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Fabrice Colin nous parle de 49 jours

Par Gillossen, le dimanche 3 mars 2013 à 17:08:21

49 JoursMais pas seulement !
L'auteur aborde également avec nous le "marché" Jeunesse, la place de la littérature de l'Imaginaire, ou bien encore la question du livre électronique. Toutefois, il n'oublie pas bien sûr de répondre aux interrogations concernant plus particulièrement 49 jours, paru en fin d'année dernière. En attendant sa suite et fin !
Ci-dessous, retrouvez donc l'entretien en question !

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L'entretien

Une question banale pour commencer, mais toujours intéressante : comment est né ce roman ?
Il est toujours très compliqué de répondre à ce genre de questions. Il faudrait déjà s'entendre sur ce que signifie le verbe « naître », s'agissant d'un roman. Au départ, il me semble, je voulais écrire quelque chose sur le voyage dans le temps : l'un des sujets les plus casse-gueule des littératures de l'imaginaire. Il me fallait aussi une histoire d'amour, contrariée comme il se doit. D'autres éléments sont venus s'agglomérer à ce double noyau au fil des semaines.

Avec l'Intermonde, vous nous présentez une vision assez particulière de ce que l'on pourrait qualifier de Purgatoire. L'idée d'un tel cadre vous est-elle venue d'un coup ou est-ce le fruit d'une longue réflexion/élaboration ?
Il y a toujours une période de maturation : un moment de rêverie assez agréable fait de « what if » et de sourires intérieurs. Le cadre ? une nature inviolée, je l'avais dès le départ. Il est nourri en partie par mon amour des Alpes et de la montagne en général. Pour le reste, navré, il m'est impossible de me souvenir exactement comment tout ceci s'est construit.

Le choix d'une narration à la première personne s'est-il imposé d'emblée pour cette histoire ?
Grande question. Je dois le dire d'emblée, il est rare que quoi ce soit s'impose chez moi. J'ai des intuitions, mais elles peuvent s'avérer fausses, et parfois alors que j'ai déjà écrit bon nombre de chapitres. C'est exactement ce qui m'est arrivé pour ce livre avec le temps de narration. Au début, j'écrivais au passé. Et puis il m'est apparu que le présent était plus approprié. Après tout, la mort, c'est l'absence de temps.

Le roman multiplie les idées et les trouvailles concernant cet univers : est-ce facile d'intégrer le tout dans une trame qui tienne debout ? N'a-t-on pas parfois la tentation de privilégier le cadre créé, ne serait-ce que pour l'explorer davantage ?
Je crois que tout auteur de fantasy ou de SF exploratrice est confronté à cette difficulté. Je dois raconter une histoire, mais je dois aussi offrir un monde au lecteur. Pour que le monde lui plaise, il faut que j'en tombe amoureux. Mais si j'en tombe amoureux, je risque de ne plus parler que de lui et de délaisser l'intrigue.

Floryan est un personnage finalement assez lisse et longtemps dans la réaction plutôt que l'action. Était-ce facile de mettre en scène un tel « héros » ?
C'est un problème récurrent chez moi. Mes romans sont des systèmes qui ne cèdent pas aisément à la dictature du héros « tout-agissant ». Dans la vie, on agit rarement : le plus souvent, on subit et, éventuellement, on réagit. Le concept du type infatigable qui va toujours de l'avant me gêne un peu, c'est presque devenu une question politique chez moi. Le problème avec Floryan, c'est que ce n'est pas un héros, précisément : juste un petit Parisien du 16e arrondissement.

Vous-même, avez-vous réfléchi au choix que vous feriez si vous vous retrouviez confronté à la même situation ?
Songez bien que la plupart d'entre nous, catapultés dans un univers de fantasy, se contenteraient sûrement de se recroqueviller en position catatonique en attendant de se réveiller. Le héros de fantasy qui se lance dans la bataille à corps perdu, c'est le symbole du courage que nous n'avons pas. Je suis parfois tenté de mettre le lecteur à l'aise : « hé, regarde, ce type est aussi nul que toi (ou que moi) ! Il est comme nous ! C'est un humain, pas une machine. »

Le roman réussit très bien son basculement vers un cadre post-apocalyptique : peut-on s'attendre à voir celui-ci prendre de l'ampleur dans la suite ?
Le deuxième tome se passe principalement sur Terre alors, oui, cet aspect-là va être copieusement développé.

Entre 49 jours ou Blue Way Jay, vous passez souvent d'un public à l'autre, adulte ou jeunesse. Finalement, est-ce naturel ou bien cela demande-t-il malgré tout une certaine « gymnastique » ?
C'est tout à fait naturel pour moi. D'un côté, il y a la narration pure, le plaisir de créer un monde, de raconter une histoire. De l'autre, l'exploration de thématiques souterraines, pour ne pas dire intimes, et un travail plus poussé sur l'écriture. Non que l'écriture n'ait aucune importance pour moi en jeunesse, bien au contraire, mais soyons honnête : elle n'en a pas tant que ça pour le lecteur-cible.

Les parutions Young Adult ont le vent en poupe depuis deux ou trois ans. Y voyez-vous autre chose qu'une « astuce » éditoriale pour catégoriser le marché ?
Je n'ai pas trop d'avis sur la question. Je ne connais pas toutes les données du marché. Ce que je sais, c'est que de nombreux éditeurs se sont engouffrés dans la brèche et que le résultat, pour les auteurs, est forcément mitigé : en général, et sauf à considérer un accroissement brutal du lectorat, quand le nombre de titres augmente, les ventes au titre diminuent.

Sur votre blog, vous avez déjà exprimé certaines réserves concernant le livre électronique. Les deux marchés ne peuvent-il pas cohabiter selon vous ?
J'étais très méfiant au départ. Je le suis moins maintenant. De même que les aficionados du numérique ont mis de l'eau dans leur vin. Alors oui, je pense que les deux marchés peuvent et vont cohabiter en France. En revanche, contrairement à ce qu'on a entendu, l'arrivée du livre numérique n'a pas attiré de nouveaux lecteurs. C'était un argument très en vogue il y a deux ans mais tout cela est retombé comme un soufflé. Par ailleurs, viscéralement, je reste attaché au livre papier.

Vous êtes très actif sur les réseaux sociaux et notamment Twitter. Où finit le dialogue avec les lecteurs et où commence l'exercice de style ? N'est-il pas parfois difficile de lier les deux ?
Si, bien sûr, c'est la grande difficulté du jour. Quel degré d'intimité doit-on créer avec le lecteur ? Quelle part de soi doit-on laisser s'exprimer sur les réseaux sociaux ? Je cite un récent tweet de Bret Easton Ellis : "You have to get off Twitter, a worried friend from Seattle told me last night at the Vanity Fair Oscar party. People think you're crazy."

Après La Brigade Chimérique dernièrement, peut-on s'attendre à une nouvelle incursion BD de votre part ?
Il y a en effet des projets assez concrets, mais rien de signé pour l'instant : je me cantonnerai donc à une prudente réserve.

Avez-vous eu quelques lectures relevant de l'imaginaire, au sens large, cette année ?
Les Fantômes de César Aira chez Bourgois. Plusieurs romans des merveilleuses éditions Attila. Enig Marcheur, un monument, traduit par mon copain Nicolas Richard. Mon chouchou de l'année écoulée reste Swamplandia, de Karen Russel. Tous ces livres sont publiés en littérature « blanche », preuve s'il en fallait que l'imaginaire est partout.

La fantasy est revenue sur le devant de la scène en fin d'année dernière avec la sortie du Hobbit au cinéma. Pourtant, on a l'impression qu'à part un vague boom éditorial qui n'aura pas duré longtemps, la situation n'a guère évolué en dix ans. Faut-il seulement s'en soucier ou faire avec ?
C'est le prolongement de la question précédente, il me semble. Il faut savoir ce qu'on veut : que les gens lisent de la fantasy, ou que les éditeurs de fantasy gagnent des sous ? Ce sont deux questions bien différentes. Pour être honnête, ces histoires de marchés et de niches m'indiffèrent. Que des éditeurs de littératures de l'imaginaire tirent la langue peut évidemment m'attrister mais il y a des choses plus graves dans la vie : c'est un problème commercial, pas littéraire. La situation en littérature jeunesse est plus saine, d'une certaine façon, dans la mesure où tout est mélangé.

Enfin, une fois encore, on me reprocherait pendant des semaines de ne pas poser la question, donc... Y a-t-il encore de l'espoir concernant un certain A vos amours ?
Il y a toujours de l'espoir. Confessions d'un automate mangeur d'opium ressort chez Bragelonne dans quelques semaines, Arcadia devrait suivre, c'est un bon début, non ?

Propos recueillis et mis en forme par Emmanuel Chastellière


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