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Un nouvel entretien avec Naomi Novik !
Par Palinka, le dimanche 18 novembre 2007 à 13:12:11
L'auteur de fantasy Naomi Novik parle de sa victoire aux John W. Campbell Award 2007, du fait que les droits de la série Téméraire aient été achetés par Peter Jackson, et de l'utilisation de dragons dans une version alternative des guerres napoléoniennes.
Son éditeur américain Del Rey l'a justement interviewé lors de son récent voyage au Japon en septembre dernier pour la Worldcon 2007, où elle devait recevoir le prix de meilleur auteur débutant.
Questions et réponses avec Naomi Novik
- Del Rey : Pour commencer, félicitations pour votre prix du meilleur nouvel auteur aux John W. Campbell Award 2007. Cela a dû être une expérience incroyable, non seulement de recevoir ce prix, mais aussi de le recevoir ici, au Japon.
- Naomi Novik : C'était incroyable. Le simple fait d'être nominée pour les prix Campbell et Hugo était fantastique, sans parler du fait que cela faisait une bonne excuse pour venir au Japon. Vous savez, c'est très cliché de dire que le simple fait d'être nominé est un honneur, mais c'est vraiment ce que j'ai ressenti. Un journaliste m'a demandé très tôt, avant même la sortie des Dragons de Sa Majesté, ce que je préfèrerais recevoir : le titre de bestseller dans le New York Times, ou un prix Hugo. Bon, je n'ai pas eu le Hugo, mais pour moi, le Campbell est tout autant un honneur.
- Et vous ne vous ne vous en êtes pas trop mal sortie avec le Times, non plus. Votre dernier livre, Empire of Ivory, est entré directement quinzième dans leur liste, il me semble.
- Ces deux choses ont beaucoup d'importance pour moi, cela me permet de savoir que des gens lisent mon travail, et se reconnaissent dedans. C'est très important pour moi, en tant qu'auteur, de sentir que je touche des gens. Je n'ai pas besoin de faire fortune, mais je veux savoir que je n'écris pas dans le vent. Et bien sûr, cela signifie aussi la liberté de continuer. C'est la véritable récompense, de pouvoir continuer à faire ce que je fais.
- Empire of Ivory est le quatrième livre de la série de Téméraire. Avez-vous prévu une fin définitive pour la série, ou la fin est-elle ouverte ? Et combien de temps avant mettez-vous l'histoire en place ?
- Je sais parfaitement en détail ce qui va se passer un ou deux livres à l'avance. Et ensuite, j'ai une idée générale pour la fin, je sais que les livres vont se terminer à la fin des guerres napoleoniennes, et la série a une fin définitive
- En quelle année sommes-nous, maintenant ?
- Empire se termine à la fin du mois d'août 1807.
- Vous n'êtes pas très explicite à propos des dates précises dans les livres. Les lecteurs doivent plus ou moins deviner en quelle année les évenements se déroulent d'après leurs propres connaissances historiques.
- Oui, j'ai moi-même une chronologie, et on peut assez bien se repérer grâce à des évenements historique, tels que Trafalgar. Mais en général je ne veux pas trop préciser les choses. D'une part, les voyages à cette époque étaient très différents. Un même voyage en mer pouvait durer 4 ou 8 mois, selon la période de l'année, le temps que vous rencontriez, le type de bateau sur lequel vous voyagiez, ou seulement votre chance. Et les voyages dépendaient beaucoup des caprices du vent et de la mer, donc en fait, j'ai pris la liberté de les laisser durer parfois plus longtemps pour les besoins de l'histoire, de la narration, parce que je cherche à recréer une ambiance historique.
- Mais vous avez également intégré, bien sûr, un moyen de locomotion autrement plus rapide que tout ce qui pourrait être disponible d'un point de vue historique.
- Oui, même si c'est un point intéressant qui n'est pas très explicite dans les livres. Les dragons ne voyagent pas forcément beaucoup plus vite que les bateaux sur les longues distances. Vous savez, dans de bonnes conditions, les bateaux peuvent atteindre environ trente kilomètres à l'heure. J'ai adapté la vitesse des dragons à celle des ptérodactyles, près de cinquante kilomètres à l'heure. Et c'est à mon avis la vitesse qu'un très bon dragon pourrait atteindre. Il est évident que certains des plus gros dragons, comme le Regal Copper, ont été élevés pour leur taille impressionante, et ils ont l'endurance mais pas forcément les capacités nécessaires pour atteindre cette vitesse. Donc les dragons volent à des vitesses différentes. Les dragons sont, évidemment, bien plus rapides que les chevaux, ou n'importe quoi d'autre, losqu'ils en viennent à voler au-dessus des terres, parce qu'il peuvent éviter les obstacles. C'est donc un grand changement dans les transports. Mais comme, en tout cas en occident, les dragons n'ont pas été utilisés pour cette particularité avant l'époque à laquelle se passent mes livres, le monde ne s'est pas rétréci.
- Empire commence par un bon exemple de l'effet que les dragons peuvent avoir sur les transports, lorsque Téméraire et d'autres dragons sont utilisés pour sortir des soldats alliés de la ville assiégée de Danzig...
- Exactement. À la fin du troisième livre, Le Bruit des Canons, les dragons sont utilisés pour emporter la garnison. C'est également dans le livre 3 que Napoléon commence réellement à tirer avantage de la rapidité et de la mobilité des dragons pour déplacer son armée beaucoup plus rapidement qu'avant - et historiquement, son armée se déplaçait déjà beaucoup plus rapidement que celle de n'importe lequel de ses opposants. Une fois que Lien, la dragonne introduite dans le Trône de Jade, arrive en France, emmenant avec elle les connaissances technologiques draconniques - pas tout à fait au sens occidental du terme, pas la technologie mécanique, mais les méthodes efficaces que les Chinois ont mises au point pour intégrer les dragons dans leur société, qui sont bien plus avancées que tout ce qui a été développé jusque là en occident - une fois que cela se produit, Napoléon est très prompt à en tirer avantage.
Et évidemment, il détient le pouvoir d'imposer, tout simplement, des changements drastiques dans l'utilisation et le traitement des dragons, ce qui est tout simplement impossible dans un système parlementaire comme en Grande-Bretagne. C'est ce qui se passe dans le troisième livre, et c'est pour cela que les évenements que j'écris commencent à se détacher de plus en plus des récits historiques. Les avancées de la Chine rencontrent le début de la Révolution Industrielle en Europe, et cela créé un genre de grand mouvements de masses contraires, une situation où tout se bouscule, ce qui, à ce moment-là, rend Napoléon encore plus dangereux et dominant qu'il ne l'était déjà. - L'existence des dragons est la principale différence entre votre fiction située dans le XIXè siècle et l'histoire, mais il y en a aussi de plus subtiles, dont la plupart sont liées de près où de loin à la présence des dragons. À ce sujet, la survie de Nelson après Trafalgar mérite d'être mentionnée. On a l'impression que vous n'avez négligé aucun détail, même les plus petits, lorsque vous avez créé votre monde alternatif.
- Merci. C'est un des avantages de travailler avec l'histoire. J'ai déjà un monde entièrement construit, réaliste, et je n'ai pour cela qu'à ouvrir un livre, ou surfer un peu sur le net. Et en général, ce que j'essaie de faire ensuite, si je sens un début à partir de faits historiques, ma première étape est toujours de chercher à savoir ce qui s'est réellement passé dans un laps temps donné ou lors d'un évenement particulier. Une fois que je sais ce qui s'est passé, je cherche comment les dragons pourraient l'avoir influencé. Je pense vraiment que pour moi, le point de départ, c'est la présence des dragons. C'est tout. Toutes les autres différences proviennent de celle-ci, qui est fondamentale. Le plus drôle, c'est toute cette construction qui part d'un « Et si... ». Et cette contrainte, en tout cas pour moi, est très utile. J'aime bien avoir ce genre de restrictions.
- Mais parfois, cela doit être tentant de les dépasser.
- Bien sûr. Parfois, je suis confrontée à quelque chose dans l'histoire que j'aimerais changer, parce que cela ne va pas dans mon histoire, mais je ne vois comment faire par rapport aux changements que j'ai déjà apportés. Donc je me force à travailler dessus. En général, je finis par trouver une troisième solution, plus intéressante que l'idée que j'avais à l'origine.
- Chaque roman de la série a sa propre intrigue et son propre axe, mais il y a également des intrigues de plus grande envergure, ou des thèmes si vous préférez, qui vont au-delà de chaque livre, donnant à la série dans son ensemble un aspect un peu symphonique. J'aimerais que nous nous concentrions sur deux de ces thèmes, qui sont étroitement liés, c'est le féminisme et l'esclavage. Encore une fois, comme avec le point de départ historique dont nous avons parlé précédemment, ces thèmes sont liés aux dragons. Pouvez-vous nous parler un peu de ces deux thèmes, et de cet aspect de votre travail?
- Ce sont des problèmes auxquels sont confrontés tous les auteurs travaillant sur cette partie de l'histoire. Et quiconque apprécie cette période doit faire face au fait que ce n'était pas vraiment le meilleur endroit pour vivre, si l'on n'était pas un homme, blanc et riche. Pas même uniquement un homme blanc. Il fallait être riche, parce que la classe était aussi un problème majeur, même si je me suis beaucoup moins penchée sur celui-ci jusqu'à présent. Je pense qu'une solution employée par les auteurs est la modernisation. Donc si vous avez lu beaucoup de romans sur l'époque de la Régence, par exemple, les personnages sont tous très souvent assez modernes dans leurs attitudes.
Et je sentais que ce n'était vraiment pas la manière dont je voulais faire les choses. Pour moi, cela crée une brèche qui fait que l'on croit moins à l'histoire et ôte son sens à la création du monde. Donc ensuite, d'accord, j'ai une situation dans laquelle le monde est un endroit sexiste, raciste, et où la classe sociale était déterminante. En tant que lectrice, ce qui est important pour moi, c'est de sentir que l'auteur ne glorifie pas le coté raciste, sexiste ou la discrimination sociale. Que s'il y a de mauvaises choses, l'auteur en parle et y réagi. Et pour ma part, j'aime écrire dans cette période, et c'est une des raisons pour lesquelles j'adore l'idée d'écrire une histoire alternative et d'utiliser les dragons comme une sorte d'outil central. Parce que cela m'a permis - d'une manière qui me semblait avoir du sens, cela n'a pas brisé le sens du monde - cela m'a permis de rectifier certaines de ces choses. - Pas en agitant une baguette magique, mais d'une manière rationnelle qui a son propre développement logique.
- Oui. J'écris toujours dans un monde où tous ces problèmes existent, mais j'aime sentir que je donne au lecteur, et à moi-même, l'impression de pouvoir comprendre comment ce monde s'est développé. Aborder ces problèmes ou ces thèmes est vraiment quelque chose de très important pour moi. Je pense qu'il faut d'abord raconter une bonne histoire, et il faut avoir des personnages que l'on aime, et qui sont authentiques dans leur espace-temps.
- Comme le Capitaine Will Laurence.
- Laurence est un type qui a grandi exactement dans ce monde historique, avec tous ses problèmes, et sans avoir à penser aux problèmes de ses privilèges ou quoi que ce soit de ce genre, sans jamais avoir à considérer les femmes comme étant des égales potentielles. Je veux dire, évidemment, Laurence considère les femmes comme des être humains, mais toujours d'une differente classe d'humains. Cela ne lui viendrait jamais à l'idée qu'une femme puisse être soldat. Mais malgré tout cela, il reste ouvert d'esprit. Je pense que l'impartialité est un peu la clé de voûte de son personnage. Il essaie vraiment de faire ce qui est juste et bien. Je pense que le Laurence des Dragons de Sa Majesté ne reconnaitra pas le Laurence du dernier livre, mais pourtant il sera toujours la même personne. Il est forcé de changer dans un certain sens, qui n'est pas agréable pour lui, et cependant je pense qu'il gère tout cela de manière très honorable.
- Je sais que l'intelligence des dragons est différente selon les espèces, mais les dragons les plus intelligents sont-ils plus intelligents que les humains? Téméraire par exemple semble capable de bien se défendre face à des mathématiciens humains, et il y a une excellente scène dans Empire of Ivory dans laquelle lui et d'autres dragons élaborent une géométrie non euclidienne comme une sorte de jeu.
- Les dragons ont une intelligence légèrement différente de celle des humains. C'est pourquoi la géométrie non euclidienne leur vient beaucoup plus naturellement. Les dragons ont probablement plus de capacités en matière de relations dans l'espace. Mais je dirais qu'il existe une échelle dans l'intelligence des dragons, comme dans celle des humains. Les deux espèces ont des genres très différents d'intelligences, et pensent de manière très différente.
;Étant données les capacités intellectuelles des dragons, pourquoi n'ont-ils pas développé leur propre civilisation? Il semblerait que leurs plus grandes réussites sociales et intellectuelles dépendent de l'influence et de la marque des humains. Sans les humains, ils demeurent des animaux sauvages, féraux, d'intelligence variable - ou en tout cas ils en ont l'air jusque là.
;Ce n'est pas tout à fait le cas, même si je ne peux pas répondre complètement à cette question sans faire de spoilers sur Empire of Ivory et d'autres livres à venir. Mais dans Empire par exemple, il y a une culture africaine qui ressemble tout à fait à une coopération entre humains et dragons, et des évenements très interessants vont avoir lieu lorsque l'on va arriver au Pérou, avec la civilisation Inca. Et Arkady et les féraux, que l'on a vu pour la première fois dans Le Bruit des Canons et qui jouent encore un rôle important dans Empire, ont leur propre société. Pour parler franchement, le problème des dragons, c'est qu'ils n'ont pas de mains. Ils n'ont pas de pouces opposables. C'est donc une limitation dans le genre de choses qu'ils peuvent se faire, le genre d'artefacts tangibles qui peuvent aller avec une culture sophistiquée mais n'y sont pas absloument nécessaires. L'autre chose, c'est que les dragons sont de façon générale plus décontractés que les humains.
Les pressions évolutionnaires qui ont pesé sur eux ont été assez différentes. Leurs préoccupations sont très différentes de celles des êtres humains. Ils se préoccupent de leur territoire, de leur trésor, de leurs oeufs. En fait, je pense que leur amour des trésors ne représente que les retombées de la valeur qu'ils donnent à leurs oeufs. En réalité, le trésor est un des principaux moyens que les dragons ont de communiquer entre eux pour créer les liens relationnels qui permettre d'arriver jusqu'à l'oeuf. J'ai basé certaines des attitudes des dragons sur celle des oiseaux, comme le jardinier satiné, qui passe un temps excessif à créer un nid élaboré et très décoré dans le but d'attirer une compagne. Parce que les dragons n'ont pas vraiment besoin d'avoir peur, à part des autres dragons. Je ne pense pas qu'ils soient aussi enclins à se faire la guerre que les humains. Évidemment, ils sont très agressifs, et n'ont absolument pas peur de se battre, mais ils sont moins nombreux que les humains, et il y a par conséquent plus de place pour que chaque dragon puisse établir son territoire. C'est pour toutes ces raisons qu'ils ne créent pas leur propre grande société sans relations avec les gens.
- Et qu'en est-il des religions? Les religions humaines ne semblent pas présenter beaucoup d'intérêt pour les dragons, bien que certains d'entre eux aient l'air fascinés par la philosophie. Est-ce que les dragons ont leur(s) propre(s) religion(s), ou manquent-ils de tout ce qui peut pousser les humains à donner une dimension religieuse à l'existance?
- Je pense que certains dragons sont croyants. On a un rapide aperçu dans Le Bruit des Canons de dragons priant dans une mosquée. Une des choses qui détermine à quel point les gens sont croyants, c'est le fait qu'ils aient été élevés dans un environnement religieux ou non, et je pense que c'est la même chose, à un certain degré, pour les dragons. Les dragons sont moins nombreux à être élevés dans un environnement religieux, donc il y a moins de dragons croyants.
- Mais ils n'ont pas eux-mêmes développé leur propre idée de dieu : je veux dire, un ou des dieux dragons?
- C'est un autre de ces domaines dans lesquels j'ai peur de donner des spoilers, mais je peux dire que j'accorderai plus d'attention au problème de la religion dans les prochains livres. Mais je pense que cela dépend des dragons. Téméraire est très intellectuel à propos de tout cela, et ne le comprends pas vraiment. Téméraire accepterait volontiers de croire en l'existence de Dieu, mais il passerait tout son temps à poser des questions, à demander s'Il existe, pourquoi Il permet à certaines choses de se produire.
- Vous avez laissé entendre que Téméraire et Laurence vont visiter le Pérou. Qu'en est-il du reste de l'Amérique du Sud et du Nord, et les civilisations autochtones là-bas, les Mayas, les Aztèques, les tribus d'Amérique du Nord ?
- En essayant encore une fois d'éviter tout spoiler, une des raisons pour lesquelles les contacts entre les Européens et l'Amérique ont toujours été catastrophiques pour les populations locales, c'est l'introduction de nouvelles maladies. Cet élément sera toujours présent dans mes livres, mais la présence des dragons va changer les choses de manière assez intéressante, j'espère. Mais comme on le disait plus tôt à propos de l'esclavage et du reste, ce qui m'intéresse, ce n'est pas de prendre des évenements déplaisants du passé et de les faire disparaître. Les dragons sont le point central des changements que j'ai introduits dans l'histoire, mais ils ne sont pas la panacée de tous les maux du passé. Cela n'effacera pas le fait que ces populations ont été conquises et tuées. Par exemple, dans mes livres, les Portuguais ont colonisé le Brésil.
- Ignorer ce genre de faits peut rendre une histoire alternative presque immorale, n'est-ce pas?
- Je suis quasiment sûre que quoi que vous fassiez en tant qu'écrivain d'histoire alternative, du moment que vous le faites avec respect et prévenance, ce n'est pas mal. Pour ma part, ce n'est pas quelque chose que je veux ignorer. C'est l'histoire que je raconte. Je soutiens le droit de quiconque à raconter l'histoire qu'il veut raconter. Si quelqu'un veut écrire une roman situé pendant la Régence dans lequel les personnages sont tous modernisés et parlent de manière très contemporaine, ce n'est pas grave, du moment que vous ne présentez pas cela comme étant une représentation authentique de l'histoire. Mais dans le cas présent, j'ai pensé que ce serait immoral de ma part d'ignorer ces éléments, l'esclavage etc..., parce que tout d'abord c'est tout à fait l'histoire que je voulais raconter, et deuxièmement, cela transgresse ma règle capitale qui est que tout changement doit être induit par les dragons. Les dragons du nouveau monde n'ont pas pu protéger les gens du nouveau monde de l'introduction de nouvelles maladies contre lesquelles ils ne pouvaient pas résister. D'un autre coté, je suis libre de me demander ce qui se serait passé si les dragons du nouveau monde avaient eu le même effet sur ceux du vieux continent.
- Les livres Téméraire sont estempillés fantasy, principalement à cause des dragons et de l'aspect histoire alternative, mais ils ne semblent avoir qu'un lointain rapport avec la fantasy traditionnelle. Il n'y a pas de magie, après tout, et les capacités des dragons sont données d'un point de vue scientifique, et vous semblez avoir un grand respect pour l'histoire...
- Mon sentiment général, c'est que quand vous écrivez de la fantasy, il vaut mieux ne pas demander aux lecteurs d'avaler douze choses à la fois. Recentrer le sujet permet au lecteur de mieux accepter les invraisemblances et de croire que ce qu'ils lisent est vrai, en supposant que c'est le genre de sentiments que vous voulez générer chez les lecteurs, et parfois non. Prenez par exemple la fantasy de Patricia McKillip, qui fait plutôt dans l'évocation d'une atmosphère et d'une humeur et un sentiment d'émerveillement.
- Il y a une logique onirique à travers ses livres. Ils sont commes des contes de fées venus d'un monde alternatif.
- Exactement. Elle n'essaie pas de créer des effets réalistes. Dans les livres Temeraire, je recherce ces effets. Si vous écrivez de la fantasy réaliste, je pense que c'est mieux de vous mettre au régime en tant qu'auteur, vous savez ; là où je vais demander à mes lecteurs d'intégrer un élément particulier, à partir du moment où ils l'acceptent, alors tout le reste va avoir du sens pour eux, par rapport à ce qu'ils savent de l'histoire, du vrai monde, et des relations entre les personnes. C'est ce qui, à mon sens, est important dans la fantasy réaliste, lorsque vous essayez de convaincre vos lecteurs que les choses auraient pu se passer comme cela, si seulement... Quant aux dragons, je n'ai certainement pas essayé de leur appliquer quelque sorte de science rigoureuse que ce soit. Je pense que pour plusieurs raisons, ils sont peu plausibles. Mais il y a suffisamment de science, ou de pseudo-science, pour que je sente que le lecteur peut y croire.
- Qu'en est-il du film? Pouvez-vous nous donner les dernières nouvelles depuis que Peter Jackson a acquis les droits pour le film des Dragons de Sa Majesté?
- Je ne sais vraiment pas ce qu'il se passe à ce sujet. Ce genre de choses peut durer des années. Vous touchez du bois en espérant que cela se fera un jour, mais ce n'est vraiment pas de mon ressort. Ce qui est merveilleux c'est que Peter Jackson est la personne qu'il faut pour faire ce film, quand il se fera, si jamais il se fait.
- Est-ce que vos recherches et votre imagination sur la période napoléonienne ont affecté votre vision de notre propre époque, et plus particulièrement sur la guerre contre le terrorisme?
- En écrivant ces livres, je suis devenue de plus en plus sensible au fait que quand on en arrive à la guerre, une fois que certaines choses sont lancées, on n'a vraiment aucune idée de où cela va s'arreter. Même Napoléon, un génie de la guerre, a gagné nombre de ses batailles par chance. Par exemple, à la bataille de Iéna en Prusse, il avait terriblement mal jugé de la position du gros de l'armée prussienne, et environ le quart de son armée s'est retrouvé face aux trois-quarts de l'armée enemie, alors que lui se trouvait face au quart restant, et le battait.
Malgré toute son organisation, la bataille est tombée sous le coup du sort. Vous ne pouvez pas vous leurrer en pensant que vous avez le contrôle, et vous devez faire attention à ne pas vous lancer dans ces choses avec l'illusion de ce que vous pouvez accomplir avec une force militaire. Même si vous avez plus d'argent, plus d'armes, plus d'hommes, rien n'est sûr. En même temps, mes recherches m'ont donné beaucoup plus de sympathie envers les personnes sur le terrain, et ceux qui essaient de mettre en oeuvre des stratégies de plus grande envergure - Vous écrivez dans des bibliothèques. Pourquoi?
- Ce ne sont pas nécessairement des bibliothèques. Je suis en permanence à la recherche d'endroits agréables, calmes, et sans accès internet, où je puisse m'installer avec un ordinateur portable.
- C'est important? Sans internet?
- Oui, on ne peut pas me faire confiance, avec internet. En fait, le problème pour de nombreux auteurs, c'est de commencer par faire trop de recherches, et finir par chercher, et chercher encore sans jamais écrire cette fichue histoire. Avec une connexion à internet, c'est facile de passer toute une journée à faire des recherches juste pour choisir un mot.
- Bien sûr, travailler dans une bibliothèque ne fait pas totalement disparaître cette difficulté.
- En fait, j'aime faire mes recherches sur le net. Donc je garde cela pour la maison.
- Mais vous ne trouvez pas que travailler dans une bibliothèque génère ses propres distractions?
- J'aime aussi travailler dans les musées, comme le Metropolitan Museum. Les gens sont plutôt silencieux dans les bibliothèques, donc à certains égards, c'est mieux qu'un café, même si les cafés ont leurs avantages aussi. Mais j'ai des casques anti-bruit que j'utilisais à l'origine pour les avions, et ils fonctionnent assez bien. Donc concrètement, je ne suis pas vraiment distraite par ce qui m'entoure. J'écoute ma musique classique...
- Vous écoutez de la musique en écrivant?
- Oui.
- Vous écoutez de la musique de l'époque dans laquelle se situent vos livres?
- Oui, je fais une nouvelle playlist pour chaque livre. Pour Empire of Ivory, j'avais tout un tas de musiques africaines.
- Vous écoutez toujours les mêmes chansons en boucle?
- Mes playlist contiennent en général une centaine de chansons environ, donc je ne fais pas attention à la répétition. Et une fois que je commence à écrire, la musique passe rapidement en arrière plan. Elle n'est là que pour me couper de ce qui m'entoure.
- Ce ne sont que des instrumentaux ?
- Des instrumentaux et des morceaux dans des langues étrangères - des langues que je ne parle pas, de manière à ne pas être distraite par les paroles.
- Quand doit sortir le prochain tome de Téméraire?
- En juillet 2008.
- Vous avez déjà le titre?
- Victory of Eagles.
- Avez-vous prévu d'explorer plus en détail le passé du monde de Téméraire, dans des nouvelles ou d'autres romans par exemple?
- Oui, en effet. En fait, je travaille sur une nouvelle dans laquelle Marc Antoine est le premier homme à apprivoiser un dragon en occident. Il n'avait pas prévu de le faire; c'est plutôt un accident. J'ai vraiment hâte de terminer. J'ai vraiment envie d'explorer ce monde et cet univers plus en détail. Mais le problème, c'est le temps. Il y a tellement d'autres choses que j'ai également envie d'explorer. Après avoir terminé Victory of Eagles, d'ici environ un mois, je vais prendre un peu de temps avant de commencer le livre 6, parce qu'il est prévu qu'il y ait un livre par an. J'aurai donc une année entière entre les deux, ce qui devrait me laisser assez de temps pour écrire un autre roman, quelque chose de complètement différent, et j'ai envie de reprendre cette habitude, celle de changer, passer d'un projet à l'autre.
- Il semblerait que vous ayiez déjà quelque chose à l'esprit.
- J'ai deux concepts, deux idées dont j'ai déjà écrit des petits morceaux.
- Toutes les deux des séries, ou des histoires en un seul volume?
- L'une est un cycle de cinq livres, et pour l'autre je ne sais pas encore.
- Toutes les deux sont de l'histoire alternative?
- C'est difficile à dire. L'une est une histoire de voyage dans le temps, et dès que vous avez des voyages dans le temps, l'histoire devient une sorte de concept variable. L'autre se situe cinq minutes dans l'avenir : c'est une histoire de science fiction. Toutes les deux sont de l'histoire alternative, dans le sens où elles se situent dans notre monde. Et j'aime utiliser notre monde et notre histoire comme base, mais ce n'est pas nécessairement de l'histoire alternative comme l'univers de Téméraire, pour lequel je suis un cadre narratif historique, les guerres napoléonienes.
Auteur
Naomi Novik
Biographie
Bibliographie
- The Dragon Book: Magical Tales from the Masters of Modern Fantasy
- Warriors
- Zombies contre licornes
- Déracinée
- La Fileuse d'argent
- Téméraire
Les interviews
- Entretien avec Naomi Novik
- Un nouvel entretien avec Naomi Novik !
- Imaginales 2012 : un entretien avec Naomi Novik
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