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L’année 2017 en fantasy : la parole aux éditeurs
Par Gillossen, le vendredi 28 avril 2017 à 16:30:00
Les éditions Bragelonne en 2017 - Stéphane Marsan
- Quel est votre bilan de l'année 2016 ?
- En 2016 Bragelonne a fait sa meilleure année ever, malgré un marché du livre morose ; on enregistre une croissance de 4% tandis que la littérature en général encaisse une baisse de 6%.
Pour situer ça dans un tableau plus global du marché des littératures de l’imaginaire, Bragelonne conforte sa position de leader en grand format avec des parts de marché de 26% contre 24 en 2015, devant J’ai lu qui est passé de 19 à 16 et Albin-Michel de 9 à 8. Enfin, jusqu’à ce qu’Albin sorte sa triade prodigieuse : Demain les chats (Werber) le 28 septembre, Le bazar des mauvais rêves (King) le 15 octobre et Autre-monde tome 7 (Chattam) le 16 novembre, et bam ! ces trois titres vendant au cumul sur les 3 derniers mois de l'année 85% de ce qu’Albin vend sur l’année sur l’ensemble de son catalogue SFF, la maison se trouve propulsée au finish à la première place avec 35% de part de marché.
Je précise ce timing pour montrer, dans le sillage des années précédentes (Max Brooks, G.R.R. Martin), l’effet atomique de ces best-sellers dans notre niche mais aussi le fait qu’il est en partie illusoire, vu que derrière eux, le paysage ne change pas, les écarts entre les autres éditeurs restant strictement les mêmes. L’Atalante est à 7% de parts de marché, Black Library et Panini chacun à 3, tous les autres éditeurs étant en dessous de 2% se partageant le reste du camembert.
En poche, Milady imaginaire reste premier avec 26%, suivi du livre de poche à 22, puis J’ai lu et Pocket à 17 et Folio à 11.
En Fantasy stricto sensu, Bragelonne est premier avec 33% devant J’ai lu à 22. Autrement dit un roman de Fantasy sur trois vendu en France est sorti chez nous.
On est aussi leader sur le fantastique à 28% et troisième sur la SF à 8%, derrière Albin-Michel et L’Atalante tous deux à 13.
Ces jauges ne sont pas seulement des indicateurs économiques. Elles signalent le positionnement des maisons sur les divers genres de l’imaginaire. Alors que l’expression même « littératures de l’imaginaire » laisse penser que chacun de nous sommes actifs sur tous les genres, la proportion de Fantasy, SF et fantastique dans chaque catalogue est loin d’être la même et détermine à sa façon l’évolution de chacun sur le marché. Intellectuellement, je trouve ça vachement bien que chacun insiste sur son ou ses genres de prédilection plutôt que de se jeter sur des tendances du moment. Ça va aussi dans le sens de la légitimité littéraire de la SFF, contribuant à montrer que ce ne sont pas des genres aussi formatés et fabriqués que certains le pensent, mais de véritables choix d’éditeurs avec leurs sensibilités variées.
Pour revenir à Bragelonne, les succès les plus notables sont les lancements de nouveaux auteurs en grand format, ce qui me paraît très important car c’est l’indicateur principal d’un marché vivant et en évolution dans lequel le lectorat est à l’affût : Blood Song tome 3 (8000 ex écoulés) prolongeant le succès explosif de la trilogie d’Anthony Ryan, Mage de Guerre (6200 ex) et Les douze rois de Sharakhaï (5200 ex écoulés sur 6 mois seulement).
Ça me semble aussi une bonne façon de répondre à ceux qui continuent à dénoncer une prétendue saturation du marché : en parallèle à nos lancements qui atteignent leurs objectifs les ventes de notre fonds est en augmentation constante ; ce qui veut dire que les lecteurs de Fantasy continuent à entretenir leur goût pour les classiques et les références (Gemmell, Goodkind, Feist, Canavan chez nous par exemple) aussi bien qu’ils sont avides de découvrir les nouveaux venus.
Ah, comme toujours je précise que j’indique là les écoulements, c’est-à-dire les achats effectifs par des clients en librairie. A distinguer de la circulation, qui est le nombre d’exemplaires actuellement disponibles mais pas nécessairement déjà achetés en caisse et donc susceptibles d’être retournés. Je précise parce que pas mal de mes confrères, comme c’est l’usage en France, présentent comme des ventes la circulation et non les écoulements, parce que forcément, ça a plus de gueule. Donc, si vous voulez comparer nos chiffres aux autres, multipliez-les par 1,5 ou 2, merci. ^^
Andrzej Sapkowski est en tête des auteurs du fonds : Sorceleur est la série number one à notre catalogue et la 4e en Fantasy tous éditeurs confondus, derrière Hobb, Martin et Chattam. Les Nains de Markus Heitz et Meg Corbyn d’Anne Bishop sont bien installés.
La bit-lit, contrairement à ce que j’ai pu entendre depuis des années, est loin d’avoir passé l’arme à gauche. Certes on n’est plus dans ses années les plus florissantes mais dans notre top 10 tous genres confondus, la bit-lit place tout de même 4 titres. Les ventes les plus foudroyantes revenant à Patricia Briggs, Nalini Singh et Susan Wright.
En SF je n’observe pas de montée spectaculaire. Certes ce n’est pas le segment sur lequel Bragelonne est traditionnellement le mieux positionné (cf. ma remarque plus haut sur la diversité) mais surtout je continue à penser que les succès de Seul sur Mars ou de Silo n’indiquent pas nécessairement un véritable engouement global pour le genre SF. Mais s’il est sensible chez d’autres éditeurs, réjouissons-nous.
En revanche, les éditions luxe et collector représentent indéniablement depuis plusieurs années la forme qui tire son épingle du jeu. Depuis notre tout premier relié, Princess Bride en 2003, ce format a pris une place durable au sein de notre catalogue, puis chez certains de nos confrères, et force est de constater que l’hiver 2016 lui a accordé ses plus beaux scores : Les Lames du cardinal de Pierre Pevel, épuisé en un rien de temps, le Sorceleur - les origines, pareil, Dragonlance, le Nécronomicon et son Grimoire… Dans le même ordre d’idée le Mois du cuivre compte de nombreux fans et la collection Stars donne elle aussi de très bons résultats.
A l’opposé, les promotions à 10 euros permettent à un large public de découvrir des grands formats à un prix très accessible : l’édition Découverte de L’œil du monde de Robert Jordan a cartonné ainsi que la gamme 10 ans 10 romans 10 euros, comme d’habitude. Et que dire du numérique dont les opés défoncent toutes les prévisions raisonnables.
Je suis enfin très heureux de la bonne performance de mon chouchou, La maison des morts de Sarah Pinborough, un petit relié ravissant pour un roman très émouvant et très juste, tu pleures à la fin ou ton cœur est une brique.
- A titre personnel, hors parutions, un événement vous a-t-il particulièrement marqué ou surpris au cours de cette année écoulée (un prix, un salon, etc...) dans le paysage des littératures de l'Imaginaire ?
- Ce qui m’a le plus surpris, c’est indéniablement de lire sur ActuSF une interview des responsables de Mnémos retraçant les 20 ans de la maison dans laquelle ils réalisent la performance de ne pas me citer ni même de laisser entendre que quelqu’un avait été à la manœuvre éditoriale de sa création en 1995 aux premiers jours de 2000. Tous ces romans signés Gaborit, Grimbert, Colin, Kloetzer… portant en page de titre « Editions Mnémos fondées et dirigées par Stéphane Marsan », ça leur est sorti de l’esprit, tu crois ? Allez, hop, une petite piqûre de rappel contre la malhonnêteté intellectuelle !
Ce qui m’a également marqué (ainsi que la moquette de notre salle des fêtes) : le prix Hellfest ! Une super initiative pour célébrer l’inspiration réciproque de la SFF et du métal qui a remporté d’énormes suffrages et qu’on va poursuivre avec un immense plaisir.
Quoi d’autre… L’enquête du CNL sur les pratiques de lectures des jeunes où l’on voit que la SFF arrive en tête de leurs goûts, c’est une belle récompense non ?
Et puisque je mentionne le CNL, mon mandat de 3 ans au sein de la commission Romans a pris fin et j’en suis très triste car j’y ai passé des moments formidables, aussi bien dans le partage enthousiaste que dans les débats féroces. Les candidatures d’auteurs d’imaginaire y sont encore rares, j’exhorte donc ceux qui nous lisent à tenter leur chance.
- Avez-vous un coup de cœur éditorial plus gros que les autres pour 2017 ? Et quelle place pour la fantasy dans votre programme ?
- L’événement 2017 chez nous est sans conteste le diptyque Arkane de Pierre Bordage dont les médias nationaux se font l’écho d’une façon exceptionnelle pour un roman de Fantasy. En suite, les temps forts de l’année seront les arrivées des nouvelles séries d’Anthony Ryan : Dragon Blood en mai, et de Mark Lawrence : Le Livre des Anciens, en septembre. Pour les fêtes on aura la suite de Sharakhaï de Bradley P. Beaulieu et de Haut-Royaume de Pierre Pevel. La grande nouveauté sera Godblind d’Anna Stephens, une Heroic Fantasy brutale, sanglante et passionnante, en octobre.
En SF, on sortira en août un roman vertigineux et exaltant sur le voyage dans le temps, Tous nos contretemps, d’Elan Mastaï, puis en octobre Crosstalk, le nouveau Connie Willis, ce qui est toujours un événement, et en novembre une superbe édition de La Guerre des mondes, le classique de H.G. Wells, accompagné d’une suite imaginée par Stephen Baxter (novembre). Je suis aussi ravi de rééditer une trilogie que j’adore, Elévation de David Brin.
Le fantastique terrifiant ne sera pas en reste, loin de là, avec un roman suédois, Le Ferry, de Mats Strandberg (juin), Hex du jeune prodige néerlandais Thomas Olde Heuwelt (septembre) et Les yeux de Slimane-Baptiste Berhoun, le co-auteur du Voyageur du futur !
- Quel sera votre plus grand défi pour cette nouvelle année ?
- A part répondre aux interviews avec moins de 6 mois de retard, tu veux dire ? (Sorry !) Je dirais que les différentes initiatives (intellectuelles, médiatiques et commerciales) pour défendre les littératures de l’imaginaire qui se forment depuis un certain temps vont essayer d’émerger et que la cohésion en ce sens des principaux acteurs éditoriaux sera un grand défi collectif !
Pages de l'article
- Denoël Lunes d'encre en 2017 - Gilles Dumay
- Les éditions du Bélial' en 2017 - Olivier Girard
- Les éditions Critic en 2017 - Simon Pinel
- Les éditions Pygmalion en 2017 - Florence Lottin
- Les Moutons électriques en 2017 - André-François Ruaud
- Les éditions Actusf en 2017 - Jérôme Vincent
- Folio SF en 2017 - Pascal Godbillon
- Fleuve Editions et Pocket en 2017 - Stéphane Desa
- Les éditions Balivernes en 2017 – Pierre Crooks
- Les éditions Callidor en 2017 - Thierry Fraysse
- Les éditions HSN en 2017 - Dimitri Pawlowski
- Les Editions du Chat Noir en 2017 - Mathieu Guibé
- Les éditions Le Héron d'Argent en 2017 - Vanessa Callico
- Les Editions de l'Instant en 2017 - Patrick Dechesne
- Les éditions Mnémos en 2017 - Frédéric Weil
- J'ai Lu et Nouveaux Millénaires en 2017 - Thibaud Eliroff
- Les éditions L'Atalante en 2017 - Mireille Rivalland
- Les éditions Scrineo en 2017 - Jean-Paul Arif
- Les éditions Ofelbe en 2017 - Guillaume Kapp
- Les éditions Bragelonne en 2017 - Stéphane Marsan
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