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Fabrice Colin se souvient de Winterheim

Par Gillossen, le mercredi 26 octobre 2011 à 15:21:00

CouvertureUn peu plus tôt dans le mois, les éditions Pygmalion ont repris en intégrale la trilogie Winterheim de Fabrice Colin.
Une initiative intéressante, car les romans en question n'étaient plus disponibles dans le commerce depuis quelques années maintenant. Pour l'occasion, le très occupé auteur concerné par la chose a bien voulu répondre, diligemment qui plus est, à nos questions !
Fabrice Colin revient donc sur cette trilogie, le paysage fantasy de l'époque, le temps qui passe, mais aussi Elric ou encore son avenir proche, avec notamment un thriller prévu pour 2012 (couverture dévoilée ci-contre !).

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L'entretien

Pygmalion publie ce mois-ci une intégrale de la trilogie. Avec le recul, comment considères-tu ces romans ? Quelle place occupent-ils dans ta bibliographie ?
C’est ma première incursion en fantasy ; il n’y en a pas eu tant d’autres, maintenant que j’y pense. De façon générale, ces romans sont le reflet d’une époque un peu cinglée : une envie énorme, un enthousiasme sans pareil et un travail éditorial – ahem – minimal.
Aujourd’hui, j’assume pleinement cette trilogie. Les romans ont été retravaillés pour leur reprise chez J’ai Lu et des dizaines de milliers de signes (adjectifs pompeux, adverbes inutiles, sympathiques digressions adolescentes) ont disparu à l’essorage sans qu’aucun chapitre ne disparaisse.
Et sur un plan plus large, quel regard portes-tu sur cette époque ? Quel souvenir gardes-tu de l'atmosphère éditoriale de la fin des années 90 ?
Que te dire ? Je travaillais avec Mathieu Gaborit dans la cave des éditions Mnémos, sous une lumière artificielle. Ce sont des souvenirs merveilleux. Nous nous nourrissions de coca, de café et de discussions philosophiques en écoutant du Stevie Wonder (je résume). De temps à autre, Stéphane Marsan descendait voir ce que nous fabriquions : « Alors, les gars, ça biche ? » <Ici, insérer le bruit d’un claquement de fouet>.
Nos romans étaient écrits en deux mois puis sortaient directement en poche mais nous nous en moquions parce que nous étions déjà en train de terminer les suivants.
Sur ton blog, tu évoques une « tendresse particulière » pour ces années. Pourrais-tu nous expliquer en quoi ?
Être heureux, c’est sans doute ne pas penser à l’avenir. Euh, attends, c’est un peu pessimiste, ça, non ? Disons que nous écrivions nos livres sans nous poser de questions. Disons que la structure éditoriale qui nous chapeautait rayonnait de bienveillance. Nos désirs devenaient réalité : ma définition personnelle de la magie.
Comment est né l'univers de Winterheim ?
Je voulais faire quelque chose de nordique, ne me demande pas pourquoi. A la base, il y a une émotion esthétique, des images de châteaux perdus et de tempêtes de neige. Je lisais Hamlet, à l’époque. Et j’écoutais Wagner. Tu vois le genre.
La mythologie nordique est-elle une mythologie qui t'attire, ou qui t'attire encore ?
Mes origines sont à l’Est. Je passais beaucoup de temps dans les Vosges, étant petit et, aujourd’hui encore, chaque fois que je vais en Alsace, je me sens chez moi. C’est une émotion difficile à transmettre. Comment te dire ? Si je vais à Marseille, je suis content : il fait chaud, les calanques sont belles, l’accent est chantant, mais c’est à peu près tout. Si je vais à Colmar…
Tu vois les montagnes, les sapins, la brume, il fait froid et tu te sens chez toi : tu sens que tes racines s’enfoncent dans ce sol-là. Alors, oui, les dieux bourrus, les lutins neigeux, les traces qui se perdent dans le Grand Blanc – à un niveau reptilien, ça m’attire beaucoup plus que la mythologie grecque, par exemple.
Comment qualifierais-tu aujourd'hui un personnage comme Janes Oelsen ?
C’est une sorte de martyr et donc, par définition, quelqu’un d’assez lisse, comme Tintin ou Jésus ou J’on le Chninkel. On serait bien en peine de définir précisément son caractère. Disons qu’il ne baisse pas la tête, que ce n’est pas le genre de type à renoncer. Un idéaliste sans idéologie, en somme : il sait juste qu’il est amoureux et qu’il ne veut pas crever.
Et voici venir la question bateau qui en plus ne fait généralement guère plaisir, mais... quel chemin parcouru en une dizaine d'années pour toi ! La fantasy occupe-t-elle finalement encore une place importante pour toi, en tant que lecteur, auteur ?
Eh bien si, justement, c’est une question qui me fait plaisir. Le chemin, ce n’est pas très important. Ce qui compte, c’est d’où on vient. La fantasy, pour moi, c’est l’innocence, c’est la joie, une étincelle qui ne doit jamais s’éteindre. La capacité d’émerveillement propre aux lecteurs de fantasy est une qualité primordiale, peu importe ce qu’en pensent les instances officielles. Vous aimez les grandes histoires, les grands voyages, les sacrifices immenses ? Chérissez ces émotions. L’imagination est ce qui nous sépare des animaux.
Quand tu entends un chroniqueur du Masque et la plume, sur France Inter, le genre de personne pour qui la fantasy n’existe tout simplement pas, tu comprends ce qu’est la vieillesse, la vraie. Bon, je dis ça mais je ne lis plus de fantasy, bien sûr – disons que je ne cherche plus ma pitance dans ces rayons-là.
Aujourd’hui, je traque l’émerveillement dans les fissures, les ombres, les angles impossibles. Je lis plutôt Thomas Pynchon et Haruki Murakami. « J’suis snob. »
Cette année, ton actualité a notamment été marquée par « ton » Elric. Quelques mois après la sortie, penses-tu que le roman a su trouver son public ? Et si tu ne devais retenir qu'un souvenir de cette expérience...
Si ta question porte sur les ventes, je n’en sais rien, je n’ai pas les chiffres. Je sais que ce n’est pas un bouillon, et je sais que ce n’est pas un grand succès, parce que le contexte est un peu compliqué, parce que, surtout, la grande époque d’Elric est derrière lui – c’est une figure du passé, le héraut d’un âge d’or révolu.
Un souvenir ? Je suis assis sur le canapé des Moorcock et Linda, l’épouse de Mike, me tend des toasts au foie gras par elle-même confectionnés tandis que nous parlons de crocodiles géants et de “nasty sex”. Elle secoue la tête, lève les yeux au ciel. « Pff. Vous, les garçons. »
J’ai perdu mes deux grands-pères en 1990 et je n’ai jamais eu de maître, ou de mentor. Mike est un mélange de tout ça pour moi, et j’éprouve pour lui une infinie tendresse ; c’est plus important qu’un livre, non ?
Passage obligé là encore côté questions, mais peut-on imaginer une « suite » ?
C’est une question qu’il faut poser au Fleuve Noir. Oui, on peut l’imaginer, puisque nous l’avons déjà fait.
Laisse-moi revoir Mike en novembre et vider une bouteille de Bordeaux avec lui et on en reparle.
Ces derniers mois, la question de l'absence de lecteurs en librairies revient souvent, du moins dans la sphère de l'imaginaire. Toi qui es souvent à leur contact à travers tes nombreux déplacements, ressens-tu un tel constat ? (Oui, bon, ressentir un constat...)
Il y a une crise économique, une vraie, une sévère, il faudrait être fou pour le nier. Les vendeurs de vêtements ou de voitures ou de DVD tiennent le même discours que les libraires. Les gens achètent moins : pas seulement des livres. Comment leur en vouloir ?
Je ne sais pas si le phénomène touche plus l’imaginaire que les autres secteurs et, à vrai dire, je ne vois pas très bien pourquoi ce serait le cas. Disons que ça se ressent plus parce qu’on fonctionne souvent sur des petits échelles. Si tu vends cinquante mille exemplaires d’un roman au lieu de cent mille, c’est embêtant. Si tu en vends sept cent cinquante au lieu de mille cinq cents, c’est dramatique.
La fin de l'année approche déjà... Que peut-on attendre de Fabrice Colin en 2012 ? Qu'il soit question d'imaginaire ou pas d'ailleurs !
Le quatrième et dernier tome de ma série Les Etranges Sœurs Wilcox sortira chez Gallimard au début de l’année. En février : Blue Jay Way, un « thriller cérébral » chez Sonatine dont j’attends beaucoup. Un deuxième thriller est en chantier ainsi que plusieurs romans jeunesse, dont l’un très ouvertement SF/fantastique/fantasy. 2012, qu’on se le dise, sera l’année des secrets et des surprises.
Il ne me reste, ami, qu’à te féliciter pour la qualité de tes questions (même si je commence à être habitué). Longue vie à votre site et à ses lecteurs, du fond du cœur !

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