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La parole aux maisons d’édition - 2024, nous voilà !
Par Gillossen, le vendredi 12 avril 2024 à 10:00:00
Aux forges de Vulcain - David Meulemans
- Alors que 2023 se termine à peine, quel serait votre premier bilan, à chaud, concernant votre maison ou même la situation globale ?
- Les éditions Aux forges de Vulcain sortent d'une très belle année 2023. Leur meilleure d'un point de vue simplement commercial et financier (même si nous restons une structure indépendante, et donc fragile et que la Fortune, capricieuse, attend sans doute en embuscade, pour cesser de souffler dans nos voiles au moment leur moins opportun pour nous !). Nous avons achevé la publication du cycle de la Tour de garde, dont le succès, esthétique, critique et commercial, ne se dément pas. Je ressens, au moment de clore l'année, une immense gratitude pour l'autrice et l'auteur, pour leur confiance, leur sérieux, leur bonne humeur invincible, pour les libraires, et leur curiosité fidèle, et les lectrices et lecteurs. Je pense que le rayon imaginaire est très structuré par des textes de référence américains et qu'il est difficile pour une partie du lectorat d'imaginer que la fantasy puisse être francophone (malgré de nombreux succès, ces dernières années, d'auteurs francophones). Je n'en suis que plus reconnaissant pour tout ceux et celles qui ont franchi le Rubicon et ont découvert que d'autres fantasies étaient possibles !
Sur la situation globale : j'ai vu avec tristesse un certain nombre de librairies se fermer. Il faut garder à l'esprit que c'est le maillon de la chaîne du livre qui a la marge la plus modeste. Or, nous avons la chance d'avoir un maillage dense de libraires : il faut qu'en tant que lecteurs et lectrices d'imaginaire, nous gardions ou reprenions l'habitude d'acheter en librairie, parce que c'est là qu'on peut trouver parfois un roman inattendu, qui va nous émerveiller, et parce que la bonne santé des libraires permet la bonne santé des maisons d'édition (et une meilleure sante des autrices et des auteurs - même si je crois que le chantier de leur rémunération est en partie devant nous).
J'ai l'impression que l'imaginaire continue de s'imposer, dans les industries culturelles, comme le champ de référence (cinéma, séries, jeux vidéos). Mais il faut nuancer en rappelant que la lecture est une expérience particulière, qui demande du temps, et qu'on ne peut pas, chacun, consommer tout ce qui se fait. De mon côté, même si j'ai aimé diverses séries (Blue Eye Samurai), j'ai davantage lu en 2023 et je me demande si le succès de l'imaginaire dans les séries, ce n'est pas le baiser de la mort pour ces mauvais genres qui, quand ils se légitiment, perdent en force et sincérité (je crois que Disney a tué en moi ma passion d'enfance pour Marvel et Star Wars...).
- Avez-vous retenu un événement ou une décision particulièrement marquants ? On songe aux incertitudes du marché, entre explosion de la romantasy et éditeur bien connu dans la sphère Imaginaire à deux doigts de disparaître. Mais il peut s'agir d'autre chose, évidemment !
- Lors de ma visite de la Foire de Francfort, j'ai été très étonné, dans le pavillon de l'Allemagne, du nombre d'éditeurs de romantasy - c'est un vrai phénomène international. Je suis assez curieux de l'effet que cela peut avoir sur le long terme. Je n'ai pas encore lu un de ces romans, par manque de temps. Je me dis que chaque rayon produit toujours ses chefs d'œuvre : j'attends que les libraires, ou la rumeur collective me le désignent, et je le lirai ! Pour l'instant, je regarde donc des aspects secondaires de ce phénomène. Je me dis que l'effort de façonnage est intéressant car j'aimerais que la qualité de production des livres augmente (et idéalement soit rapatriée sur le sol français, pour limiter leur empreinte carbone). Plus on fera du beau façonnage, plus ce sera tentant de recréer en France une filière d'impression dédiée. Et, sans en avoir lu, je me demande ce que ces romans disent de l'amour et du sexe, et des genres, dans notre société. Je crois comprendre que ce sont des romans escapistes pour la plupart, qu'ils visent le divertissement pur, mais nous sommes souvent plus sincères dans le divertissement que quand nous cherchons à dire des choses...
- Quelle place pour la fantasy dans votre programme 2024 ?
- En 2024, nous n'aurons qu'un texte de fantasy aux forges. Ce sera un roman unitaire, francophone, original et beau, intelligent, palpitant, sensible. Et il sortira au deuxième semestre : ce sera le nouveau roman de Guillaume Chamanadjian ! Soyez prêts ! Guillaume étant une personne discrète et modeste, je me dois de compenser et donc de le dire bien fort : ce sera génial.
- Enfin, quel sera votre plus grand défi pour cette nouvelle année ?
- L'année 2024 verra la publication aux forges de quatre romans de SF francophone. Ce sera une année donc très différente de 2023. C'est l'occasion de mesurer combien les publics de ces deux genres, la fantasy et la SF, sont différents. C'est passionnant de voir comment ces deux genres littéraires, souvent rapprochés sous le vaste chapiteau de l'imaginaire, établissent en fait des pactes de lecture très différents et ont des fonctionnements politiques, sociaux, esthétiques si différents. C'est très stimulant. De manière générale, nous vivons une période très intéressante. Je suis très soucieux de l'évolution politique et écologique du monde. Je me demande comment, au quotidien, on peut agir. Parfois, je reviens à William Morris, et son idée que l'amitié est la première vertu politique : qu'il faut traiter chacun avec amitié (même si on a pas de relations personnelles avec cet autrui). Concrètement, cela signifie que, pour faire valoir un point de vue, il faut éviter de représenter le champ de la discussion comme agonistique, avec des gentils et des méchants. Et voir comment on pourrait étendre le cercle créé. Bien sûr, cela ne marche pas. Mais c'est mieux que de s'insulter, de voter des lois qui ont pour but de martyriser l'étranger, etc. C'est une maxime universalisable.
Propos recueillis et mis en forme par Emmanuel Chastellière.
Pages de l'article
- Albin Michel Imaginaire - Gilles Dumay
- Le Bélial' - Olivier Girard
- Aux forges de Vulcain - David Meulemans
- Argyll éditions - Xavier Dollo et Simon Pinel
- Denoël Lunes d'Encre - Pascal Godbillon
- Le Livre de Poche - Paul-Etienne Garde
- Folio SF et Fantasy - Pascal Godbillon
- Les Nouvelles éditions Actusf - Jérôme Vincent
- Les éditions Scrineo - Jean-Paul Arif
- Les éditions du Rouergue - Olivier Pillé
- Les éditions Oneiroi - Camille Ragot
- Les éditions 1115 - Frédéric Dupuy
- J'ai Lu et Nouveaux Millénaires - Quentin Monstier
- Les éditions Rageot - Murielle Couëslan
- Les éditions Pygmalion - Florence Lottin
- Les éditions Critic - Eric Marcelin
- Les éditions Mnémos - Nathalie et Frédéric Weil
- Le Rayon imaginaire - Brigitte Leblanc
- Les éditions Callidor - Thierry Fraysse
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