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Bilan 2024, l’année fantasy des maisons d’édition

Par Gillossen, le 26 mars 2025 à 21:00

L'Atalante - Mireille Rivalland

L'Atalante

Alors que 2024 se termine à peine, quel serait votre premier bilan, à chaud, concernant votre maison ou même la situation globale en Imaginaire ?
Le bilan est mitigé pour 2024, au regard des succès des quatre années précédentes. Les offices ont été à la baisse, parfois rattrapés par le réassort, heureusement. Cela a concerné surtout les valeurs sûres : Scalzi, Le Guin et Wells – dont Roi Sorcier a suscité l’engouement en fin d’année. Et côté fonds, le succès d’Un Psaume pour les recyclés sauvages ne se dément pas avec 8000 ventes dans l’année deux ans après la sortie !
Le secteur est un peu à la peine, pris entre l’absorption de publications en littérature générale et des tendances du moment qui phagocytent le rayon : rien de nouveau à mes yeux, mais cela nous pousse à garder notre (la) ligne, car l’expérience nous a montré que publier trop de livres n’était pas dans nos cordes.
Avez-vous retenu un événement ou une décision particulièrement marquants ? On songe à l'usage de l'IA dans l'édition, ou aux coûts de production en hausse, aux difficultés rencontrées par beaucoup de maisons indépendantes...
Les coûts d’impression s’étaient stabilisés, mais on nous annonce des augmentations au printemps 2025. Le monde du livre n’étant pas un marché à fortes marges, le moindre déséquilibre crée des contractions qui mettent en péril les acteurs les plus fragiles parmi les éditeurs et les libraires. Soit on peut produire davantage, soit on a un fonds vaillant et des réserves pour passer l’épreuve. Nous sommes dans la deuxième catégorie, ce qui nous rend sereins à l’échelle de quelques années. Nous devrions pouvoir fêter d’ici trois ou quatre ans les cinquante ans de la librairie et les quarante ans de la maison d’édition !
L’IA n’a pas intégré nos processus de travail, mais elle a déjà changé, à la marge, notre façon de travailler : nous devons être très attentifs à la production des images, des textes, des méthodes de travail de nos partenaires. Le non-usage de l’IA commence à être indiqué dans des contrats – du livre audio, en plein essor, pour exemple.
Quelle place pour la fantasy dans votre programme 2025 ?
Notre premier semestre 2025 est particulièrement riche en fantasy. Nous avons le plaisir de commencer l’année avec une nouvelle parution de Guy Gavriel Kay, Sur toutes les vagues de la mer. Dans un décor historique inspiré de la Renaissance italienne, l’auteur nous embarque sur la Mer du Milieu aux côtés d’un duo de corsaires, tous deux hantés par leur expérience de l’exil. Toujours soucieux d’honorer les arts, Kay a cette fois choisi le conte, propre à célébrer la mémoire, les choix opérés au fil de l’existence et le rôle joué par la roue de la fortune.
Mais c’est en réalité tout au long de l’année qu’il nous accompagne, à travers la publication de sa « Tapisserie de Fionavar », dont l’agente nous a proposé de reprendre l’exploitation au format poche. Cet hommage au Seigneur des anneaux, que Guy Gavriel Kay a entamé lors de son travail sur l’édition posthume du Silmarillion de J. R. R. Tolkien, est aujourd’hui un classique de la fantasy. Nous nous honorons de lui donner un nouveau souffle en publiant les trois tomes (L’Arbre de l’été, Le Feu vagabond, La Voie obscure) au cours de l’année 2025, au sein de notre nouvelle collection poche, « Neptune ».
Cerise sur le gâteau : nous recevrons Kay en France à l’occasion des festivals Trolls et Légendes et des Intergalactiques en avril. Une tournée littéraire de rencontres en librairie est également prévue.
Une nouvelle autrice entre au catalogue cette année : Premee Mohamed, qui navigue avec une aisance déconcertante entre les différents genres littéraires. Il n’y a alors rien d’étonnant à ce que paraisse une dark fantasy après ses deux novellas d’anticipation climatique (La Migration annuelle des nuages, Ce qui se dit par la montagne)… Au printemps, nous publierons donc Comme l’exigeait la forêt, où Premee Mohamed explore les topoï du conte dans ce qu’il a de plus fabuleux et de plus sombre.
2025 signe le retour de Phenderson Djélì Clark, avec une fantasy qui résonne avec les traditions caribéennes, The Dead Cat Tail Assassins. Eveen est une morte-vivante ressuscitée au nom d’une redoutable déesse de la mort, qui voit son destin basculer lorsqu’elle refuse d’exécuter le dernier contrat d’élimination qui lui a été confié. La voilà obligée de s’allier à sa cible, envers et contre tous. Entre dialogues croustillants, personnages bien campés et humour tout en finesse, l’auteur délivre un divertissement jubilatoire – qui n’est pas sans rappeler Maître des djinns.
Nous avions introduit Nghi Vo en 2023 avec ses « Archives des Collines-Chantantes ». En avril paraîtra La Reine sirène, roman de fantasy historique se déroulant à Hollywood, à l’époque où fleurissait le cinéma parlant et où la production américaine était son apogée. L’autrice y met en scène Luli Wei, jeune femme queer d’origine asiatique, dont le rêve est de devenir une star hollywoodienne. Et aucun obstacle n’est assez grand pour l’arrêter – ni le racisme, ni la misogynie, ni l’homophobie. Le récit de son parcours tumultueux vers les feux de la rampe est ponctué de pactes de sang et peuplé de créatures de légende, car comme toujours dans les ouvrages signés Vo, merveilleux, métaphore et monde dit réel ne font qu’un.
Au programme du second semestre, ce que la critique considère comme les deux chefs-d’œuvre de John Crowley : Kra, au format poche dans la collection Neptune, et une nouvelle traduction de Little, Big, « ce livre qui appelle à lui seul une redéfinition de la fantasy », selon Ursula K. Le Guin.
Initialement traduit par Doug Headline à la fin des années 1990, il avait paru en France en deux volumes, L’Orée du Bois et L’Art de la mémoire. Les raisons de le scinder se comprennent économiquement et comme un désir de simplifier l’accès au texte pour le lecteur. Mais c’est un pas de côté que l’auteur ne souhaite pas, et nous sommes décidés à le suivre en tous points. Nous en avons confié la traduction à Patrick Couton, traducteur attitré de John Crowley désormais. Sachez que le titre en sera Petit, Grand.
Histoire de famille, conte de fée, fantaisie urbaine, allégorie sur la marche effrénée du progrès et le délaissement du rapport à la nature ? La table des matières, qui égrène les extraits du texte qui scandent chaque chapitre, est en soi une merveille et nous dit d’emblée les compagnonnages de l’auteur : Shakespeare, Lewis Caroll, Borges.
Lire Petit, Grand, c’est déambuler sur la frontière entre le monde réel et celui où se tisse les histoires qui font de l’humanité ce qu’elle est. On y passe du prosaïque – une lessive, réparer une voiture, un rendez-vous chez le notaire, des bêtes à nourrir – au métaphysique – est-on seuls dans cette réalité ? Certains y font des affaires, d’autres tirent les cartes, d’autres encore parlent avec les animaux. Petit, Grand est une forêt où prospèrent des arbres étranges, où foisonnent des fourrés inextricables, où se perdent quelques sentes secrètes. Plus on y avance, plus le monde s’agrandit. Chaque périmètre contient un monde plus vaste, jusqu’à devenir infini au centre. Ce n'est pas un livre, c'est une bibliothèque.
Enfin, quel sera votre plus grand défi pour cette nouvelle année ?
En 2025, sous le signe de Neptune – géante (de glace) et dieu (des mers), L’Atalante crée un nouvel écrin, au format poche, qui dit haut et fort notre amour de l’imaginaire, depuis l’origine de notre maison jusqu’à ses succès les plus récents.
C’est quatre ans de préparation sur les aspects contractuels pour pouvoir publier au format poche, en 2025, dix ouvrages des auteurs qui ont fait le succès et la renommée de L’Atalante – Les Guerriers du silence de Pierre Bordage, La Tapisserie de Fionavar de Guy Gavriel Kay, Des milliards de tapis de cheveux d’Andreas Eschbach, AquaTM de Jean-Marc Ligny, Kra de John Crowley et Méduse de Martine Desjardins.
Un an et demi à réfléchir au choix de fabrication et d'identité visuelle. On inaugure avec l'imprimeur un procédé de papier polyester qui donne un effet argenté sur lequel est apposée de la couleur. On a fait travailler à l'illustration le studio Førtifem – un duo d'artistes, Jesse Daubertes et Adrien Havet, habitués à créer des pochettes d’albums musicaux, des affiches de concerts et des t-shirts de groupes.
Le nom de la collection a été joué aux fléchettes et au palet lors d’un pont de mai 2024, en bord d’estuaire de la Gironde chez Pierre Bordage.
Nous ne doutons pas qu’avec Neptune, vous lirez plus loin !

Propos recueillis et mis en forme par Emmanuel Chastellière.

  1. Le Bélial' - Olivier Girard
  2. Aux forges de Vulcain - David Meulemans
  3. Denoël Lunes d'Encre - Pascal Godbillon
  4. Les éditions Critic - Florence Bury et Eric Marcelin
  5. Les nouvelles éditions Actusf - Jérôme Vincent
  6. Le Livre de Poche - Paul-Etienne Garde
  7. Albin Michel Imaginaire - Gilles Dumay
  8. Argyll éditions - Xavier Dollo et Simon Pinel
  9. L'Atalante - Mireille Rivalland
  10. Outrefleuve - Julie Cartier
  11. Les éditions Scrineo - Jean-Paul Arif
  12. Les éditions du Rouergue - Olivier Pillé
  13. Les éditions Pygmalion - Florence Lottin
  14. L'école des loisirs - Loïc Théret
  15. Les éditions Bragelonne - Claire Renault Deslandes
  16. J'ai Lu - Quentin Monstier
  17. L'Homme Sans Nom - Dimitri Pawlowski
  18. Ynnis éditions - Cedric Littardi
  19. Le Rayon imaginaire - Brigitte Leblanc
  20. Les éditions Callidor - Thierry Fraysse
  21. Mnémos - Frédéric Weil

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