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Jonathan Strange & Mr Norrell : retour sur l’épisode 6
Par Zakath, le mardi 23 juin 2015 à 15:36:25
Suite de notre décryptage épisode par épisode de l'une des séries fantasy du moment !
Oui, nous parlons encore et toujours de l'adaptation du roman de Susanna Clarke, Jonathan Strange & M. Norrell. Le sixième des sept épisodes prévus était diffusé dimanche soir sur l'antenne de la BBC et voilà notre avis détaillé à ce sujet.
Nous espérons en tout cas que ce nouveau rendez-vous a su vous séduire !
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Chapter 6: The Black Tower
À l’origine, l’adaptation du roman de Susanna Clarke était prévue en six épisodes. On peut se demander à quoi aurait ressemblé la minisérie sans qu’une heure supplémentaire ait été négociée, car ce sixième chapitre sert surtout de mise en place à un grand final qui ne devrait pas manquer de péripéties, et il est difficile d’imaginer quels passages on aurait pu couper, même les scènes en apparence anodines ayant leur importance à plus ou moins long terme.
Il ne faut cependant pas s’imaginer à la mention de mise en place qu’après les grands bouleversements de la semaine précédente on nous réserve un interlude plus calme avant une conclusion épique, car les personnages ne sont pas au bout de leur peine et cet épisode ne les épargne pas.
À commencer par Jonathan Strange, qui a trouvé refuge à Venise. Les scènes ont en fait été tournées à Trogir, ville de Croatie à l’architecture suffisamment proche de celle de la Cité des Doges pour faire illusion avec l’aide de quelques effets spéciaux bien placés (à la différence de Venise, Trogir ne regorge pas de canaux). Strange n’y rencontrera malheureusement pas lord Byron, mais le poète joue néanmoins un rôle indirect dans l’adaptation puisqu’il explique la présence de Flora Greysteel (Lucinda Dryzek) et son père (Clive Mantle). Ces deux personnages, intervenant tardivement dans l’histoire, auraient pu avoir du mal à s’y intégrer mais ils ne perdent pas de temps à prouver leur utilité, en premier lieu en introduisant Strange auprès de l’inquiétante Mrs Delgado et en lui donnant ainsi accès au moyen de devenir fou – seule façon, d’après lui, d’entrer en contact avec un habitant de Faerie. De plus, si les raisons derrière leur séjour à Venise diffèrent du roman, elles donnent l’occasion d’étoffer un peu le caractère de Flora malgré un temps d’apparition réduit. Son intérêt pour les hommes romantiques et torturés ne la fait pas pour autant passer pour un être superficiel mais pour quelqu’un qui n’a pas froid aux yeux et agira comme elle le semble nécessaire sans se soucier des convenances. La rencontre entre Strange et Mrs Delgado, la vieille folle aux chats, est glauque à souhait sans se départir d’un certain humour noir. Représenter la folie à l’écran n’est pas chose facile et à l’exception d’un effet visuel assez douteux, on a préféré faire dans l’économie et laisser Bertie Carvel assurer l’essentiel du travail. Pas de visions fantasmagoriques à base d’ananas, donc, mais l’acteur a encore une fois l’occasion de montrer l’étendue de son registre, et ses échanges avec le Gentleman suivis de la découverte du sort d’Arabella et de la malédiction qui en résulte font partie des grands moments de l’épisode.
En Angleterre, on passe relativement peu de temps avec Norrell. Assez pour le voir se résoudre à détruire le livre de Jonathan, mais si son plan réussit, il écorne sérieusement sa précieuse respectabilité, tandis que les émeutes des Johannites dans le nord du pays continuent d’inquiéter le Parlement. Inquiet des actions de son ancien élève rapportées par un Drawlight sorti de prison pour l’occasion, il laisse encore sa nature craintive prendre le dessus en n’envisageant aucune autre solution que la fuite vers sa bibliothèque d’Hurtfew Abbey. Une fois n’est pas coutume, il laisse cependant entrevoir un semblant de remords mais sa mesquinerie habituelle refait rapidement surface quand il accuse lord Liverpool et sir Walter Pole d’avoir privilégié Jonathan Strange plutôt que de suivre ses conseils.
L’épisode est surtout l’occasion de mettre Stephen Black un peu plus en avant en développant sa relation avec Vinculus, qu’il ne faisait que croiser dans le roman. Alors qu’il semblait résigné à son sort et partisan de ne pas prendre d’initiative pour se défaire de l’influence du Gentleman, les projets de ce dernier à l’égard de Strange et la lueur d’espoir transmise par le magicien des rues le convainquent d’aider celui-ci à quitter Starecross. Leur conversation, où Vinculus dévoile le secret de son savoir tandis que Stephen, qui a jusque-là gardé ses opinions pour lui, soit du fait de sa position, soit à cause de l’enchantement du Gentleman, laisse enfin connaître ses sentiments sur sa condition, se révèle un moment particulièrement poignant. Cette scène contribue également à rendre la suite encore plus bouleversante lors de la rencontre entre Vinculus et le Gentleman (devant l’arbre déjà aperçu par Childermass au début du chapitre 4). Tout semble perdu alors que Vinculus, son devoir accompli, ne semble pas impressionné par l’idée d’affronter sa fin, mais la détresse évidente de Stephen qui voit sa dernière chance de liberté s’envoler est palpable et le Gentleman décrétant que la prophétie portée par sa victime annonçait l’échec des deux magiciens clôt l’épisode sur une note pour le moins déprimante.
Alors que cet avant-dernier chapitre s’achève, la situation n’a en effet jamais été aussi désespérée, comme il se doit avant un dernier acte. Jonathan n’a plus toute sa raison et la malédiction lancée par le Gentleman, tout en en faisant un objet de terreur pour ceux qui croisent sa route, parait le vider de son énergie. Bien décidé à revenir demander des comptes à Norrell, il risque surtout de déchaîner sur l’Angleterre une magie incontrôlable et justifier toutes les craintes de son ancien professeur et ami. Comme le note Strange lui-même, Norrell a à la fois menti et dit la vérité : il a lui-même ouvert la boite de Pandore en convoquant le Gentleman et n’a fait qu’aggraver la situation en cachant la nature de la résurrection de lady Pole mais ses avertissements sur les dangers de certains aspects de la magie ont une base réelle. Un peu d’optimisme est au moins permis en ce qui concerne Emma, mais son sort est laissé momentanément entre les mains de Christopher Drawlight, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il ne s’est pas révélé le personnage le plus fiable du lot.
Tous les éléments ont donc été posés pour un ultime volet qui promet de ne pas nous laisser le temps de souffler, et qui pourrait également s’éloigner du livre de Clarke sur certains points si l’on se fie à certains changements et indices laissés ici et là. Que ce soit le cas ou non, après six épisodes aussi maîtrisés, on ne peut qu’espérer une conclusion à la hauteur de ce qui a précédé.
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