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Nihilisme et fantasy, la nouvelle tendance ?

Par Drim, le lundi 11 avril 2011 à 13:00:09

La réponse de Sam Sykes

Le problème avec les gens qui emploient des termes comme « Fantasy nihiliste », c'est que même s'il s'agit d'un aspect bel et bien présent, il se retrouve fréquemment enterré sous une montagne de conneries qui tourne inévitablement à la paranoïa la plus étrange jamais balancée sur la Fantasy. La chose a tendance à disparaitre, car qui voudrait patauger dans la merde ?
Moi.
Je le veux.
Et je l’ai fait.
En dehors de tous les coups de pub, de la mise en avant de son carnet d’adresses et du mépris pour la jeunesse, il y a un véritable argument dans l’idée que la Fantasy ne devrait pas être un véhicule pour la négativité. C’est une idée qui a été lancée sur quelques messages sur Facebook (qui finalement sont devenus quelque peu stupides, et je suis paresseux, donc je ne vous transmettrai pas les liens) que la Fantasy a besoin…et bien, d’être fantastique.
Un héros, un monstre et une quête, d’après les fondamentaux du genre, voilà ce dont on a besoin. Il y a quelque chose autour de ces éléments qui font de la Fantasy ce qu’elle est Quelque chose de plus noble, peut-être : le genre de qualités possédées par un héros auxquelles on peut aspirer, le genre de méchanceté affichée par un monstre qui peut nous le faire craindre, le genre de poids que possède une quête qui crée tellement plus de tensions que celle entre un garçon et une fille qui se dévorent du regard.
Il y a bien sûr quelques soucis avec cette logique. Les qualités héroïques peuvent entraîner le protagoniste trop loin de la réalité, en nous empêcher de ressentir une véritable empathie à son égard. La noirceur d’un monstre peut en faire un être superficiel et ennuyant, qui sonne creux. Il n'est méchant que parce que l'auteur nous l'affirme. Et se débarrasser de l’Anneau Unique n'a rien d'une quête banale et sans saveur.
Mais ensuite, il y a l'opposé : l’idée que la Fantasy est exactement comme la réalité et qu'il s'agit d'un bon moyen d'examiner combien l’humanité peut-être complètement merdique. Au nom de ce réalisme, nous avons du graveleux, de nombreux exemples vraiment déprimants où les personnages se noie littéralement dans leur merde et n'arrivent jamais à dépasser leur condition. La guerre est partout et tout le monde meurt, il n’y a pas de rois bienveillants ni de belles princesses depuis que tous les politiciens utilisent le peuple comme des pions pour s’entretuer, le sexe est dépourvu d’amour, et ainsi de suite.
Il y a là aussi des soucis évidents. Dépeindre quelque chose comme absolument désespérant, un monde dont il n'y a rien à sauver, des personnages condamnés à être les marionnettes du destin n'est pas plus réaliste que dépeindre un endroit où tous les gentils sont beaux et vivent heureux et où tous les Méchants vivent sous terre puisque c’est là qu’ils doivent être. Un conflit dont tout le monde est perdant semble généralement n'avoir aucun sens.
Alors, finalement, quel point de vue l'emporte ? Eh bien, aucun.
A mon avis, le moteur de l'intrigue est fait de hauts et de bas, de choses que l’on donne et que l’on prend. Nous avons besoin de voir les protagonistes réussir et leurs antagonistes de même de temps en temps pour conserver notre intérêt intact. Et nous avons besoin de pouvoir nous lier aux deux camps afin de nous sentir impliqués dans leurs succès comme dans leurs défaites, ce qui explique pourquoi j’ai tendance à m’éloigner de l’idée de la traditionnelle Fantasy « le bien doit toujours gagner et le mal doit toujours porter une armure noire », car cela tend à décourager le lecteur qui aurait envie d'aller plus loin au nom de l’évasion/de la tradition.
Et pourtant, dans le même temps, je crois aux formules magiques et je crois en l’amour. Je veux que le héros l'emporte, d’une certaine façon. Je veux que le méchant soit vaincu après un combat épique. Je veux des créatures magiques qui parlent et des mondes anciens et des héros et des monstres. Je veux des trucs fantastiques et je ne lis pas pour me sentir mal.
Tome of the Undergates est réaliste, bien sûr, mais c’est un livre qui contient aussi de bons sentiments, de l’émerveillement et de la poésie et des figures de style, et pas seulement des gémissements et du chagrin. Je l’ai voulu. Je ne vois pas comment on peut avoir l’un sans avoir l’autre. La véritable chose que je ne veux pas faire, c’est d’avoir une histoire prévisible. Je ne veux pas de l’amour au premier regard et je ne veux pas des méchants qui se frottent les mains en gloussant. Mais je ne veux pas que Lenk s'enivre au point de mourir alors qu’il caresse tendrement un dessin de Kataria imbibé de sang, tout en se demandant comment il en est arrivé là.
Je suppose, finalement, que la meilleure réponse que je puisse donner est que la fin idéale à tout cela se trouve dans le conflit/la contradiction.
Voyez-vous, tout art, par sa nature même, donne un point de vue sur l’humanité. Tout dépend de l'auteur et de ses intentions. Si le héros finit dans sa propre merde, c'est un parti pris fort. Si le héros obtient la fille/le garçon et devient roi, c'est le cas aussi. C’est pourquoi, en général, nous n’aimons pas les histoires où il n’y a pas de lutte, pas de contradiction et où le héros n'a pas bougé de son point de départ. Autrement, autant lancer dans une conversation une phrase sans intérêt du genre « Euh…je ne pense pas que les lamantins soient complètement inutiles, non ».
Mais voici le petit problème : lequel d’entre eux fonctionne le mieux ?
Eh bien, même si je me sens un peu honteux de ne pas trancher, je ne suis vraiment pas sûr de quelle est la bonne réponse. Peut-être qu’il n’y en a aucune. Peut-être que c’est ça la leçon à retenir. Quoi qu’il en soit, c’est la raison pour laquelle j’ai écrit ceci.
Alors, les pieds dans la merde ou la tête dans les étoiles ?

Article originel.

  1. Le nihilisme en échec
  2. La réponse d'Adam Whitehead
  3. La réponse de Joe Abercrombie
  4. La réponse de Sam Sykes

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