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Jonathan Strange & Mr Norrell : retour sur le dernier épisode

Par Zakath, le mardi 30 juin 2015 à 15:01:56

Et c'est déjà la fin.
7Il faut vraiment reconnaître que ces sept semaines, et ces sept épisodes donc, sont passés particulièrement vite finalement. Oui, nous parlons encore et toujours de l'adaptation du roman de Susanna Clarke, Jonathan Strange & M. Norrell. Le dernier des sept épisodes prévus était diffusé dimanche soir sur l'antenne de la BBC et voilà notre avis détaillé à ce sujet.
Nous espérons en tout cas que ce nouveau rendez-vous aura su vous séduire au fil du temps !

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Chapter 7: Jonathan Strange & Mr Norrell

Après un sixième épisode qui posait les bases du chapitre final, nous découvrons enfin le dénouement des aventures de Strange, Norrell et de leur entourage.

Nous avions laissé Jonathan confiant trois messages à Christopher Drawlight, le dernier, mais non le moindre, annonçant à Norrell son retour en Angleterre, une Angleterre en émoi depuis que les portes vers Faerie ont été rouvertes. Quant à Norrell, il s’était replié sur la seule solution naturelle pour lui : se claquemurer dans sa bibliothèque d’Hurfew Abbey en espérant trouver le moyen d’échapper à la vindicte de son ancien disciple.

Jusqu’ici la série avait avancé d’un bon pas, sans scènes inutiles, tout en prenant le temps nécessaire pour laisser l’univers se développer et les personnages exister. Ce dernier épisode tranche un peu avec ceux qui ont précédé, parfois pour des raisons venant directement du roman (on approche du climax et l’action s’emballe dans plusieurs lieux-clés), à d’autres moments par des choix d’adaptation de Peter Harness. Il doit être difficile, quand on s’est investi comme il a dû le faire dans l’écriture de son scénario, de ne pas vouloir finir sur une note particulièrement impressionnante, quitte à être par moment un peu emporté par son enthousiasme. Ainsi, plusieurs personnages ont l’honneur d’être montrés sous un angle plus héroïque que dans le roman de Susanna Clarke, en particulier lady Pole, Segundus et Honeyfoot, et même in fine Gilbert Norrell, mais cela laisse quelquefois un sentiment de trop-plein.

Il est assez réjouissant de voir enfin Emma Pole, après avoir été réduite au silence pendant si longtemps, gagner son indépendance et exprimer le fond de sa pensée au Gentleman, et les habitants de Starecross faire front contre lui malgré le déséquilibre des forces. Il est déchirant de voir Stephen traité comme un complice du Gentleman plutôt que comme une autre de ses victimes, rendant plus noble son refus de se venger lorsqu’il en a l’occasion.

Des péripéties ont été ajoutées afin d’accentuer le suspense, entre une partie des instructions de Strange à Childermass détruite par Lascelles, compromettant le sauvetage d’Arabella, ou les effets mortels de la Tour Noire sur son prisonnier ajoutant une urgence supplémentaire. Néanmoins, tout cela donne un caractère assez précipité à l’ensemble et contrairement aux chapitres précédents, l’impression que l’intrigue est beaucoup moins maîtrisée (impression qu’un second visionnage tempère légèrement). On est sans cesse tenu en haleine, mais en contrepartie on peut regretter la rapidité de certaines scènes, comme l’apparition trop fugace du Roi Corbeau tant évoqué, ou la prise de pouvoir de Stephen qui nous prive de ses premiers pas en tant que monarque, bien qu’il soit satisfaisant de le voir enfin embrasser sa destinée – mais pas selon les termes dictés par le Gentleman.

De plus, comme toute adaptation, des raccourcis sont obligatoires et si le sort de Lascelles (finalement le seul vrai « méchant » de l’histoire si l’on considère que le Gentleman n’opère pas selon des critères moraux humains) est satisfaisant, il ne possède pas la justice poétique qu’on trouvait dans le roman. Cela aurait nécessité plusieurs scènes et un nouveau décor, le choix de concentrer l’action sur Hurtfew Abbey est donc compréhensible.

En dépit de ces quelques défauts, auxquels il faudrait ajouter quelques effets spéciaux en deçà de ce à quoi on avait été habitué (mais ils ne concernent que quelques plans et réaliser sept épisodes avec un budget prévu pour six a dû être un challenge) la conclusion ne déçoit pas. Le face à face entre Norrell et Strange, qui peut paraître frustrant si l’on espérait un duel au sommet, est tout en émotion. Malgré toutes ses fautes, il est difficile de détester Norrell à ce moment et l’alchimie entre Marsan et Carvel, qui n’ont plus eu de vraie scène en commun depuis le quatrième épisode, est toujours palpable. Harness ne résiste pas par la suite à montrer Norrell sous un bien meilleur jour que le livre où finalement, il ne changeait pas et ne rendait jamais véritablement compte de sa conduite, mais c’est amené suffisamment finement par l’écriture et le jeu de Marsan pour que cela paraisse naturel et non une rédemption de dernière minute un peu artificielle. En ce qui concerne Strange, il a également été dépeint de façon moins égocentrique que son équivalent littéraire, plus dévoué à Arabella. Le destin de ce couple montré sous un jour plus romantique se révèle ainsi particulièrement touchant bien que la relation dans la version papier était sans doute plus originale.

Un autre point fort est également l’équilibre entre les différents tons. On finit sur une note douce-amère et en dépit d’une ambiance assombrie depuis quelques épisodes et de la fin peu enviable de certains personnages, l’humour n’est pas oublié, à travers des répliques de Norrell ou certaines réactions du Gentleman confronté à l’audace des petits humains qui osent contrecarrer ses plans. Cet humour ne parait jamais déplacé mais au contraire toujours bienvenu, permettant de s’amuser brièvement sans jamais désamorcer les enjeux auxquels les personnages font face.

La dernière scène, qui boucle la boucle en nous ramenant à la Société des Magiciens d’York où tout a commencé (mais une société bien moins élitiste où l’on ne croise plus seulement des gentlemen mais également des brasseurs et même une femme, et où un ancien serviteur et un vagabond mènent désormais les débats) offre une dernière touche appropriée, ouvrant sur un futur incertain mais riche de promesses.

L’équipe avait une lourde tâche pour produire une fin qui ne trahisse pas la qualité constante dont la minisérie avait su faire preuve jusque-là, et malgré les quelques scories mentionnées précédemment, le défi a été relevé une fois de plus brillamment. Chaque interprète aura eu l’occasion de briller, des rôles-titres aux personnages secondaires. La majorité des décisions liées à la narration ou à la représentation de la magie à l’écran se sont révélées payantes en sachant combiner le respect de la matière d’origine avec des choix plus personnels, et le travail au niveau de la direction artistique a également été remarquable.

On quitte donc Jonathan Strange & Mr Norrell avec les sentiments mêlés qui accompagnent les meilleures œuvres : le plaisir d’avoir parcouru un univers séduisant jusqu’à son épilogue et la tristesse de devoir lui dire si tôt adieu.


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