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Le Hobbit - La Désolation de Smaug : le dossier en ligne

Par Gillossen, le lundi 9 décembre 2013 à 14:00:00

Le tournage en Nouvelle-Zélande

Les trois films de la trilogie du HOBBIT ont été tournés simultanément au cours d’une première période de 266 jours. L’équipe s’est ensuite retrouvée ultérieurement pour tourner des plans supplémentaires pour LE HOBBIT : LA DÉSOLATION DE SMAUG. Le tournage a occupé la totalité des 32 000 m2 des Stone Street Studios, complexe de 6 plateaux installé à Miramar en Nouvelle-Zélande. Pour camper les vastes étendues que la Compagnie traverse pendant son voyage vers sa destination finale, Erebor, les acteurs et l’équipe technique ont aussi parcouru les deux îles de La Nouvelle-Zélande.

"Dans ce film, nous découvrons de nouveaux paysages de la Terre du Milieu que nous n’avions encore jamais explorés", commente Jackson. "On se retrouve embarqués dans une aventure qui traverse maintenant des territoires inexplorés, et qui dépeint des univers encore jamais rencontrés jusqu’à présent". Jackson et son équipe se sont attachés à créer une Terre du Milieu aussi riche de détails que possible, mettant l'accent sur la cohérence et le réalisme et répercutant cette attention dans tous les aspects du tournage, des dessins préliminaires au montage définitif. Un tel degré d’exigence nécessitait que l'ensemble des départements artistiques collaborent harmonieusement : en effet, les dessins et les graphiques issus de leur réflexion commune s'affinaient progressivement au fil des mois, voire des années.

Comme pour la trilogie du SEIGNEUR DES ANNEAUX, l'un des points de départ du projet est l'oeuvre des grands illustrateurs de Tolkien, John Howe et Alan Lee. Leurs dessins ont servi de base de travail pour créer les nombreux personnages et les grandes lignes des paysages du film. "Ce qui est très intéressant chez Peter, c'est sa façon de décrire ce qu'il visualise de la même manière que Tolkien dans le livre", fait remarquer Howes. "Il ne nous dit pas comment doivent être les choses ; il nous raconte quelles émotions il veut ressentir quand il les regarde. Par exemple, il dira qu'il veut que ça ait l'air effrayant et inquiétant ou bien charmant et attirant. Il nous donne sa réaction en tant que spectateur plutôt que de nous dresser une liste incroyablement précise de notes de conception, ce qui rend le travail plus stimulant, car ça signifie que nous sommes libres de créer. C'est un processus vraiment amusant pour nous tous". Lee ajoute d'ailleurs en souriant, "John et moi avons beaucoup d'idées, mais Peter va toujours apporter un détail intéressant ou adopter une approche différente qui va nous ouvrir des possibilités que nous n'avions pas envisagées. Il comprend parfaitement chacun de nos dessins déjà réalisés, mais il est aussi capable de nous montrer ce que nous pourrions faire en plus. Il fait souvent référence à des dessins que je ne me rappelle même pas avoir faits".

Dan Hennah, chef décorateur nommé à l'Oscar pour son travail sur LE HOBBIT : UN VOYAGE INATTENDU, Simon Bright, directeur artistique et décorateur de plateau, et Ra Vincent, ensemblier, ont supervisé le département artistique qui a dû travailler en continu 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour construire en un temps record des décors entiers extrêmement détaillés. Grâce à ce vaste vivier d'esprits créatifs, Hennah et son équipe ont créé une Terre du Milieu virtuelle en modèle réduit, soit 94 maquettes pour la totalité de la trilogie, toutes à l'échelle de 1/16e ou 1/25e. Hennah a ensuite supervisé la construction grandeur nature des décors, susceptibles d'apporter davantage de réalisme aux différentes étapes du voyage de la Compagnie, qu'il s'agisse de la qualité rustique du foyer de Beorn, des quartiers délabrés et disparates d'Esgaroth, ou du monticule d'or enfoui dans les profondeurs d'Erebor. Le département artistique a engagé sur place légion de techniciens, d'artistes et d'artisans à travers toute la Nouvelle-Zélande afin de garantir une authenticité à tous les stades de fabrication : des sculpteurs, des ingénieurs, des potiers, des maquettistes, des tisserands, des plâtriers, des fabricants de rideaux, des forgerons, des fileurs de laine, des couteliers, des fabricants de filets, des constructeurs de bateaux, des menuisiers, des sculpteurs sur bronze, un fabricant de vitraux, un styliste culinaire, un joailler et un calligraphe.

Pour Weta Workshop, l’entreprise néo-zélandaise mondialement connue pour ses effets spéciaux, et sous la direction de Richard Taylor, cofondateur et directeur de création, le deuxième film de la trilogie a mis la barre beaucoup plus haut encore en matière de graphisme et de confection. En plus de recourir à des prothèses pour Bilbon et les Nains dans le premier volet, Taylor et son équipe ont dû concevoir des armures, des armes et des prothèses pour un grand nombre de personnages issus de nouvelles cultures. Ils ont aussi collaboré avec Jackson, l’équipe de graphistes et Weta Digital, à l’élaboration numérique de plusieurs créatures et personnages qui peuplent ce deuxième opus. Weta Workshop s’est beaucoup développé depuis son travail initial sur LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, déjà révolutionnaire : désormais, les artistes utilisent ZBrush, procédé de modélisation 3D, au lieu de la traditionnelle sculpture à l’argile. L'équipe possède par ailleurs dix robots.

"Même si nous avons passé 12 ans sur la Terre du Milieu, nous voulons utiliser des techniques innovatrices pour créer les créatures marquantes de cet univers pour que les spectateurs n’aient pas l’impression d’avoir déjà vu tout ça", souligne Taylor. "Mais en même temps, nous devons nous assurer que tout fonctionne au niveau du style, et Peter est seul juge du rendu final. J’ai pourtant l’impression qu’il s’est laissé une grande liberté de manoeuvre sur la trilogie du HOBBIT, parce qu’il a déjà fait le travail préparatoire pour jeter les bases d'un univers crédible. Il peut désormais se permettre de jouer encore un peu plus avec ça, ce qui est très stimulant pour nous car cela nous laisse encore plus de liberté d’expression et de création". Leurs créations viennent compléter le travail de Peter Swords King, chef coiffeur et maquilleur nommé à l'Oscar pour son travail sur LE HOBBIT : UN VOYAGE INATTENDU. La masse de travail fourni par King et son équipe est phénoménale : 752 perruques et 263 barbes, chaque création étant faite sur mesure à la fois pour les acteurs principaux et pour leurs différentes doublures. Rien que pour les 13 Nains, l’équipe de King a créé un total de 91 perruques !

Les chefs costumiers Ann Maskrey et Bob Buck ont pris grand plaisir à habiller cette nouvelle communauté de la population d’Esgaroth, que Buck décrit comme "un mélange éclectique d’Européens de l’Est, de Sibériens et Tibétains, avec des détails inspirés de l’Asie". La seule ville d’Esgaroth a nécessité la création de 400 costumes ! Ils ont été conçus pour refléter l'évolution du climat économique de cette ville autrefois prospère qui traverse maintenant des temps difficiles : les habits de ses habitants tombés dans la déchéance et dans la pauvreté sont usés et ternes. "Il y a beaucoup de fourrure, de raccommodage et d’épaisseurs", souligne Ann Maskrey. "Nous nous sommes inspirés des paysans slaves et avons étudié de vieux clichés d'ouvriers et de peintures russes de la fin du XIXe siècle et du début du XXe".

Outre les nouvelles communautés, les costumes de la Compagnie des Nains subissent plusieurs changements souvent importants tout au long du film. "À bien des égards, les Nains sont représentés par leurs vêtements, et le fait qu’ils les perdent dans le premier film et doivent porter des habits d’humains les met en colère. Pour un peuple qui vit en exil, cela représente non seulement une sévère humiliation mais aussi la perte de leur identité, ce qui ne les rend que plus déterminés à mener leur quête à bien pour reconquérir leur patrie", raconte Bob Buck.

C'est le même processus créatif qui a été suivi pour donner une identité aux différentes cultures que la Compagnie rencontre sur sa route vers Erebor. "Ils se déplacent vers l’Est, si bien que nous avons utilisé plus d’influences slaves. C’est aussi l’hiver, et tout paraît donc plus froid et triste. La tension monte, et où qu’ils aillent, la menace rôde. Cela rend tout plus glacial, voire humide, lorsqu’ils atteignent Esgaroth. À Erebor, on découvre de gigantesques constructions de marbre froid. Mais il est clair qu’il y a aussi un petit puits de chaleur qui devient rapidement assez chaud quand le Dragon se réveille", explique Hennah en plaisantant. L’hiver s’installe tandis que les forces du mal s’étendent en Terre du Milieu, et cela s’en ressent sur le style visuel du deuxième film grâce au travail d’Andrew Lesnie, directeur de la photographie. "Ce monde est d’une grande richesse, grâce à son histoire et à son relief, ce qui offre un formidable éventail de possibilités pour laisser exprimer notre créativité, surtout lorsque les personnages voyagent dans des contrées totalement inconnues", affirme ce dernier.

Reprenant les techniques de tournage de pointe du film précédent, LE HOBBIT : LA DÉSOLATION DE SMAUG a été tourné en 3D à l'aide de caméras numériques Red Epic à 48 images par seconde. Compactes et mobiles, les caméras sont faciles à manipuler en travelling, sur une perche ou à l'épaule, et permettent d’enregistrer un plus grand nombre de données que les caméras habituelles. L’équipe de cadreurs a également disposé de 48 caméras Red Epic et 24 systèmes de fixation 3D (propriétés de 3ality, entreprise spécialisée dans la 3D), ce qui a ouvert le champ des possibles pour Jackson. "J’adore tourner des prises de vue avec la profondeur de champ qu'offre la 3D, j’adore voir les objets bouger les uns par rapport aux autres. Je tourne le film comme d’habitude, mais pouvoir exploiter cette dimension supplémentaire est vraiment un avantage. Je voulais que les spectateurs aient le sentiment de pouvoir réellement entrer dans le film et s'intégrer à cet univers ", souligne le réalisateur. Lesnie et son équipe ont dû faire preuve d’imagination pour restituer les éclairages précis nécessités par certaines prises de vue. Parmi leurs innovations, il y a la fixation "Colosseum" qui permet de recréer la clarté qui précède immédiatement l’aube et une ambiance nocturne en toute circonstance grâce à une série de voiles réalisées à partir de toile d’ombrage de couleur claire, pouvant être déployées n’importe où sur une étendue de plus de 30 m2. Pour simuler le clair de lune, des plates-formes aérodynamiques contenant 288 tubes fluorescents Kino d’1 m 20 étaient suspendues au-dessus du plateau. Légère et contrôlée par le célèbre protocole d’éclairage dynamique DMX, cette installation a facilité la tâche de Lesnie qui pouvait ainsi choisir le nombre de tubes nécessaires pour obtenir la bonne tonalité lumineuse. "Ces deux inventions sont cruciales car elles nous ont permis de réussir les plateaux labyrinthiques d’Esgaroth", explique-t-il. Quand comédiens et techniciens ont quitté les Stone Street Studios pour neuf semaines de tournage en extérieurs, deux équipes indépendantes sont parties sur le terrain – l'équipe principale de Jackson et l'équipe secondaire d’Andy Serkis –, et ont dû affronter des conditions climatiques capricieuses et se fier à leur GPS pour se rendre dans de nombreux lieux de tournage isolés.

Pour trouver les nombreux et impressionnants paysages dont il avait besoin pour restituer le vaste territoire de la Terre du Milieu, le réalisateur a mis au défi l’équipe de repérages en les emmenant à Rock and Pillar Range, qui sert de décor pour les collines du Val au pied du Mont Solitaire. Au milieu de la journée de tournage, un orage a éclaté et ils ont dû évacuer les lieux avant que les conditions de vol ne se dégradent encore plus. À une altitude de plus de 1 200 mètres au-dessus du niveau de la mer, et dans un lieu uniquement accessible par hélicoptère, la production a été obligée de mettre en place l’opération Tonnerre : c'est ainsi qu'a été surnommée l'heure et demi particulièrement stressante au cours de laquelle 10 hélicoptères ont dû tour à tour descendre de la montagne 120 personnes et, par élingue (fixés au bout d’un cordage), 15 chargements d’équipement !

Pendant le tournage dans les Stone Street Studios, Jabez Olssen, le chef-monteur, a travaillé aux côtés du réalisateur pour permettre à Jackson de visionner l'ensemble des rushes archivés sur des serveurs. Mais Olssen a aussi dû embarquer son matériel avec lui pour continuer son travail sur le terrain, étant donné l’étendue des lieux de tournage en extérieur. Grâce à un ordinateur portable équipé du système de montage Avid et à une station de montage mobile installée dans un camping-car transformé et équipée, elle, d’un Avid complet, Olssen et Jackson ont pu poursuivre le montage, quels que soient les lieux de tournage. "Il nous est arrivé de transporter le système portatif sur une berge, ou bien mon assistant et moi escaladions une montagne pour l’installer sur le lieu du tournage. C’est plutôt inhabituel pour un monteur de se rendre sur les lieux de tournage en extérieurs et de pouvoir admirer les magnifiques paysages où le film est tourné. Je peux dire que l’expérience est fantastique !", se souvient Olssen.

Les effets visuels ont été pilotés par l’équipe de Weta Digital, sous la direction de Joe Letteri, superviseur Effets spéciaux chevronné qui a reçu sa 8e nomination à l'Oscar pour son travail sur le premier film de la trilogie du HOBBIT. Pour accentuer la dimension épique du film, les effets spéciaux pour LA DÉSOLATION DE SMAUG se concentrent sur d’énormes espaces créés numériquement, des effets avec l’eau et le feu et une quantité incalculable de créatures. Eric Saindon, également superviseur en effets spéciaux, était tous les jours sur le plateau pour vérifier le moindre élément numérique. Son équipe a pris les vues d’ensemble habituelles du plateau, soit des milliers de photos référencées, a rassemblé des informations techniques sur les caméras et utilisé des lecteurs à roulements à billes chromées spéciaux pour capter la lumière et les couleurs le plus précisément possible. L’une des toutes dernières innovations utilisées par la production est le scanner 3D Lidar, qui permet d’enregistrer les données de chacun des plateaux et lieux de tournage, allant jusqu’à scanner plus de 3 800 km2 de terrain en deux jours ! En créant des arrière-plans numériques pour des scènes d’action tournées en direct, l’équipe de Weta Digital a aussi sollicité l’aide du graphiste Alan Lee qui recevait quotidiennement des piles de photos montrant des personnages ou des objets photographiés sur fond vert, ce qui lui permettait d’y incruster des illustrations très élaborées. "C’est une manière complètement différente de travailler, puisque chacun donne sa touche personnelle en dessinant ou en illustrant directement sur l'ordinateur ", relève Lee.

Weta Digital a également utilisé une technique appelée "Faux cap". Cela consiste à placer des caméras de référence portatives et flexibles tout autour du lieu de l’action pour établir rapidement et facilement une base pour les mouvements des personnages. Les producteurs ont ensuite employé une autre innovation, déjà utilisée sur le précèdent film, le "slave motion control" pour enregistrer les mouvements des acteurs de même taille de façon à exagérer les différences de gabarit de leurs personnages. "Le dispositif nous permet de coupler une caméra à une autre qui retrace automatiquement le mouvement sur le plateau à fond vert. Le mouvement est donc précisément coordonné, sauf que l’échelle est différente pour faire croire que Gandalf ou les Elfes sont beaucoup plus grands qu’un Nain ou un Hobbit. C’est mathématiquement très compliqué, mais le résultat est plutôt impressionnant", ajoute Jackson.

On découvre dans LE HOBBIT : LA DÉSOLATION DE SMAUG de nombreux paysages de Nouvelle-Zélande. C'est ainsi que la scène où nos héros s'approchent de la Porte Secrète d'Erebor a été tournée dans le domaine skiable de Turoa; que Beorn a trouvé un superbe jardin à Paradise; que le Parc de Canaan a servi de cadre à la vallée d'Anduin; que Glenaray Station a campé les Hauts-Monts; que Takaro Lodge a campé la frontière méridionale de la Forêt Noire; et que Pelorus River est devenu, dans le film, la Rivière de la Forêt. Enfin, certains plans du Chemin du Monteur de Tonneaux, en bordure de la Rivière de la Forêt, ont été tournés près du Barrage d'Aratiatia du Lac Taupo. "On dirait que tous les décors, sans exception, ont été conçus par la volonté divine, et on s'en régale pendant trois heures !", s'enthousiasme Martin Freeman. "C'est absolument délirant". DANS L'ANTRE DU CHANGEUR DE PEAU La demeure de Beom le Changeur de Peau a été dénichée à Paradise (Glenorchy), sur l'île du Sud de la Nouvelle-Zélande. L'extérieur de la maison de cette gigantesque créature a été construit sur deux plateaux, à 200 m l'un de l'autre, afin de pouvoir bénéficier du panorama majestueux de la région.

L'architecture de la maison s'inspire de plusieurs sources, qu'il s'agisse d'une cabane tout en longueur, de style norvégien, telle qu'elle est décrite dans le livre ou de la nature même de Changeur de Peau de Beom. "Il est âgé de plusieurs siècles, il est resté en pleine brousse pour bâtir sa maison, et on s'est donc dit qu'il aurait un physique de sculpteur", remarque Hennah. "Il a gravé des images symboliques dans toutes les poutres, les portes et les fenêtres, si bien que le bois recèle tout un ensemble de significations qu'on ne remarque pas au premier regard". Il a fallu le savoir-faire du chef-décorateur et d'artisans recrutés sur place pour réaliser ces pièces d'ébénisterie. "Je me suis surtout inspiré des Stavkirkes typiques de Norvège [église en bois debout, NdT] et des sculptures sur bois des Vikings, et j'ai également inséré quelques motifs nordiques par endroits", indique John Howe. "Cependant, la plupart des sculpteurs qui ont construit les décors sont Maoris ou connaissent l'artisanat maori, et leur travail s'en ressent admirablement. Au final, le style de la maison est à la fois bien connu et exotique, ce qui correspond parfaitement à l'esprit de la Terre du Milieu". Les intérieurs ont été bâtis à l'échelle des Nains sur un plateau de Wellington : le décor était donc presque deux fois plus grand qu'un décor traditionnel afin de faire en sorte que Beorn, qui mesure 3 m de haut, semble dominer les Nains. Pour la ménagerie du personnage, des animaux de grande taille ont été spécialement acheminés sur le plateau : "Des cochons aussi grands que des vaches, des vaches aussi grandes que des chevaux, et des chevaux… eh bien, c'étaient sans doute les chevaux les plus imposants du monde", note McKellen.

La Forêt Noire est un immense décor qui a posé de nombreux problèmes pratiques à la production. Pour transposer ces passages décisifs du livre à l'écran, il fallait que le site soit évocateur de danger et de déclin, tout en étant à même d'accueillir des scènes d'action spectaculaires aux nombreux effets visuels. Le superviseur Prévisualisation Christian Rivers a collaboré avec le réalisateur pour mettre la scène au point bien en amont du tournage afin d'établir les fondations des décors et de régler les problèmes techniques.

Cette gigantesque forêt toxique réunit une trentaine d'immenses arbres tortueux en polystyrène, de 9 m de haut, qui pouvaient être aménagés diversement pour composer plusieurs décors différents. Les arbres ont ensuite été recouverts d'écorce en latex et chaque élément de la forêt – champignons, branches et feuillage – a été peint dans des tons vifs pour mettre en valeur la dimension hallucinatoire des lieux, même si les couleurs n'apparaissent pas aussi éclatantes qu'on pourrait le croire à l'image. Une fois les images de la forêt désaturées en postproduction, le teint de Bilbon et des Nains semble plus pâle, comme si les arbres pompaient leur énergie. Comme le remarque Jackson en plaisantant, "C'est comme si on était revenu en 1967". Les Araignées Géantes qui poursuivent la Compagnie à travers les arbres ont été créées en infographie et animées manuellement par Weta Digital. "Peter voulait que toutes ces scènes se déroulent dans la strate supérieure de la forêt, puisque les Araignées se déplacent de branche en branche grâce aux toiles qu'elles tissent", souligne Joe Letteri. "Comme tout se déroule dans l'espace, on pouvait vraiment jouer sur les effets de volume, mais il nous fallait régler précisément les déplacements des Araignées et déterminer les mouvementent de leurs pattes afin d'utiliser au mieux ces plans".

Néanmoins, les toiles gigantesques dans lesquelles les Araignées attrapent les Nains ont été réalisées à l'aide d'effets mécaniques. "Ils nous ont enserré dans des sortes de sangles comme s'il s'agissait d'un emballage en plastique, et une fois qu'on s'est retrouvés dans cette position, on ne pouvait plus bouger", se souvient Dean O'Gorman qui campe Fili. "C'était assez rigolo parce qu'on ne voyait rien, mais on sentait parfois un bout d'épaule ou de jambe. Pendant qu'on était là à attendre, on entendait les gémissements de l'ensemble des Nains. Et puis, dès qu'on entendait 'Action !', on avait le droit de s'extirper de nos liens, ce qui était assez réconfortant".

Pour que les acteurs ne se débattent pas dans le vide, le chef-cascadeur Glenn Boswell a fait en sorte que ses cascadeurs portent des costumes de "Kermit" (surnommés ainsi en raison des combinaisons vertes les enveloppant de la tête aux pieds) qui, par la suite, ont été remplacés par les Araignées. "On ne peut pas agiter une arme dans le vide ou asséner un coup et donner l'impression qu'on a vraiment touché son adversaire", affirme Boswell. "Du coup, on a donné aux comédiens des cibles – comme des coussins et des bâtons verts – qu'ils pouvaient atteindre physiquement". On retrouve le motif sylvestre dans la forteresse de Thranduil, nichée au coeur de la Forêt Noire : il s'agit d'un ensemble de grottes de calcaire creusées dans la montagne, parcourues d'énormes racines d'arbres et d'une rivière. "La décoration rappelle les éléments Art Nouveau qu'on a utilisés à Fondcombe, mais dans un espace beaucoup plus clos", précise Hennah. "Les Elfes Sylvestres viennent de la forêt et ont découvert un refuge au coeur de la montagne qu'ils sont à même de protéger, mais ils y ont apporté l'influence de leurs origines, si bien que tous les piliers sont creusés comme des arbres. Ce n'est pas une simple grotte car elle dispose de ravins, de passages et d'immenses ponts en calcaire grâce auxquels on peut la traverser". En raison de ses dimensions imposantes, la grotte a dû être conçue presque entièrement en infographie – à l'exception de quelques décors construits en dur, comme la majestueuse salle du trône de Thranduil, la cave à vins des Elfes et les cellules où les Nains sont enfermés. La séquence où ils s'enfuient sur des tonneaux en descendant un ravin, puis en rejoignant la rivière au fort courant, a représenté l'un des plus grands défis pour l'équipe technique. "Même par temps calme, c'est difficile de tourner sur l'eau", explique Jackson. "Mais pour la scène des tonneaux, telle qu'on l'avait imaginée, il ne nous fallait pas une rivière calme : on voulait que les acteurs soient à l'intérieur des tonneaux, sans le couvercle, et qu'ils descendent les rapides les plus dangereux au monde ! On n'a donc pas envisagé un seul dispositif, mais plusieurs …"

Afin de permettre à Jackson de travailler avec les acteurs dans un environnement parfaitement maîtrisé et sécurisé, le département artistique, l'équipe Effets spéciaux et les cascadeurs ont conçu une rivière intérieure, évoquant, selon Jackson, "le genre d'attraction qui se pratique à bord d'un bateau en forme de rondin". Le bassin à remous réniforme a été construit de sorte à pouvoir laisser passer deux tonneaux dans sa partie la plus étroite : le superviseur Effets spéciaux Steve Ingram et son équipe ont installé des jets d'eau d'une puissance de plus de 372 000 Watts afin de brasser près de 30 m3 d'eau. Pour assurer la sécurité des acteurs, Boswell et les cascadeurs ont plongé pour vérifier la flottabilité des tonneaux, en utilisant des tubes remplis d'air et des lests en acier. Pour les plans larges en extérieurs tournés sur une rivière aux eaux plus calmes, la production s'est ensuite rendue sur le fleuve Pelorus. Bien qu'il soit spectaculaire, ce fleuve serpente le long d'une gorge étroite, si bien qu'il est quasiment impossible d'y acheminer du matériel de tournage. Il a donc fallu déployer 90 m d'échafaudages depuis le parking, puis le faire enjamber le fleuve. Le régisseur d'extérieurs Jared Connon raconte : "On avait positionné notre grue TechnoCrane de 2 tonnes sur un piton rocheux, on avait installé des Jets Skis dans l'eau et disposé des équipements pour les cascades un peu partout, tandis que les gars des effets spéciaux mettaient en place une petite cascade". Mais vers la fin du tournage, une pluie diluvienne s'est abattue, inondant quasiment l'intégralité du dispositif.

Jackson souhaitait également filmer les tonneaux pris dans des rapides d'une violence extrême, ce qui était presque impossible à faire en Nouvelle-Zélande. Mais le cinéaste s'est souvenu qu'il avait visité le Barrage d'Aratiatia, près du Lac Taupo, avec ses parents quand il était petit. "Sous le barrage, il y a un ravin rocailleux qui serpente sur près de 2 km", indique-t-il. "La plupart du temps, il est à sec, mais toutes les trois ou quatre heures, lorsque les vannes du barrage s'ouvrent, il se transforme en un fleuve redoutable qui emporte tout sur son passage". Consciente qu'il était impossible d'installer des acteurs dans les tonneaux lorsque les rapides se déchaînent, la production les a alors remplacés par des avatars numériques. La séquence a été intégralement préparée en prévisualisation : les éléments composant chaque plan ont alors été soigneusement séquencés et élaborés. Christian Rivers et une équipe de Weta Digital se sont ainsi rendus au Barrage d'Aratiatia pour tourner autant d'images de l'ouverture des vannes que possible et pour se synchroniser précisément avec la centrale hydroélectrique qui contrôle le Barrage. Une fois les caméras postées à des endroits stratégiques tout le long de la gorge, les tonneaux soigneusement lestés – équipés, pour certains, de caméras numériques GoPro destinées à enregistrer des plans subjectifs – se sont élancés dans les rapides pendant les dix minutes d'ouverture des vannes. "Et puis, les vannes se sont refermées, les tonneaux ont été évacués, et on a pu savourer une bonne tasse de thé", ajoute Jackson en souriant.

Selon Letteri, les hommes de Weta Digital ont travaillé sur la quasi-totalité des plans de la séquence, en créant des décors et des personnages numériques ou en simulant des courants. "Pour nous, c'était ce qu'il y avait de plus difficile sur le plan des effets visuels", dit-il. "On passait notre temps à reconstruire et à réaménager les voies navigables, au fur et à mesure que l'animation s'affinait. D'un point de vue technique, le plus difficile, c'était la simulation du courant car, dans le même temps, on balançait des tonnes d'eau dans ces rapides, tandis qu'il fallait intégrer numériquement les tonneaux et l'animation de manière adéquate". "En mêlant prises de vue réelles avec les comédiens et plans numériques de l'eau en mouvement, je pense que le spectateur aura vraiment le sentiment de se retrouver à bord de ces tonneaux pris au piège de ces courants absolument terrifiants", conclut Jackson.

Les Hommes font leur première apparition dans la trilogie, non pas dans une forteresse bâtie par des Rois, mais dans une ville de maisons de bois construites sur l'eau par des gens ordinaires. "Avec Esgaroth, on découvre un nouveau monde – celui des Hommes", remarque Fran Walsh. "En pénétrant ce nouvel univers, on ressent le petit frisson qui nous saisit quand on entre en terre inconnue". Comme dans le livre, son style s'inspire des villages de type celtique qu'on trouve dans la région des lacs en Suisse. "On s'est aussi inspirés de l'architecture en bois extraordinaire propre à la Russie", signale John Howe. "Mais sous le bois, on se rend compte que la ville dissimule les ruines d'une ancienne cité de pierre".

Décor particulièrement apprécié par les comédiens et les techniciens, Esgaroth a été construit à deux endroits : un immense plateau de 0,2 ha qui a mis 3 mois à être bâti, et plusieurs versions d'un décor à divers niveaux installé sur le plateau K de Stone Street s'étendant sur 0,12 ha. L'ensemblier Ra Vincent s'explique : "On a travaillé l'architecture par strates. On a construit d'énormes décors pour donner le sentiment que l'espace était encombré et que la ville était animée – c'est ainsi qu'on aperçoit des bateaux sillonnant les canaux et des habitants qui pêchent et vaquent à leurs occupations". Chaque plateau d'Esgaroth comprenait quelque 40 bâtiments, installés sur roulettes afin d'être facilement déplacés. Les ouvertures ont également été placées à des endroits stratégiques dans chaque bâtiment afin de pouvoir les accrocher à une grue et de les réemployer par la suite. Et comme l'hiver règne sur Esgaroth, le décor a été entièrement recouvert de neige composée de sulfate de magnésium, tandis que des feuilles de cire campaient la glace flottant sur l'eau. Le directeur artistique en chef Simon Bright note : "Ce qui était difficile, c'est qu'on a construit Esgaroth sur un plateau déjà humide, si bien qu'on a dû encore le réaménager". Le tournage des séquences d'Esgaroth a posé de nombreux problèmes à l'équipe : "On était censés ne tourner les extérieurs que de nuit, mais inévitablement, on a fini par tourner au crépuscule, au petit matin, le jour et la nuit, ce qui n'était pas simple", précise le directeur de la photo Andrew Lesnie. Mais il a pris beaucoup de plaisir à tourner des images nocturnes de la ville : "C'est un décor complexe, accidenté et alambiqué, et traversé de ravins, de souterrains et de places, ce qui est difficile pour des caméras, mis qui crée des conditions formidables pour composer un plan. Dès lors qu'on plonge la caméra le long d'un étroit canal, on ressent l'espace qui se referme sur soi, et plus encore en 3D".

Pour Jackson, il était important que la présence des habitants d'Esgaroth se fasse sentir : "On tenait à ce que le décor nous renseigne sur la situation actuelle de ces gens, et c'est pour cela que la ville est en déclin et qu'une certaine tristesse y règne", dit-il. "Elle rappelle un peu le Londres de Charles Dickens, mais on voulait aussi créer un effet mystérieux, qui joue sur les ombres portées et qui évoque le film noir". LA VILLE SOUS LA MONTAGNE Le périple des Nains vers l'Est finit par les ramener au Royaume Perdu d'Erebor construit sur le Mont Solitaire. "En apparence, on ne distingue qu'une porte, mais dès qu'on passe cette porte, on découvre un monde fascinant d'oeuvres artistiques, de richesse, d'architecture et de lumière dorée", indique le réalisateur. "C'est leur terre – une terre sacrée, un empire souterrain où les Nains ont exploité une mine de pierres précieuses et d'or grâce à laquelle ils ont fait fortune. Mais 60 ans après son apogée, Smaug a trouvé son refuge au milieu d'une mine d'or appartenant aux Nains".

Pour les graphistes, Erebor représentait l'occasion d'exprimer la personnalité et le style des Nains. "Ce qui est formidable chez les Nains, c'est qu'ils sont petits et trapus, mais qu'ils se voient énormes et que, du coup, cela se retrouve dans leur architecture et leurs sculptures", précise Hennah. La ville elle-même est un bel exemple d'architecture et reflète l'élégance de l'artisanat propre aux Nains : "À certains endroits, on ne voit que de la pierre brute, et à d'autres, des colonnes sophistiquées, des passages et des trônes", reprend Hennah. "Et dans chaque trou, les Nains ont exploité de l'or et des pierres précieuses, et y ont laissé leurs marques". Étant donné que les Nains ont extrait des pierres précieuses dans la montagne pendant des siècles, la forme des mines correspond aux veines du marbre vert, si bien qu'elles sont asymétriques et inégales. Selon Alan Lee, "Les Nains ne dessinent pas de courbes : tout s'inspire de bijoux et de cristaux à multiples facettes, de lignes droites et d'angles. C'est leur Royaume perdu, qui doit donner l'air d'être une sorte de paradis pour Nains, mais il faut que les voûtes et l'architecture en général soient suffisamment grandes pour que Smaug puisse s'y frayer un chemin".

La montagne d'or où sommeille le Dragon se compose de plaques de métal gravé, et de pièces de monnaie en caoutchouc moulé, recouverts sous une strate de 170 000 pièces d'aluminium plaquées en or, et de 2000 gobelets fabriqués à la main, et de dizaines de colliers, de pépites et de cristaux. "On a construit tout un studio rempli d'or qui s'élevait à 12 m au-dessus du sol", ajoute Hennah. Le décor en dur ne représente qu'une infime partie du repaire de Smaug. Ses proportions gigantesques et le trésor qu'il renferme ont été générés en infographie par Weta Digital. "On a dû mettre au point un logiciel mathématique spécifique pour les pièces d'or en raison du volume impressionnant que Smaug a amassé", note Eric Saindon. "Par ailleurs, le dragon est grand comme deux Boeing 747, si bien que la quantité de pièces nécessaires pour le recouvrir entièrement était délirante. On fabriquait 20 millions de pièces à la fois, qui s'entrechoquaient lorsque Smaug se roulait dedans et les jetait en l'air. C'est une scène géniale". "Smaug est fasciné par l'or", ajoute le réalisateur. "Non pas parce qu'il peut le dépenser, mais parce que ça l'a rendu fou. Il s'y abandonne avec concupiscence rien qu'en y pensant. Il vit avec cet or depuis des années, tout en sachant qu'un jour quelqu'un – les Nains ou toute autre créature – tentera de le lui dérober. Mais lorsque ce jour-là arrive, ce n'est pas un Nain qui se présente, mais un petit Hobbit".

  1. Le synopsis
  2. Un conte qui n'en finit pas d'être conté
  3. Les personnages
  4. Les Elfes Sylvestres et Esgaroth
  5. Le dragon de la montagne
  6. Le tournage en Nouvelle-Zélande
  7. Musique : les Nains et les dragons sont à la fête

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