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L’année 2019 en fantasy : la parole aux éditeurs
Par Gillossen, le 23 février 2019 à 14:30
Albin Michel Imaginaire - Gilles Dumay
- Alors que 2018 se termine à peine, quel serait votre premier bilan, à chaud ?
- Je crois que je vais me faire imprimer un t-shirt XL : « j’ai lancé un nouveau département éditorial chez Albin Michel en pleine crise des gilets jaunes… et j’ai survécu. Merci Fraa Erasmas. »
Pour le moment, car c’est d’une logique économique imparable, il m’est impossible de dresser un bilan après seulement trois mois d’exploitation (même si les mises en place ont été très conséquentes je n’atteins même pas 6% de taux de retours au premier janvier, et bien sûr ça va grimper). J’ai cependant quelques indices sur ce qui a marché et ce qui n’a pas encore démarré (soyons optimistes !). Des tendances, comme on dit dans la profession.
Anatèm prend le chemin d’un vrai beau succès populaire. Nous ne sommes pas la patrie de Descartes pour rien. Pour ce titre-là, le mois de décembre a été pyrotechnique, si on en croit GFK. Maintenant tout le monde me dit « c’était couru d’avance », mais je n’ai pas l’impression que c’était aussi évident que ça (j’ai gardé un ou deux mails de copains me disant en substance : « couillu, mais tu vas te planter »). Et c’est vrai que sans Jacques Collin qui a signé la traduction d’Anatèm, et quelle traduction !, nous serions probablement passés à côté.
American Elsewhere et Mage de bataille se vendent bien, mais moins. Le Peter A. Flannery est parti plus fort, notamment en numérique, mais s’est essoufflé plus vite que le Bennett qui résiste bien, trouve son rythme (ses ventes hebdomadaires sont croissantes sur tout le mois de décembre), ce qui pour un livre à 29 euros me semble remarquable. Après, le second et dernier tome de Mage de bataille arrive dans les jours qui viennent, rien ne dit que ça ne va pas relancer les ventes du premier, surtout qu’en même temps nous faisons une opé numérique. Mage de bataille est le titre Albin Michel Imaginaire qui se vend le mieux en numérique. Il est largement devant le tome 1 d’Anatèm. D’après mes chiffres, un Mage de bataille sur quatre vendus est acheté en numérique.
Sur les cinq titres du lancement, Kameron Hurley est bonne dernière avec Les étoiles sont légion. Pourtant ce livre est emblématique de tout ce qui se passe autour de la SF aux USA, et notamment la prise de pouvoir incroyable des autrices. L’émergence, aussi, d’une littérature SF « LGBT et poing dressé ». Je ne désespère pas : Les étoiles sont légion va devenir « culte », Hollywood en fera un film et Gwendoline Christie jouera le rôle de Zan.
- A titre personnel, hors parutions, un événement vous a-t-il particulièrement marqué ou surpris au cours de cette année écoulée (un prix, un salon, etc...) dans le paysage des littératures de l'Imaginaire ?
- Je ne peux pas m’empêcher de lier la « crise des gilets jaunes » aux littératures de l’imaginaire. Sans remonter jusqu’aux Morloks, depuis peu ou prou les lendemains de la Seconde guerre mondiale, la science-fiction a annoncé le monde pollué dans lequel on vit (et celui cauchemardesque dans lequel nos enfants vont s’amuser comme des petits fous) : le monde de la surveillance permanente, celui des catastrophes environnementales, des réfugiés climatiques, celui de la pléonexie. Je ne peux pas m’empêcher de penser que si toute cette littérature de science-fiction prophétique, Brunner, Ballard, Andrevon, Soleil vert et tant d’autres était enseignée à l’école, le choc n’aurait pas été le même. Les revendications auraient été différentes. Les gens sont écrasés par les fins de mois difficiles, c’est une peur concrète, tangible, proche. On la comprend tous, même quand on ne la vit pas (j’ai eu des problèmes de fin de mois après la naissance de mon fils aîné et je m’en souviens très bien). Mais cette peur n’est pas nouvelle. Par contre, s’ajoute à ce fardeau déjà écrasant une peur beaucoup moins concrète, plus diffuse, presque inconsciente, celle de la fin d’un modèle économique/social basé sur les énergies fossiles. Ce n’est pas étonnant que les gens pètent les plombs, surtout si par exemple vous « préparez le terrain » avec la suppression de l’ISF et rappelez au bon peuple de France le salaire annuel de Carlos Ghosn. Ce qui me semble paradoxal dans cette crise, c’est que tout le monde a raison, les gens de se plaindre et d’aspirer à un monde plus juste (et peut-être plus important : « moins indécent »), le gouvernement de ne pas céder face à des enjeux de long terme incroyablement complexes. Et vitaux. Dans le sens où de très nombreuses vies sont en jeu. Pour préparer l’avenir, il faut enseigner l’avenir. On ne donne pas assez de perspectives et d’horizon aux gens. La conquête spatiale semble ringarde, pour ne pas dire condamnée, à l’heure où l’humain le plus éloigné de la Terre plane à peine 408 kilomètres au-dessus de nous, mais je reste persuadé qu’on n’en a jamais autant eu besoin. Même si c’est symbolique aujourd’hui, on a besoin de regarder les étoiles, d’élégie, d’élévation. On a besoin de gens qui rêvent de se poser sur Mars, de retourner sur la Lune, d’exploiter les astéroïdes.
- Quelle place pour la fantasy dans votre programme 2019 ?
- Réduite, je ne vais pas le cacher.
C’est comme le fameux bonbon : petit mais costaud. Il y aura Le Chant mortel du soleil de Franck Ferric en avril. De la fantasy barbare et poétique, une collision improbable entre l’épopée guerrière, cheveux au vent, et le western spaghetti. Le style est flamboyant. C’est plein de personnages ignobles et indéfendables. J’adore.
J’ai acheté d’autres choses en fantasy, Foundryside notamment, dont on a déjà beaucoup parlé, mais ce sera pour 2020.
Il y a dans Terminus de Tom Sweterlitsch, au programme de mai, une composante fantasy, le problème c’est que je spoile à mort, si je dis de quoi il s’agit.
- Enfin, quel sera votre plus grand défi pour cette nouvelle année ?
- Expliquer à mon fils cadet qu’on ne peut pas passer sa vie à jouer à Fortnite… Y’a du boulot.
Propos recueillis et mis en forme par Emmanuel Chastellière.
Pages de l'article
- Les Éditions Aux forges de Vulcain - David Meulemans
- Albin Michel Imaginaire - Gilles Dumay
- Les éditions ActuSF - Jérôme Vincent
- Les éditions Pygmalion - Florence Lottin
- Les éditions Gulf stream - Paola Grieco
- Les éditions Critic - Simon Pinel
- FolioSF - Pascal Godbillon
- Les éditions du Bélial' - Olivier Girard
- Les éditions du Rouergue - Olivier Pillé
- Lunes d'encre - Pascal Godbillon
- Les éditions Libretto - Eric Lahirigoyen
- Les éditions J'ai Lu - Thibaud Eliroff
- Le Livre de Poche - Laëtitia Rondeau
- Les éditions Pocket - Charlotte Volper
- Les éditions L'Atalante - Mireille Rivalland
- Les éditions Callidor - Thierry Fraysse
- Les éditions Scrineo - Jean-Paul Arif
- Les éditions Lumen - Cécile Pournin
- Les éditions Mnémos - Nathalie et Frédéric Weil
- Mü Editions - Davy Athuil
- Fleuve Editions - Florian Lafani
- La Volte - Mathias Echenay
- Projets Sillex - Nicolas Marti
- Les éditions de l'Homme Sans Nom - Dimitri Pawlowski
- Les éditions Balivernes - Pierre Crooks
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