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Nouvel entretien avec Brandon Sanderson

Par Julie, le lundi 4 octobre 2010 à 16:14:56

StormlightLa nouvelle star de la fantasy épique est une fois encore sous le feu des projecteurs cet automne, avec la sortie prochaine de l'avant-dernier tome de la Roue du Temps sans oublier le premier volume de sa nouvelle saga !
De fait, nous ne pouvions faire l'impasse sur une nouvelle interview traduite pour vous, reprise de chez notre camarade Pat !
Merci encore une fois à lui et bonne lecture !

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Questions et réponses

THE WAY OF KINGS est sur le point de sortir, comment votre roman a-t-il été accueilli jusque là ? Êtes-vous content des critiques reçues ?
Pour l’instant, tout va bien. Comme avec n’importe quel livre, il y a des critiques qui me rendent simplement heureux et me mettent sur un petit nuage, et il y en a d’autres qui sont aussi de bonnes critiques mais qui me laissent penser « Oh, ils n’ont pas vraiment compris, » ou ce genre de choses. Questionner un auteur ou un artiste sur les critiques est intéressant, parce que nous voulons tous que tout le monde aime tout ce que nous avons créé, mais ce ne sera pas le cas. C’est difficile, même en tant qu’écrivain, de juger ce que disent les gens. Mais jusque là c’est vraiment bien. On verra.
Je ne crois pas que ce soit le meilleur livre que j’ai écrit, mais je crois aussi que certains de mes lecteurs ne vont pas autant l’apprécier. Avec chaque livre, je fais quelque chose de différent. La trilogie Fils-des-Brumes étaient assez différents d’Elantris. Warbreaker était assez différent des autres. Ce nouveau livre est encore une fois assez différent. Il a des lecteurs qui vont regretter que je n’aie pas fait d'histoires plus courtes, au rythme plus soutenu, plutôt que des histoires plus épiques et plus longues. J’écrirai plus de livres comme ça plus tard, mais ce livre est le livre que je voulais écrire. J’en suis content.
Les gens de chez Tor Books ont l'air de vous garder à l’œil depuis que vous avez accepté de terminer l'œuvre de Robert Jordan. Travailler sur La Roue du Temps et sur The Stormlight Archive (une saga de 10 volumes) veut certainement dire que vous jonglez avec un nombre de balles incalculable à la fois. Ajoutez à cela le fait que vous êtes un enseignant et un père de famille, avec tout ce que cela implique. Êtes-vous conscient que le fait d’avoir un emploi du temps si chargé pourrait à un moment se révéler être trop et faire obstacle au processus créatif ?
Oui. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de ralentir. L’année passée a été très difficile, et c’est quelque chose que je me suis infligé en décidant que je voulais vraiment écrire THE WAY OF KINGS maintenant. J’ai senti que c’était le bon moment pour être publié. Mais maintenant je ralentis, et dorénavant je n’ai plus l’intention de sortir deux romans d’Epic Fantasy par an. Tout cela est fini. Je vais maintenant me concentrer sur la fin de La Roue du Temps, et alors je n’aurai plus à jongler avec autant de choses. Quand vous décrivez ça de cette façon, ça a l’air bien plus impressionnant que ça ne l’est en réalité. Quand j’enseigne, ce n’est qu’à une classe, un soir par semaine, pendant un semestre, soit quatre mois dans l’année. Ce n’est pas comme si j’étais professeur. Et je n’ai pas à me déplacer pour aller travailler, ce qui veut dire que je peux travailler quatorze heures certains jours (douze heures plus souvent), et pourtant passer beaucoup de temps avec ma famille. Mais je n’ai plus à faire ça dorénavant. Ça a été une année vraiment difficile. J’étais vraiment sous pression. Je trouve que ça c’est très bien terminé pour ces deux livres, mais si j’avais continué à ce rythme, mon écriture aurait commencé à en pâtir. Dorénavant je travaillerai à un rythme plus raisonnable.
THE WAY OF KINGS est un livre que vous envisagiez d’écrire depuis vraiment longtemps. Le livre maintenant terminé est-il proche de votre vision originale ou a-t-il beaucoup changé entre temps, sous l’influence de votre autre travail, particulièrement sur La Roue du Temps ?
Je répondrais que oui, il a énormément changé. Je finirai par sortir la version précédente de The Way of Kings pour que les gens s’en rendent compte. C’est vraiment étrange ; Je peux presque le voir comme un monde parallèle, avec plein de variations qui partent dans tous les sens et créent des histoires différentes qui gravitent autour. D’une certaine manière c’est très similaire. Le personnage de Dalinar est pratiquement identique à celui qu’il a toujours été, alors que Kaladin et son histoire ont été extrêmement modifiés. Szeth est pour ainsi dire resté le même. Shallan n’existait pas dans la version précédente; Elle est nouvelle dans celle-ci. Certaines choses sont identiques, le monde, l’histoire, et pourtant certaines choses sont différentes. Les personnages sont plus complexes et ont plus de profondeur maintenant, et c’est probablement dû à l’influence de La Roue du Temps. Je sais mieux anticiper, et c’est encore une chose que je dois à La Roue du Temps.
Pensez-vous que le fait de travailler sur La Roue du Temps et sur The Stormlight Archive quasiment simultanément a été bénéfique pour l’écriture des deux séries, l’une influençant l’autre ?
Oui et non. Je n’apporte jamais de nouveau développement à plus d’un livre à la fois. Je peux par contre en corriger un pendant que je continue l’autre, ce qui m’aide à garder mon cerveau divisé, si vous voyez ce que je veux dire. C’est bon d’être influencé par le génie de Robert Jordan. C’est mauvais de laisser des thèmes et caractéristiques d’un livre se glisser dans un autre. Alors j’ai essayé de maintenir tout ça à part. Mais en même temps, la personne que je suis en tant qu’écrivain influence les thèmes et caractéristiques que j’utilise dans les livres. Je pense que les gens vont certainement remarquer des similarités dans ce que je fais, de la même façon qu’on peut remarquer des similarités entre mes autres livres. Heureusement, la différence est plus importante parce La Roue du Temps appartient plus à Robert Jordan qu’à moi. Je dirais qu’il y a une influence, mais pas de façon négative.
Vos romans pour adultes ont des éléments récurrents, comme le personnage de Hoid et des références aux Shards. Dans MISTBORN, ELANTRIS et WARBREAKER ces éléments sont minimes, un peu comme des programmes cachés, mais ils semblent être bien plus importants dans The Way of Kings. Peut-on s’attendre à ce que ces éléments soient plus développés dans les prochains livres de Stormlight ? Va-t-on enfin découvrir toute l'histoire de Hoid dans cette série ou comptez-vous nous faire encore attendre?
Je vous dirais surtout d’attendre et de lire pour le découvrir. Oui, il y aura une suite. Non, vous n’en saurez pas beaucoup plus. The Stormlight Archive ne portera pas sur l’histoire derrière l’histoire, mais un jour j’écrirai une série à ce sujet. Il y a en gros deux grandes épopées dans la plus longue suite de livres que je suis en train d’écrire, et The Stormlight Archive est l’une d’entre elles. Il y en a une autre, et ces deux grandes épopées seront en partie inspirées de Hoid. Ce ne sera pas autant le cas pour les autres livres. Mais je continuerai en disant que l’origine de l’histoire de Hoid n’est pas dévoilée dans Stormlight Archive. Cette série ne porte pas là-dessus.
Le cadre de vos romans est souvent différent. On dirait que la majorité de la Fantasy c'est la Terre avec de la magie, et peut-être quelques animaux cools pour aller avec. Mais c’est différent pour THE WAY OF KINGS : plus dur, plus sombre, on pourrait presque appeler ça un terrain vague. Comment et pourquoi avez-vous créé le monde de THE WAY OF KINGS de cette manière ? Le paysage des Shattered Plains est particulièrement inhabituel et évocateur. Cela s’inspire-t-il du paysage du Middle West américain?
Du sud-ouest, particulièrement. Mes visites dans des lieux tels que le Parc National des Arches dans l’Utah, qui se trouve assez près de l’endroit où je vis maintenant, m’a certainement influencé. Plus que ça, et je l’ai déjà dit dans de nombreuses interviews avant, je suis avant tout un lecteur de Fantasy. Avant d’être un écrivain j’étais un lecteur, et je le suis toujours. En tant que lecteur, j’ai été de plus en plus lassé des cadres traditionnels récurrents dans la Fantasy. Je ne veux pas dire de mal des écrivains qui l’ont très bien utilisé, certains l’ont extrêmement bien utilisé, et pourtant de nombreux autres écrivains ont juste eu l’air de considérer comme allant de soi que c’était ce qu’il fallait faire. Et je ne crois pas qu’il faille que ça se passe comme ça. Je crois que le genre pourrait aller dans de très nombreux lieux où il n’est jamais allé auparavant.
Quand j’ai envisagé l’écriture de The Stormlight Archive, quand j’ai commence à réfléchir à Roshar, j’ai dit très consciemment, « Je veux créer quelque chose qui me semble nouveau ». Je ne suis pas le seul à faire ça, et je ne suis certainement pas celui qui le fait le mieux, mais je voulais un monde qui ne ressemblerait pas à l’Europe médiévale. Pas du tout. Je voulais un monde à part entière. J’ai commencé avec les "highstorms" et je suis parti de là. Pour quelqu’un de notre monde, Roshar est aussi désertique qu’une étendue sauvage. Mais pour les gens qui y vivent, ce n’est pas une terre aride. C’est un monde luxuriant plein de vie. C’est juste que ce que nous associons à luxuriant et plein de vie ne correspond pas à la façon dont ce monde le définit. A Roshar, un mur de pierre peut être un endroit luxuriant, vivant, et fertile. Cela peut avoir l’air d’une terre à l’abandon pour nous, mais nous voyons à travers les yeux de quelqu’un habitué à la faune et à la flore de la planète terre. Il m’est également arrivé de dire dans des interviews que la science fiction est excellente pour nous apporter de nouvelles choses. Je ne vois pas pourquoi la Fantasy ne pourrait pas le faire aussi bien. Peut-être même mieux. Voilà ce qui m’a amené à faire ce que j’ai fait.
Dans Elantris et Mistborn on a l’impression que le monde est plus là pour soutenir l’histoire et les personnages, mais en dehors des endroits où les personnages se sont rendus, on en sait peut à leur sujet. THE WAY OF KINGS semble bien plus expansif, avec ce vaste continent plein de cultures différentes, d’ethnies, de religion, et ainsi de suite. Était-ce simplement un développement naturel que de vouloir un monde qui pourrait supporter dix longs romans, ou y a-t-il eu une autre raison d'avoir fait Roshar à ce point plus détaillé?
Je vais prendre votre question dans le sens inverse. Quand j’ai écrit Elantris et Mistborn, j’ai intentionnellement gardé le monde plus épars. Le but, particulièrement dans Mistborn, était : « je vais prendre une histoire d’Epic Fantasy et la condenser en trois romans ». L'important pour moi dans ces romans était l’intrigue. Bien sûr je voulais avoir de bons personnages et de la bonne magie, mais je voulais plus me concentrer sur l’intrigue, et je ne voulais pas que le monde m’en distraie. C’était une décision consciente dans Mistborn.
Quand je me suis assis et que j’ai écrit THE WAY OF KINGS, le plan initial de vouloir faire dix livres a influencé mon approche du monde. Mais vraiment, le monde de Roshar représente une si grande part du récit, et de l'histoire et des mystères de l'histoire de la série, que je voulais qu'il soit complet et immersif. L’immersion a été une des principales forces qui m’a guidé. Avec Mistborn, ma principale motivation était de maintenir le rythme. J’espère que THE WAY OF KINGS a toujours un rythme suffisamment soutenu, mais il fait mille pages, deux fois plus que Mistborn. Une grande partie du contenu supplémentaire a servi à étoffer ce monde et à lui donner l’air d'être vrai car c'est très important pour la série. Quand j’écris un livre, je regarde ce dont le livre a besoin et ce que requiert l’histoire que j’essaie de finir. Un autre élément valide est que quand j’ai écrit Mistborn, j’étais un écrivain débutant. Je suis plus expérimenté maintenant. Je crois que je suis meilleur pour prendre ce genre de décisions maintenant, et j’ai senti que dans ce livre je pouvais m’attaquer à des choses que je ne pouvais pas accomplir dans Mistborn.
Dans plusieurs forums de Fantasy, il y a eu des discussions sur les personnages « noirs et blancs », et vous êtes parfois cité comme faisant partie de ceux qui ont créé les personnages « noir et banc », bons/mauvais. Ce qui m’intéresse, néanmoins, c’est la façon dont vous pensez aux traits de vos personnages quand vous les développez. Y a-t-il des personnages pour lesquels vous vous dites, « bon, ce « mauvais » personnage a cette motivation « pour se comporter comme un idiot », ou y a-t-il quelque chose d’autre derrière les créations de ces personnages ?
Je dirais certainement que je fais du noir et blanc plus que quelqu’un comme George R. R. Martin le fait. J’espère que je ne fais pas directement du noir et blanc, mais…c’est une question à laquelle il m’est difficile de répondre parce que je ne suis pas sûr de considérer cela de cette façon. Je ne considère pas les personnages comme bons ou mauvais. Je considère simplement qui ils sont et quelles sont leurs motivations. Personnellement, je ne crois pas qu'en général j'écrive des personnages complètement mauvais, bien qu'en considérant tout ça de façon rationnelle de mon point de vue d’étudiant spécialisé en anglais, c’est vrai que j’ai tendance à écrire des personnages très nobles. La noblesse est quelque chose qui me fascine, et dont je pense qu’on devrait l’utiliser un peu plus dans notre monde. Donc je m’égare assez souvent dans le bien, mais je ne considère aucun de mes personnages comme étant entièrement mauvais. Hrathen n’était pas mauvais; le Lord Ruler n’était pas complètement mauvais. Je ne considère même pas Ruin comme étant particulièrement mauvais. Ruin était une force d’entropie, ce qui est complètement différent. Dans ce livre, je dirais que la présence du mal se situe à un niveau supérieur. Szeth est-il mauvais? Et bien, je ne sais pas. La personne qui manipule Szeth est-elle mauvaise ? Oui, selon la plupart des définitions je pense qu’il serait considéré comme mauvais, mais il ne se considère certainement pas comme tel. Je pourrais le montrer du doigt et dire « tu te trompes là", mais il ne serait pas d’accord avec moi. Je n’essaie pas de dire de façon moralisatrice ce qui est blanc et ce qui est noir. Je raconte simplement des histoires à propos de personnages dont je veux raconter l’histoire.
Dans votre série précédente, vous aviez un personnage ou une intrigue principal, avec seulement quelques personnages et intrigues secondaires. Mais ici dans The Way of Kings, vous élargissez cela à trois intrigues principales et des dizaines de personnages secondaires. Est-ce que cette division du livre autour de trois protagonistes principaux plutôt qu’un seul « meneur » était quelque chose que vous comptiez faire depuis le début, ou cette division de l’histoire s’est elle développée au fur et à mesure du temps et des ébauches ?
Vu le temps depuis lequel je suis sur ce livre, c’est difficile de dire ce qui était ou non dans les premières ébauches. Si on regarde The Way of Kings, la version de 2003, mise de côté puis réécrite pour créer ce livre-ci, j’avais effectivement de nombreux points de vue du fait des nombreux personnages. Ça a toujours été quelque chose que je voulais faire. En fait j’ai un peu réduit les ambitions pour celui-ci. Dans la version précédente j’avais six personnage principaux. Il y avait un autre personnage qui n’est pas encore apparu dans la nouvelle version, et Jasnah était un personnage principal avec autant de points de vue que les autres. Mais c’était trop perturbant, trop à gérer. Alors je me suis un peu restreint. Mais pour moi cette série ne porte pas sur une seule personne. C’est juste comme ça que je l’ai conçu depuis le début, et c’est ce que je veux en faire. Ça continuera.
Avec vos précédents livres vous vous êtes fait une réputation de « gars à l’univers magique ». Était-ce par conséquent un geste délibéré de réduire la magie dans The Way of Kings, du moins vis-à-vis de vos livres précédents ?
Oui, tout à fait. C’est une question très astucieuse. J’ai publié un post dont je ne suis pas satisfait, mais je vais certainement bientôt le corriger et le reposter, et c’est à ce sujet. Quand j’ai terminé la trilogie des Mistborn et Warbreaker, j’ai senti qu’il y avait quelques petites choses qui devenaient trop habituelles chez moi dont il fallait que je m'occupe. Ça ne me dérange pas d’être connu comme étant le « gars à l’univers magique ». Mais quand je ne suis plus connu pour ça, là ça m’inquiète. Ce n’est pas comme si je m’étais assis et que je m’étais dit, bon, je vais leur montrer, je ne vais pas faire un univers magique. Mais quand j’ai conçu cette série, j’ai trouvé que ce n’était pas approprié pour moi de concentrer tout l’univers magique dans le premier livre. Bien que ce soit ce que mon agent suggérait que je fasse. Il a dit, écoute, c’est pour ça que tu es connu, c’est pour ça que les gens te lisent ; Si tu ne le fais pas, ça va se voir comme le nez au milieu de la figure. Ma réponse a été que j’espérais que l’histoire et les personnages étaient ce qui porte un livre, et non pas une sorte de tactique, enfin, tactique n’est pas le bon mot.
Une chose à laquelle j’ai beaucoup pensé, et à propos de laquelle j’ai écrit, juste pour moi, c’est que Mistborn était de la Fantasy postmoderne. Si vous regardez la trilogie, dans chacun des livres j’ai intentionnellement pris un des éléments du voyage du héros et joué avec, l’ai complètement modifié, et ai vraiment essayé de le considérer de façon postmoderne, dans le sens où, en tant qu’écrivain, j’étais conscient des clichés du genre alors même que j’écrivais, et attendais que les lecteurs en soient conscients eux aussi, qu’ils soient capables de comprendre à quel point je m’amusais à faire cela. Et ça m’a inquiété : c’était amusant avec Mistborn, mais je ne voulais pas devenir le « Monsieur Fantasy Postmoderne », parce que forcément il faut s’appuyer sur les conventions du genre pour raconter son histoire, et même si on ne les exploite pas de la même façon, on les exploite quand même.
Pour cette raison je ne voulais pas faire de The Way of Kings de la Fantasy postmoderne. Ou en d’autres termes, je ne voulais le changer en Fantasy postmoderne. Et aussi je ne voulais pas le changer en un livre qui ne porterait que sur la magie, ou du moins pas autant que l’était Warbreaker. J’aime Warbreaker ; Je trouve qu’il est vraiment réussi. Mais je voulais utiliser la magie dans ce livre comme une accentuation. Personnellement, je trouve qu’il y a autant de magie que dans les autres, mais la magie se passe plus en arrière-plan, comme avec les spren dont j’ai parlé dans d’autres interviews, qui sont complètement dans la magie. Nous n’avons pas mentionné les Shardplate et les Shardblades, mais ils représentent une partie très importante et puissante de l'univers magique, et une part encore plus importante du monde. J’ai effectivement volontairement inclus des scènes de Szeth en train de faire ce qu’il fait avec les Lashings afin de montrer qu’il y avait cette magie dans le monde, mais ce n’était pas bon pour ce livre que ça en soit le centre d’intérêt. Je me demande vraiment ce que les gens vont en dire. Je me demande si ça va ennuyer les gens qui lisent le livre. Mais encore, c’est un livre à part entière, une série à part entière, et à la fin j’ai décidé que le livre serait tel que l’histoire l’a exigé, et non pas ce que n’importe quel livre de Brandon Sanderson devrait être. En tant qu’écrivain, c’est le genre de piège dans lequel je ne veux pas tomber.
La question de la foi, religieuse ou autre, est un thème récurrent dans vos œuvres. Comment la foi a-t-elle influencé votre vie et votre développement en tant qu'écrivain?
Encore une question astucieuse. Je suis une personne de foi. Ça a été intéressant pour moi, dans ma vie, d’être une personne de foi, et aussi une personne de raison. J’ai une formation scientifique. J’aime poser des questions. J’aime réfléchir aux questions. Je crois que chacun doit trouver son propre équilibre dans ce domaine. Certaines personnes décident de n’être que raison, et d’autres décident de n’être que foi. Mais je crois qu’il existe un équilibre, et j’essaie de trouver mon propre équilibre dans ma vie. Je pense que ce sont les aspects les plus engageants et intéressants de la vie. Cela mène à beaucoup de cogitation, beaucoup de réflexion, et à un grand développement personnel. C’est principalement moi en train de trouver où je vais laisser régner la foi et où je vais laisser régner la raison, et si je dois en laisser une prendre le pas sur l’autre.
La foi est vraiment importante dans ma vie. C’est très important pour ma vision du monde et ma philosophie. Je crois qu’à travers l’histoire du genre humain, pour la grande majorité des gens, la foi, ou la réaction contre la foi, a été très importante. Je suis fasciné des différentes façons dont les gens y font face. J’avais dans la série Mistborn un personnage important qui était agnostique, et je voulais à tout prix avoir un personnage athée dans Stormlight Archive. A chaque fois que j’approche quelque chose comme ça je fais tout ce que je peux pour donner à ce personnage les arguments qu’une personne ayant cette vision du monde donnerait au personnage si c’était elle qui écrivait le livre. Je ne veux pas écrire de livres qui n’existeraient que pour prouver que certains personnages ont tort. J’inclus de tels personnages parce qu’ils me fascinent. Et vous finissez, j'espère, avec toute une gamme de personnages dans mes livres qui ont des approches de la foi complètement différentes, parce que ça m’intéresse, et j’espère que ce sera intéressant pour les lecteurs.
Qu’est ce que les lecteurs peuvent attendre du second volume de The Stormlight Archive? Un titre ou une date de sortie provisoires ?
Au départ je comptais appeler le second livre HIGHPRINCE OF WAR. Je ne suis pas sûr de garder ce titre, cela dépend de qui finira par être le personnage principal. Avec Stormlight Archive, je joue avec la forme du roman d'Epic Fantasy d’une façon tout à fait passionnante à mes yeux, ce qui ne m’était pas arrivé depuis Elantris. Si vous lisez Elantris, la forme de ce livre était très importante dans son développement, avec son système de chapitre en triade. Les livres de cette série ont aussi une forme très particulière. Chaque livre portera sur un personnage. Ce personnage explorera son passé grâce à des flashbacks, pour vous montrer comment ils sont arrivés là où ils en sont. Mais le livre développera l’histoire de chacun.des personnages. Par exemple, ce livre était le livre de Kaladin, et vous avez eu des flashbacks de lui. Il sera très présent dans le prochain livre, et vous aurez beaucoup de ses points de vue, mais ce sera le livre de quelqu'un d'autre et ce personnage aura des flashbacks. Chaque livre aura un personnage central, avec deux ou trois personnages majeurs qui n’ont pas de flashbacks et pas autant de présence, des personnages comme Dalinar ou Shallan dans le premier livre, et en moindre mesure, Adolin et Szeth.
L’autre chose qui va continuer ce sont les interludes. J’ai vraiment adoré les inclure dans le livre. Je ne suis pas sûr de ce que les gens vont en penser, mais la plupart vont essentiellement être de courtes histoires se déroulant quelque part dans le monde, mettant en valeur le récit principal et montrant des aspects différents du monde sans que vous ayez à suivre une autre intrigue. Ce sont justes de petites histoires uniques. Vous les verrez entre chaque partie dans tous les autres livres.
Une date de sortie provisoire ? Je dois d’abord finir A Memory of Light. Je ne sais pas combien de temps il me faudra pour écrire. Dans un monde parfait, ce qui n’arrivera surement pas, le scénario idéal serait que je puisse finir A Memory of Light aux alentours d’août 2011, pour qu’il soit publié en novembre 2011, et que je commence Starlight 2 au mois de janvier suivant pour pouvoir le publier en novembre 2012. Ce serait la situation idéale. J’arrive souvent à être dans les temps en situation idéale, mais je ne promets rien pour cette fois. Je pense que le printemps 2012 est plus probable pour A Memory of Light, mais on verra.
Les auteurs de SFF tels que Robert Jordan, George R. R. Martin, et Steven Erikson ont tous eu des problèmes pour maintenir un bon rythme au cours de longues séries. En vous projetant dans le futur, et sachant que de nombreux écueils sont associés à l'écriture de longues sagas de Fantasy, comment avez-vous l'intention d'éviter cela au cours de votre progression avec The Stormlight Archive ?
C’est une très bonne question. Les personnes que vous citez sont de brillants écrivains qui ont une telle qualité et maitrise du genre que je ne suis pas sûr de pouvoir un jour m'en approcher. Je vais juste laisser ça de côté. Je pense vraiment, ayant lu leur œuvre et considérant ce qu’ils ont eu à faire, je veux dire, si vous considérez quelque chose comme La Roue du Temps ou Le trône de fer, ces auteurs ont du faire ça sans avoir beaucoup de conseils. Lorsque Robert Jordan a écrit La Roue du Temps, il n’existait aucune saga Fantasy aussi longue. Il n’y avait pas de trilogies. On avait la série de cinq livres de David Edding, mais ils étaient bien plus courts que ce que La Roue du Temps est devenue. Il n’existait tout simplement rien de semblable à ce que Robert Jordan faisait. George R. R. Martin était plus ou moins dans le même bateau. Ils ont dû se débrouiller sans exemple à suivre. Ce que j’ai pour moi c’est que j’ai pu les regarder faire, et comme vous l’avez dit, les voir se heurter à ces écueils (et réussir admirablement à passer à travers) et j’espère avoir appris en les regardant. Je crois que le plus important pour moi avec cette série c’est de pouvoir continuer à maitriser le point de vue. Ce à quoi Matin et Jordan se sont heurtés c’est que plus vous avez de points de vue, plus vous avez de problèmes, parce que quand vous arrivez au milieu de la série, vous avez tellement de personnages que soit vous avez un livre qui ne mentionne pas la moitié d’entre eux, comme dans le dernier George R. R. Martin, ou alors vous faites comme Robert Jordan l’a fait dans le livre 10 de La Roue du Temps, c'est-à-dire donner un petit peu de chaque point de vue sans en faire vraiment progresser aucun. Ce qui était aussi très problématique. Chacune de ces deux solutions étaient des choses magnifiques à essayer, et je suis heureux qu’ils l’aient fait, mais ce que ça me dit c’est « garde tes points de vue maitrisables ». Ainsi le problème sera moindre pour moi.
Une autre chose importante que j’essaie de faire c’est de m’assurer que chaque livre a un début, un milieu et une fin, de façon à ce que vous ayez une histoire complète quand vous les lisez. Quand je lisais La Roue du Temps en tant que simple fan, et n’obtenais qu’une mince partie de l’histoire, c’était très frustrant. Quand j’ai relu La Roue du Temps en connaissant et en ayant lu la fin, ça a été une expérience complètement différente. Je n’ai pas ressenti tant que ça la lenteur et la frustration, parce que je connaissais la fin, et j’étais conscient de la longueur de la série. Donc si j’arrive à avoir une histoire complète dans chaque livre, je crois que ça m’aidera à éviter ça.
La dernière chose que je fais c’est cette idée de flashbacks pour chaque personnage. Je pense que le fait d’avoir un personnage central pour chaque livre va fondamentalement changer la forme de l’Epic Fantasy, ce qui permettra à chaque livre d’avoir sa propre histoire, sans avoir à faire comme Anne McCaffrey, chez qui les personnages principaux d’un livre n’avaient pas de points de vue dans les livres suivants. Je trouve que ça a donné une magnifique série, mais à mon sens ça a quelque peu porté atteinte à la portée épique des sagas. Je savais que si je lisais quelque chose sur un personnage, je ne verrai plus ce personnage, jamais, et il y avait quelque chose de triste là-dedans. Je ne veux pas que la série soit comme ça. Kaladin sera très important dans la suite de la série, en fait un second livre lui sera probablement consacré, donc il en aura deux.
J’espère que les livres resteront épiques sans avoir cette lenteur. On verra si le fait de m’appuyer sur de tels géants comme je le fais m’aidera à avoir une approche différente.
Pensiez-vous réellement pouvoir vous en sortir sans répondre à au moins une question sur la RdT ? Et non, ne nous dites pas de lire pour en savoir plus ! THE GATHERING STORM a impressionné par son point de vue thématique serré sur les tribulations de Rand et Egwene et sur ce qu’ils ont dû traverser pour y arriver. Vous avez dit que TOWERS OF MIDNIGHT a été un livre plus difficile à écrire du fait de sa nature plus expansive et du nombre plus important de personnages. Selon vous (et sans trop nous en dévoiler !), quelle était la plus grande différence dans le processus d’écriture des deux livres, et le plus grand défi ?
La plus grosse différence c’est que dans THE GATHERING STORM j’ai choisi deux narrations et les ai toutes deux construites en un énorme crescendo. Dans Towers of Midnight j’ai du faire en sorte que chaque chapitre ait de plus en plus d’impact. Dans Towers of Midnight, il y a ces scènes incroyables, chapitre après chapitre, BAM BAM BAM, cette scène incroyable que vous attendiez, cette autre scène incroyable que vous attendiez, cette scène grandiose que vous attendiez, mais en même temps nous montrons toute l’étendue du monde. Maintenant, le livre possède une de ces narrations serrées qui se construit en un énorme crescendo dont je suis très content. Mais une grande partie du reste du livre est cette séquence-ci et cette séquence-là et cette séquence, c’est dont un livre très différent. Le livre douze ressemble plus aux livres un, deux, et trois selon moi. Le livre treize ressemble aux livres quatre, cinq, et six. Cela permet d’élargir la vision et de revenir dans des endroits où nous sommes allés avant.
C’était un processus merveilleux. En fait je pense que Towers of Midnight est un meilleur livre de La Roue des Temps que l’était The Gathering Storm. Mais il a été beaucoup plus difficile à écrire, car essayer d’assembler tous ces éléments ensemble a été un défi énorme. Avoir deux récits en même temps représente un challenge, mais quand soudainement vous avez huit récits et que vous devez vous assurer qu’ils fonctionnent thématiquement ensemble, et tout ça, c’est un énorme challenge.
On verra ce qu’en pensent les lecteurs. Dans ces livres je suis particulièrement redevable envers les fans de La Roue du Temps. J'ai le sentiment que ces livres sont pour eux. Donc je ne saurai vraiment si j’ai réussi que quand ils l’auront lu. Mais je suis très content du livre.
Alors qu’on s’approche de la conclusion de l’histoire générale et qu’une panoplie d’intrigues approchent leur culmination dans Towers of Midnight, y a-t-il une pression supplémentaire pour vous du fait que A Memory of Light se rapproche et que vous deviez terminer le spectacle avec panache ?
Oui. Vous avez très bien formulé la situation. Je ne sais pas si je peux rajouter quoi que ce soit à cela. Vous avez tout dit. Maintenant, la chose positive à garder à l’esprit c’est que je n’ai pas à écrire la fin. L’apothéose a déjà été écrite par Robert Jordan, et en tant que lecteur je l’ai trouvée extrêmement satisfaisante lorsque je l'ai atteinte. Du coup je suis très confiant quant au fait que la fin du prochain livre sera ce que tout le monde a espéré et voulu, sans être pour autant ce à quoi ils s’attendent. Je crois que la fin de Robert Jordan est tout simplement magnifique. Donc au moins je n’ai pas à m’inquiéter de ça. Mais je dois faire de ce livre le meilleur que je puisse écrire, et ça va être un sacré challenge. C’est en partie pour cela que j’ai décidé de lever le pied, comme je l’ai dit plus tôt, et de prendre mon temps avec celui-là.
Entreprendre de finir La Roue du Temps après la mort de Robert Jordan a du être une aventure intimidante pour vous. Quel aspect de cette entreprise pensiez-vous être le plus difficile et s’est finalement révélé être plus simple que vous ne l’aviez imaginé ? De la même façon, quel aspect dans le fait de terminer la série s’est révélé bien plus compliqué que vous l’auriez jamais pensé ?
Je pensais que ça aurait été beaucoup plus difficile de gérer les voix des personnages. C’est la partie qui m’inquiétait, et si vous lisez mes premières interviews, j’en parle énormément. Et étonnamment, ça n’a pas été aussi difficile que je pensais. Il y a certainement des personnages qui m’ont donné plus de fil à retordre. Mais dans ce livre, Towers of Midnight, je crois que les voix de nos personnages sont justes. En fait ça vient de l’interprétation que Jason de Dragonmount a eue, il a dit qu’il croyait vraiment que c’était juste. Et ça me fait me sentir bien.
Ce qui a été plus compliqué a été de suivre l’évolution de tout le monde. Je croyais que j’étais imprégné de la méthode de La Roue du temps avant de commencer ces livres. Non, en fait je ne l’étais pas. Quand durant les tournées les gens m’ont posé des questions, j’ai réalisé à quel point j’étais ignorant, malgré tout ce que j’avais écrit et étudié. J’en sais beaucoup, c’est comme si j’avais obtenu un Master de La Roue du Temps, mais il y a des gens à l’extérieur avec une expérience de post-doctorants qui m’ont dépassé à chaque étape de la route. Suivre l’évolution d’absolument tout à été un véritable challenge. Que j’ai décrit avant d’approcher ça à ma façon. En gros, quand je m’apprête à écrire une scène du point de vue d’un personnage, je me mets dans le crâne tout ce dont j’ai besoin, et j’essai d’écrire toutes les scènes du le livre pour ce personnage en tachant de garder à l’esprit toute cette connaissance. Ensuite je balance tout et prépare le terrain pour un autre personnage. C’est la seule façon de procéder, parce qu'il y a tant de choses auxquelles il faut s'accrocher.
Autre chose que vous souhaiteriez partager avec vos fans?
J’espère que les gens apprécieront The Stromlight Archive. Faites un saut sur mon site web pour y lire (je l’espère) quelques posts sur le livre et sur la raison pour laquelle je l’ai écrit de cette façon. Merci de me soutenir.

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