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Janua Vera

Tome 1 du cycle : Récits du vieux royaume
ISBN : 978-207046426-5
Catégorie : Aucune
Auteur/Autrice : Jean-Philippe Jaworski

Né du rêve d’un conquérant, le vieux royaume n’est plus que le souvenir de sa grandeur passée… Une poussière de fiefs, de bourgs et de cités a fleuri parmi ses ruines, une société féodale et chamarrée où des héros nobles ou humbles, brutaux ou érudits, se dressent contre leur destin. Ainsi Benvenuto l’assassin trempe dans un complot dont il risque d’être la première victime, Ædan le chevalier défend l’honneur des dames, Cecht le guerrier affronte ses fantômes au milieu des tueries… Ils plongent dans les intrigues, les cultes et les guerres du Vieux Royaume. Et dans ses mystères, dont les clefs se nichent au plus profond du cœur humain…

Critique

Par K., le 15/03/2015

Premier ouvrage de Jean-Philippe Jaworski, Janua Vera est un recueil de nouvelles se déroulant dans l’univers du Vieux Royaume, légitimement remarqué à sa sortie chez les Moutons électriques en 2007 et plusieurs fois réédité depuis.
Le livre ici chroniqué est le tirage spécial de la version augmentée. Commençons par dire que si l’objet est de toute beauté, il mérite autant de louanges pour son contenu que pour son enveloppe. Il n’est pas si courant de savourer la rencontre entre une plume aussi ciselée et un univers patiemment bâti derrière lequel on devine nombre de solides recherches historiques. La chose n’est guère surprenante toutefois pour ceux ayant fréquenté Te deum pour un massacre, incursion réussie et érudite de l’auteur dans le domaine des jeux de rôles.
Ce recueil de 412 pages commence avec une nouvelle préface de Don Benvenuto Gesufal, héros de Mauvaise donne et de Gagner la guerre et auteur désigné des nouvelles s’ensuivant. On y retrouve ou découvre avec plaisir la gouaille et le verbe haut-en-couleur du spadassin nous livrant ici son rapport à l’écriture.
Après cette alerte mise en bouche, le livre se poursuit avec Janua Vera, nouvelle éponyme qui, sans être la plus réussie de l’ensemble, nous entraîne à l’époque où le royaume était jeune, sur les pas de Leodegar le resplendissant, roi-dieu de Léomance à l’apogée de sa gloire, tarabusté par un rêve persistant, détresse d’un monarque divin face à l’incompréhensible, faiblesse incomprise d’un conquérant rappelé à sa condition de mortel.
Les récits suivants ont tous une chronologie nous plongeant dans les affres, petites ou grandes, de ce royaume devenu vieux et chargé d’histoires. Le premier d’entre eux, Montefellone, narrant le siège d’une ville sans grande renommée mais à la position stratégique, pourrait souffrir d’avoir un fil directeur par trop prévisible pour le lecteur aguerri. La maîtrise avec laquelle l’auteur manie les effets de style, alternant longues phrases et brève anaphores, jouant avec les mots de telle sorte que l’on se prend à s’arrêter sur un passage ou à se délecter de la sonorité d’une phrase, fait qu’on le dévore jusqu’à la fin comme un plat connu mais préparé avec talent.
Si Montefellone est de lecture plaisante, Mauvaise donne s’avère elle l’une des nouvelles les plus marquantes de ce recueil. Se déroulant deux siècles plus tard,  elle nous entraîne dans les tortueuses ruelles de Ciudalia, puissante cité marchande où les manigances des hommes de pouvoir n’ont rien à envier aux dernières heures de la Rome républicaine ou aux complots florentins. Nous y suivons avec délectation l’auteur présumé de ce livre, Don Benvenutto Gesufal, assassin retors et sympathique crapule pris bien malgré lui dans une toile le dépassant et tentant de démêler les fils l’entraînant vers une fin prématurée. Jean-Philippe Jaworski démontre ici en quelques pages qu’il n’a rien à envier aux meilleurs auteurs de romans historiques.
C’est dans une toute autre ambiance que nous plonge Le service des dames, bel hommage à Chrétien de Troyes ou au chevalier au papegau mais hommage détourné, amer, cynique, transgressant les codes de l’amour courtois et du roman de chevalerie, plus proche en sa brutalité et en son immoralité de Béroul que du chevalier au lion. L’auteur se joue ici des archétypes, amenant progressivement la nouvelle vers une conclusion attendue mais prenant à contre-pied les canons du genre, rappelant l’homme de guerre sous le chevalier et la froideur du temps sous les badinages.   
Si le récit suivant, Une offrande très précieuse, voit de nouveau l’apparition du chevalier errant, son héros est d’une toute autre trempe car bien qu’également rompu aux arts de la guerre sa non-maîtrise de l’art des mots et son incapacité à nommer ses émotions sont le fil central de cette nouvelle sur le thème du deuil, plus fine qu’elle ne peut le laisser paraître aux premières pages.
C’est à Lord Dunsany et aux récits anciens du folklore celte et scandinave que l’on songe à la lecture du Conte de Suzelle. Si comme dans Montefellone la trame en est aisément reconnaissable, ce bref texte sur la condition humaine, le rapport au temps et la beauté périlleuse de la faërie, touchera certains lecteurs par son évocation poignante, mélancolique et non sans tendresse d’une vie simple.
La nouvelle suivante n’est pas sans rappeler la plume de Jérôme Noirez par la noirceur de son burlesque. Incursion comique dans un contexte ne l’étant guère, péripéties d’un anti-héros, copiste de son état, ballotté bien malgré lui dans de dangereuses, malencontreuses et malchanceuses affaires, Jour de Guigne est une tentative intéressante, à suivre, de l’auteur sur un terrain où il n’était pas attendu. Il pourrait il y avoir plus de Terry Pratchett en Jean-Philippe Jaworski qu’il ne le semblerait de prime abord.
C’est à une tradition toute autre que se rattache Un amour dévorant et on se prend à songer à Edgar Allan Poe ou Prosper Mérimée en découvrant l’ambiance angoissante de ce récit fantastique et en suivant l’enquête inquiétante menée par un membre du funeste et ambigu culte du desséché dans un village reculé, symbole du déclin ancien d’un vieux royaume et théâtre incessant d’une tragédie oubliée.
L’avant-dernier récit, Comment Blandin fut perdu, est de l’aveu même de l’auteur un jeu intertextuel avec une nouvelle de Marguerite Yourcenar, Comment Wang-Fô fut sauvé. Cette nouvelle permet encore une fois de souligner l’érudition de l’écrivain, cette-fois ci dans le domaine de la peinture. Il joue avec son lecteur dans ce récit étrange dont la chute de toute beauté tombe comme un couperet. Probablement le plus déconcertant du recueil, empli de références tant à Gagner la Guerre qu’à d’autres nouvelles de ce livre, il mérite relecture une fois sa fin assimilée. Un bel hommage aux peintres, à leur art et aux rapports entre maîtres et disciples.
La dernière des nouvelles, Le confident, huis-clos ténébreux, noir et sinistre, sombre introspection accentuant le malaise du lecteur jusqu’à la dernière ligne, nous renseigne avec brio sur l’inquiétant culte du desséché.
L’ouvrage s’achève ensuite sur des annexes faisant songer aux appendices du Seigneur des Anneaux et fournissant des informations supplémentaires sur cet univers, notamment une chronologie qui ravira ceux qui parcourent avec délices les Contes et légendes inachevés.
Un livre à lire, à prêter, à recommander et à relire.

8.5/10

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