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Tad Williams répond aux questions

Par Nero, le mercredi 21 février 2007 à 16:27:47

Tad Williams revient sous peu sur le devant de la scène en France, et c'est peu de le dire que nous l'attendons de pied ferme, ici, sur Elbakin.net !
En attendant, nous vous avons préparé la traduction intégrale d'une toute récente interview de l'auteur, que vous pouvez donc découvrir dès maintenant. Une fois de plus au passage, mille mercis à notre camarade Pat !
Et bonne lecture...

Tad Williams répond à Patrick Saint-Denis

Sans trop en dévoiler, pourriez-vous donner à vos lecteurs un aperçu de SHADOWPLAY ?

Il reprend l'histoire du premier volume et l'approfondit. Nous en découvrons plus à propos de ce qui existe réellement au-dela du monde que les personnages principaux connaissaient - ce qu'ils pensaient être la vérité. Nous voyons également beaucoup plus à la fois du monde humain et des terres au-delà de la ligne d'Ombre, et nous avons l'occasion de connaître bien mieux les "méchants" et d'apprendre pourquoi ils font ce qu'ils font. Et il y a des monstres et des trucs de ce genre. J'ai toujours aimé les monstres et les trucs de ce genre.

Les auteurs déclarent souvent que le second volume d'une trilogie est souvent le plus difficile à écrire. Etait-ce le cas avec SHADOWPLAY ? Travailler sur SHADOWMARCH était en toute vraisemblance différent de vos écrits précédents car il a commencé comme un projet basé sur le web. Etait-ce la routine de travailler sur sa suite ?

C'était définitivement difficile, parce que j'avais à concevoir beaucoup d'intrigues et de construction du monde qui auraient normalement dû être faites lors du premier volume. Cela n'a pas été fait parce qu'à ce moment (tant que c'était une série online), je faisais juste cela à la volée et j'écrivais pour la date limite. Dans le second volume, j'étais souvent en train d'inventer des réponses j'aurais déjà du connaître au moment où j'écrivais ces choses. Intéressant, mais pas reposant. Cependant, je pense que dans le long terme, le départ bizarre, comme toutes les courses d'obstace, réussira à rendre l'histoire intéressante et unique.

Quelle était l'idée initiale qui vous a poussé à écrire cette série en premier lieu ?

Il y a bien longtemps - et je veux dire BIEN longtemps, comme le milieu des années 90 - j'ai eu une conversation avec les artistes Roger Dean et Mike Kaluta à propos d'un travail sur un film de fantasy. Cela ne s'est jamais conclu, mais j'ai commencé à penser que le genre était mieux approprié pour des épisodes de télévision, vu qu'une des gloires de la fantasy est le worldbuilding étendu, c'est-à-dire quelque chose que vous pouvez faire beaucoup mieux avec 26 épisodes que dans un film de 2 heures. J'ai donc commencé à construire une histoire qui se baserait surtout sur un endroit unique. Je n'ai jamais réussi à en faire un show télévisé, mais je me suis intérssé dans les personnages, et l'environnement et je voulais faire quelque chose avec. J'ai donc fait de SHADOWMARCH un projet online en premier lieu, puis un livre.

Les intrigues ont-elles beaucoup changé depuis que vous avez commencé à écrire la série, ou aviez-vous plus ou moins construit l'histoire depuis le tout début ? Y a-t-il des personnages qui ont été ajoutés ou enrichis au-delà de votre intention ? Avez-vous fait des changements à vos plans initiaux durant l'écriture de la série ?

Oui, oui et oui. J'avais des idées générales, certaines desquelles sont encore utilisées pour l'histoire globale, mais je n'ai pas beaucoup pensé au-delà de ce qui est devenu le premier volume, précisément parce que je ne voulais pas perdre la spontanéité - ou sinon, pourquoi se préoccuper de publier online lorsque vous écrivez ? J'aimerais dire que j'ai toujours su tout ce qui va se passer dans mes livres, mais je trouve que, bien que j'ai besoin d'en connaître beaucoup sur la fin, j'ai aussi besoin de découvrir des choses le long du chemin. C'est ce qui fait des livres plus que simplement une intrigue, du moins pour moi.

Y a-t-il des lieux communs de la fantasy que vous vouliez contourner ou briser quand vous avez écrit SHADOWMARCH et sa suite ? Et à propos de l'Arcane des Epées ?

Pas plus de travail sur les lieux communs que de prendre ce que j'ai appris dans les quinze-vingt dernière années d'écriture et de les appliquer à une autre fantasy épique. Je ne suis pas tant un iconoclaste que quelqu'un qui plie les icones et les attentes à sa volonté. J'aime créer un dialogue inconscient avec les lecteurs qui essaient de voir où je veux aller avec l'histoire. C'est comme être un joueur de baseball : même si vous avez de grandes compétences, un lancer de balles flamboyant, et une courbe vicieuse, vous vous comportez mieux contre des joueurs professionnels si vous changez énormément de vitesse sur ces pitches et que vous les mélangez - les rendez à des moments auxquels on ne s'attend pas. Les lecteurs de fantasy ont tendance à lire beaucoup de fantasy. J'aime utiliser cela contre eux et les garder continuellement surpris. (Cela marche également pour les lecteurs qui ne sont pas autant impliqués dans le genre, mais ils peuvent ne pas remarquer ce qu'il leur arrive.)

Après ce qui ne peut être appelé qu'une carrière illustre et riche, qu'est-ce qui vous motive à continuer à écrire ?

Samuel Johnson a dit que la perspective d'être pendu - concentre l'esprit formidablement. Avec moi, c'est la perspective de ne pas payer l'hypothèque et d'avoir à vivre avec ma femme et mes enfants dans un vieux frigo en dessous de l'autoroute. Evidemment, si vous parlez de l'aspect artistique, il y a également le fait que chaque année qui passe, je découvre comme auteur une centaine de nouvelles choses que je ne sais pas comment faire et que je voudrais faire. Une des plus grandes choses à propos du métier d'écrivain, ou de n'importe quel type d'artiste ou artisan, est que le challenge reste jusqu'au jour où vous mourrez.

Vous avez écrit des romans pendant plus de deux décades. Qu'est-ce qui a changé le plus en fantasy depuis le début de votre carrière ?

Pas assez. C'est encore largement (pour aussi loin que je puisse dire) un genre de confort pour beaucoup de lecteurs - c'est à dire, énormément de personnes vont lire n'importe quel déchet pourvu qu'il y ait assez de clichés fantasy dedans. Je peux toujours compter sur mes deux mains le nombre d'écrivains dont j'attends avec intérêt le travail, et c'est parce que ceux que j'avais l'habitude d'attendre avec impatience sont morts pour la plupart et seulement peu de nouveaux sont venus pour prendre leur places.

Je devrais clarifier cela, en fait. Quand je dis "fantasy" je parle de la partie la plus traditionnelle du genre. Si vous interprétez "fantasy" dans sa forme la plus vaste, incluant ce qui est appelé fiction morderne, ou réalisme magique, il y a énormément à lire, et beaucoup sont très bons.

Le fait que vous avez un site web officiel sur le net est une indication que l'interaction avec vos lecteurs est important pour vous en temps qu'auteur. A quel point est-ce spécial d'avoir la chance d'interargir directement avec vos fans ?

J'adore recontrer des lecteurs, que ce soit virtuellement ou dans la vie réelle. Je ne peux parler beaucoup à ce sujet sans paraître stupide. J'aime les personnes qui lisent mes livres, et pas seulement parce qu'ils aident à garder ma famille en dehors de ce refrigérateur. Après tout, il semble logique que si un écrivain comme moi écrit ce qu'il aimerait lire, alors les personnes qui aiment son travail vont souvent partager des similarités et intérêts.

Les personnages prennent souvent en charge leur propre évolution. Lequel de vos personnages trouvez-vous le plus imprévisible ?

L'exemple classique pour moi est le moine Cadrach dans l'Arcane des Epées. Il devait être un personnage mineur - quelqu'un qui ne fait que passer - mais a grandi en importance jusqu'au moment où il est devenu un pilier de l'histoire. Cela se passe un peu dans SHADOWMARCH avec le poète Matty Tinwright, bien que je ne sois pas encore complètement sûr de ce qu'il va faire dans le dernier volume.

Dans le long terme, que va différentier SHADOWMARCH des autres séries populaires de fantasy ?

J'espère la profondeur des personnages, la profondeur de la construction du monde, et la qualité intrinsèque de l'intrigue. En bref, toutes les choses compulsives et obsessives que j'apporte dans mon travail plutôt que d'être traitées par des médecins respectables afin que je puisse vivre une vie normale.

Subterranean Press vient juste de sortir une collection d'histoires courtes et de travaux assortis appelé RITE ? Pouvez-vous nous en dire plus à propos de ce livre ?

J'ai toujours trouvé que j'avais plus de cordes à mon arc que ce que la plupart des personnes pensaient , donc quand Subterranean Press m'a contacté, j'étais enchanté de faire la collection. Cela me donne une chance de montrer au lecteur une partie de la matière - la moins spécifique au genre, l'humour - que j'aime également, et que je considère être une partie de mon écriture qui n'est pas toujours mise en valeur dans mes romans.

Travaillez-vous toujours sur A CHRONICLE IN STONE (des histoire courtes qui se passent dans Osten Ard) lorsque vous écrivez les sagas actuelles, ou ce projet a-t-il été remis à plus tard ?

Je projette toujours de le faire, et j'attend avec intérêt de le faire. J'ai été plus ou moins pris en embuscade par SHADOWMARCH, et il faut du temps pour se remetter des embuscades de multi-volumes.

Si vous pardonnez l'analogie un peu réductrice, les critiques comme les fans ont souvent déclaré que vous étiez quelqu'un de connu pour commencer lentement ses récits. Est-ce un aspect que vous avez tenté d'améliorer au cours des années, ou avez-vous simplement besoin de temps pour mettre en place les informations qui permettront à chaque pièce de venir à sa place plus tard dans un roman/une série ?

C'est certainement la raison pour laquelle mes histoires commencent souvent lentement. Je trouve que si vous commencez une histoire à grande vitesse, les lecteurs deviennent impatients si vous ne gardez pas ce rythme tout le long, et, pour trois cent pages ou approximativement, ce n'est pas très pratique. J'aime également que les lecteurs apprennent à connaître le monde qui ETAIT, pour qu'ils puissent apprécier le drame de ce qui commence à s'y passer. Cela pourrait être instructif de regarder mes oeuvres plus courtes et voir si elles commencent également lentement.

Comment voudriez-vous que l'on se rappelle de vous en tant qu'auteur ? Quel est le legs que vous laisserez derrière vous ?

Je soupçonne/j'espère secrètement que l'on réalisera qu'OTHERLAND était une histoire unique. J'en suis très fier. Et j'espère que quand je serai parti, on ressentira le même lien avec mon oeuvre que je ressens avec mes auteurs favoris, dont beaucoup ne sont plus de ce monde. Voilà la chose principale : le lien avec les lecteurs. Nous cherchons tous à nous rapprocher.

Avez-vous une idée du projet auquel vous vous attaquerez une dois que le volume 3 de SHADOWMARCH volume 3 sera fini ? Le roman a-t-il un titre de travail pour le moment ?

J'ai deux idées qui sont actuellement en première position : un livre Guerre-Froide-entre-le-Paradis-et-l'Enfer appellé à titre d'essai "And Ministers of Grace" et un livre de science-fiction superhéros-et-terroristes-se combattant-dans-une-guerre-galactique (avec des échos du Mahabharata) appelé également à titre d'essai "Arjuna Rising". Mais qui sait ce qui sera sur le dessus de la pile dans une année ?

Honnêtement, pensez-vous que je genre fantasy sera un jour reconnu comme de la véritable littérature ? Pour dire la vérité, je pense qu'il n'y a jamais eu autant de livres de qualité que maintenant, et pourtant, il y a toujours aussi peu de respect (pour ne pas dire aucun) accordé au genre.

Tant qu'une grande partie du genre est "commerciale", c'est-à-dire achetée par être lue pour du confort de la même manière qu'on achète des thrillers d'aéroports et des romans de romance, non. La raison pour laquelle la fiction littéraire est "littéraire" est qu'il n'est pas valable de publier la partie réellement stupide du genre parce qu'on achète à peine la partie intelligente, donc les littéraires n'ont pas à avoir leurs cousins idiots dans le salon quand ils reçoivent.

Que voudriez-vous partager d'autre avec vos fans ?

Juste ma profonde gratitude que des personnes lisent mon oeuvre, et la promesse que je ne publierai jamais un livre auquel je ne crois pas.

Article originel, par Patrick Saint-Denis, le 15 février 2007


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