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Michael Moorcock se confie

Par Guybrush, le mercredi 29 juin 2005 à 15:00:33

A l'occasion de la sortie de son dernier roman, au Royaume-Uni en tous cas, le célèbre créateur du Champion Eternel revient sur Elric et ses différents projets à venir.

Interview avec Michael Moorcock

JOHN DAVEY: Avec la publication imminente de The White Wolf's Son, vous avez déclaré qu'il n'y aurait plus de romans consacrés à Elric, et peut-être plus de romans de fantasy venant de vous. Est-ce vrai, et si c'est le cas, qu'est-ce qui a provoqué cette décision ?
MICHAEL MOORCOCK : J'ai commencé à écrire de "l'heroïc fantasy" parce qu'à ce moment-là presque personne n'en écrivait. Robert E. Howard était mort. Fritz Leiber avait écrit quelques histoires du Souricier Gris publiées dans des magasines dans les années 1940, Poul Anderson avait écrit The Broken Sword et avait continué en se spécialisant dans la science fiction et Tolkien n'était pas disponible sur le marché grand public. C'était considéré comme une forme non-commerciale et spécialisée et l'éditeur de SCIENCE FANTASY, Ted Carnell, m'avait demandé d'écrire ma première histoire sur Elric, non pas parce qu'il pensait que de nombreux exemplaires seraient vendus, mais parce qu'il avait une affection spéciale pour ce genre de fiction. Alors que cela se produisait, les lecteurs adoraient ces premières histoires et le reste c'est de l'histoire ancienne. A l'époque j'avais en quelque sorte une toile blanche. Maintenant toutes les techniques et innovations que je considérais comme miennes ont été copiées, comme dans le déroulement normal des choses, par des versions génériques, simplement comme Tolkien et Howard ont des versions génériques de leur travail. La seule différence c'est que je suis toujours vivant, toujours en train de satisfaire ma terrible envie d'écrire de la fiction ! La dernière trilogie d'Elric - vraiment une trilogie du Champion Eternel, je suppose - était une tentative de faire quelque chose de nouveau, et j'espère vital, avec la forme. Si j'y arrivais, et j'en suis heureux, je ne crois pas que je peux emmener le genre plus loin sans qu'il cesse d'être comme il est. Donc comme il se pourrait que j'écrive un autre livre fantastique, probablement quelque chose se rapprochant plus de Gloriana, je n'écrirai pas une autre héroïc fantasy sur le Champion Eternel.
J.D. : Il semble également que The White Wolf's Son concluera (ou du moins aura des points communs avec) différentes sagas du Champion Eternel comme Bastable, Hawkmoon, Von Bek, etc., comme vous l'avez fait il y a trente ans dans The Quest For Tanelorn. Je devine que War Amongst the Angels est également impliqué. Qu'est-ce qui vous a poussé à conclure tant de fins énormes de cette manière ?
M.M. : J'ai deux tendances naturelles. La première est de trouver des riffs rafraîchissants sur des thèmes et des idées et la seconde et de donner une solution. J'espère avoir réussi à faire les deux dans cet ordre, concluant ce que certains lecteurs ont honoré comme des thèmes "philosophiques" ainsi que des traits de l'histoire. Tout en résolvant une séquence, j'essaie de donner des aspects rafraîchissant sur des séquences existantes - donc les références aux idées de The War Amongst the Angels et les autres livres dans cet ordre. Il n'y a pas d'avant sans arrière, pas de vie sans mort, pas de Loi sans Chaos ! Dans cette optique, donc, je suis plus comme un tisserand de tapisseries qu'un narrateur linéaire. De long en large, de long en large, ainsi va le métier à tisser. Hey ! Peut-être que je suis un Norn sans le savoir.
J.D. : Universal Pictures ont la possibilité de faire une trilogie cinématographique sur Elric, sur le point d'être écrite, produite et dirigée par Chris et Paul Weitz. Je sais que ce n'est que le début, mais quel est l'état actuel de ces productions ?
M.M. : Le film, comme toujours avec les films, avance lentement, mais il avance.
Maintenant nous avons un script, dont Universal sont ravis d'après mes informations, écrit par Chris et Paul. J'ai fait mes remarques, Universal ont fait les leurs et ainsi de suite. Nous sommes actuellement sur le point de démarrer la prochaine étape, j'espère. J'avais aussi espéré que peut-être Paul Bettany pourrait être considéré pour le rôle mais apparemment il y a un méchant dans le Da Vinci Code qui est un albinos et il a pris le rôle. Vous voyez ce que je voulais dire par rapport au sentiment d'être inondé par des idées que je pensais être miennes ?
J.D. : Vos livres plus récents sur Elric, ceux des années 1989, surtout La Forteresse de la Perle, ont dégagé une impression très différente des premières histoires des années 60 et 70. Etait-ce une démarche volontaire de votre part, ou simplement une progression naturelle de votre style en évolution ?
M.M. : Oui, c'était un choix volontaire de rendre ces livres sur Elric peut-être plus "littéraires" que les premiers. Je me suis toujours identifié à Elric comme mon tout premier héros pleinement libre d'heroïc fantasy et je m'identifie encore à lui. Cependant, je suis bien plus mature maintenant que lorsque, autour de mes 20 ans, je commençais l'écriture de ses aventures. La complexité additionnelle des livres reflète donc ma propre complexité et ma compréhension en croissance. C'est une progression naturelle, bien entendu, mais c'est également conscient. J'ai toujours été un auteur très conscient, pratiquement depuis le début de ma carrière. Vous pouvez voir mon analyse de la fantasy apparaissant côte à côte avec mes histoires dans, disons, SCIENCE FANTASY magasine, où j'écrivais autant des essais littéraires que de la fiction.
J.D. : Ces dernières années, vous semblez être revenu à l'écriture de comics et de romans graphiques - avec Michael Moorcock's Multiverse, la série actuelle Elric : The Making Of A Sorcerer et d'autres - après un certain temps hors du domaine. A nouveau, qu'est-ce qui a provoqué cette décision ?
M.M. : Une des raisons pour laquelle j'ai commencé à refaire des comics vient du fait que je ne me sens pas tant obligé d'écrire des histoires aussi complexes dans des comics - bien que Multiverse était plutôt complexe, certainement pour un comics - et l'autre grande raison est que j'adore travailler avec Walter Simonson. Walter propose des versions visuelles de mes scripts qui me surprennent toujours. Il dit qu'il aime travailler avec moi parce que mes scripts transmettent beaucoup d'images différentes pour lui. Toutefois, cela peut résulter par Walter ralentissant et tandis qu'il continue de m'étonner (et je le suspecte de s'étonner lui-même) je pense qu'il sera heureux de revenir à quelque chose d'un peu plus simple pour son prochain travail. Bien entendu, j'ai pris quelques "vacances" avec le Tom Strong que j'ai fait récemment. Et c'est ce que les comics peuvent être pour moi, un morceau de vacances. J'apprécie la forme, pour laquelle je semble avoir une capacité naturelle, et c'est amusant de faire une narration plus directe, laissant l'artiste ajouter plus de complexité (où cela a lieu).
J.D. : Qui, dans les genres actuels de fiction-fantastique - fantasy, horreur, et science fiction (graphique ou autre) - selon vous pousse les limites de ces domaines, comme vous êtes renommé pour l'avoir fait dans le passé ?
M.M. : J'aime vraiment beaucoup ce que fait China Miéville, en particulier avec Iron Council, son dernier Steve Aylett est un original. Son dernier livre, Lint, est peut-être le meilleur. Dans l'heroïc fantasy je pense que Steve Erikson fait un travail original. Pour être honnête, je ne lis pas beaucoup dans ces genres-là, en particulier l'horreur. Nous ne voyons pas une grande poussée des limites comme ce fut le cas, disons, dans les années 60 et 70. Nous voyons plutôt des subtilités et des sophistications de la forme. Mais il y a quelques jeunes auteurs brillants - K.L. Bishop, par exemple, Jeffrey Ford et Jeff VanderMeer - qui font de l'excellent travail. Paul di Filippo poursuit sa route très particulière. Rhys Hughes commence à être remarqué. De nombreuses bonnes personnes.
J.D. : L'année prochaine verra la publication du non-fantastique The Vengeance Of Rome, le volume final des "mémoires" en quatre volumes du Colonel Pyat, qui ont mis vingt-cinq ans pour être terminés. Je suppose que vous serez aussi ravi et soulagé de voir cet énorme projet terminé, n'est-ce pas ?
M.M. : Près de trente ans à vivre avec l'holocauste Nazi ! Un peu que je suis ravi que cela soit terminé. J'avais l'intention dans les années 70 d'essayer d'examiner les racines de l'holocauste mais je n'ai pas trouvé que le reste de fiction qui avait été fait sur l'holocauste était si satisfaisant. En conséquence j'ai décidé de donner à mon examen la forme d'une sorte de comédie noire, dans laquelle je pouvais montrer les racistes et d'autres méchants comme ils se voient eux-mêmes, peut-être des gentils gars avec un sale boulot à faire. Ce n'est pas aussi simple que ça, bien sûr, mais je crois que j'ai réussi à atteindre ce que j'espérais atteindre. Presque aussi tôt que je finissais le brouillon final de The Vengeance of Rome, je pris la plupart de mes livres de référence, à propos de Mussolini et Hitler, par exemple, et je m'en suis débarrassé. J'en ai simplement jeté certains à la poubelle. Je ne pouvais pas supporter d'être près d'eux. Pourtant même maintenant je me retrouve acculé vers cet examen. J'en ai fait mon affaire de regarder chaque morceau d'images, chaque photo de victimes et d'essayer de voir chaque personne comme un individu. Et ensuite j'ai essayé de faire cela avec les auteurs (un travail plus difficile, en fait). Je voulais voir comment nous étions arrivés dans cette situation dégoûtante dans l'espoir que je contribuerais au moins à une sorte de chance pour que cela ne se reproduise jamais. Bien entendu, depuis nous avons eu le Rwanda et maintenant cela se passe au Soudan, mais au moins nous sommes plus engagés pour essayer d'arrêter ça que les gens ne l'étaient dans les années 30. Ou du moins, je l'espère.
J.D. : Ce qui nous amène habilement, et finalement, vers... la suite ?
M.M. : La suite ? J'écris un mémoire personnel de Mervyn et Maeve Peake, provisoirement nommé Loving. Ce n'est pas une biographie, mais un souvenir. J'écris un texte pour plusieurs illustrations de Peake non-publiées auparavant, qui sera d'abord fait en français, nommé La Vie et les Aventures du Capitaine Crackers. Je travaille sur un roman "direct" provisoirement nommé Peter's Rules et je dois admettre que je suis en train de faire éclore une nouvelle fantasy, plus proche de Gloriana que n'importe quoi d'autre, que je pourrais ou non écrire. Il y a quelques idées comiques, et une idée ou deux de film pour lesquels mon agent m'a demandé. J'ai fait de nombreuses histoires courtes de différentes sortes et j'en prévois quelques-unes de plus. Donc on dirait que je serai plutôt occupé pendant ma retraite...

Article originel, par John Davey, Juin 2005


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