Nous avons tellement aimé son livre que nous lui avons décerné le prix de notre association… Après la remise du prix Elbakin.net du meilleur roman de fantasy francophone jeunesse à Siècle Vaëlban pour son superbe roman Plein-Ciel, nous lui avons demandé de nous parler un peu d’elle et de son travail. Nous la remercions pour son temps et espérons vous donner encore plus envie de les découvrir avec ce court entretien autour du prix Elbakin.net 2024 !

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L'entretien

Plein-Ciel est le deuxième roman que vous publiez, mais pas le deuxième que vous écrivez... Pourriez-vous nous parler de votre parcours dans l’écriture ?

Bien avant d’écrire, je lisais énormément et de tout. Dès l’adolescence, j’ai composé un peu de poésie, participé à des Ateliers d’écriture, mais je n’ai commencé à écrire intensément (j’entends par là terminer des histoires longues dans l’objectif de les partager) qu’à partir de l’année 2011. C’est aussi lors de cette année que je me suis inscrite sur le forum de CoCyclics, spécialisé dans les littératures de l’imaginaire et consacré à la pratique de la bêta-lecture – c’est-à-dire la relecture critique et bienveillante des textes. J’ai beaucoup appris et progressé sur ce forum. J’y ai travaillé en parallèle, et successivement, différentes histoires. En 2017, j’ai signé avec mon agente, Roxane Édouard, et nous avons entamé ensemble un travail de longue haleine sur mon projet numéro deux, une trilogie de fantasy-merveilleux-loufoque (un projet toujours sur l’établi de la réécriture à l’heure où je réponds à cette interview). J’ai mené à terme d’autres histoires qui ont été envoyées en recherche éditoriale en 2021/2022. Chaque projet a ses spécificités et trouve, en temps et en heure, sa maison et les éditeurs qui ont le souhait de l’accompagner dans le monde ; c’est pourquoi mes histoires ne sont pas publiées dans l’ordre où elles ont été écrites. Mon premier roman, L’Étoile du Soir, paru en septembre 2023 chez Albin Michel Jeunesse, se trouve être le troisième roman que j’ai écrit. Et Plein-Ciel, paru en février 2024 chez Bragelonne dans la collection BigBang, est le quatrième de mes projets.

Qu’est-ce qui vous a donné l’idée d’écrire ce livre ? Avez-vous des inspirations ou références qui vous ont aidée ?

Écrire une histoire, au fond, c’est un peu comme tisser un ruban : il faut minutieusement entremêler les différents fils qui titillent notre esprit, notre cœur et notre muscle créatif. Pour Plein-Ciel, le premier de ces fils fut mon expérience du monde de l’opéra. J’ai eu la chance, entre mes dix et mes quinze ans, de faire partie du Chœur d’enfants de l’Opéra de Paris, et j’ai été profondément marquée par l’univers du spectacle, sa magie, son incroyable pétulance, et par la musique, vecteur d’émotions immenses qui peignent et façonnent durablement notre intériorité.
Mon second fil tient certainement de ma fascination pour la créativité et pour les mécanismes créatifs ; j’avais envie de raconter une histoire où les créateurs et les artisans, souvent en coulisses, seraient au cœur de l’action, et où la passion créative serait mise à l’honneur. Je pourrais citer bien d’autres fils qui ont participé au ruban de Plein-Ciel. En voici quelques-uns : la réflexion sur la liberté (ce qu’il en coûte de renoncer à être libre, ce qu’il en coûte de décider d’être libre, et qu’est-ce, au fond, qu’être libre ?) ; les parcours de résilience et de pardon à travers l’adversité ; une envie impérieuse de décliner mon obsession pour les noms et pour les couleurs dans des personnages et des décors extravagants ; les relations qui nous tissent, leurs multiples formes, richesses, nuances, etc.
Concernant mes inspirations, elles sont multiples. J’ai été inspirée par l’univers merveilleux du réalisateur Hayao Miyazaki (je pense en particulier, pour ce roman, au Château ambulant et à Chihiro), par des opéras comme La Flûte enchantée de Mozart ou Turandot de Puccini, par la comédie musicale Le Fantôme de l’Opéra, d’Andrew Lloyd Webber, par La Passe-Miroir de Christelle Dabos, et par la verve épique et poétique de l’écrivain canadien Guy Gavriel Kay (Tigane, Les Lions d’Al-Rassan).

Comment présenteriez-vous ce roman à quelqu’un qui n’aurait pas encore eu la chance de le lire ?

Version courte : Plein-Ciel est un opéra de fantasy rococo-baroque sur fond révolutionnaire !
Version moins courte : Cette histoire se déroule sur l’île de la Nébuleuse au sommet de laquelle trône un gigantesque opéra – l’Opéra Plein-Ciel. Tous les soirs, de 18 heures à 21 heures, l’Opéra donne représentation. Si le spectacle est moins qu’excellent, des catastrophes (explosions, famine, épidémies) se déclenchent dès le lendemain sur l’île. Par conséquent, tous les habitants de la Nébuleuse se trouvent au service prioritaire de l’Opéra. Ivoire est dompteuse de rubans au sein de l’Atelier-Des-Mesures en périphérie de la capitale. D’un tempérament sauvage et introverti, elle n’aime rien tant que son travail de couturière, son patron au caractère rocambolesque, et sa petite maison qui donne sur les rizières. Mais voilà qu’elle se fait repérer par l’Opéra qui la recrute à son service. Ivoire se retrouve alors plongée dans les coulisses qui bouillonnent de complots, d’alliances cocasses ou effrayantes, et sont toujours en proie à l’effervescence la plus totale (n’oublions pas qu’il faut à tout prix que la représentation du soir soit une réussite !). Elle ne tarde pas à découvrir de mystérieux poèmes qui fleurissent dans les corridors et promettent à qui veut bien tendre l’oreille un autre monde possible. Et, bien sûr, sinon il n’y aurait pas d’histoire, elle tend l’oreille…

Le roman mêle de nombreux fils narratifs, thèmes et personnages. Comment avez-vous travaillé l’écriture du livre ? Aviez-vous un plan fixé à l’avance ou avez-vous laissé le récit vous entraîner et repris le texte ensuite ?

J’ai travaillé sur ce roman pendant plus de cinq années. J’en ai rédigé plusieurs versions, quatre ou cinq, me semble-t-il, et progressivement modifié, retiré ou ajouté certains fils narratifs, intrigues ou personnages. Ce que j’appelle version correspond à une phase de réécriture approfondie (et non de correction, je ne compte plus mes passes de corrections sur un roman de la taille de Plein-Ciel). Comme souvent, avec mes histoires, j’ai, avant de commencer l’écriture du premier jet, un plan global du déroulé, quelques intrigues précises, des thématiques, des personnages marquants, et je connais toujours la fin et la direction vers laquelle se dirige le récit. Au fil de l’écriture, de nouvelles péripéties, personnages, retournements de situations (parfois surprenants) apparaissent et se mêlent aux idées de départ… mais toujours dans la même direction. Il y a des points incontournables de l’histoire qui en constituent le nœud identitaire et auxquels je sais qu’il ne faut pas toucher. A contrario, certains fils d’intrigues sont à supprimer car ils noient le propos principal, ou à rajouter, car sans eux le propos manque de profondeur. C’est tout le travail et la pratique de l’écrivain (accompagné de ses précieux bêta-lecteurs et de ses éditeurs) de distinguer quoi retravailler et comment le faire, jusqu’à aboutir à une version finale.

Parmi les thèmes variés évoqués dans Plein-Ciel (la rébellion ou l’obéissance à une autorité, l’exclusion ou l’intégration à une communauté, la résignation ou le désespoir…), y en avait-il qu’il vous tenait plus particulièrement à cœur d’aborder ?

Certainement l’espoir (et même l’espérance) plus que le désespoir ! De nombreux thèmes me tenaient à cœur dans Plein-Ciel (liberté, rébellion, singularité, identité, pardon). Au-delà de de ces sujets, ce qui m’a le plus intéressée, c’est d’observer la manière dont chaque personnage s’est emparé d’eux, les a questionnés, expérimentés à sa façon. La galerie des personnages forme un écheveau de parcours et de choix multiples, nuancés, violents, délicats, émouvants… Disons donc que c’est la thématique du choix, de la richesse des possibles, des métamorphoses et l’affirmation de son propre chemin qu’il me tenait le plus à cœur d’explorer avec ce roman.

Peut-on espérer d’autres textes dans l’univers de la Nébuleuse ? Quels sont vos projets en cours ou en gestation, vos parutions à attendre ?

Plein-Ciel est un opéra sur le fond, comme sur la forme. Il compte un premier Acte, un deuxième Acte, un troisième enfin, puis… le rideau tombe, la représentation est terminée. Il s’agit d’un one-shot et je n’envisage pas de suite ou de préquelle. Par contre, j’imagine volontiers des adaptations qui pourraient découler, un jour peut-être, de cette histoire… comme une comédie musicale, par exemple !
J’ai beaucoup de projets en travail dans les coulisses ou en gestation. Les deux prochains qui verront le jour sont des projets à quatre mains, concoctés avec la talentueuse illustratrice (et autrice) Anouck Faure. Tout d’abord un roman illustré à la frontière du conte philosophique et du récit d’imaginaire : La Demeure des Mah-Haut-Rels, paru aux éditions Le Lotus et L’Éléphant. Et enfin, un oracle sur la créativité en cinquante-deux cartes, intitulé Le Pacte créateur, qui sera publié en 2025.

Souhaitez-vous adresser un message à nos lecteurs et lectrices qui ne seraient pas encore convaincu(e)s de découvrir Plein-Ciel ? Ou à celles et ceux qui auraient lu et adoré ?

À celles et ceux qui n’ont pas lu Plein-Ciel : Si vous vous engagez dans les coulisses de l’Opéra, je promets que vous y rencontrerez, dans le désordre, un bichon rose au poil soyeux, des tartes à la framboise à se rouler par terre, des flaques de sang qui brillent comme des miroirs, une canne à tête d’autruche et une Oiselle au courage étincelant, et, bien entendu, le froufroutement d’un ruban vert et or aussi attentionné que sa dompteuse.
À ceux et celles qui ont lu et adoré Plein-Ciel : Merci ! Que les rubans les plus audacieux vous entraînent sur le chemin où chantent les Oiseaux ! Et n’oubliez pas : parfois, la vie est exactement comme un opéra !

Merci d’avoir répondu à nos questions !

Propos recueillis par Izareyael