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Interview de Brandon Sanderson, l’auteur d’Elantris

Par Foradan, le vendredi 27 janvier 2006 à 21:49:40

Paru récemment en anglais, critiqué sur Elbakin.net, bientôt traduit en français, Elantris fait parler de lui : écoutons donc son géniteur (ou plutôt lisons-le en l'occurrence), le nouveau venu de la fantasy américaine, Brandon Sanderson.

Entretien avec Brandon Sanderson

Eric James Stone : Qu'est-ce que ça fait de voir Elantris sur les rayons des librairies ?

Brandon Sanderson : Ca fait plaisir. Mais c'est bizarre. Durant les années où j'ai essayé de placer ce livre -ou un autre- chez un éditeur, j'ai imaginé tous les sentiments variés que je pourrais avoir quand je verrais enfin un de mes livres en rayons. J'imaginais sauter et tressauter de joie, peut-être même lâcher une larme d'émotion. Et rien de cela ne s'est passé.

Pour moi, ce moment est arrivé il y a deux ans, quand Tor m'a appelé et m'a dit qu'ils voulaient acheter Elantris. Depuis lors, le processus de publication a suivi son chemin. Maintenant qu'il est totalement achevé, j'ai une sensation de soulagement, de joie, mais surtout de la satisfaction. Je l'ai enfin fait.

Maintenant, il est temps de travailler sur le prochain.

Eric : Quand avez-vous décidé de devenir écrivain et pourquoi ?

Brandon : C'est une longue démarche. Je suppose que la plupart des écrivains diraient : « Oh, j'écris depuis que je suis petit enfant. J'ai écrit mon premier roman quand j'avais six ans » ou quelque chose de ce genre. Pour moi, cela a été une lutte de décider que je voulais vraiment vivre de ça.

J'ai d'abord écrit en tant qu'amateur quand j'avais quinze ans- environ un an après ma découverte de la fantasy. J'ai vraiment fait mon premier essai de roman (avec des elfes, des nains et tout le reste) et j'ai découvert de première main le pouvoir consummant que l'écriture peut avoir sur votre vie. J'ai écrit un peu tout au long du lycée. Cependant, je n'étais pas convaincu de pouvoir écrire comme professionnel. Ma mère m'a persuadé qu'un cursus universitaire en création d'écriture serait inutile, alors j'ai fait biochimie à la place. J'écrivais quelques nouvelles pendant ma première année (NdT: freshman year), je ne m'appelais pas vraiment écrivain.

Le vrai tournant arriva quand je parti en mission pour l'église LDS. En servant pendant deux ans en Corée, je n'ai pas eu beaucoup de temps libre, et l'écriture me manquait cruellement. La chimie ne m'a jamais manqué un seul instant. (en fait, j'étais plutôt satisfait qu'un océan me sépare de tous les évènements des classes de biochimie de BYU.) (NdT :Brigham Young University, université de religion mormone de l'Utah)

Ainsi, quand j'eus fini ma mission, j'ai rebondi vers l'anglais. Mais même alors je retenais une certaine hésitation à écrire. Bien que j'eus commencé et fini mon premier livre sérieux pendant ma deuxième année (NdT: sophomore year), je ne voyais toujours pas cela comme une profession valide. Je prévoyais de devenir professeur d'anglais, et je l'ai fait pendant deux ans.

Alors, je devine que la vraie prise de décision est venue à moitié pendant ma première année d'ancien (première, parce que des changements importants et la prise en charge d'une petite classe m'ont fait aller à l'école un peu plus longtemps que la normale.) Pendant ce temps, j'ai fini plusieurs romans. J'ai décidé que je serai écrivain contre vents et marées, quoiqu'il advienne. J'ai commencéà me charger des classes d'écriture et j'ai dû expliquer à mes parents (loin d'être enthousiastes) que ne serait probablement jamais professeur.

J'ai écrit Elantris cette année-là je crois.

Eric : Qels sont les auteurs qui ont influencé votre écriture ?

Brandon : Wahou, de combien de place disposez-vous ? Ce champs est si varié et intéressant qu'il serait difficile de nommer tous les auteurs qui m'ont influencé -pour ne rien dire de tous les écrivains hors fiction qui m'ont donné de l'aide et des idées.

Le premier livre de fantasy que j'ai vraiment découvert fût Dragonsbane de Barbara Hambly, et c'est toujours l'un de mes préfèrés. Anne McCaffrey et Melanie Rawn furent aussi deux favoris précoces que j'aime toujours. Pendant un temps, mon préfèré fut David Eddings, mais ça a changé au profit de Tad Williams quand j'ai un peu vieilli.

Pour la science-fiction, je collais aux « grands » : Asimov, Card, Herbert. Ce n'est pas tant que la SF fut mon premier amour, mais je voulais connaître les auteurs majeurs.Orson Scott Card est toujours mon auteur SF favori. Quoiqu'il en soit, il est dur de faire sortir des favoris, surtout en fantasy. Je peux penser qu'un travil est brillant -comme Le trône de Fer de George R.R. Martin- sans vraiment aimer la narration. (un chouia brutale pour moi) Terry Goodkind a ses bons moments et je pense que Robin Hobb est excellente (NdT :Moi aussi). Je reviens en arrière et continue de lire l'Oeil du monde de Robert Jordan, parce que je pense que ce livre simple est l'un des meilleurs ouvrages de fantasy jamais écrit.

Plus tard, j'ai lu L.E. Modesitt, Jr., David Farland, et Lemony Snicket. Le fait est, qu'en tant qu'auteur, chaque roman que l'on lit vous influence un peu. Je ne suis pas de ceux qui pensent que la grande majorité de ce qui est édité est de la foutaise. En fait, je pense exactement le contraire. Je sens que les rédacteurs travaillent très dur pour publier des livres bien écrits et intéressants, et en général je trouve quelque chose que j'aime dans chaque livre que je lis.

Eric : Quel impact a votre foi en LDS (NdT : l'église des Saints des Derniers Jours est pratiquée par les mormons) sur votre écriture ?

Brandon : Ma religion est une grande partie de ce que je suis, et il serait imossible de distinguer toutes les façons dont elle m'affecte.

Je suis fasciné par la religion, et c'est un thème majeur dans Elantris Ceux qui ont lu le livre savent que l'antagoniste primaire est un religieux. Sa force comme personnage vient de ce qu'il n'est pas un simple « clerc maléfique » falot. Sa religion est réelle pour lui, et sa foi est sincère.

Parce que je suis une personne religieuse, je crois fortement au traitement des croyances des gens -qu'ils soient athées, monnothéiste ou autre chose- avec respect. Cela se traduit dans mes personnages; je pense qu'il faut aussi les traiter avec respect. S'ils ont des croyances, je pense qu'il doivent être traitée de façon réalistes, et honnêtement dans la narration. Rien ne m'ennuie plus qu'une narration condescendante qui prétend être juste en ne montrant qu'un seul côté, ou avec des personnages dotés de faibles structures de croyance qui n'existe simplement que pour montrer à quel point elle sont fausses (The Da Vinci Code).

Mes croyances religieuses me font croire en la providence -ce qui signifie que je pense que faire ce qui est bien amènera sa propre récompense, même si cela n'apparaît immédiatement dans les circonstances de la vie. Je suis aussi plus conscient de comment je dépeint le le bien et le mal (et le gris). Et, bien sûr, je suis très reconnaissant pour l'opportunité que j'ai de faire quelque chose que j'aime pour vivre. Je me considère béni en la matière.

Eric : Pourquoi avoir choisi d'écrire des romans de fantasy plutôt qu'un autre genre ?

Brandon : Quand j'étais jeune, on m'a donné toutes sortes de romans que les gens pensaient que je « devais » lire. Des livres sur des garçons et leurs chiens ou ce genre de trucs. J'en ai détesté la plupart; je les trouvait barbants. C'est à cause de ça que je n'étais pas un grand lecteur, ni très passionné par l'école.

A 14 ans, mon professeur d'anglais m'a donné un exemplaire de Dragonsbane et m'a dit qu'elle pensait que j'aimerai. Ca ne m'a pas pris très longtemps après pour dévorer tout le rayon fantasy de la bibliothèque de l'école. Je ne les avais jamais remarqués auparavant. (Oh, et je collectionnai les "A" depuis lors. Apparemment, ma passion de lecture_passion sur ma propre identité_ eut un effet direct et immédiat sur mes autres matières scolaires.)

La fantasy est la liberté. Elle me donne le contrôle absolu sur les histoires que je raconte. C'est un art exigeant_requérant la compréhension de nombreuses sciences et de disciplines pour bâtir les fondements d'un monde_ mais le pouvoir qui me permet de dire exactement l'histoire tel que je le veux en vaut la peine.

Eric : Où trouvez-vous vos idées ?

Brandon : J'ai un caillou domestique qui, quand je le nourris du sang de mes victimes, me chuchote des idées.

Eric : Quel conseil donnez-vous aux écrivains en devenir ?

Brandon : Ne vous approchez pas des cailloux domestiques (il reprend son souffle de rire).

D'accord, plus sérieusement, j'ai plein de conseils pour les jeunes plumes. Mais je doute qu'aucun soit nouveau pour eux. Si ça l'est, ils n'ont pas bien fait leurs recherche - je suggère une recherche Google pour des conseils d'écriture.

Le plus important conseil est de continuer à écrire. Ecrire beaucoup. Ne pas s'arrêter. Vous pouvez être fatigué d'entendre ce conseil. J'espère que vous l'êtes. Sinon, laissez-moi vous dire pourquoi les auteurs (nous) le donnent.

Quand j'ai senti l'appel pour Elantris, je travaillais sur mon treizième roman. Elantris en elle-même était mon sixième. Avant de l'écrire, j'ai écrit 5 romans qui n'étaient pas très bons. Même après Elantris, j'ai dû grandir encore un peu comme écrivain avant de pouvoir répliquer ce qui marchait si bien dans le livre.

Maintenant, peut-être que vous êtes un génie qui éditera son premier roman sitôt écrit. Mais vous ne devriez pas trop compter dessus. Même si vous publiez votre premier roman, il faudra des années avant que le processus l'amène sur les étégères.(J'ai écrit Elantris en 2000, envoyé à un éditeur, eut un premier rejet un an plus tard, envoyé à un autre éditeur, attendu un an et demi avant d'avoir un "oui", attendu neuf autres mois pour signer les contrats, puis attendu une autre année et demi avant sa parution.)

Vous devez finir votre premier livre. Vous devez l'écrire. Alors, vous devez l'envoyer. Et vous devez en finir un autre pendant que vous attendez des nouvelles du premier manuscrit. Vous voyez, il y a de bonnes chances que votre premier livre ne sera pas édité. Cependant, vous devez l'écrire. Comme un musicien, vous devez apprendre votre art - vous devez « faire vos gammes » pour ainsi dire. Maintenant, vous n'avez pas besoin d'écrire six livres avant de les envoyer. Ca a marché pour moi, et cela signifiait que pendant ce temps j'ai activement cherché à être édité, cela n'a pas été très long pour que je vende quelque chose (seulement cinq ans) parce que mes travaux étaient déjà fignolés et bien faits. Vous devez toujours écrire, toujours travailler, toujours croître.

A part ça, je vous dirait d'apprendre votre affaire. Apprenez les noms des éditeurs, et rencontrez-les de visu si possible. Apprenez à être professionnel (ne remettez jamais un manuscrit - demandez juste si vous pouvez lui en envoyez un mail quand vous serez rentré à la maison). Apprenez à faire vos recherches (trouvez quels éditeurs publient quels types de romans.) Apprenez à vous présenter par écrit, ainsi que les conventions de votre art.

Si vous faites ça, en définitive, vous y arriverez.

Bonne chance à vous !

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