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Bilan 2024, l’année fantasy des maisons d’édition
Par Gillossen, le 22 janvier 2025 à 12:00
Aux forges de Vulcain - David Meulemans
- Alors que 2024 se termine à peine, quel serait votre premier bilan, à chaud, concernant votre maison ou même la situation globale en Imaginaire ?
- En termes d’imaginaire, l’année 2024 a été très riche pour les forges. C’est l’année où nous avons publié, de notre histoire, le plus de titres en imaginaire. Et, quand je regarde ces titres, je suis plein de fierté, car une vraie ligne se dégage, un vrai souci d’essayer d’apporter quelque chose, d’aller dans des chemins de traverse, de ne pas imiter ce que d’autres font bien mieux que nous.
Que ce soit Michèle Astrud, avec Simplement immortels, qui sait revitaliser la dystopie par sa poésie unique. Que ce soit Jean-Luc A. d’Asciano qui, avec L’Enfant-chamane, nous a livré un fantastique recueil sur la famille et la nécessité de l’imaginaire. Que ce soit Franck Thomas qui, avec Le Point aveugle, a écrit un des romans de SF les plus maîtrisés et ambitieux de ces dernières années. Que ce soit Francis Guévremont qui, avec Le Paradoxe de la lumière, a su inventer une SF à échelle d’homme (et de femme, surtout !). Et puis, l’année se finit avec Une valse pour les grotesques de Guillaume Chamanadjian, qui montre qu’il est une des voix les plus importantes de la fantasy francophone.
La littérature étrangère n’a pas été en reste avec Gilberto Villarroel et Sue Rainsford, dont les œuvres ont été les échos des troubles de l’époque. Donc, à chaud, je dirais que ce fut une très bonne année pour les forges, une année plus SF que fantasy, et avec une montée du fantastique. Quant à la situation globale du genre, il continue à s’imposer. J’ai donc l’espoir que, l’année prochaine, paraissent des romans merveilleux, inattendus, qui nous offrent de belles heures de lecture.
- Avez-vous retenu un événement ou une décision particulièrement marquants ? On songe à l’usage de l’IA dans l’édition, ou aux coûts de production en hausse, aux difficultés rencontrées par beaucoup de maisons indépendantes…
- L’IA ne m’inquiète pas trop dans l’édition. Pour l’instant, ce que l’IA fait, en termes de texte ou d’image, est fondamentalement laid, si bien que le principal bénéfice de l’IA est que, par contraste, elle fait saillir la beauté et la singularité de ce qui est produit par l’esprit et la main des humains.
La hausse des coûts de production, du côté des forges, a été très sensible en 2022 et 2023, donc, en 2024, ce n’est pas un fait saillant. En revanche, la concentration continue dans l’édition, le petit refroidissement du marché du livre, l’évolution des pratiques culturelles, tout cela confine à fragiliser certaines maisons. Or, l’imaginaire, c’est comme une marée : nous montons tous ensemble, ou nous descendons tous ensemble. La bibliodiversité est au bénéfice de tous. Quand un bon roman sort de l’atelier d’une autre maison d’édition, je m’en réjouis comme lecteur, mais aussi comme éditeur, car cela fait venir des gens vers l’imaginaire.
L’ennemi, ce n’est jamais une autre maison. L’ennemi, c’est l’indifférence, c’est le refus de la lecture. Une société qui lit, c’est une société qui va bien.
Mais s’il fallait parler de choses particulièrement marquantes, j’en citerais deux : la montée de l’extrême-droite, dans la société et dans l’édition – et la cure d’austérité que certaines présidences de région ont décidé d’imposer au secteur culturel. Il faut garder à l’esprit que le secteur du livre, au regard de son chiffre d’affaires global, est très peu subventionné en France. Le peu que donne l’État est bien distribué et permet l’existence de la chaîne du livre. La cure d’austérité va peu toucher les éditeurs à court terme. Mais elle va avoir un effet délétère sur les salons, les bibliothèques, les librairies, les autrices et les auteurs. Puis, dans un deuxième temps, sur les maisons d’édition.
On est face à une tentative de casse du système. Auparavant, il y avait un consensus, quelles que soient les politiques de chacun, sur la nécessité de la culture. Ce consensus n’existe plus, et une partie du corps politique voit même dans les milieux culturels une assemblée de parasites à éliminer.
Je pense donc qu’il faut montrer un autre avenir. Rappeler la nécessité de la lecture et de la culture. Se rappeler que le commerce n’est pas une fin en soi, mais un moyen. Et garder à l’esprit que les économies de court terme ont souvent un coût très élevé, à long terme.
- Quelle place pour la fantasy dans votre programme 2025 ?
- Nous préparons un très beau roman pour le deuxième semestre, mais je ne peux pas en dire davantage pour l’instant.
Et sinon, nous allons avoir une double actualité autour du cycle de La Tour de garde. Tout d’abord, nous allons publier un recueil d’essais, par des chercheurs et chercheuses. Ensuite, à l’approche de Noël 2025, nous publierons des éditions intégrales, avec des suppléments inédits, des préfaces prestigieuses, un façonnage exceptionnel. La Tour de garde est une grande réussite, mais nous ne sommes qu’aux débuts de sa réception.
- Enfin, quel sera votre plus grand défi pour cette nouvelle année ?
- Je pense que les autrices et les auteurs des forges, malgré leurs succès apparents, n’ont pas encore les lectrices et lecteurs qu’ils méritent. Je pense que c’est lié à la relative confidentialité de la maison, qui est reconnue par ses pairs, mais encore peu connue du grand public.
Donc, le grand défi de l’année sera d’apprendre à s’adresser à un public plus large, tout en restant fidèles à nous-mêmes.
Propos recueillis et mis en forme par Emmanuel Chastellière.
Pages de l'article
- Le Bélial' - Olivier Girard
- Aux forges de Vulcain - David Meulemans
- Denoël Lunes d'Encre - Pascal Godbillon
- Les éditions Critic - Florence Bury et Eric Marcelin
- Les nouvelles éditions Actusf - Jérôme Vincent
- Le Livre de Poche - Paul-Etienne Garde
- Albin Michel Imaginaire - Gilles Dumay
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