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Jonathan Strange & Mr Norrell : retour sur l’épisode 1
Par Merwin Tonnel, le mercredi 20 mai 2015 à 13:36:46
Nouvelle colonne inaugurée sur le site aujourd'hui !
Alors que la saison 5 de Game of Thrones bat son plein, une autre série de fantasy vient de débuter sa diffusion... Oui, nous parlons bien sûr de l'adaptation du roman de Susanna Clarke, Jonathan Strange & M. Norrell. Et c'est avec elle que nous vous proposons cette rubrique inédite sur le site, à savoir le décryptage/suivi de chacun des 7 épisodes de cette saison, via l’œil avisé de Zakath Nath, que les membres du forum connaissent déjà bien.
Nous espérons que ce nouveau rendez-vous vous plaira !
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Chapter 1: The Friends of English Magic
Publié en 2004, Jonathan Strange & Mr. Norrell, premier roman de l’auteure britannique Susanna Clarke, se déroule dans une Angleterre alternative où la magie, après avoir disparu à l’époque de la Renaissance, fait son retour durant les Guerres Napoléoniennes par l’intermédiaire de deux magiciens au tempérament différent, Gilbert Norrell et Jonathan Strange, qui vont s’allier puis s’affronter.
Lancé avec une importante campagne marketing par son éditeur Bloomsbury, le roman est devenu un best-seller traduit dans plusieurs langues et couronné de récompenses telles que le prix Locus du meilleur premier roman et le Prix Hugo du meilleur roman. De quoi attirer l’attention des studios alors que la fantasy revenait sur le devant de la scène avec le succès des adaptations d’Harry Potter et du Seigneur des Anneaux. C’est d’ailleurs la société de production de ce dernier, New Line Cinema, qui a la première signé le contrat d’adaptation du roman en 2004. Des scénaristes tels que Christopher Hampton (Les liaisons dangereuses) et Julian Fellowes (Dowton Abbey) ont planché sur le projet et s’y sont cassé les dents. Quelques années plus tard, une nouvelle tentative a vu le jour, cette fois-ci avec Peter Harness au scénario pour une mini-série en sept épisodes diffusée sur la BBC à partir du 17 mai 2015.
Le format mini-série se prête beaucoup mieux à l’adaptation de Jonathan Strange & Mr. Norrell car on parle tout de même d’un pavé qui dépasse allégrement les 1000 pages dans certaines éditions. La longueur n’est cependant pas la seule difficulté à surmonter. Une des particularités de l’œuvre d’origine réside dans son rythme lent et les digressions, souvent sous forme de longues notes de bas de page, portant sur l’Histoire de la magie anglaise. Un moyen de rendre la réalité de celle-ci plus perceptible dans l’univers où évoluent les personnages mais qu’il est difficile de restituer à l’écran, tout comme certaines idées (comment rendre crédible des navires faits de pluie capables néanmoins de tromper l’adversaire ? À quoi peut bien ressembler une boite de la couleur d’une peine de cœur ?). Le roman parle de magie aussi bien que de différences de classe sociale et on passe des champs de bataille au Portugal et à Waterloo aux mystérieuses contrées de Faërie. Bref, le programme est chargé et ardu à mettre en image.
À l’issue du premier épisode, il y a cependant de quoi être rassuré : en effet, s’il s’agit avant tout d’un épisode de mise en place, le scénario arrive à présenter sans être bourratif une bonne dizaine de personnages qui auront tous leur importance, tout en adoptant un bon rythme. Naturellement des choix ont dû être faits et le plus évident était de se concentrer sur l’intrigue principale et d’abandonner le paratexte. On suit de près le roman, avec des dialogues repris tels quels le plus souvent, mais Harness bouscule le déroulement des événements et introduit plus en amont certains protagonistes de premier plan comme Vinculus et surtout Jonathan Strange lui-même. Un choix judicieux qui permet d’entrer plus vite dans le vif du sujet et de poser la plupart des enjeux tout en gardant pour la fin une scène clé montrant Norrell passer un pacte qui aura des conséquences majeures sur la suite des événements. Les quelques scènes inédites s’intègrent bien au reste et ne détonnent pas.
Du côté des acteurs, on est gâté. Pas de stars mais une galerie d’interprètes expérimentés et talentueux. Tous n’ont pas encore eu l’occasion de briller pour l’instant (Stephen Black, par exemple, n’a que quelques lignes de dialogue et est encore cantonné à son rôle de majordome efficace et de ce fait discret, et Lascelles manque un peu de prestance) mais ceux qui sont le plus mis en avant ne perdent pas de temps à s’imposer. Eddie Marsan dans le rôle de Gilbert Norrell est tout simplement excellent, son personnage parvient à être attachant car l’acteur rend palpable sa timidité et son malaise en société sans pour autant que ses traits de caractère plus déplaisants soient occultés : on le voit écarter tout semblant de concurrence, mépriser les journaux incapables de comprendre son art tout en se rengorgeant quand ils parlent de ses « miracles ». Il forme un bon duo avec Enzo Cilenti qui joue Childermass, le mystérieux serviteur de Norrell qui use de son ascendant sur son maître pour accomplir un objectif pour l’instant difficile à saisir.
Bertie Carvel n’a pas l’occasion, quant à lui, de montrer toute l’étendue de son registre mais campe à merveille un Jonathan Strange charmant et inconséquent, un oisif qui se découvre une vocation de magicien pour se trouver une occupation – et ainsi prouver à la femme qu’il aime qu’il peut mener une véritable carrière.
Deux autres personnages émergent également du lot, Vinculus et le Gentleman aux cheveux comme du duvet de chardon. Le premier, incarné par Paul Kaye, parait sorti tout droit du livre. Concernant le second, il faudra peut-être attendre un peu pour se faire un avis définitif sur un être complexe à interpréter. Le Gentleman est dangereux, cruel, et d’humeur très changeante. Si Marc Warren nous montre sans mal son aspect sinistre, son unique scène ne laisse pas vraiment le loisir d’en voir davantage et son costume agrémenté de feuille ne le met pas très à son avantage (on peut comprendre l’idée mais l’exécution n’est pas très convaincante et constitue peut-être la seule faute de goût de l’épisode).
La mise en scène a été confiée à Toby Haynes qui offre une réalisation très soignée à défaut d’être inventive. Mais il met en valeur ses acteurs et l’aspect fantastique se marie très bien à des scènes de salon qui ne dépareraient pas dans une adaptation de Jane Austen. Le savoir-faire de la chaîne en matière d’adaptations de classiques de la littérature anglaise a d’ailleurs dû aider, on sent une équipe rôdée à ce genre d’exercice. L’épisode ne comporte qu’une scène de démonstration spectaculaire de magie lorsque Norrell donne vie aux statues de York Minster : l’utilisation des CGI se révèle plus que correcte. Elle n’est toutefois pas celle qui a dû présenter le plus de difficultés (à propos de cette scène, pour l’anecdote, Bertie Carvel n’interprète pas seulement Strange, il joue également la statue de l’évêque qui inquiète le pauvre Foxcastle). La musique des compositeurs québécois Benoit Charest (Les Triplettes de Belleville) et Benoit Groulx est pour l’instant discrète, sans thème véritablement marquant malgré un beau passage dans la cathédrale.
The Friends of English Magic est une mise en jambe solide. Le roman de Susanna Clarke semble être tombé en de bonnes mains en espérant que la suite confirme cette première impression très positive.
Zakath Nath
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