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Imaginales 2008 : les interviews !

Par Linaka, le samedi 5 juillet 2008 à 14:00:00

Notre entretien avec Robin Hobb (en anglais)

nullVenant tout droit de sa Californie ensoleillée, Tad Williams a enchanté bien des lecteurs du festival des Imaginales avec son amabilité sans faille et ses anecdotes pleines d'humour. La séparation a été difficile, mais il nous reste au moins une part de sa personnalité unique en son genre avec cette interview, qu'il ne vous reste plus qu'à lire !

Quand avez-vous commencé à écrire ? Qui ou qu'est-ce qui vous y a poussé ?
En fait, j'ai commencé à écrire assez tard, compte tenu de tout ce que j'ai fait auparavant. Mon premier livre a été publié en 1985, et je l'avais envoyé aux éditeurs en 1984 ; donc je l'ai probablement écrit pendant les deux années 1983 – 1984. C'était une de ces périodes où je rentrais tard du travail (j'en avais souvent plus d'un) et où je me mettais à écrire sur ma table de salle à manger avant de tomber de sommeil.
Mais à l'origine je ne pensais pas que j'allais devenir écrivain, j'ai fait beaucoup de choses différentes en premier. L'avantage, avec l'écriture, était que je pouvais la pratiquer seul, et à l'heure de mon choix ; alors que jouer dans un groupe, faire de la radio ou du théâtre, étaient bien plus des choses que je devais faire avec d'autres personnes, et avec l'emploi du temps d'autres personnes. Quand j'étais au milieu de la vingtaine, il était donc beaucoup plus facile pour moi de faire quelque chose comme l'écriture, que je pouvais caler entre minuit et trois heures du matin.
Qu'est-ce qui vous a amené vers la littérature de l'imaginaire ? Pourquoi vous attire t-elle ? : Une des raisons, d'un point de vue pratique, pour lesquelles j'ai écrit de la fantasy était que j'en avais beaucoup lu en grandissant ; j'étais très familier avec ce genre. Je pensais donc que je serai un meilleur juge pour décider si j'étais bon ou non dans ce domaine d'écriture. Je pouvais regarder ce qui avait déjà été fait et me dire : Je peux au moins faire aussi bien que ça.
Mais la raison principale pour laquelle j'ai lu de la fantasy au départ est que j'en suis tombé amoureux très très tôt : mes livres préférés quand j'étais très jeune étaient tous ceux qui contenaient, parmi d'autres choses, un élément de fantastique. De même, j'aimais les histoires animalières comme Le Vent dans les Saules, ou Winnie l'ourson, des choses de ce genre, quand j'étais vraiment petit. Puis quand j'ai grandi, j'ai lu un écrivain anglais de fantasy appelé E. Nasbit qui a écrit beaucoup de livres très célèbres, un peu magiques, pour les enfants. Plus tard j'ai découvert des auteurs comme Ray Bradbury, ou J.R.R Tolkien, et, vous savez, ça a eu un grand impact sur moi. Puis Tolkien m'a amené à lire tous les autres genres de fantasy, et j'ai commencé à lire des écrivains de fantasy plus anciens.
Et donc, à cause de cela, quand je me suis mis à lire ce qui se fait aujourd’hui dans le genre, je me suis rendu compte que beaucoup de gens n’avaient pas lu autant de livres que moi et je me suis dit : ^^ OK, voici ce que je peux apporter au genre
j’ai lu autre chose que simplement d’autres romans de fantasy .^^
Quel livre conseilleriez-vous à quelqu'un de lire en premier afin de l'initier à la fantasy ?
Cela dépend de l’âge du lecteur. Autrefois, tout le monde commençait par Tolkien mais nous avons un lectorat différent aujourd’hui. Il y a maintenant beaucoup plus de choix dans le domaine de la fiction pour jeune adulte, qui était beaucoup plus limitée à cette époque.
Vous savez, s’il s’agit d’un jeune enfant, alors je lui proposerais L’Armoire Magique de C.S. Lewis., peut-être Bilbo le Hobbit, ou quelques écrits plus « magiques » de Ray Bradbury, comme son recueil Le Pays d’Octobre. Quelque chose dans ce genre, avec des sorcières, des monstres et des choses comme cela.
Mais pour un lecteur plus âgé, qui n’a jamais lu de fantasy ... Encore une fois, cela dépend de ce qu’il a aimé auparavant. S’il a aimé lire de la fiction historique intense et vraiment bien écrite, alors je pourrais suggérer quelqu’un comme George Martin pour commencer. S’il a aimé quelque chose de plus divertissant, je lui conseillerais Terry Pratchett. Vous savez, je dirais que cela dépend vraiment de ce qui a conduit la personne à s’intéresser à ce genre. Il y a beaucoup de choix.
Quel est le dernier livre que vous avez lu ? : Je lis toujours beaucoup, et seule une partie de ce que je lis est de la fantasy ou de la science-fiction. Par exemple, je suis en train de lire un livre formidable d’un auteur chinois, Mo Yan, intitulé Life and Death are Wearing me Out, qui parle d’un gars qui se réincarne
il est exécuté par la jeune révolution chinoise – les gens de son village (il est propriétaire terrien) le chassent et l’exécutent. Donc en gros, il revient de l’enfer, en âne, et il appartient à ses anciens paysans. Par la suite, il se réincarne en d’autres animaux et au bout du compte, le lecteur obtient cet immense tableau de la révolution culturelle chinoise, de tous les changements qui se sont opérés, et du communisme.
Mais d’une certaine façon, c’est un roman de fantasy, vous savez, on y trouve des éléments de fantastique, mais personne ne le considère vraiment comme tel. C’est quelque chose dont nous avons souvent parlé. Enfin bref, c’est ce que je suis en train de lire et je l’apprécie vraiment.
Certains écrivains doivent s'isoler presque complètement du monde pour pouvoir écrire : est-ce votre cas ? Comment travaillez-vous ?
Non. En fait, c’est très intéressant, parce que ma femme et moi-même travaillons tous les deux dans le même bureau (nous avons un grand bureau pour nous deux dans notre maison). Elle veut que la porte soit fermée, que le silence soit total. Moi, j’écouterais volontiers de la musique ; je me lève, je me balade à droite et à gauche, je vais jouer avec les enfants, je reviens ...
Parfois, je n’écris même pas avant la fin de la journée, mais je pense à ce sur quoi je vais travailler et alors, je m’asseois pour une heure, une heure et demie peut-être, et je passe tout ce temps à prrrrrt, écrire très vite. Je suis très flexible en fait, je suis difficile à distraire et je peux généralement écrire même avec du bruit ou des choses comme cela.
Mais beaucoup d’écrivains, comme ma femme, ont besoin de silence et de solitude.
La fantasy a-t-elle sa place à l'université ? Est-ce qu'elle pourrait et devrait y être étudiée ? : Si elle est qualifiée, oui. Il faut se rappeler qu’une bonne part de ce qui constitue notre genre est très stéréotypé, est écrit pour satisfaire un marché. Souvent, ces livres sont écrits pour de jeunes lecteurs moins fins, qui veulent juste lire sans arrêt le même genre d’histoires. Et malheureusement, à cause de cela, la réputation du genre tout entier en pâtit.
C’est un fait que beaucoup de gens se considérant comme des écrivains de fantasy sont tout aussi bons que les meilleurs écrivains de littérature blanche - ou de n’importe quel genre, en fait.
Et donc, oui, on pourrait certainement construire un cours à partir d’excellentes oeuvres de fantasy, qui vous donnerait l’opportunité de parler du genre en général, et des raisons pour lesquelles il plaît aux gens, et quels sont les tropes caractéristiques
des choses comme cela.
A votre avis, d'où provient cette fascination pour le mythe, la fantasy, l'imaginaire ? : Je pense que le mythe, et dans une certaine mesure la fantasy qui s’en approche, donne du plaisir aux gens parce qu’il s’agit d’une objectivation – dans le sens de rendre quelque chose réel et concret – qui correspond essentiellement à la façon dont le moi intérieur fonctionne.
En d’autres termes, c’est un fait que la forme préférée de roman de fantasy est celle qui traite du thème de la quête. Il y a une raison à cela : c’est une métaphore de la vie, de la vie individuelle et du besoin, avant tout, de comprendre les choses qui doivent être changées - puis de rassembler des outils et des compétences, et parfois un cercle de gens, qui peuvent vous aider. Puis de se déplacer pour enfin faire face à de rudes épreuves et, en fin de compte, les surmonter généralement d’une façon ou d’une autre, mais sans pour autant en ressortir inchangé.
Il s’agit d’une métaphore classique, et il se trouve que nous écrivons les versions mythologiques de ces choses ; mais lorsque nous parlons de dragons, en réalité, nous parlons probablement de la vie réelle également. Nous parlons de choses comme, vous savez : « Je veux me libérer de mes parents » ou « Je suis écrasé par ce sentiment de ne pas être à la hauteur », des choses comme cela.
Mais ne nous voilons pas la face, si vous avez l’intention d’écrire là-dessus, vous pouvez le faire, et c’est ce que fait la littérature blanche. La fiction littéraire traite en particulier de la complexité de la vie. Mais nous, écrivains de fantasy et de science fiction, apprécions ce que nous appelons le « sens de l’émerveillement »
nous créons des objets concrets pour parler de cela. C’est amusant également, car alors, cela revient à résoudre une énigme et à s’émerveiller sur des choses horribles ou magnifiques qui n’existent pas. C’est là notre façon de traiter cela, mais par essence, les métaphores sont communes à chacun pour ce qu’elles représentent.
Nourrissez-vous plutôt votre imaginaire avec le monde réel qui vous entoure, ou plutôt avec vos lectures passées ? : En science-fiction, on distingue la « hard science-fiction », une science fiction très technique, soigneusement extrapolée de la réalité scientifique. Vous ne parlez pas juste de machines à remonter le temps sans passer tout le reste du livre à expliquer comment cela est possible et dans certains cas, si ça ne l’est pas, vous ne l’utilisez pas, tout simplement.
En quelque sorte, j’écris ce que je considère souvent comme la version fantasy de la « hard science-fiction », dans la mesure où j’essaie de créer des mondes qui pourraient réellement fonctionner, qui présentent la complexité et la confusion du monde réel, dans lesquels tout le monde ne fait pas la même chose, tout le monde n’est pas d’accord, de nombreuses cultures se côtoient, et où toute culture puise dans tout ce avec quoi elle rentre en contact.
Je me souviens que ce qui me frustrait quand j’ai commencé à lire les écrivains de fantasy des années soixante-dix, c’est qu’ils créaient des cultures du genre : tout le monde vivait dans un arbre, et ils étaient tous du peuple des arbres et ils faisaient tous des trucs du peuple des arbres, et moi je me disais
Mais comment est-ce qu’ils gagnent leur vie ? Pourquoi sont-ils le seul peuple des arbres ? Et ceux qui ne veulent pas vivre dans l’arbre ? Où vont-ils ?
On se pose toujours des questions sur les limites de ces choses. Comment tout cela s’intègre-t-il dans le reste de la société ? Pourquoi ce groupe est-il unique et pourquoi n’a t-il fait que cela pendant des milliers d’années ? Ce genre de trucs. Je m’intéresse absolument au monde réel, à la complexité de la société humaine dans le monde réel.
Avez-vous un lieu favori parmi tous ceux que vous avez inventés, un lieu où vous aimeriez vivre ? Y a-t-il un personnage qui soit particulièrement cher à votre coeur ? : Comme je l’ai souvent dit, le seul monde de fantasy où je pourrais vivre serait celui qui possède une plomberie moderne. Je n’aime pas l’idée d’être sale (rires). Je n’aime pas l’idée d’un monde sans toilettes avec chasse d’eau, sans eau courante.
Je ne suis pas un romantique. Je ne suis pas de ceux qui pensent : Oh, ce serait génial de vivre au Moyen-Âge ! Ah oui, alors cela vous est égal de mourir d’une maladie à l’âge de 28 ans ou de perdre toutes vos dents avant même d’avoir atteint la trentaine, ou des trucs comme ça.
Donc, je n’ai pas un point de vue romantique là-dessus. Il y a certainement des endroits que j’ai créés et qui ont des caractéristiques merveilleuses qui me font dire : Oui, j’aimerais voir cela dans la vraie vie , par exemple mon équivalent de la Lothlorien ou de Fondcombe chez Tolkien. Dans le premier tome de ce qui s’intitule L’Arcane des Epées en français, il y a un des personnages qui séjourne chez les Sithis – ce que nous appellerions des fées ou des elfes - et j’ai simplement essayé de rendre ce monde aussi étrange que possible. Je me disais : Oui, j’aimerais bien voir cet endroit, j’aimerais aller là-bas. Je suis probablement trop dépendant de mon propre environnement pour pouvoir jamais m’y sentir à l’aise mais j’aimerais visiter cet endroit.
Maintenant, il y a d’autres endroits que j’ai inventés pour les livres de L’Autremonde, comme la maison sans fin, qui seraient très amusants à explorer. Encore une fois, à condition que la plomberie soit à la hauteur. Mais si je voudrais y vivre ou non, je ne sais pas.
Alors oui, il y a certainement des choses qui m’attirent mais comme je l’ai dit, je suis vraiment une créature de l’âge moderne. J’aime mon confort, j’aime mon lecteur MP3, j’aime regarder Godzilla à la télévision tard le soir, j’aime avoir une voiture qui me permet de rendre visite à des amis qui habitent à 600 kilomètres de chez moi. Peut-être que si nous n’avions pas de voitures, mes amis n’habiteraient pas aussi loin !
Tout cela fait partie du monde dans lequel nous vivons mais dans l’ensemble, je n’ai jamais vraiment eu cette envie romantique d’aller vivre dans un de ces endroits que je crée. J’essaie de les décrire comme le ferait un anthropologue : Voilà, c’est comme ça. A vous d’observer de l’extérieur pour pouvoir comprendre la vie de ces gens.
En ce qui concerne le personnage, c’est toujours difficile à dire parce que certains écrivains, je pense, s’identifient vraiment à leurs personnages et parfois ces derniers sont des versions idéalisées de quelque chose. Ils sont soit le genre de personne avec qui ils aimeraient sortir, soit le genre de personne qu’ils aimeraient être. Je pense que c’est parfois un problème en quelque sorte, parce que je connais des exemples d’auteurs qui perdent le recul nécessaire. Ils tombent amoureux de leurs personnages et ne se rendent plus compte que tel ou tel n’est plus aussi attachant pour le lecteur qu’il l’est pour eux.
Mes personnages préférés le sont donc pour des raisons différentes. Ils ne le sont pas parce que je veux être eux ou parce que je les idéalise mais plutôt parce qu’ils sont amusants à écrire. Ce sont souvent des personnages qui sont amenés à faire ou à dire des choses amusantes, parce que c’est toujours très drôle à faire.
Quand je travaillais sur L’Arcane des Epées, il y avait un personnage qui s'appelait Binabik, le troll ; j’ai beaucoup aimé le créer parce qu’il avait une façon de regarder les choses et de penser aux choses qui était différente de la plupart des autres personnages. Cela m’a amené à penser différemment mais aussi à essayer de l’écrire de telle sorte qu’il soit à la fois fascinant et drôle sans être pathétique. Pas drôle parce qu’il était bizarre, stupide ou ridicule mais parce qu’il était si différent que son sens de l’humour se dégageait. Je me suis beaucoup amusé à créer ce personnage.
D’un autre côté, dans les livres de L’Autremonde, il y a un personnage - un serial killer - qui s’appelle Dread (qui, je l’espère, est très éloigné de ce que je suis ou de ce que je voudrais être). Ce qu’il fait est effroyable, et donc rien en moi ne prétend que c’est un personnage amusant à écrire. Mais il était tout de même fascinant à créer parce que j’essayais vraiment de pénétrer l’esprit de quelqu’un qui est très différent de la plupart d’entre nous et d’en faire quelqu’un, non que l’on puisse aimer, mais que l’on puisse comprendre, pour que le lecteur puisse se dire
Oui, je crois que ce personnage est réel. Là est le défi et voilà pourquoi il fait aussi partie de mes personnages préférés.
Voici une question touchant presque au mysticisme : croyez-vous vous-mêmes au petit peuple, aux fées, à un monde qui nous serait caché et dont proviendraient toutes nos légendes ? : Je dirais oui et non. Non dans la mesure où je suis pragmatique et où je ne vois aucune preuve de leur existence dans notre monde moderne. Ce qui ne veut pas dire que cela n’a jamais existé mais je n’en vois aucune manifestation autour de moi aujourd’hui. Maintenant, plus j’en apprends sur la façon dont le monde et l’univers fonctionnent réellement, plus ils deviennent complexes, merveilleux et mystérieux.
Ceux qui étudient la physique moderne, même les simples amateurs tels que moi, se rendent compte qu’il se peut qu’on ne comprenne jamais comment le monde fonctionne, parce qu’à chaque fois qu’on lui ouvre le ventre et que l’on pense : OK, voici la chose la plus grosse ou la plus petite que nous puissions trouver , il y a toujours autre chose ! Nous en sommes encore à essayer de déterminer s’il existe d’autres dimensions, et certains modèles mathématiques vont même jusqu’à parler de dix ou douze dimensions !
Et donc, dans un monde où même les plus endurcis et sérieux pragmatiques qui existent, à savoir les physiciens, qui ne jurent que par la preuve mathématique, vous disent
Nous ne savons absolument pas si nous vivons au milieu de douze dimensions, ou des milliers, ou simplement celles que nous percevons , alors qui suis-je pour pouvoir prétendre savoir ce qui est réel et ne l’est pas ?
Quel est votre sentiment sur Epinal – l'accueil, la manifestation elle-même... ? : Eh bien, plusieurs choses : tout d’abord en ce qui concerne Epinal, puis sur mon retour en France.
J’apprécie vraiment qu’Epinal soit resté centré sur les livres, parce qu’il existe beaucoup d’autres endroits où les conventions, dans le but de s’adresser à un large public et d’intéresser toutes sortes de gens, se sont vraiment diversifiées – je ne vois rien à redire à cela, mais elles ne sont plus uniquement centrées sur les livres et ces derniers sont ce que j’aime avant tout. J’aime regarder un bon film comme tout le monde, mon fils aime jouer à des jeux vidéo, je n’ai rien contre cela, mais ce que je préfère, ce sont les livres et donc, j’admire vraiment le fait qu’Epinal soit une convention du livre. Oui, c’est là-dessus qu’il faut être axé.
En ce qui concerne mon retour en France et en particulier à Epinal, cela a réellement accentué quelque chose que je ressens depuis un moment, à savoir que ces dernières années, je n’ai pas souvent été en contact avec mon lectorat européen. La France en est un très bon exemple (je vends des livres en France depuis plus de vingt ans et je parle même un petit peu le français) car je n’y ai jamais participé à une quelconque convention officielle, ou à une simple tournée de dédicaces ou quoi que ce soit. J’en suis beaucoup plus conscient aujourd’hui et je veux y remédier.
Donc, c’est très sympa d’être ici et de rencontrer des gens qui aiment mes livres et bien sûr, le public est adorable. Mais mon point de vue sur la question a toujours été un peu faussé parce qu’à chaque fois que je me rends quelque part pour des raisons professionnelles, si les gens viennent me voir pour me parler, ils connaissent déjà ce que j’ai écrit et s’ils n’aimaient pas mes livres, ils ne prendraient pas la peine de venir me voir - je ne vois donc que le bon côté des gens. C’est vraiment très sympa. Alors voilà, j’ai plein de choses à faire, je passe un très bon moment mais en même temps, je me dis
Il faut vraiment que je revienne ici plus souvent !
Comment expliquez-vous votre popularité au-dessus de la moyenne en Allemagne ? : C’est en partie dû au hasard. Quand nous avons vendu la série d’Autremonde en Allemagne, nous sommes allés voir un nouvel éditeur, très connu, et par conséquent, l’accueil médiatique réservé à ces livres a été très favorable. Il se trouve que cet éditeur était également celui de Tolkien (et c’est l’une des raisons pour lesquelles je suis allé chez lui – il publie Tolkien depuis les années soixante). La combinaison de ces deux choses signifiait qu’il commençait à envisager sérieusement de publier de la fantasy et de la science-fiction, et j’ai été l’un des premiers à en bénéficier. Et tout à coup, j’ai été traité comme un auteur respectable par les médias conventionnels allemands. Je donnais des interviews pour des journaux, des magasines, et parfois pour la télévision ou la radio. Ca a commencé comme ça : si j’avais un éditeur respectable, si Klett-Cotta me publiait alors, tout à coup, je devais être un assez bon auteur.
La deuxième chose, c’est que les livres d’Autremonde sont devenus un feuilleton radiophonique en Allemagne, qui s’est finalement révélé être le feuilleton le plus long de l’histoire de la radio allemande : 24 heures, 200 acteurs, effets audio spéciaux, musique ... C’est passé à l’antenne, ils en faisaient toute une affaire et de plus, les épisodes étaient diffusés au fur et à mesure qu’ils étaient réalisés, donc tout n’est pas sorti d’un seul coup. Et puis il y a eu les CDs, et puis cet emballage spécial pour la mise en vente, et tout cela a très bien marché également. Ils avaient mis tellement de temps et d’énergie là-dedans qu’ils pensaient qu’il fallait aussi en faire un CD.
Et donc, tout à coup, ça s’est adressé à des gens qui ne lisent normalement pas de science-fiction, de même que lorsque vous faites un film ou un téléfilm, certaines personnes le voient sans pour autant se dire qu’ils veulent lire cette histoire, mais au moins il le voient à la télévision et ils peuvent l’apprécier.
Je pense que c’est ce qui s’est passé avec des gens qui se sont dit
Oh, c’est quoi ce truc bizarre à la radio ? , avec des gens qui sont à l’intérieur d’un ordinateur, qui descendent une rivière et qui sont attaqués par des insectes géants ... C’est très intriguant en effet, et je pense que c’est encore un truc important qui s’est produit avec cela. La combinaison de toutes ces choses a fait que c’est devenu un marché énorme et très important pour moi.
A quoi peut-on s'attendre avec le troisième et dernier tome de Les Royaumes des Marches ? : Ce qui est intéressant, c’est qu'il se passe deux choses dans ce livre, deux choses qui en font quelque chose qui diffère un peu, peut-être, d’autres romans de fantasy.
L’une de ces choses, c’est qu’au coeur de l’histoire se trouve une famille, au sein de laquelle les personnages découvrent réellement qui ils sont - pas simplement eux-mêmes, mais l’histoire de leur famille. Cette dernière a vécu dans la tension et le malheur, mais aussi l’amour, j’ai donc vraiment fait en sorte que le contexte et l’héritage familiaux aient une place importante.
Ceci est probablement dû au moment où j’en suis personnellement dans ma vie : j’ai des enfants, mes parents vieillissent et je pense aujourd’hui aux transitions de la vie. Je me rends compte qu’il y a des histoires que je ne connais pas, que je veux les entendre me les raconter avant qu’ils s’en aillent et des choses comme cela. Mais heureusement, ils sont encore en bonne santé et vous savez, je peux y faire quelque chose.
Donc, c’est une partie importante de ces livres. L’autre chose, c’est que j’ai défini la mythologie dans le premier et le deuxième tome et il y a effectivement plusieurs mythologies conflictuelles qui ont toutes une racine commune. Dans le premier tome, on a l’impression qu’elles sont à l’arrière-plan, un peu comme pour dire : Voici ce en quoi les gens croient dans ce monde .
Dans le deuxième tome, vous commencez à comprendre qu’il se passe quelque chose, sur le plan mythologique, et que cela a quelque chose à voir avec ce qui se passe dans le présent.
Dans le troisième volume, le monde mythologique dans son ensemble commence à s’introduire dans le prétendu monde réel et, comme on dirait en anglais, The chickens are coming home to roost : on récolte ce qu’on a semé. Toutes ces choses qui ont été mises en place auparavant, toutes ces vieilles légendes et histoires ne commencent pas seulement à être importantes, elles deviennent effetivement réelles dans le troisième tome.
Et donc, la trajectoire de ce dernier volume sera – pas littéralement, mais par exemple
si votre société croit en l’arrivée d’un messie, que se passera-t-il en réalité quand le messie en question reviendra ? Ou si votre société croit en de nombreux dieux qui passent leur temps à se faire la guerre, qu’est-ce que ça signifie pour les humains et que se passerait-il s’ils recommençaient ? Des choses comme ça. Il y a donc dans le dernier volume tout cet aspect mythologique qui est beaucoup plus explicite que dans les deux premiers tomes et vous commencez réellement à vous rendre compte de ce qui se passe effectivement dans ce monde.
Voilà tout ce que je puis vous dire sans trop en révéler.
Merci beaucoup !
C’était un plaisir.

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