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Jonathan Strange & Mr Norrell : retour sur l’épisode 3

Par Zakath, le lundi 1 juin 2015 à 17:03:04

3Suite de notre suivi épisode par épisode de l'une des séries fantasy du moment !
Oui, nous parlons toujours de l'adaptation du roman de Susanna Clarke, Jonathan Strange & M. Norrell. Le troisième des sept épisodes prévus était diffusé hier soir sur l'antenne de la BBC et voilà notre avis détaillé à ce sujet, dès maintenant.
Nous espérons en tout cas que ce nouveau rendez-vous vous plaît !

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Chapter 3: The Education of a Magician

La semaine dernière, nous avions laissé Jonathan Strange sur le point de quitter Londres à destination du Portugal afin de se mettre au service de Lord Wellington, tandis que Gilbert Norrell déplorait le départ de son élève et surtout des quarante livres de magie qui seraient aussi du voyage. Une contrariété néanmoins mineure comparée à la constatation que son accord avec le Gentleman n’avait pas fini de revenir le hanter.

Avec ce troisième épisode, la mini-série prend un tour beaucoup plus tragique. L’humour n’est pas totalement absent, notamment à travers les difficultés d’adaptation de Strange à son arrivée au Portugal et ses échanges avec Wellington (Ronan Vibert) qui n’est pas du genre à se laisser impressionner par grand-chose, y compris un magicien capable de créer une route praticable à partir de trois malheureux cailloux. Il faut bien profiter de ces quelques moments de détente car le reste ne prête guère à sourire.

Jonathan Strange quitte son existence douillette en Angleterre pour découvrir les réalités de la guerre, et Peter Harness se permet quelques entorses par rapport au livre en montrant un échec dramatique du magicien à répondre à une exigence de Wellington qui aura un résultat sanglant, allant même jusqu’au sacrifice d’un personnage épargné dans l’œuvre originale. Ce changement fonctionne cependant bien et permet d’introduire une scène importante dans l’évolution de Strange puisqu’il va accomplir un acte particulièrement discutable en ramenant à la vie des déserteurs détenteurs d’informations utiles. On appréciera le rôle joué par le livre A Child's History of the Raven King de Lord Portishead qui dans l’épisode précédent semblait n’être qu’un clin d’œil aux notes de bas de page du livre de Clarke. Il trouve ici une double utilité : raccrocher Strange à Arabella restée au pays et lui donner l’idée d’utiliser une magie ancienne réprouvée par Mr. Norrell. Bertie Carvel s’était jusqu’ici surtout illustré dans un registre comique mais les aventures portugaises de Strange lui donnent l’occasion de montrer une nouvelle facette de son personnage alors que celui-ci doit affronter les résultats du sortilège qu’il a lancé. Si ses méthodes diffèrent de celles de Norrell, le sort des Napolitains n’est pas vraiment plus enviable que celui d’Emma Pole.

Ce qui nous ramène en Angleterre. Encore une fois, le scénariste, tout en suivant tout de même d’assez près le roman, ajoute des idées personnelles, la principale ici tournant autour de lady Pole, qui cherche toujours un moyen d’alerter son entourage de ce qu’elle et Stephen endurent. Elle ne peut parler, mais elle peut au moins broder. Cette trouvaille permet de montrer un personnage qui n’est pas résigné à son sort et de développer également ses rapports avec Arabella Strange, la seule à vouloir vraiment l’aider sans comprendre encore la nature du problème. En réaction, Norrell apparaît sous un jour encore moins reluisant que dans How is Lady Pole ? puisqu’il prend des mesures de plus en plus radicales pour tenter d’étouffer son secret, avec l’assistance d’un Childermass réticent mais qui continue de faire preuve d’une loyauté dont on se demande de plus en plus si elle est bien placée. Il était sans doute judicieux de la part de Marsan de donner un caractère plus ouvertement vulnérable et donc attachant à son personnage dans le premier épisode car sans cela ses dernières actions en date l’étiquetteraient facilement comme le méchant de l’histoire.

On peut d’ailleurs dresser un parallèle entre Strange et Norrell et apprécier leurs différences : tous deux se retrouvent confrontés aux conséquences de leur séance de nécromancie. Là où le premier admet publiquement ses limites et tente de trouver une solution, le second n’entend que se protéger, laissant encore une fois un tiers payer la note à sa place dans une dernière scène particulièrement dramatique.

Avant d’en arriver à celle-ci, on revoit le Gentleman qui a désormais jeté son dévolu sur Mrs Strange. On a ainsi un bel échange entre eux durant lequel le Gentleman, bien qu’incapable de comprendre comment Lady Pole pourrait être malheureuse de se rendre toutes les nuits à Lost-Hope, propose de la libérer de son enchantement, mais pas sans une contrepartie de la part d’Arabella. En refusant le marché, cette dernière se pose encore une fois comme la voix de la raison. Elle est déjà celle qui dans son couple contrebalance la conduite impétueuse de Jonathan, on la voit également, contrairement au pourtant prudent Norrell, ne pas se précipiter d’accepter un pacte tentant.

Le Gentleman offre également à Stephen Black et aux spectateurs le moyen de découvrir les origines du majordome de sir Walter Pole au détour d’une séquence qui ajoute une nouvelle touche poignante à un épisode déjà bien sombre. En effet, si Jonathan Strange & Mr Norrell propose des scènes de magie enchanteresses à base de statues parlantes et de chevaux de sable, on ne perd pas de vue que l’histoire se déroule dans un milieu où l’esclavage a toujours cours (même si ce n’est pas sur le sol même de l’Angleterre, il n’est pas aboli dans les colonies) et que la nation que Norrell et Strange se targuent de défendre par leur magie respectable a aussi des aspects peu glorieux. Le Gentleman sème ainsi le doute dans l’esprit de Stephen : bien que celui-ci soit entraîné contre son gré à Lost-Hope, a-t-il finalement jamais été vraiment libre, et finalement, ses escapades en Faerie ne seraient-elles pas un moyen d’échapper à sa condition ? Cela n’empêche pas Black d’essayer vainement de prévenir Arabella du danger qu’elle coure mais ses convictions sont ébranlées et on peut supposer que le Gentleman saura jouer avec à l’avenir.

En attendant de voir cela, on nous aura laissé voir encore une fois un épisode remarquable, qui parvient à faire avancer les différentes sous-intrigues, approfondir ses personnages et mêler avec cohérence éléments directement tirés du livre et innovations du scénariste.


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