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Le tour des maisons d’édition d’Imaginaire en 2021

Par Gillossen, le vendredi 12 mars 2021 à 11:30:00

Au Diable Vauvert - Marion Mazauric

Diable

Alors que 2020 se termine à peine, quel serait votre premier bilan, à chaud ?
D’abord la pandémie a créé une sorte de violent effet de réel. L’impression de voir nous sauter au visage ce que nous publions depuis les années 80/90… On a mangé notre pain blanc et c’est l’heure de la douloureuse, nonobstant un mauvais scénario, lui aussi annoncé. Du coup l’imaginaire, la plus consciente et réaliste des littératures, rencontre maintenant son époque, et ses ventes ont été nettement boostées. Sa vision prémonitoire de l’Amérique de Trump et le mouvement Black live matter ont lancé Octavia Butler, confidentielle depuis 2002 dans le catalogue, et tout autant notre fonds Imaginaire mais aussi littéraire, qui a dépassé 20%. Le Diable a été porté par la librairie indépendante, plus que jamais et dans tous ses segments éditoriaux. Nous sommes restés très actifs sur les réseaux, avons créé du lien, offert 30 livres pour nos 20 ans et au final, malgré le coup d’arrêt terrible infligé à toutes les nouveautés du premier trimestre, la réduction du programme et l’annulation des rencontres, salons et fêtes prévues, le niveau de ventes est le même qu’en 2018 et 2017, sachant que Crépuscule, qui avait fait doubler nos ventes en 2019, continue lui aussi.
Au bilan, une année complexe, déstabilisante, angoissante pour les jeunes, pour l’avenir, et triste car nous déplorons des amis disparus, une année qui nous dit que les livres ne suffiront pas pour sauver la situation et qui appelle à l’engagement citoyen, à la résistance. Mais pendant le confinement les oiseaux sont revenus, la nature a respiré un peu, et c’est aussi l’année de Black Live Matter, l’année où tombent enfin en France les masques d’un pouvoir patriarcal qui tolère la prédation sexuelle des femmes. L’année de la nécessité écologique. Et comme dans toute crise, le pessimisme de la raison appelle l’optimisme de la volonté, et le livre s’affirme comme l’arme de paix indispensable.
Si nous avons perdu notre anniversaire, nous avons gagné beaucoup de choses. Une expérimentation grandeur nature d'économies d’argent et d’énergies que nous n’aurions jamais osé : la promotion sans déplacement, sans envoi poste, sans rendez vous presse, sans rendez vous interprofessionnel. Or nos ventes sont identiques, le lien s’est fait autrement, il s’est même souvent resserré. Le volume des économies est tel (et sans recours au chômage) que le résultat, même inférieur en chiffre, devrait être meilleur que d’habitude.
Ne plus aller à Paris a libéré un temps considérable, de nouveaux liens interprofessionnels, en régions, avec les libraires, les blogueurs, les lecteurs fidèles.. les visio ont amélioré la qualité et l’efficacité de bien des échanges. Le télétravail généralisé a autonomisé et responsabilisé, déplaçant la valeur sur les résultats. Alors pourquoi ne pas continuer à réduire ces dépenses et travailler autrement ? La nécessité du livre ne nous exonère pas d’interroger notre empreinte écologique. Les tournées d’auteur coutent argent temps et kérosène, faut-il les systématiser ? Tous nos déplacements sont-ils nécessaires ? Faut-il continuer à encenser consommation, voyages, avion etc etc ?
Cette année a en tout cas déplacé bien des centres. Et l’idée qui a présidé à la création du Diable, construire des modèles économiques «bio», décentralisés et à taille humaine, sur des valeurs alternatives respectueuses et inscrites dans le long terme, et qui nous a protégé, apparaît aujourd’hui comme un contre-modèle crédible.
Avec la covid19, avez-vous senti un emballement au niveau du numérique ?
Le CA numérique a augmenté de 20% en 2020, c’est bien mais pas en explosion, il est en augmentation régulière. Mais cette année nous avons surtout utilisé le format numérique pour son accessibilité surtout en période de confinement : nous avons offert des livres numériques, fait des promo à 50% sur des best, et nous constatons que cela a augmenté les ventes du fonds papier, des la reprise des librairies.
Quelle place pour la fantasy dans votre programme 2021 ?
Royale cette année !
Patrick Dewdney vient de boucler le troisième volume du Cycle de Syffe qui sort en mai, et franchement je suis impressionnée. Il monte encore en puissance, la beauté et la profondeur, l’ambition de son projet en fantasy m’impressionne. C’est vraiment un très grand, et notre objectif avec ce volume 3 après la parution chez Folio est d’élargir son lectorat à l’ensemble des lecteurs et à tous les libraires.
Du Gaiman, avec en mai La Mythologie Viking en BD, un succès continu, et en octobre le Pirate Stew illustré par Riddell, un pur concentré de fantasy selon Gaiman, dans la veine de Par bonheur le lait. Un pur régal à déguster en famille.
James Morrow sortira aussi en mai pour les Imaginales son Lazare attend. C’est un James Morrow de grande cuvée qui retrouve la fantaisie barée de son chef d’oeuvre La trilogie de Jehovah et ses différentes passions, l'histoire du cinéma, la satire religieuse et historique, l’uchronie. Ici Lazare, qui n’a jamais été ressuscité, embarque pour une aventure dans l’espace et le temps avec l'objectif assez compliqué de réhabiliter le judaïsme...
Nous rééditons également Lombres de China Mieville sous nouvelle couverture, un roman formidable de fantasy urbaine dans la lignée de Gaiman, sur le Londres souterrain menacé par les déchets, c’est un roman écologiste riche de toute l’intelligence de Mieville, et pour tous les publics.
Je vous accorde que les derniers titres ne sont peut-être pas ou pas que de la fantasy, mais plutôt du tout en même temps…
Enfin, quel sera votre plus grand défi pour cette nouvelle année ?
Le défi ce sera, dans une pareille conjoncture, d’être en croissance et d’installer notre collection de poche lancée en mars 2020, Les poches du Diable, mais nous y croyons fortement. Le programme de nouveauté est très fort dans tous les segments, imaginaire, littérature, documents, le fonds progresse et nos poches s’installent. Imaginer une croissance en ce moment peut sembler un peu arrogant, mais le devil team est archi convaincu et motivé !

Propos recueillis et mis en forme par Emmanuel Chastellière

  1. Albin Michel Imaginaire - Gilles Dumay
  2. Simon Pinel - Les éditions Argyll
  3. Thierry Fraysse - Les éditions Callidor
  4. Aux forges de Vulcain - David Meulemans
  5. Le Bélial' - Olivier Girard
  6. Pygmalion - Florence Lottin
  7. Folio SF et Denoël Lunes d'Encre - Pascal Godbillon
  8. Le Livre de Poche - Martin Vagneur
  9. Fleuve Editions - Florian Lafani
  10. Les éditions ActuSF - Jérôme Vincent
  11. Les éditions du Rouergue - Olivier Pillé
  12. Les éditions de L'Homme Sans Nom - Dimitri Pawlowski
  13. Projets Sillex - Nicolas Marti
  14. Au Diable Vauvert - Marion Mazauric
  15. Les éditions Critic - Éric Marcelin
  16. Les éditions J'ai Lu - Thibaud Eliroff
  17. Les éditions Oneiroi - Camille Ragot
  18. Les éditions L'Atalante - Denis Detraz
  19. Les éditions Rivka - Milena Schwarzberg
  20. Les éditions Scrineo - Jean-Paul Arif
  21. Gulf stream éditeur - Angela Léry
  22. Les éditions Pocket - Charlotte Volper

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