Vous êtes ici : Page d'accueil > Édition

La parole aux maisons d’édition - place à 2023 !

Par Gillossen, le vendredi 17 mars 2023 à 11:00:00

J'ai Lu - Thibaud Eliroff

Alors que 2022 se termine à peine, quel serait votre premier bilan, à chaud, concernant votre maison ou même la situation globale de l'édition en Imaginaire ?: C’était une année très satisfaisante pour nous. J’ai lu Imaginaire a enregistré une progression notable, avec des volumes de ventes nettement supérieurs à ceux des années précédentes (y compris 2018, au plus fort de la Game of Thrones mania). Le fonds s’est particulièrement bien comporté, tiré par des nouveautés fortes. À mon sens, l’année a été marquée par l’accélération de la mutation du genre et de son public. C’est un mouvement qui a commencé il y longtemps, mais qui a été particulièrement visible en 2022 : je veux parler de la porosité toujours plus grande entre la fantasy traditionnelle et les genres de la romance, au point que certains commencent à parler de « romantasy ». Je dis « certains », mais en réalité la grande majorité des lecteurs sont des lectrices. Et là où on pourrait être tentés de ne voir qu’un effet de mode, je suis au contraire convaincu qu’on est en train d’assister à un tournant générationnel : ces lectrices sont celles qui ont grandi avec les grands succès de la littérature YA dans les années 2010 et qui aujourd’hui ne se reconnaissent pas dans les genres traditionnels de l’imaginaire, ou marginalement, et demandent autre chose. Cette nouvelle génération a également ceci de particulier qu’elle n’utilise pas les mêmes outils de communication et d’information que la précédente. Aujourd’hui, si l’on a pas pris la mesure de l’importance des réseaux sociaux comme Instagram ou TikTok, on passe à côté d’une grande partie du public. Ce qui entraîne une mutation assez radicale – et passionnante – de nos métiers.

Avez-vous retenu un événement ou une décision particulièrement marquants ? On songe à la flambée du prix du papier, mais il peut s'agir d'autre chose, évidemment.: Les problèmes de papier sont évidemment au cœur de toutes nos inquiétudes. Son prix, bien sûr, qui a entraîné une hausse conséquente du prix de vente des livres, mais aussi sa disponibilité. Alors que les grands groupes ont un temps été épargnés par ces problèmes d’approvisionnement (du fait de capacités de stockage plus importantes que les éditeurs indépendants), ils sont aujourd’hui impactés au même titre que les autres. Cela ne remet pas en cause le programme de parution des nouveautés, mais cela conduit parfois à des arbitrages sur les réimpressions, qui peuvent être différées ou tirées plus court. Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas à déplorer de livres manquants, mais uniquement grâce au travail d’équilibriste des fabricants et des imprimeurs. La situation reste tendue.

Quelle place pour la fantasy dans votre programme 2023 ?: La fantasy se taille la part du lion de notre programme 2023. Le partenariat fructueux que nous avons mis en place avec les Éditions De Saxus se poursuit, avec la parution de deux nouveautés importantes en début d’année, Serpent & Dove de Shelby Mahurin et Lore d’Alexandra Bracken, dont le démarrage est à tout le moins spectaculaire. Les séries lancées en 2021, comme Nevernight, Le Sang et la Cendre, Crescent City, Bone Season ou Daevabad vont également continuer. On trouvera d’autres grands succès, comme Scholomance de Naomi Novik ou Les voleurs de fumée de Sally Green, mais aussi des pépites, tel le sublime Un étranger en Olondre de Sofia Samatar. Et nous n’oublions pas de chouchouter la star éternelle de notre catalogue, Robin Hobb, avec un recouverturage intégral de la série L’Assassin royal (dont les six premiers tomes sont déjà en librairie).

Enfin, quel sera votre plus grand défi pour cette nouvelle année ?: Faire au moins aussi bien qu’en 2022 et réussir à accompagner la mutation du genre évoquée plus haut.

Propos recueillis et mis en forme par Emmanuel Chastellière.