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Forge of Darkness

Tome 1 du cycle : The Kharkanas Trilogy
ISBN : 978-085750135-6
Catégorie : Aucune
Auteur/Autrice : Steven Erikson

Les temps sont troubles en Kurald Galain, le royaume sur lequel règne Mother Dark. Les adeptes de Vatha Urusander veulent voir le grand héros du peuple épouser la quasi-déesse, mais Lord Draconus, son Compagnon, se dresse au milieu de ces ambitieux.
L’affrontement imminent se ressent à travers tout le royaume et, alors que les rumeurs de guerre civile se font toujours plus fortes, un ancien pouvoir surgit des mers.
Piégés au milieu de ce tourbillon d’ambitions et de puissances, Anomander, Andarist et Silchas Ruin, les Premiers Fils des Ténèbres, sont sur le point de façonner un nouveau monde.

Critique

Par Merwin Tonnel, le 10/12/2013

Les grandes sagas sont légion en fantasy et peu sont les auteurs de ces cycles qui ont résisté à l’appel de la préquelle ou de la suite, parfois pour des raisons bassement mercantiles, plus souvent parce que l’écrivain n’arrive pas à dire au revoir à son univers, avec ou sans la pression des fans. Pourtant, à la lecture de Forge of Darkness, premier tome d’une trilogie préquelle au Livre Malazéen des Glorieux Défunts, difficile de placer Steven Erikson dans une de ces deux catégories.

Les lecteurs de son cycle principal le savent, l’auteur connaît les grandes lignes de l’histoire de son univers depuis le début. Le Livre Malazéen en était un gros morceau, les romans d’Ian C. Esslemont en sont un autre et la Trilogie Kharkanas vient maintenant s’insérer naturellement dans une grande œuvre encore en construction. Il ne s’agit donc pas d’une rustine qui vient s’appliquer sur une saga à la demande d’un éditeur. Pour preuve, si la préquelle fait bien entendu des renvois au cycle principal, la relecture de la saga, notamment à partir de Toll the Hounds, fait apparaître des scènes annonciatrices des évènements décrits dans cette trilogie et donc, éditorialement parlant, plus tard.
Difficile aussi de parler de fan service ou d’un auteur qui se complaît dans un univers confortable, puisque Steven Erikson met à bas toutes les attentes des lecteurs, aussi bien sur le fond que sur la forme. 
Exit les intrigues se déroulant sur plusieurs continents et sur une longue période de temps; Forge of Darkness parle de tragédies très personnelles dans un espace relativement confiné et à une période bien précise. Le style de l’auteur est donc de prime abord moins touffu et cultive beaucoup moins le mystère. Par exemple, le personnage point de vue d’un paragraphe est annoncé dès les premières lignes du passage alors que, dans le Livre Malazéen, Erikson s’amusait souvent à ne dévoiler le nom du protagoniste concerné qu’une fois le paragraphe ou le chapitre bien entamé, voire ne le faisait pas du tout.
La construction du roman est aussi très différente de ce qu’a pu faire l’auteur dans ses dix précédents livres. Si vous vous attendez à une montée en puissance tout au long du récit pour un final explosif à l’image des fameuses convergences de sa saga, vous allez être surpris. Les évènements les plus importants de Forge of Darkness se déroulent aux trois quarts du roman, qui reste de manière générale assez calme et introductif, sans être ennuyeux. Il s’agit de poser les pièces et les enjeux qui mèneront à une guerre civile et d’en présenter les acteurs, pas de tout faire péter dès les premières pages.
Les plus grosses surprises sont quand même à chercher au niveau de l’univers.
Vous pensiez retrouver le même monde que dans le Livre Malazéen, dont vous connaissiez les continents, les systèmes de magie et les différentes races ? Pas de bol, Erikson nous envoie dans un royaume à la géographie un peu vague où la magie est loin d’être aussi bien maîtrisée. S’agit-il du même monde, mais plusieurs centaines de milliers d’années auparavant, ou d’un autre univers ? L’auteur s’amuse à brouiller toutes les pistes (« Hé, mais cette ville s’appelle Omtose Phellack ! »), changeant les noms de certaines races ou, carrément, introduisant une nouvelle race d’une importance capitale, les Azathanai, comme si de rien n’était. Peu à peu, le lecteur qui se pensait aguerri en termes de mythologie malazéenne reprend ses marques, mais le démarrage est des plus déstabilisant. (Ironiquement, un nouveau lecteur n’aura pas ces difficultés puisqu’il n’aura pas d’attentes à revoir et que l’entrée en matière se fait de manière plus douce par rapport aux Jardins de la Lune).
Vous vous attendiez à une genèse de l’univers malazéen, un Silmarillion eriksonien dont Anomander Rake serait le héros ? Il faudra repasser. Lorsque le récit commence, l’univers a déjà un lourd passé, chargé de mystères, et la civilisation Tiste a bien vécu et est même en pleine décadence. Anomander, quant à lui, s’il est bien présent, est encore au second plan et n’est pas forcément le personnage principal du roman. Il est aussi bien plus jeune que dans le Livre Malazéen, n’a même pas la même apparence, et n’a donc pas encore le même caractère que le leader charismatique qu’il deviendra.
Je m’arrête là ; vous l’aurez compris, derrière son apparente simplicité, Forge of Darkness est un nouveau challenge littéraire pour les lecteurs du cycle principal, qui en sont forcément friands. D’autant plus que l’on retrouve le discours philosophique et humaniste de l’auteur qui cette fois-ci s’attarde entre autres sur la religion, la croyance et la naissance d’un culte, puisque c’est un des enjeux au cœur du récit.
Le roman est finalement très dense mais, étrangement, cette épaisseur ne trouve pas sa source aux mêmes endroits que dans le Livre Malazéen. Si l’intrigue n’est pas alambiquée, du moins pour un livre d’Erikson, l’ambiance est pesante, le spectre de la guerre civile et du fanatisme s’étend sur toutes les pages et lorsque le drame frappe, il ne fait pas les choses à moitié. Les touches d’humour sont plus que rares et ne suffisent pas à laisser respirer le lecteur. C’est une grande tragédie, composée de plusieurs histoires tragiques, qui se déroule sous nos yeux et il faut se rendre à l’évidence : tout ceci finira mal. Mais, sous la plume de l’auteur, c’est une douleur délicieuse pour le lecteur.
Au bout du compte, Forge of Darkness est un premier tome introductif, certes, mais qui sait utiliser ce début de trilogie relativement calme pour poser une ambiance de fin du monde, proposer des personnages complexes et intrigants et dérouler un discours intelligent. Le livre ne ménage pas non plus le lecteur lorsque l’action s’emballe et les destins tragiques sont bouleversants.
Avec la Trilogie Kharkanas, Steven Erikson veut tenter quelque chose de nouveau et audacieux, nous faire découvrir l’univers malazéen avec un autre regard et, à l’évidence, c’est réussi. Fall of Light et Walk in Shadow viendront compléter cette pièce dramatique avec on l’espère autant, sinon plus, de talent.

 

8.0/10

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