Bilan 2024, l’année fantasy des maisons d’édition

Par Gillossen, le 26 mars 2025 à 21:00

Alors que 2024 se termine à peine, quel serait votre premier bilan, à chaud, concernant votre maison ou même la situation globale en Imaginaire ?: La situation globale en Imaginaire est assez préoccupante : le retour de bâton post-covid et l’omniprésence de certains genres (romantasy, young adult…) entrainent une forte diminution de visibilité dans les rayons des ouvrages plus classiques, mettant en difficulté nombre de petits éditeurs traditionnels, dont certains ont tragiquement déposé leur bilan. Nous ne prévoyons malheureusement pas d’amélioration dans un proche futur.
En ce qui nous concerne, malgré le climat morose, nous pouvons dire que nous avons eu de la chance car nos titres phares ont poursuivi un parcours encourageant : la venue de Travis Baldree en France a mis en avant sa saga de Légendes et Lattes, et notre première édition reliée (Trilogie de Hurle) est déjà en rupture de stock.
Nous avons par ailleurs eu la chance d’être primé une seconde fois du prix du meilleur livre jeu avec Toutou Detective 2, une BD dont vous êtes le héros qui fait l’unanimité chez tous ses lecteurs.

Avez-vous retenu un événement ou une décision particulièrement marquants ? On songe à l'usage de l'IA dans l'édition, ou aux coûts de production en hausse, aux difficultés rencontrées par beaucoup de maisons indépendantes...: Le secteur de la culture est d'une manière générale fortement frappé de tous bords. Son budget n’étant plus prioritaire semble-t-il, la baisse de sa prise en considération impactera profondément le marché. Plus grave encore, la pratique de la lecture profonde devient de plus en plus difficile pour tout un pan de la jeunesse, engendrant une fuite des lecteurs… Il est donc probable que les priorités des années à venir se tournent plutôt vers l’anxiété générée par la géopolitique internationale que vers les loisirs culturels...

Quelle place pour la fantasy dans votre programme 2025 ?: Nous continuons notre lancée avec la suite de La Charmeuse de bêtes de Nahoko Uehashi, une tentative pour nous d’apporter la fantasy japonaise dans un domaine monopolisé par les œuvres anglosaxonnes (nous le recommandons vivement). L’un de nos livres sera publié en version poche pour la première fois. Nous continuerons les aventures d’Arietty et des Chapardeurs. Nous remettrons également à jour des ouvrages qui font partie de nos classiques tels que l’Hommage à J.R.R. Tolkien et plus tard La Grande Aventure du Jeu de Rôle.
Nous publierons un nouveau livre de Sachiko Kashiwaba, Le Fantôme Derrière le Temple, qui est son livre le plus reconnu internationalement à ce jour et qui a gagné de nombreux prix depuis sa publication en Anglais.
Et surtout, nous publierons deux nouveau coups de cœur : The Grace of Wild Things de Heather Fawcett, une version fantastique inspirée d’un classique de la littérature pour enfants.
Finalement, côté livres/jeux, nous prévoyons cette année de publier un projet sur lequel nous travaillons depuis plus de 3 ans : l’Agenda dont vous êtes le héros, qui est celui que l’on aurait rêvé d’avoir quand on était écolier. Et nous continuons sur la lancée du jeu de rôle Fabula Ultima, qui continue son parcours exemplaire.

Enfin, quel sera votre plus grand défi pour cette nouvelle année ?: Nous considérons avoir une double « mission ». La première est une vocation de découvreur, qui nous pousse à prendre des risques en essayant de nouveaux genres nouveaux ou peu exploités : la fantasy japonaise, la cosy fantasy… Le défi ici est important car en période de décroissance de marché telle qu’actuellement, les erreurs ne pardonnent pas, et la solution de facilité est de se replier sur des textes connus, des valeurs sûres, des textes faisant de grosse audiences sur les réseaux sociaux…
Par ailleurs, nous n’aimons pas céder aux phénomènes de mode trop rapides. Dans le contexte actuel, beaucoup d’éditeurs abandonnent la fantasy traditionnelle, et nous nous posons vraiment la question de comment continuer à ce qu’elle soit toujours présente dans notre collection et dans les rayons des librairies. Nous n’avons évidemment pas de solution miracle à ce problème, mais considérons que nous devons faire notre possible pour aider à le surmonter.

Propos recueillis et mis en forme par Emmanuel Chastellière.