet, la compagnie l’assure, tout est désormais sécurisé. Et le prochain départ est là pour en attester. À bord, les passagers s’installent, font connaissance. Mais si tout semble s’annoncer pour le mieux, certains ont des raisons toutes particulières d’être là. Marya, par exemple, qui a l’impression qu’on lui cache la vérité sur la mort de son père, survenue peu après la dernière traversée. Ou bien Weiwei, l’enfant née dans le train, qui en connaît chaque recoin et secret par cœur. Ou encore Henry Grey, le scientifique prêt à tout pour obtenir son heure de gloire et la reconnaissance de ses pairs. Sans oublier la mystérieuse capitaine du train, dont la discrétion confine à l’invisibilité.
Alors que le train commence sa course folle, des évènements d’abord imprévisibles, puis très vite incontrôlables, se produisent.
Critique
Par Gillossen, le 01/07/2025
Dans un monde inspiré de notre Europe du début du XXe siècle, un train traverse les “Terres oubliées”, une zone sauvage, instable, où les lois de la nature semblent n’avoir plus tout à fait cours. Ce train, unique lien entre deux empires, roule sans jamais s’arrêter, ou presque. À son bord, quelques voyageurs triés sur le volet. Et au-dehors, un territoire que l’on ne regarde jamais sans appréhension.
L’univers imaginé par Sarah Brooks est à la fois limpide et opaque : limpide dans sa mécanique, un huis clos ferroviaire sur fond d’expédition quasi-scientifique, mais opaque dans ses contours. Que sont vraiment ces Terres oubliées ? Une anomalie géographique ? Un rêve fiévreux ? Un avertissement déguisé ? Le roman laisse le mystère planer, ce qui le rend d’autant plus entêtant. Brooks impressionne par la justesse de sa prose. Chaque mot semble choisi pour évoquer une image souvent aussi originale que pertinente, sans jamais s’appuyer sur des effets de manche vus et revus, ce qui donne une vraie couleur au texte.
Le récit alterne tension latente, lente introspection et surtout une étrangeté assumée. On lit autant pour comprendre ce qui se passe que pour ressentir, du grincement des rails aux reflets du désert sur les vitres, sans oublier l’angoisse des passagers. Brooks a ce talent rare de donner vie à un tableau que l’on voit se dessiner sous nos yeux.
Difficile pour ma part de ne pas penser à Jeff VanderMeer, notamment pour cette nature insaisissable et cette manière de “détraquer” la rationalité des choses. Mais Comment voyager dans les terres oubliées se distingue aussi par une voix propre : moins baroque, portée par une certaine élégance dans le traitement du mystère.
Le roman propose également une véritable réflexion sur notre besoin de contrôler le monde. Le train devient la métaphore, facile pour le coup, d’un progrès lancé à toute allure, sourd aux signaux du vivant. Les terres oubliées, elles, rappellent qu’un territoire peut nous résister et la beauté parfois violente qui découle de ce refus. L’autrice évite les réponses faciles, préférant là encore la suggestion à l’explication.
Ici, pas de héros flamboyants. Les passagers du train sont tous marqués par des fêlures : Marya, la “linguiste” en deuil en quête de vérité ; Weiwei, jeune fille née dans le train, presque une légende à elle seule ; Grey, scientifique désabusé. Tous sont à la fois spectateurs et acteurs d’un voyage qui les dépasse. Leurs trajectoires s’entrelacent sans jamais tomber dans le cliché. On apprend à les connaître peu à peu comme dans une vraie traversée au long cours.
Avec Comment voyager dans les terres oubliées, Sarah Brooks signe un roman à la croisée des genres (fiction historique, uchronie, policier, steampunk, new weird, horreur, même, n’en jetez plus !) qui le rend aussi inclassable que réussi. L’univers intrigant, l’écriture immersive et la finesse des thèmes abordés en font une œuvre à part, qu’on aurait tort de classer trop vite.
Je regrette de fait de ne pas m’être penché dessus dès sa sortie en grand format (ne sachant pas trop si l’on pouvait l’imaginer chroniquer en ces lieux), mais cette version poche parue en mai 2025 permet de (re)découvrir un texte qui laisse une empreinte durable. Une lecture étrange, lente, mais profondément évocatrice, de celles qui continuent à s’étirer en nous longtemps après la dernière page.
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