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Entretien avec Laurent Genefort - Salon du Livre 2010

Par Gillossen, le jeudi 6 mai 2010 à 14:00:00

BifrostFin mars s'est tenu le Salon du Livre de Paris, comme chaque année.
En cette occasion, nous avons évidemment eu l'opportunité d'enregistrer un certain nombre d'entretiens, dont un, à découvrir ci-dessous, avec Laurent Genefort, comme toujours ouvert et franc. L'auteur a en effet bien voulu répondre à nos questions, qu'il soit question de son dernier roman en date, de son point de vue sur l'édition, etc, etc...
A noter que le numéro du magazine Bifrost dont il est question dans l'interview est depuis disponible !

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L'interview 2010 du Salon du Livre de Paris

Les 30 ans du salon du Livre, les 10 ans de l'aventure Bragelonne... Les dates ont-elles de l'importance pour vous ?
Concernant les 30 ans du salon du Livre, je ne le savais même pas… Les anniversaires n'ont pas beaucoup d'importance à mes yeux. Pour Bragelonne, je trouve surtout marrant de voir l'importance qu'ils ont pris en si peu de temps. Personnellement, il me semble que j’avais plus de poils sur le caillou il y a 10 ans…
Mais sinon, ce n’est pas quelque chose de marquant…
Non, en effet. Je me définis avant tout comme un auteur de SF, plus préoccupé de l’avenir que du passé, au point que, par exemple, je n'ai jamais été très branché steampunk. Paradoxalement, je me retrouve à m’occuper de la collection des « Trésors de la SF » qui concerne la SF des années 1900 aux années 70. A priori, rien à voir avec mes préoccupations d’auteur, mais je tire un immense plaisir de cette archéologie littéraire !
Le fait de diriger une collection vous inscrit-il un peu plus dans le temps si on peut dire, organiser un planning, s’occuper du choix des parutions…
Oui. TSF existe depuis un an et demi. Mon programme de publication est bouclé pour les deux ans à venir, même s’il peut y avoir des aménagements pour les sorties. Il est arrivé que certains titres soient intervertis, mais en général, l’ordre a été respecté.
Ce mois-ci, vous arrivez à la fin de l’aventure de Hordes, avec le tome 3. On s'était vu après la parution du premier. Quel est votre regard sur cette trilogie, au final ?
Il y a forcément des choses dont je suis mécontent, mais je reste globalement satisfait car le projet initial a été respecté. Dans l’interview précédente, j’avais dit avoir prévu exactement la fin de la trilogie, et Les Crocs du Tigre se termine comme prévu. Les lecteurs qui l’ont lu m’ont dit qu’on avait l’impression que tout avait été écrit dans la continuité, bien qu’un an se soit écoulé entre le deuxième et le dernier tome.
L'intrigue n'aurait pas pu être étoffée ?
L'univers aurait peut-être mérité un ou deux volumes supplémentaires… Mais je l’ai conçu comme une trilogie, je ne voulais pas faire une série à rallonge.
Le final aurait été le même ?
Je pense que cela m’aurait permis d’approfondir un certain nombre de choses. J’ai eu l’impression de passer un peu trop rapidement sur deux ou trois éléments. C’est le reproche que je me ferais sur cette trilogie, mais je me suis tenu à ce que j’avais dit au départ. C’était une sorte de promesse aux lecteurs : vous aurez une histoire en trois actes, non une ribambelle de volumes.
Si jamais je reviens dans l’univers des Hordes, ça sera pour une aventure qui se passera 1000 ans avant ou après, avec des personnages et un background différents.
Vous l'envisagez déjà ?
Disons que ce n’est pas impossible. C’est un univers que j’aime bien, et je n’ai pas l'impression de l'avoir exploré de fond en comble. Mais je n’imagine pas recommencer une histoire sans avoir une vraie bonne idée. Il faudra que ce soit une idée aussi forte que celle qui clôt le présent cycle.
Une fois terminé j’ai trouvé, surtout pour le tome 3, que c’était très bien équilibré entre le destin des personnages, leurs états d’âmes, et l’univers lui-même. Est-ce que pour vous c’était important que les personnages soient à la hauteur de l’univers ?
Hordes est un peu atypique par rapport à mes autres livres. J’ai créé les personnages avant l’univers, ce qui ne m’arrive quasiment jamais… J’ai pris peu de notes, je me suis laissé guider par l’histoire. Il faut dire que l’univers des Hordes est assez simple par rapport à ce que je fais d’habitude.
Toujours sur Hordes, dans la perspective des 3 tomes, quel serait selon vous LE thème principal ?
Voyons… Cela va me demander un petit effort, car dès que j’ai terminé un bouquin, je m’empresse de l’oublier pour pouvoir passer au suivant. En ce moment, j’écris un space opéra ; du coup, j’ai l’impression que les Hordes, c'est de l’histoire ancienne…

Le thème des Hordes est assez diffus, je pense. Il y a la responsabilité individuelle par rapport au destin collectif. Mais tel lecteur me dira qu’il n’a pas vu du tout cela. Une fois le livre en librairies, le lecteur se l’approprie et y voit ce qu’il veut. Je ne pense pas avoir mis un message très fort. Pour moi, le récit des Hordes procède d’une réaction au millénarisme qui imprègne beaucoup d’œuvres fantastiques et de thrillers. Il peut paraître millénariste au premier abord, puisqu’il fait état d'une apocalypse annoncée. Sur la fin, je transforme cela en quelque chose de complètement différent.

C'était en fait amusant d’utiliser ce contexte de « prophétie ».
Je ne le détourne pas, je reste dans ses limites. J’ai simplement essayé de démontrer que l’on pouvait avoir une histoire qui se tient mais n’aboutit pas à l’issue des récits apocalyptiques actuels, qui correspondent à une vision très américaine selon laquelle l’Apocalypse est quelque chose de négatif, de mauvais, l’œuvre du diable… Alors qu’en fait, la Bible ne dit rien de tel. La fin des temps, c’est la fin de l’expérience humaine, où Dieu solde les comptes. Mais ce n’est pas négatif par nature. C'est la fin de l’expérience, tout simplement.
J’ai une question un peu différente, plus par curiosité. Votre présentation chez Bragelonne mentionne souvent des collaborations avec Marc Caro. J’ai cherché un peu, je sais que vous êtes amis.
J’ai collaboré à un de ses projets, qui n’a pas abouti à une sortie en salle. Marc a lu un de mes bouquins, l’a bien aimé ; il m’a contacté pour qu’on travaille ensemble, et on est devenus amis. La collaboration consistait en une adaptation SF de la Chasse au Snark de Lewis Carroll. Nous avons travaillé dessus plus d’un an, avec un scénariste américain du nom de Michael Cooper, lequel travaille toujours dans le cinéma.
Justement au cinéma c’est souvent comme ça, de nombreux projets tombent en développement hell. Est-ce que ce n’est pas très frustrant pour un auteur de romans ?
Tout ce que j’ai écrit a été publié, donc : oui, forcément. J’ai été sollicité une ou deux fois par la télé, par le ciné, mais je n’ai pas donné suite. Il y a des scénaristes qui écrivent des dizaines de scénarios pour lesquels ils sont payés mais qui ne verront jamais le jour ou seront totalement dénaturés. Je ne voudrais vivre cela pour rien au monde.
Finalement, la situation d’auteur est plus supportable, on est à la fois metteur en scène, scénariste...
Tout à fait : on est maître chez soi, d’un bout à l’autre de la chaîne de création. Le travail de scénariste est souvent collectif. Un scénario de film doit avoir été validé par le réalisateur, le producteur, les éventuels coscénaristes… Et comme toute œuvre collective, il comporte son lot de frustrations. Mais pour certains, c’est au contraire un stimulant.
Idem avec les collaborations littéraires. Ma collaboration à ce niveau n'a d'ailleurs pas fonctionné, le livre n’a pas été pris car il était très mauvais ! Une collaboration littéraire ne peut fonctionner qu’en symbiose. Alors que dans le cinéma ou à la télévision, on peut tout à fait avoir des gens dissemblables, cela fonctionnera quand même parce que l’on accepte certains compromis (souvent à juste titre, il faut le dire).
En tant que directeur de collection maintenant, avez-vous un avis sur la situation du paysage éditorial de la SF, de la fantasy ? Un état qui a encore beaucoup bougé, par rapport à il y a deux ans : de nouveaux éditeurs, beaucoup de parutions…
Je ne connais pas les chiffres de vente de Denoël, de Fleuve Noir, du Bélial, etc, donc je ne m’avancerai pas.
Peut-être simplement sur l’offre...
En SF, elle n’est pas très importante, en Fantasy, oui. Paradoxalement, j’ai l’impression qu'il y a une demande des directeurs de collection pour faire de la SF. Mais la réalité commerciale, c’est qu’ils ne peuvent pas en faire autant qu’ils le voudraient. Quand je discute avec Bénédicte Lombardo (Fleuve Noir), avec les gens du Bélial, ils me disent qu’ils aimeraient publier plus de SF que ne l’autorise le marché. Mais je me trompe peut-être, car, encore une fois, je n’ai pas les chiffres. Ou alors, ils sont très polis avec moi et ne disent pas que la SF ne les intéresse plus (rires) !
Pouvez-vous évoquer ce projet de space opera... Ou bien est-ce top secret ?
Je suis en train de l’écrire. Je n’ai pas de contrat de signé, donc... Omale va être repris par un grand éditeur et le cycle va donc reprendre. L’annonce paraîtra dans le Bifrost n°58.
Je peux déjà vous révéler le nom du roman sur lequel je travaille, il s’appelle « Colonie ».
Cela fait un an et demi que vous êtes à la tête des Trésors de la SF. Que pensez-vous du chemin parcouru ? Si vous deviez retenir un seul titre des neuf volumes parus...
C’est difficile, car ce sont tous mes bébés. J’aurais du mal à en déshériter un. Ils ont tous leur intérêt. J’ai peut-être, non pas une préférence, mais le sentiment que le volume sur Jacques Spitz est important. Car un inédit d’un romancier aussi classique que Jacques Spitz, c’est quelque chose d’exceptionnel. Mais même le Sprague de Camp a son intérêt. C’est un vrai travail éditorial que je suis heureux d’avoir fait. La SF c’est autant Jacques Spitz, avec son écriture précieuse et sa culture classique, que Sprague de Camp et son côté « pulp » au second degré.
Je suis aussi très content d’avoir réédité du Michael Coney, même si Le Crépuscule des mondes a obtenu les chiffres de vente les plus faibles de la collection. Mais le fait qu’il existe et que pendant quelques semaines, on ait vu du Michael Coney en librairie, m’a comblé.
Sur ce plan, vous êtes entièrement satisfait de ce que vous avez fait en un an et demi.
Il y a toujours des regrets. Sur le Spitz par exemple, je trouve que j’aurais pu mettre plus de textes car je ne m'étais pas rendu compte à quel point ils étaient courts. Donc j’avais pris trois romans, mais j’aurais dû en prendre deux de plus.
Puisqu’on parlait de Bifrost, j’ai lu qu’il y avait un dossier sur vous le mois prochain. Cela vous procure-t-il un sentiment particulier ?
Cela me paraît un peu bizarre, car j’estime que je suis un auteur moyen.
Parce que ça donne un petit côté légende vivante (sourire).
Il ne faut pas exagérer mais ça reste bizarre à mes yeux. Je suis content, et c’est une sorte de surprise agréable. Après presque vingt ans, je suis toujours étonné qu’on accepte de me publier !
En revanche, y a-t-il un auteur ou roman que vous relisez très souvent ? Que vous auriez par exemple découvert à l’adolescence.
Oui, Noô de Wul, que je n’ai pas relu intégralement depuis la fin de ma thèse. De temps en temps, j’en relis un bout. Je ne le lis plus dans la continuité, mais au hasard de mes souvenirs.
Sinon, je relis de temps à autre un Jack Vance, un Aldiss ou un Farmer, des auteurs que j’adore toujours. Mais je lis surtout des romans d’aujourd’hui. C’est pour ça que je disais que je ne suis pas un obsédé du passé. Le dernier en date est Brasyl, de Ian McDonald : un livre hautement recommandable !
J’ai une vision plus utilitariste de la lecture maintenant que je suis directeur de collection. Je lis les textes que je suis susceptible de rééditer en TSF, et ça en fait un paquet. Par exemple, j’ai lu déjà une trentaine de bouquins de B.R. Bruss pour faire mon choix. Mais cela reste du plaisir. Je ne me suis jamais ennuyé une minute en travaillant à TSF. C’est honteux d’être payé à faire ça !
Quel est votre un avis sur le livre électronique ?
Il y aurait beaucoup à dire, c’est un sujet complexe. Les éditeurs eux-mêmes tâtonnent, ils testent des choses car ils sentent qu’il n’y couperont pas. Idem pour les diffuseurs, qui ont très peur de laisser échapper un marché prometteur et voudraient bien verrouiller ce nouveau domaine, mais qui ont l’air de tomber de la planète Mars… Du coup, beaucoup d’auteurs restent dubitatifs. Je dois bientôt signer avec un éditeur qui me propose un contrat de livre électronique. On verra bien. Cela promet en tout cas des foires d’empoigne et des débats très animés.

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