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Le tour des maisons d’édition d’Imaginaire en 2021
Par Gillossen, le vendredi 12 mars 2021 à 11:30:00
Les éditions L'Atalante - Denis Detraz
- Alors que 2020 se termine à peine, quel serait votre premier bilan, à chaud ?
- Je ne surprendrai personne en disant que l’année 2020 a été éprouvante et paradoxale. Outre les aspects sanitaires sur lesquels il ne me semble pas utile de s’étendre, nous nous sommes beaucoup interrogés sur l’avenir et la pérennité de L’Atalante — une maison indépendante qui compte huit salariés n’est pas une mince affaire à gérer, et il est indéniable qu’être une SCOP, où chacun est pleinement engagé dans l’entreprise, nous a aidés à franchir le cap. Bien entendu, quand on s’interroge sur notre pérennité, il n’y a pas que le devenir des salariés qui entre dans la balance ; il y a aussi celui des autrices, auteurs, traductrices et traducteurs, dont nous défendons le travail. Et, comme tous nos confrères, nous avons défait et refait notre programme éditorial pour nous adapter au mieux au contexte.
Néanmoins, l’année 2020 a apporté son lot de belles réussites littéraires. La moisson des prix pour Vita nostra de Marina et Sergueï Diatchenko (dont, bien sûr, celui d’Elbakin) nous a fait chaud au cœur ; nous avons d’ailleurs réimprimé ce titre à l’automne et envisageons une deuxième réimpression en mai prochain. L’accueil extraordinaire qu’a reçu Kra de John Crowley nous a également réjouis au plus haut point. Le succès de ces deux romans démontre qu’il y a un appétit du lectorat pour des textes exigeants qui sortent des sentiers battus.
La nouvelle édition des « Chroniques d’Alvin le Faiseur » d’Orson Scott Card se porte bien, elle aussi. Tout comme nos auteurs de science-fiction Becky Chambers, Martha Wells, John Scalzi et bien sûr Pierre Bordage, dont les romans et novellas ont également été réimprimés dans l’année.
Je ne peux terminer ce coup d’œil dans le rétro sans évoquer le projet de Lloyd Chéry : le « mook Dune ». Ce projet colossal nous a absorbés tout au long de l’année 2020 — d’ailleurs la logistique nous occupe encore en ce début d’année. Cela a été également l’occasion d’expérimenter la nouvelle forme de souscription qu’est le financement participatif et de travailler en coédition avec les éditions Leha.
- Avec la covid19, avez-vous senti un emballement au niveau du numérique par exemple ?
- Oui, clairement de mi-mars à fin mai. Le premier confinement ayant pris tout le monde de court, l’offre numérique a connu un grand succès. Une amorce à +14% pour le mois de mars, +36% pour le mois d’avril et +20% pour le mois de mai, nous parlons là d’une augmentation de CA par rapport aux mêmes mois de 2019.
Rien de tel, en revanche, pendant le deuxième confinement, où le livre imprimé et les libraires, bien mieux préparés qu’en début d’année, ont réussi à tirer leur épingle du jeu, et c’est tant mieux ! Car ce ne sont pas les algorithmes qui vendent nos livres, mais bien des êtres humains.
Lissé sur l’année, c’est une hausse de 15% du CA que nous constatons en numérique. Ce sont donc un peu plus de 105 000 € de droits issus de ce support qui viendront incrémenter les comptes des autrices, auteurs, traductrices et traducteurs dont nous publions les œuvres. Et ça, ça fait toujours plaisir.
- Quelle place pour la fantasy dans votre programme 2021 ?
- Par où commencer ?
Cette année voit l’arrivée aux éditions L’Atalante de Phenderson Djèlí Clark dont nous proposerons trois novellas et une nouvelle. Ça commence en avril avec Les Tambours du dieu noir, une uchronie qui se déroule à la Nouvelle-Orléans à la fin du XIXe siècle dans un contexte de guerre de Sécession larvée et où les machinations de divinités Yoruba se mêlent à celles des protagonistes humains. Ce premier texte est suivi d’une nouvelle : L’Étrange affaire du djinn du Caire (on a bien pensé à l’appeler L’Étrange affaire du djinn cairote, mais le nombre de jeux de mots et de calembours que nous avons trouvés en moins de cinq minutes nous y a fait renoncer). Changement de décor et d’époque — Le Caire, début XXe —, mais pas d’univers uchronique. Le titre évoque l’arsenic (rapport au pudding) et les vieilles dentelles (aucun rapport), une enquête, de l’exotisme, du surnaturel et un scénario tonique (rapport au djinn). Eh bien, vous ne serez pas déçus, il y a tout ça et bien plus à l’intérieur.
L’année Clark se poursuit en juin avec une autre novella Le Mystère du tramway hanté. C’est le retour des agents du ministère de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles (eh oui, rien que ça !). Bref, vous l’aurez compris une nouvelle enquête cairote jubilatoire. Enfin, nous retrouverons avec délectation une troisième novella de Clark — Ring Shout — en octobre.
Cet auteur est notre grand coup de cœur de l’année 2021 ; d’un point de vue littéraire, il a une puissance narrative, une parfaite maîtrise de la langue, ou plutôt des langues, car il en joue, ses textes sont denses et ciselés. Côté idées et engagements, c’est un homme de conviction qui n’hésite pas à aborder les problèmes de la société actuelle ainsi que notre incapacité à franchir le cap de nos petites habitudes, de nos préjugés, tout en nous considérant les tenants de la pensée moderne. Nous en avons confié la traduction à Mathilde Montier qui donne, par ailleurs, sa voix française à l’AssaSynth de Martha Wells.
En 2019, L’Atalante et Elbakin avaient été enthousiasmés (à juste titre) par Vita nostra de Marina et Sergueï Diatchenko ; cette année nous poursuivons la publication des « Métamorphoses » avec le deuxième volet intitulé Numérique, ou brevis est. Nous y retrouvons un personnage plutôt jeune, de la coercition, des métamorphoses et une interrogation sur la réalité qui étaient déjà présents dans le premier opus de la série. La densité d’écriture, sa richesse et sa précision sont aussi au rendez-vous. Ce roman très attendu par les libraires et les lecteurs, si nous devons en croire toutes les demandes qui nous parviennent par les différents réseaux paraîtra en mai. En outre, les Imaginales qui ont reconduit le thème de l’édition 2020 ont la gentillesse de réinviter Marina et Sergueï. Affaire à suivre…
Pour les amateurs de fantasy épique (qui change de l’epic-fantasy aux longs et froids hivers) les « Chroniques de Tramorée » de Javier Negrete reviennent en librairie dans un format poche au début de l’été. Vous allez avoir chaud dans cet univers méditerranéen empli de bruit et de fureur, de sang et de sueur, de complots, de malédictions, de rivalités. L’écrin historique qui accueille ces intrigues est l’antiquité, entre Hérodote et Homère, Negrete se taille une place de choix.
Et une bonne année de fantasy n’est jamais vraiment complète sans un roman de Guy Gavriel Kay. À l’heure où j’écris ces lignes, Mikael Cabon travaille sur la retraduction de Last Light of the Sun qui nous plonge dans les invasions vikings de l’Angleterre au IXe siècle. Vous aimez les séries Vikings et Norsemen ? Vous attendez les DLC de Assassin’s Creed Valhalla ? (Nous, oui !) Ce roman est fait pour vous !
- Enfin, quel sera votre plus grand défi pour cette nouvelle année ?
- Poursuivre la navigation à vue dans notre drakkar en évitant bancs de sable et récifs… euh, je crois que je suis dans l’élan de votre question précédente. Cela dit, l’analogie est loin d’être fausse. Dans cette période de grandes incertitudes, nous devons nous efforcer de toujours mieux défendre les textes de notre catalogue, et notamment notre fonds, main dans la main avec les libraires, pour toutes les raisons que j’ai déjà évoquées plus haut. Sans jamais oublier de vous proposer de belles heures de lecture pour les longues soirées de couvre-feu et les confinements à venir.
Propos recueillis et mis en forme par Emmanuel Chastellière
Pages de l'article
- Albin Michel Imaginaire - Gilles Dumay
- Simon Pinel - Les éditions Argyll
- Thierry Fraysse - Les éditions Callidor
- Aux forges de Vulcain - David Meulemans
- Le Bélial' - Olivier Girard
- Pygmalion - Florence Lottin
- Folio SF et Denoël Lunes d'Encre - Pascal Godbillon
- Le Livre de Poche - Martin Vagneur
- Fleuve Editions - Florian Lafani
- Les éditions ActuSF - Jérôme Vincent
- Les éditions du Rouergue - Olivier Pillé
- Les éditions de L'Homme Sans Nom - Dimitri Pawlowski
- Projets Sillex - Nicolas Marti
- Au Diable Vauvert - Marion Mazauric
- Les éditions Critic - Éric Marcelin
- Les éditions J'ai Lu - Thibaud Eliroff
- Les éditions Oneiroi - Camille Ragot
- Les éditions L'Atalante - Denis Detraz
- Les éditions Rivka - Milena Schwarzberg
- Les éditions Scrineo - Jean-Paul Arif
- Gulf stream éditeur - Angela Léry
- Les éditions Pocket - Charlotte Volper
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