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Tad Williams revient avec Shadowmarch

Par Luigi Brosse, le lundi 8 novembre 2004 à 11:16:49

Tad WilliamsTad Williams s'était fait discret ces dernières années dans le petit monde de la fantasy (si l'on exclut bien sûr son singleton La Guerre des Fleurs). Néanmoins, c'est de l'histoire ancienne puisqu'il est reparti sur une nouvelle série de fantasy épique Shadowmarch. Sans nulle doute, nous pourrons la découvrir bientôt chez nous, vu la bonne presse qu'à l'auteur.

En attendant, nous vous proposons aujourd'hui la traduction d'une interview provenant du site officiel de Tad Williams. Il y revient sur ce premier tome et de manière plus générale sur pourquoi il écrit de la fantasy.

L'interview traduite

Shadowmarch marque le début de votre première épopée de fantasy depuis l'Arcane des Epées, il y a dix ans; est-ce que ça fait plaisir d'être de retour ?
On fait de la publicité avec Shadowmarch comme étant mon retour à la fantasy épique, mais pour être honnête avec vous, je ne crois pas avoir jamais arrêté. (Les lecteurs de Autremonde et La Guerre des Fleurs peuvent émettre leurs propres jugements.) Cependant, ce que Shadowmarch représente, c'est mon retour très heureux vers un genre de fantasy qui est souvent nommé épique ou traditionnel, mais que ma femme a nommé Fantasy Profonde.
En se référant probablement à la profondeur du contexte qui caractérise le mieux la fantasy épique ?
Oui, elle se réfère à la nature immersive de la chose, ce que la plupart d'entre nous aiment est ce sentiment de plongée, cette impression de glisser dans un monde nouveau et crédible qui existe en parallèle du notre.
Obtenir un univers crédible est évidemment très important en écrivant de la fantasy épique.
Absolument. Et la création des mondes est probablement la partie la plus satisfaisante dans l'écriture de fantasy - la chance de jouer à Dieu (ou au moins un dieu très faillible qui mange des cookies et fait des remarques sarcastiques à ses animaux de compagnie tout en créant) et de faire quelque chose de nouveau, un monde imaginaire qui deviendra par la suite suffisamment complexe pour générer ses propres surprises. Et ils le font, bien entendu. C'est-à-dire surprendre leurs créateurs. Je ne peux pas vous dire combien de fois j'ai peiné pendant des semaines ou des mois pour résoudre un problème d'imagination, uniquement pour que la solution apparaisse presque spontanément du monde créé. La complexité engendre son propre ordre invisible - c'est-à-dire, si vous faites quelque chose d'assez compliqué, qui respecte sa réalité, cela commencera à suggérer ses propres logiques, et ses propres fantaisies, d'une façon qui est quelques fois un peu exaspérante.
Aimeriez-vous donner un exemple ?
Bien sûr. Lorsque j'ai dessiné pour la première fois, il y a longtemps, la carte des continents de Shadowmarch, j'ai placé le continent du nord, Eion, et le continent du sud, Xand, assez proches l'un de l'autre. Ceci était principalement parce que je voulais les avoir tous deux sur la même carte, tout en ayant Eion qui domine la carte (vu qu'une grande partie de l'action future se déroule là-bas.)
Cependant, alors que le temps passait et que je commençais à ébaucher l'histoire du monde, en décidant (parmi d'autres choses) que la civilisation surgissait tout d'abord sur le continent du sud, étant donné que je voulais une sorte d'isolement pour les personnages féeriques du continent du nord, les Qar, avant que les hommes entrent en contact avec eux, j'ai également découvert que si les deux continents étaient aussi proches, cela n'avait aucun sens qu'il y ait si peu de colonies en Eion par les Xandians, et si peu de relations entre les humains et les Qar.
Après réflexion, j'ai décidé qu'il devrait y avoir de hautes montagnes et d'épaisses forêts entre la partie la plus au sud d'Eion et le reste du continent, créant un véritable obstacle pour les voyages. Donc j'étais forcé de décider que la colonisation de l'extrémité sud de l'Eion, avec la création des premières villes-états du continent, avait duré longtemps avant que la colonisation se poursuive au-delà. De façon similaire, dans ma version finale, la plupart des plus grandes cités humaines sont le long des côtes. Ce n'est que récemment, dans la dernière moitié du millénaire, que les humains ont conquis l'intérieur d'Eion.
Là-bas, bien sûr, se trouve un énorme thème historique et géographique qui n'existait pas lorsque j'ai commencé. Et à cause de ça, j'ai dû retravailler et approfondir l'histoire des personnages et lieux d'Eion et de Xand.
Et une fois que vous avez commencé ce processus, le livre semble presque prendre lui-même de l'ampleur ?
C'est ainsi que fonctionne la création des mondes, une idée en donnant une autre, ou alors tombant l'une sur l'autre avec le choc d'un bateau bien chargé fonçant sur des rochers cachés, pour couler et n'être jamais revu. Vous conservez ce qui fonctionne, vous comptez sur vos premières idées pour aider les nouvelles, vous vous battez pour obtenir de la consistance, et après un moment ce qui commence à surgir est quelque chose ressemblant à un vrai monde, prêt à être peuplé de personnages.
Une question naturelle pour un lecteur ne connaissant pas la fantasy épique pourrait être, Alors quel est le but de toute cette création des mondes ? Pourquoi ne pas écrire juste une histoire se déroulant dans le vrai monde, dans un empire du passé, étrange et presque fabuleux ?
Bonne question. Une des raisons évidentes en inventant un monde est que vous ne créez pas uniquement la géographie et l'histoire, vous pouvez également (avec raison, sans demander trop de la crédulit de vos lecteurs) inventer la physique. En bref, vous pouvez utiliser des choses comme la magie sans être trop à cheval sur la réalité, en introduisant des dragons dans une France médiévale ou en faisant des magiciens la classe dirigeante de l'Espagne Maure. J'adore la magie, tant qu'elle est donnée en petite et précieuse dose. Trop de magie, c'est comme trop de sel - cela cache quelque chose d'autre, et ça gâche son propre attrait.
Il y a également le fait assez évident qu'avec un monde inventé, vous pouvez faire se produire ce que vous voulez. Il est difficile d'effrayer des lecteurs avec le fait d'imaginer une guerre cataclysmique, par exemple, peu importe les conséquences pour les personnages, si le lecteur sait que sept cents ans plus tard, ces sites de batailles seront couverts de place de parking ou de Starbucks. (Quel est le pluriel - Starbuckses ? Starbucksae ?) La distance historique peut adoucir les pires événements, mais si le monde dans lequel vous êtes immergé n'a pas de futur - d'après ce que vous en savez - le lecteur est alors plongé dans le présent. Tout peut arriver. Et arrivera probablement.
Donc, vous aimez surtout créer les règles, pas uniquement les suivre !
Oui. En fait, c'est probablement ce que j'aime le plus concernant ce genre de chose. Je peux faire ce que je veux. Tant que les gens voudront toujours le lire - ce qui est, bien entendu, le but ultime : je n'ai absolument pas envie d'écrire des livres que personne, sauf moi, ne finira ou n'appréciera jamais.
Je suis étrange pour ça, je crois.
Tad Williams, merci pour le temps accordé.

Interview originelle
Traduction réalisée par Guybrush


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