Vous êtes ici : Page d'accueil > Fantasy > Romans Fantasy > La Niréide


La Niréide

ISBN : 978-235408951-1
Catégorie : Aucune
Auteur/Autrice : Fabien Clavel

Troie brûle.
Les guerriers grecs, vainqueurs, reprennent leurs navires.
Parmi eux se trouve le prince Niréus de Symé. Arrivé très jeune à la guerre, il en revient balafré et dégoûté par les combats. Il ne demande plus qu’à retrouver sa petite île, comme l’Ithaque d’Ulysse. Cependant, sa propre odyssée ne sera pas de tout repos. Sous l’œil des dieux olympiens, il va errer longtemps en Méditerranée, affrontant Amazones, Gorgones et Telchines, dans un périple qui l’emmènera jusqu’aux Enfers.

Critique

Par Gilthanas, le 03/05/2022

La guerre de Troie est terminée. La ville est la proie des flammes, et les vainqueurs entament leur voyage de retour, qui durera des années pour certains. Déjà, l’image d’Ulysse voguant vers Ithaque doit vous venir à l’esprit. Et c’est justement cette vision que Fabien Clavel a décidé de ne pas suivre. L’auteur français a jeté son dévolu sur Nirée/Nireus, très peu mentionné chez Homère, et qu’il a transformé en Niréus. Le choix d’un « louzeur » (dixit Fabien Clavel lui-même) est volontaire, prince de l’île de Symé et venu à Troie avec seulement trois navires, prend à contre-pied le récit classique des Nostoi (le retour au pays) pour nous offrir un héros marqué par la décennie de conflit qu’il vient de vivre, et marqué à la fois dans sa chair et son esprit.
En effet, bien qu’étant d’une beauté que seule celle d’Achille parvient à surpasser, Niréus se retrouve balafré suite à un violent combat. Et son esprit reste bloqué en Troade, aux pieds des murs de Troie, attaché à ce passé qu’il ne parvient pas à oublier.
On sent à la lecture le gros travail préparatoire de l’auteur, ainsi que son amour pour la mythologie grecque. On retrouve dans le texte des références aux mythes grecs, à son bestiaire, à Homère, mais aussi à l’Énéide de Virgile. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la première version des aventures de Niréus s’appelait La Dernière odyssée (en 2007). La filiation est on ne peut plus claire. Car cette Niréide est en effet un travail de réécriture couplé à l’ajout d’une troisième partie inédite (L’empire des morts). Et cela se ressent au fil de la lecture. On passe d’une histoire légère, bien menée, où les péripéties s’enchainent (parfois trop vite cependant) à une histoire plus adulte dans son ton et ses thèmes abordés. Niréus refuse d’être, comme les autres héros, le jouet des Dieux. Ceux-ci, qui partagent la narration, occupent leur temps par des complots, des intrigues, des luttes d’influence, et à intervenir sur le destin des hommes et des héros (qui sont de moins en moins nombreux justement parce que les Dieux s’en prennent à eux). On a ici un panthéon restreint (on comprendra pourquoi par la suite), où seule Athéna (la déesse « aux yeux pers », formule répétée ad nauseam durant tout le roman) semble faire preuve d’un peu de jugeote.
Niréus s’entoure de compagnons soit tirés des récits classiques, comme Hercule, Dédale, Énée, ou inventés (Rhomé, qui peut-être considérée comme l’héroïne parallèle de l’intrigue, et dont l’importance ne cessera de croitre au fur et à mesure du récit) ; Démodocos l’aède, qui prend ici la figure d’Homère de part sa cécité et sa fonction de poète ; Dryops, un faune aux origines obscures ou Alexiarès, qui cache bien son jeu. Cet équipage, les Gorgonautes (nom d’ailleurs de la seconde partie de l’ouvrage) se retrouve embarqué dans des aventures inspirées de l’Odyssée ou inventées/réécrites (on passe à la Gigantomachie). Car c’est là la grande force de cette Niréide : si Fabien Clavel s’inspire des textes classiques, s’il inscrit l’épopée de son héros dans les pas d’Ulysse (qui semble constamment précéder le groupe) ou d’Énée, il ne reste dans l’ombre de ces héros mythiques et trace son propre chemin. Niréus évolue, mûrit, passe du second rôle au premier plan, puis accepte de s’effacer pour le bien commun. Ce héros orgueilleux, tête-brûlée, apprend à faire confiance aux autres, à s’ouvrir et à écouter. Ce que ne seront pas capables de faire les Dieux, qui feront face à leur propre vacuité. On se prend à espérer avec Niréus, on partage ses joies et ses peines, et le destin qui l’attend à un petit goût doux-amer qui ne devrait laisser personne indifférent.
Cette Niréide est un récit enlevé, haletant, à la langue maitrisée, aux personnages attachants et aux intrigues multiples qui démontrent à la fois la maitrise littéraire de Fabien Clavel et son savoir encyclopédique sur le monde grec antique et mythologique. Malgré quelques longueurs et temps morts, l’ensemble est un texte qui tout simplement beau, et qu’on ne peut que conseiller. Il y a fort à parier que vos exemplaires de l’Iliade et de l’Odyssée vont quitter leur glorieuse retraite sur les étagères de votre bibliothèque pour se retrouver sur votre table de chevet, prêts à vous faire vivre ou revivre leurs épopées. Et une fois la (re)lecture achevée, beaucoup trouveront près d’eux ce magnifique texte de Fabien Clavel, qui entrera sûrement au Panthéon de la fantasy française pour une partie d’entre nous. 
Un texte épique et marquant comme on en lit rarement aujourd’hui.

Discuter de La Niréide sur le forum.



Dernières critiques

Derniers articles

Plus

Dernières interviews

Plus

Soutenez l'association

Le héros de la semaine

Retrouvez-nous aussi sur :