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Entretien avec China Miéville

Par Thys, le jeudi 1 mars 2007 à 14:25:38

Le dernier MiévilleUn Lun Dun, le dernier China Miéville, vient de paraître en Angleterre et aux Etats-Unis, le mois dernier. Il s'agit d'un ouvrage que l'on pourrait classer en Jeunesse par chez nous, et illustré par l'auteur lui-même.
En attendant la parution française de cette histoire à propos d'une Londres de l'autre côté du miroir, nous avons décidé sur Elbakin.net de vous proposer cette très intéressante interview, traduite entièrement par nos soins et dès maintenant à lire !
Enjoy !

China Miéville se livre

Agé de 34 ans, China Miéville a par deux fois remporté le British Fantasy Award. Son dernier projet en date consiste en un livre pour enfants illustré par lui-même Un Lun Dun.
Après avoir été diplômé en anthropologie sociale à l’Université de Cambridge et en politique internationale à la London School of Economics, Miéville s’est mis à l’écriture de romans fantasy dans la veine du Weird.

Qu’est-ce qui vous a amené à devenir écrivain, en dépit de vos études politiques ?

China Miéville : J’ai toujours aimé écrire des histoires. C’est ce que je préférais à l’école. J’ai toujours aimé dessiner des monstres et des paysages de jungles étranges. J’aime écrire des histoires avec des monstres et des aliens. Ca ne m’a jamais passé et on ne m’a jamais découragé de faire ça.

Vous vous êtes présenté en politique et êtes très actif dans les groupes socialistes au Royaume-Uni. Comment vos intérêts politiques influencent-ils votre travail créatif ?

CM : Je suis actif politiquement depuis que je suis adolescent. La politique a toujours été très importante. Le genre de choses qui m’intéressent en tant qu’écrivain s’en rapproche. C’est une question de comportement politique, de hiérarchies et de justice – on peut voir des thèmes politiques dans une fiction. Il est important que la fiction ne soit pas une arène pour les opinions politiques. Pour les gens qui sont intéressés par cela, on peut voir beaucoup de choses qui m’occupent l’esprit. Mais je veux aussi que ce soient des histoires intéressantes. Il serait faux de penser que la fiction traite de politique. Je pense qu’il en va de même avec beaucoup d’écrivains.

Votre art est effrayant. Comment concevez-vous le fait d’écrire et d’illustrer en même temps ?

CM : C’est la première fois que je fais les deux. J’ai écrit le livre et je ne voulais pas que ce soit perçu comme un projet vaniteux. J’ai envoyé plusieurs illustrations aux éditeurs. J’ai insisté sur le fait que ça n’était pas grave s’ils préféraient faire appel à un illustrateur. Mais les gens les ont assez appréciés pour qu’on décide de les utiliser. C’est intéressant que vous les trouviez effrayantes et sombres. Je prends ça comme un compliment parce que dans certains films pour enfants, il y a une tendance à ne pas être effrayant. Par exemple, dans certains Disney récents, il y a peu de méchants. Ce sont des absurdités. Lorsque j’étais enfant, j’aimais être effrayé par les monstres. J’aimais cette obscurité. Sans vouloir que ce soit une histoire d’horreur illisible, je ne crois pas qu’il y ait rien de mal à être effrayant.
Si on compare le dragon à la fin de La belle au bois dormant et les singes comiques du Roi Lion on se rend compte que les choses changent. Le dragon est véritablement effrayant. Je pense que les enfants aiment ça. Il y a une véritable perte si on cherche à faire moins.

Comment trouvez-vous un équilibre entre la politique et l’écriture dans votre vie ?

CM : Ca peut être difficile parce que les deux sont très prenants. La politique demande énormément d’énergie. Il en va de même pour l’écriture. Ma solution est faire les choses par tranches. Je ne fais pas une chose le lundi et l’autre le mardi. Je prends un mois pour me concentrer sur l’écriture, un mois pour les études. Puis quelques semaines pour la politique. Je n’ai pas plusieurs personnalités, mon caractère est le même. Tout cela a du sens. En terme de timing. Cela peut être étrange. On peut trouver la même chose avec un enseignant qui écrit de la fiction. Quelqu’un qui a une famille et fait quelque chose d’autre. Je n’ai pas l’impression d’avoir scindé ma personnalité.

A quoi ressemble un jour typique d’écriture ?

CM : Je me lève assez tôt. Je commence dans ma chambre. Je m’assoie et bois des tasses de thé sans fin. Assis en caleçon et T-Shirt. J’écris régulièrement 10 ou 11 heures par jour. Je fais ça pendant un mois ou 6 semaines, intensivement et je ne vois personne. J’ai tendance à être mono-maniaque. C’est sans pitié. En tant qu’écrivain, on doit être très motivé – au moins un certain nombre d’heures par jour et arrêter. Ou alors on laisse ça de côté.

Comment trouvez-vous votre équilibre pendant un mois d’écriture ?

CM : Je ne le trouve pas. J’ai quelques amis très proches qui savent que lorsque je travaille très dur, ils ne vont pas me voir pendant quelques semaines. Chacun travaille différemment. La réponse courte est que je ne recherche pas le contact ou même à faire quoi que ce soit d’autre lorsque je travaille ainsi. Certains travaillent jusqu’à une certaine heure, puis sortent. Je ne le peux pas.

Comment cette période de retraite vient-elle ? La prévoyez-vous à l’avance ou ressentez-vous le besoin de vous isoler pour écrire ?

CM : Il y a plusieurs facteurs. Parfois vous êtes sous contrat et vous devez rendre des comptes. Il y a d’autres moments où vous vous sentez incroyablement inspiré et où vous voulez vous y mettre. Je crois que, comme beaucoup de personnes, je n’aime pas le processus qui consiste à écrire, mais j’aime avoir fini d’écrire. L’une des raisons pour lesquelles j’écris n’est pas parce que j’adore ça, mais parce que je sais que je me sentirai super bien quand j’aurai fini. Puis, le processus d’édition est bien plus facile. Réécrire, même si ça demande beaucoup de travail, est bien plus facile que d’écrire un premier jet. Cette intensité vient de l’acte original de création. Parfois vous avez une idée que vous ne pouvez réaliser ou alors vous pensez que le mois suivant sera occupé. Ou bien c’est une combinaison d’éléments.

Certains disent que vous faites pour le genre Weird ce que Roald Dalh a fait pour la fantasy. Comment répondez-vous à cela ?

CM : Il est évidemment très flatteur d’être comparé à des pointures. C’est un grand honneur. Mais je suis très prudent. Il est important de ne pas tout avaler. Je suis très conscient de cela. Ce que je fais a des précurseurs. Si d’autres prétendent cela à mon propos, je serai respectueusement en désaccord avec eux. L’une des raisons pour lesquelles je suis important là dedans, c’est que j’ai percé. Mes livres qui ont eu le plus de succès viennent à un moment où il y a une fiction imaginative, peu commune qui essaye de faire de nouvelles choses. Parfois, quand les gens disent ces choses gentilles à mon propos, ils m’utilisent comme exemple et ils parlent d’un moment de la fiction en général. Une partie de tout cela fait mon propre éloge, mais c’est aussi l’éloge d’un moment de la littérature. A ce niveau, c’est incroyablement flatteur. Cela ne m’est d’aucune utilité. J’ai la chance d’être là à un moment où le genre est populaire.

Comment décririez-vous votre travail à quelqu’un qui ne l’a pas lu ?

CM : Avec le livre pour jeunes adultes, je dirais que c’est l’histoire classique d’Alice au pays des merveilles de quelqu’un qui se retrouve dans un autre monde – à part peut-être une sorte de tour post-industriel. Et puis les relations avec certaines règles du genre sont quelque peu sceptiques.

Voulez-vous dire quelque chose à vos lecteurs par rapport à votre tournée ?

CM : S’il y a une chose, je suis un peu timbré quand il faut parler de ça. Je n’aime rien tant que de parler du livre. Je déteste les spoilers. Si vous allez parler de quelques chose qui se déroule plus tard dans le livre, alors prévenez tout le monde dans la pièce pour ne pas leur gâcher le plaisir. On m’a gâché plus d’un livre quand des gens se lèvent et racontent la fin à tout le monde dans l’assistance. Je suis très heureux si des gens veulent parler de tout le livre – mais les gens ont besoin d’un avertissement de manière à ce que s’ils n’ont pas lu le livre, ils puissent sortir. L’une des raisons pour lesquelles je suis si excité par rapport à ce livre est que j’y ai mis mes illustrations. J’ai extrêmement hâte de voir comment les gens vont les trouver. J’espère que les gens ne vont pas les prendre pour une distraction. C’est toujours très marrant d’être en tournée. J’attends spécialement l’événement qui se déroulera à Richmond. C’est super d’avoir tant de libraires indépendants ensemble.

Article originel.


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