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Utopiales 2007 : les entretiens

Par Linaka, le jeudi 29 novembre 2007 à 23:55:54

Notre entretien avec Xavier Mauméjean

Quand avez-vous commencé à écrire ? Qui ou qu'est-ce qui vous y a poussé ?

J'ai écrit tardivement. J'ai commencé à écrire fin 1998 début 1999. Jusqu'alors j'avais travaillé dans ce qu'on appelle le vidéo-art, le cinéma expérimental, etc, donc une narration par l'image, mais je n'avais jamais ressenti le besoin d'écrire des histoires. Cela m'a pris d'un coup et ce qui m'a poussé, c'est Joseph Merrick, the Elephant Man. Mon premier récit écrit est donc aussi mon premier roman, Mémoires de l’Homme-Eléphant, qui vient de ressortir d'ailleurs chez Mnémos sous le titre de « Ganesha ».

Qu'est-ce qui vous a amené vers la littérature de l'imaginaire ? Pourquoi vous attire-t-elle ?

Les lectures. Tout d'abord, un écrivain est un lecteur. Une attirance vers le genre, plus clairement les auteurs anglo-saxons. Et puis une affinité personnelle, cette fois-ci pas en tant que lecteur mais en tant qu'auteur.

Quand et avec quel livre avez-vous découvert la fantasy ?

Je ne m'en souviens pas.

Je sais que pour moi c'était « Le Seigneur des Anneaux » ...

Possible aussi ... Non ! C'est « Conan le Barbare », mais le vrai, celui d'Howard, les premiers textes. J'avais aimé parce que c'était un univers pseudo-antique, pseudo-mythologique. Mais ça n'a pas non plus été la révélation.

Pouvez-vous m'en dire plus sur vos habitudes de travail ? Combien d'heures par jour passez-vous à écrire, où travaillez-vous, avez-vous des rituels ?

J'écris tout le temps, même quand je fais la vaisselle. Je peux écrire n'importe où, l'environnement, le bruit, la nuisance ne me gênent pas. Alors maintenant, est-ce que j'ai des rituels ... je n'ai pas l'impression. Par contre, curieusement, dans la vie ordinaire, je suis non-fumeur et je fume comme un pompier en écrivant. Je ne fume qu'en écrivant et dix minutes après avoir arrêté d'écrire pour la journée, c'est fini. Enfin, ce n'est pas un rituel mais une bizarrerie. Sinon, je termine toujours un manuscrit le dimanche.

Vous définiriez-vous comme un écrivain scriptural ou structural ? C'est-à-dire écrivez-vous en vous laissant guider par l'intrigue ou avez-vous besoin de définir une structure et un plan chapîtré précis avant de commencer ?

Je me reconnais dans les deux, après, cela dépend des projets. Je ne pense pas, en tout cas en ce qui me concerne, qu'il y ait une démarche unique et fixée. Chaque thème, chaque sujet exige sa propre méthodologie. Il m'arrive parfois de faire éclater la structure préalable pour la beauté ou la magie de la phrase, etc, donc l'un et l'autre ... Mais ce n'est pas une réponse normande, elle est vraiment sincère. L'un et l'autre en fonction du thème ou du sujet.

Quelles seraient selon vous les qualités essentielles pour un écrivain ? De la détermination, de l'auto-discipline, une facilité à accepter les critiques ... ?

Il y a deux attitudes de l'écrivain celle avant la publication, au sens littéral de rendre publique l'œuvre, et celle après, qui relève du comportement social, mais ce n'est pas intéressant, cela dépend des uns et des autres. Il y en a qui sont à chier, il y en a qui sont sympas, il y en a qui deviennent sympas et d'autres qui deviennent à chier. Par contre, dans l'intimité de l'écriture, il faut savoir renoncer à ses propres envies, être surpris par soi-même. Il y a un étonnement à soi, je crois sincèrement comme les Antiques en l'habitation, l'enthousiasme grec. Après qu'on l'appelle Dieu ou l'inspiration, peu importe, mais je pense qu'il y a une part de non-contrôlé. C'est cette part qui m'importe chez l'écrivain.

Quel est le dernier livre que vous avez lu ?

« Glyphes », de McAuley, qui est intéressant. C'est un livre qui est plutôt de la science « humaine-fiction » sur la linguistique, les notions de symboles, etc. Sinon, mieux encore, « L'Oiseau Impossible » de Patrick O’Leary qui est paru dans la collection « Interstices » que je vous conseille, qui est une superbe collection.

Pensez-vous que tout le côté commercial de la fantasy (les couvertures voyantes, les films à gros budget ...) soit responsable du mépris qu'ont certains pour le genre ? Ou est-ce dû à sa nature irréelle et imaginaire ?

Je pense que oui, cela doit attirer effectivement une part de mépris. Une couverture voyante attire aussi une part du lectorat, pour de bonnes ou mauvaises raisons, mais le fait est là. Autrement, on aurait des couvertures jansénistes noires...

Mais en même temps, c'est vrai qu'il y a certains avantages à avoir une belle couverture noire, comme celle du livre de Susanna Clarke...

Oui, tout à fait. Susanna Clarke est un bon exemple.

La fantasy a-t-elle sa place à l'université ? Est-ce qu'elle pourrait et devrait être étudiée ?

Oui, clairement. Je crois qu'elle commence à la gagner, non pas en tant que genre mais en tant qu'œuvres.

Quel est le rôle de la littérature de l'imaginaire dans la société ? Est-ce une sorte de besoin ? Je pense aux mythes, aux contes populaires, au folklore ...

Je crois vraiment en leur rôle formateur, mais pas simplement attaché à la prime enfance, comme l’a montré Bruno Bettelheim. Les pays orientaux ont un imaginaire qui est assez fermé à la science-fiction. Il n'y a pas de science-fiction turque, par exemple. Pourquoi ? Tout simplement parce que l'imaginaire à ce point riche (ex : « Contes des Mille et Une Nuits ») que le besoin d'image scientifique n'existe pas, parce qu'il y a déjà le Djinn, etc.

Besoin de s'échapper dans l'imaginaire ...

J'ai été étonné, par exemple, à la gare de Nantes, il y a trois affiches de films dans les vitres : « A la Croisée des Mondes », « Les Portes du Temps » ... et « Beowulf », cela fait quand même beaucoup ! Il doit bien y avoir une sorte de besoin quelque part.

Pensez-vous que la fantasy peut être, puisque c'est un des thèmes forts des Utopiales cette année, une forme d'engagement pour la protection de l'environnement ?

Clairement non. Je pense que la préoccupation de la fantasy, c'est la nature humaine, la place de l'homme vis-à-vis des dieux, du transcendant plutôt, et de la Nature mais davantage envisagée comme milieu.

Les auteurs de SF écrivent aussi de la fantasy mais le contraire est rarement vrai. La fantasy est-elle la fille de la SF ? Ou sont-elles apparentées mais de genre distinct ? Certains considérent la fantasy comme un sous-genre de la SF. Etes-vous d'accord ?

Clairement non. Je pense que ce n'est pas du tout un rapport qualitatif où l'un serait de meilleure qualité que l'autre. Non, je pense que ça répond à deux types d'imaginaire : un imaginaire, ce que je disais à la table ronde, de la raison, un imaginaire de l'intelligence, donc la science-fiction, et un imaginaire de l'intuition, la fantasy. Je pense que ce sont simplement deux imaginaires aussi anciens et complémentaires.

Qui sont un peu apparentés, ils ont un peu les mêmes racines ?

Oui, certainement, qui sont chacun une forme de l'imaginaire, donc apparentés, aussi anciens et qui répondent à des besoins différents. On ne lit pas de la fantasy comme on lit de la science-fiction. Mais par contre, on peut lire les deux, bien sûr. Cela dépend des moments.

Est-ce que les races de Tolkien (Elfes, Nains, Orques ...) sont encore d'actualité ? Si on utilise les clichés de la fantasy, est-on obligé, comme l'a fait Terry Pratchett, de les parodier pour rester original ?

Je crois même qu'on a franchi la ligne et que beaucoup de romans tombent dans le cliché, clairement. Maintenant, est-ce que c'est définitif ? Non. Il est possible d'écrire des choses originales sur les vampires ou sur le loup-garou qui sont aussi des clichés rebattus du fantastique. Donc, est-ce que le risque existe ? Oui. Est-ce qu'on peut s'en sortir par la fantasy ? Oui. Mais on peut aussi s'en sortir par des relectures, des variations sur un thème, je ne suis pas du tout inquiet. Voilà, il peut y avoir de très belles choses. On peut imaginer des traitements totalement différents sur la notion d'elfe. Cela dit, en SF il y a aussi le risque du robot, de la fusée ou de l'alien.

Est-ce que ce n'est pas dur de cumuler les casquettes (surtout avec deux nouvelles collections lancées cette année) ?

Non, parce que des casquettes, ça se sort et ça se remet. On n'en a jamais qu’une à la fois. Donc, j'ai beaucoup de plaisir à travailler avec des auteurs en tant que directeur de collection. Maintenant, la part essentielle pour moi, c'est mon travail d'auteur qui prime et passe avant tout. Pour l'instant, ça va ...

Y a-t-il un jour le risque de vous voir quitter la fantasy ? « Gotham » était plutôt polar...

Oui, enfin un risque, je ne pense pas que ce soit un gros risque. Cela peut arriver mais il n'y a rien de programmé. J'écris les livres que j'ai envie d'écrire sans me soucier des genres. De plus, « Gotham » a été écrit en 2001, c'est une ré-édition.

Vous pensez donc que vous avez envie de rester dans la veine fantasy ?

C'est un genre dans lequel je suis bien, la science-fiction aussi. C'est le récit qui prime. Mais il n'y a pas de raison que je le quitte parce que j'ai encore des choses à trouver, à dire.

Que pensez-vous du marché du livre en France à l'heure actuelle et plus précisément du marché fantasy ?

Bon, alors le marché du livre en général va mal, c'est connu. Maintenant, la fantasy se porte plutôt bien et la fantasy jeunesse se porte bien. Ce n'est pas le genre le plus exposé même si le contexte global n'est pas terrible.

Pourquoi avez-vous décidé d'appeler votre fille Zelda ?

A cause de l'épouse de l'écrivain Francis Scott Fitzgerald, elle-même écrivain qui est morte folle. Un personnage flamboyant qui était belle, avait beaucoup de talent, etc. En plus il y a Zelda le jeu, mais si on avait eu un fils, comme le dit mon épouse, on ne l'aurait pas appelé Mario ! (Rires)

Le club Van Helsing va-t-il continuer malgré la fin du dernier tome de la première saison ?

Oui, clairement. Le Seuil l'a reconduite sans problème puisque cela se vend très bien. Je finissais la première saison, donc j'avais envie de tendre des pistes. Cela m'intéressait de faire du chasseur la proie et d'en faire un personnage complexe. Il est dit dans « Freakshow ! » des choses sur sa famille qui ne sont pas très claires. Visiblement, les Van Helsing ont eu des accointances avec le troisième Reich et l'Afrique du Sud rhodésienne. Mais je n'affirme rien. Ce sont des teintures, est-ce que les Van Helsing ont été victimes, c'est possible, tout est dans l'ambigüité. L'idée, c'est de ne pas rester dans un manichéisme avec les gentils et les méchants. En plus dans « Freakshow ! », Van Helsing trouve son équivalent négatif qui est Barnum, le grand montreur de foire. Donc c'est une mise en place ... Je clôture et j'installe pour les suivants.

Portez-vous la barbe pour faire « auteur fantasy » ?

(Rires) Non. Je la porte parce qu'on a déménagé une année, c'était un long et pénible déménagement. Et donc je l'ai laissée pousser et c'est resté comme ça.

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