À lire à ton réveil

ISBN : 978-238163179-0
Catégorie : Aucune
Auteur/Autrice : Robert Jackson Bennett (Proposer une Biographie)
Traduction : Charrier, Michelle

Peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
James fuit Londres et ses créanciers en quête d’un refuge paisible, plaçant ses espoirs dans un hameau perdu au cœur d’une Lorraine marquée par les horreurs passées. Au fil de son ermitage, des semaines, des mois, il écrit à Laurence, son amant à la santé fragile resté en Angleterre… Non loin de son logis, une découverte ravive la passion pour l’histoire de cet oxfordien contrarié : en pleine forêt, les ruines d’une abbaye dont la fondation semble remonter aux origines du christianisme. Suivant la piste d’une légende locale, alors qu’il se familiarise avec les gens des environs, James explore les reliques du site et déniche un passage menant à ce qui pourrait être une crypte. Mais est-il bien en présence d’une ancienne abbaye ? De plus en plus exigeantes au cœur d’un hiver lorrain implacable, ses recherches confinent bientôt à l’obsessionnel, et les fables dont les natifs du coin le bercent, conjuguées à un compagnonnage pour le moins étrange, ne tardent pas à produire chez lui des effets effrayants…

Critique

Par Gillossen, le 20/05/2025

Avec À lire à ton réveil, le prolifique Robert Jackson Bennett nous livre une novella envoûtante, remontant à 2012, à mi-chemin entre récit gothique et fantasy aux visions débridées, dans une France d’après-guerre rongée par les ombres du passé, pas seulement récent.
L’histoire adopte la forme d’une succession de lettres : James, un archéologue britannique (diplôme ou pas, c’est un détail !), écrit à son compagnon resté à Londres. Isolé dans une abbaye en ruine au cœur d’une forêt française, il entreprend des travaux de restauration tout en étant confronté à des phénomènes étranges. Le caractère unilatéral de cette correspondance (nous n’avons jamais les réponses de son amant) renforce à la fois l’intimité et l’ambiguïté du récit : plus James écrit, plus la frontière entre réel et surnaturel se trouble.
Un temps, on se dit tout de même que tout cela s’avère bien convenu comme point de départ : les lieux sont évidemment mystérieux et James semble ne pas se rendre vraiment compte de ce qui se passe autour de lui un peu trop longtemps pour paraître toujours crédible. 
La forêt et la campagne environnante, omniprésente, n’incarnent pas seulement un décor : le bois devient personnage, mémoire, voire catalyseur de forces anciennes. En cela, Bennett entretient une filiation littéraire proche du regretté Robert Holdstock, même si son approche est plus condensée et resserrée, avec pour cadre un récit de 100 pages à peine. Le lieu agit comme une “chambre d’écho” aux obsessions et aux blessures du protagoniste, et l’abbaye semble elle-même gardienne de récits oubliés à travers la figure du marquis. On retrouve cette même impression d’une Histoire pesante et fascinante à la fois.
Mais là où la novella finit par nous emporter, au-delà de certaines visions invoquées qui font presque office de passage obligé - tout en étant réussies -, c’est dans l’émotion. Les souvenirs communs, la solitude de celui qui écrit, le temps (et sa… plastique ?), évidemment, tout cela participe d’une montée en puissance qui ne s’arrêtera plus une fois franchi un certain cap. Bennett excelle à insinuer plutôt qu’à asséner, et fait naître l’émotion dans les creux, dans les silences entre les lignes.
Dans cette novella, l’auteur confirme son aisance à évoluer dans un format court tout autant que dans le long. À lire à ton réveil séduit davantage par la justesse de sa voix et sa maîtrise de l’ambiance que par son originalité, c’est certain. Mais, telle la correspondance qu’elle met en scène, elle semble faite pour être lue dans un murmure, au petit matin, quand les rêves n’ont pas encore tout à fait disparu.

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