Attention, quand China Miéville s'attaque à la littérature 															jeunesse, ça peut faire mal, très mal ! En toute honnêteté, on pourrait se laisser aller à 															dire qu'il se positionne en digne héritier de Lewis 															Carrol ou de Roald Dahl. Excentricité, comique, 															magie, Miéville a bien retenu la leçon et nous livre ici un magnifique roman.
 Commençons par le point fort de China Miéville : que ce soit dans Perdido 															Street Station ou dans les Scarifiés, il sait comment rendre 															un univers consistant. Cela passe notamment par la construction d'un monde, qui, s'il est 															farfelu et alambiqué, n'en reste pas moins merveilleusement crédible. On reste stupéfiait, 															ébahi devant l'originalité de ses inventions, la maîtrise avec laquelle il détourne le 															vocabulaire pour créer de nouveaux mots correspondant à ses nouveaux concepts. On rit 															d'admiration aussi tant certaines innovations tombent sous le sens. Bref, c'est un régal 															à la fois littéraire et imaginaire.
 Un autre point fort de ce roman sont les illustrations, conservées 															lors de la parution française. Le style de Miéville est en lui-même merveilleusement 															illustratif, mais quand en plus il prend lui-même le pinceau, cela donne un résultat des 															plus agréables. Les dessins, parfaitement intégrés au texte, apportent un complément d'information 															visuel des plus appréciables.
 On pourra également prendre plaisir à voir l'auteur tordre le cou consciemment à la quête classique 															et à son cortège de prophéties, telles que bien trop souvent mises en scène en fantasy. Cela donne 															matière à plusieurs passages croustillants entre les défenseurs des traditions, gardiens du 															savoir absolu et à venir, et l'héroïne, pas choisie, mais qui veut pourtant sauver Lombres. 															Sans verser dans la parodie, ce débat peut facilement être élevé au niveau d'une discussion 															sur la figure traditionnelle de la quête. On devine facilement de quel côté penche Miéville, 															même s'il ne remet pas méchamment en cause le rôle de la quête (il l'utilise après tout au 															début du livre). En tout cas, il tient à montrer que l'on peut s'en affranchir, jouer avec 															et ainsi donner lieu à quelque chose d'inattendu.
 Enfin... Inattendu la plupart du temps ! Malheureusement, sans être un monstre de perspicacité, 															de nombreux points de l'intrigue se devinent assez (trop) facilement. Sans entacher le plaisir 															de lecture, le fait de savoir un peu trop ce qui va se passer grève néanmoins le suspens. Le 															combat final pâtit particulièrement de cela, l'auteur en ayant trop révélé précédemment pour 															que l'on frémisse vraiment pour l'héroïne. Cependant, on peut se dire que le jeune public a 															de grandes chances de passer à côté de certains indices.
 Il faut noter également que bien que destiné à des enfants, le roman ne saura pas convenir aux 															vraiment très jeunes. Sans entrer dans les détails, le Smog et ses alliés sont assez terrifiants, 															les dessins les représentant n'aidant pas à en avoir une meilleure image. Mais même sans cela, 															Lombres n'est pas une ville digne d'héberger Winnie l'ourson et ses amis, où alors ces derniers 															ont mangé du lion avant de venir.
 Voilà donc un immanquable, facilement accessible en anglais. Si la langue de 															Shakespeare vous rebute, la version française est plus que correcte. Le vocabulaire imaginé par Miéville ainsi que ses nombreux jeux de mots 															ne pâtissent guère de la redoutable épreuve de la traduction.
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