Vous êtes ici : Page d'accueil > L'Actualité fantasy

Jonathan Strange & Mr Norrell : retour sur l’épisode 5

Par Zakath, le mardi 16 juin 2015 à 16:52:12

StrangeSuite de notre décryptage épisode par épisode de l'une des séries fantasy du moment !
Oui, nous parlons encore et toujours de l'adaptation du roman de Susanna Clarke, Jonathan Strange & M. Norrell. Le cinquième des sept épisodes prévus était diffusé dimanche soir sur l'antenne de la BBC et voilà notre avis détaillé à ce sujet.
Nous espérons en tout cas que ce nouveau rendez-vous a su vous séduire !

Épisode 1 - Épisode 2 - Épisode 3 - Épisode 4 - Épisode 6 - Épisode 7
En discuter sur le forum

Chapter 5: Arabella

De l’aveu même de Peter Harness, cet épisode est son favori. Étant donné le niveau très homogène de ce qu’on a pu voir jusque-là, il n’est pas forcément aisé ni même nécessaire de décider lequel est le meilleur mais une chose est certaine, Arabella ne manque pas de moments forts et de bouleversements.

Hasard du calendrier ou stratégie de la BBC, à quelques jours du bicentenaire de la bataille de Waterloo, on découvre Jonathan Strange en train d’essayer de repousser les assauts des armées napoléoniennes sur le château d’Hougoumont. Cette scène est l’occasion pour la société d’effets spéciaux Milk VFX de faire une fois de plus les preuves de leur savoir-faire malgré un budget qui ne permettait sans doute pas de montrer plus de mouvements de troupes que ce que l’on voit à l’écran (ce qui est déjà remarquable). Elle permet surtout de revenir sur la question de Wellington : « un magicien peut-il tuer un homme par magie ? ». Harness apporte une réponse radicalement différente de celle de Clarke, au risque de se mettre à dos les plus puristes des spectateurs. Néanmoins, cela colle assez bien au Strange de la mini-série, davantage dominé par ses émotions (ou les laissant en tout cas plus paraître) que celui du livre. Cela permet de se demander, qu’on ait lu le roman ou non, de quoi peut être capable le personnage si on le pousse dans ses derniers retranchements, et le reste de l’épisode va s’ingénier à l’y pousser.

Strange doit en effet faire face à ce qu’il pense être la mort d’Arabella, en réalité enlevée à Lost-Hope par le Gentleman. La relation entre Strange et Arabella a été beaucoup mise en avant dans l’adaptation alors que dans le livre, elle est souvent traitée d’un point de vue extérieur et il faut parfois lire entre les lignes pour réaliser que l’amour du magicien pour sa femme est profond et sincère. Logiquement, la réaction de Strange est illustrée de façon beaucoup plus forte dans la série où il va jusqu’à tenter de la ressusciter et solliciter l’aide de Norrell pour se faire. Le moment où il accepte enfin son sort est particulièrement bouleversant. Ce changement sert une fois de plus plusieurs buts : on ne va pas être seulement triste pour Jonathan Strange, ses appels à l’aide sans réponse auprès de son ancien maître vont nous permettre de lier cette intrigue à ce qui se passe à Londres mais également à semer les germes de la compréhension chez Strange en ce qui concerne tous les secrets que garde Norrell dès qu’il est question de Faerie et John Uskglass.

À Londres, donc, on voit Norrell continuer de s’enferrer dans sa crainte de Strange et son obsession au sujet du livre que ce dernier est en train d’écrire, menaçant son éditeur et laissant entendre aux membres du gouvernement que l’ouvrage pourrait être séditieux. Toujours aussi terrorisé à l’idée de perdre sa respectabilité et se retrouver seul, il ne peut seulement comprendre qu’on puisse émettre un point de vue différent du sien sans être son ennemi. Henry Lascelles, de plus en plus nocif, sait parfaitement comment jouer de ses craintes pour se rendre indispensable tandis que Childermass ne cesse de perdre du terrain, étant même pour la première fois explicitement renvoyé à sa condition de serviteur.

Son entrevue avec Strange plus tard dans l’épisode offre d’ailleurs un contraste aux scènes dans le bureau de Norrell. Strange le reconnaît en effet comme un magicien à part entière. Que ce soit lié au jeu des acteurs, à la variation de caractère entre le Strange du livre et celui de l’adaptation, le fait que cette scène soit placée peu de temps après qu’on ait vu Norrell prendre le parti de Lascelles contre Childermass ou un mélange de tous ses éléments, le ton de la conversation, quand bien même les répliques sont tirées du livre, diffère un peu. Dans l’œuvre d’origine, c’est surtout l’arrogance de Strange qui transparaissait : la proposition faite à Childermass de devenir son élève était bien intentionnée, mais montrait un homme incapable d’envisager que le serviteur de Norrell, pourtant capable de cacher ses pouvoirs toutes ses années, en savait peut-être encore plus long qu’il le laissait paraître. Malgré la similarité de l’offre on sent les deux hommes davantage sur un pied d’égalité et la scène perd en critique mais se révèle en contrepartie plus touchante.

Les autres personnages ne sont pas laissés de côté, et l’on retrouve Stephen Black, toujours contraint de suivre les plans du Gentleman, ainsi que lady Pole, qui a trouvé auprès de Segundus et Honeyfoot des alliés inattendus. Les scènes à Starecross, loin de n’être que du simple remplissage, donnent l’occasion aux personnages de faire preuve d’initiative et de ne pas rester passifs en attendant qu’une solution vienne de l’extérieur. La grande différence entre la mini-série et le roman de Clarke, au-delà du caractère des uns ou des autres et de certains rebondissements, vient du fait que la première va droit au but, chaque séquence ayant une fonction bien précise dans l’avancement de l’histoire, là où le livre est connu pour ses digressions et les allés-retours entre le récit et les notes de bas de page. Harness se débrouille pourtant, à l’occasion, pour intégrer ces notes à l’action. How is lady Pole ? se terminait par exemple sur la vente aux enchères de la bibliothèque du duc de Roxbury, ici les « délires » d’Emma sont basés sur les contes qui s’étalaient en marge de l’intrigue principale.

Il est difficile de dire ce que va en tirer Honeyfoot, tout comme on ne sait pas ce qu’amène l’arrivée à Starecross de Vinculus, que l’on n’avait pas revu depuis le premier épisode et dont on apprend ici qu’il est dans le nord de l’Angleterre pour prêcher le retour de John Uskglass (parce qu’apparemment il est toujours important que le Nord se souvienne). On joue également à cette occasion sur le contexte historique, les « Johannites » offrant un parallèle avec les Luddites.

Enfin, l’épisode se conclut de façon particulièrement dramatique, le départ de Strange pour Venise étant beaucoup plus précipité avec un détour par la case prison (où l’on aperçoit d’ailleurs Drawlight. On ne perd décidément aucun personnage de vue bien longtemps sans que leur présence paraisse forcée pour autant). Cette péripétie ne détonne pourtant pas et cadre bien avec un récit dont le déroulement est davantage ramassé dans le temps que celui du livre et où les événements s’enchaînent de façon plus rapide.

En luttant contre la conception différente de la magie de Strange et en refusant de lui révéler le secret de la résurrection de lady Pole quand l’occasion lui a été donnée, Norrell aura finalement entraîné précisément ce qu’il voulait éviter : son adversaire est désormais prêt à prendre des mesures radicales pour entrer en contact avec un habitant de Faerie sans peser les risques. Il faudra néanmoins attendre la semaine prochaine pour découvrir si Strange est de taille à affronter le Gentleman.


Dernières critiques

Derniers articles

Plus

Dernières interviews

Plus

Soutenez l'association

Le héros de la semaine

Retrouvez-nous aussi sur :