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Interview de Pierre Pevel - Utopiales 2008

Par Linaka, le mercredi 19 novembre 2008 à 14:05:34

Pierre PevelAprès Pierre Dubois, voici Pierre Pevel qui nous a gentiment accordé une interview, toujours dans le cadre des Utopiales. Il était déjà, souvenez-vous en, aux Imaginales 2008 ; mais c'est toujours un plaisir pour nous d'échanger quelques mots en sa compagnie, que ce soit (avec une nostalgie certaine !) à propos des chats des Enchantements d'Ambremer ou à propos des Lames du Cardinal. Voici donc de quoi assouvir votre curiosité à propos de cet écrivain qui fait honneur à la fantasy française - sur notre territoire, mais aussi bientôt... Outre-Manche ! Ce qui méritera, n'est-ce pas, d'être fêté en forum ?

L'interview

A propos des Ombres de Wieldstadt, les lecteurs auront-ils un jour la chance de connaître la suite des aventures du Chevalier Kantz ?
Non, Kantz, c'est fini - enfin, il ne faut jamais dire Fontaine je ne boirai pas de ton eau, mais a priori il n'y en aura pas de quatrième tome. Pour des tas de bonnes et de mauvaises raisons : les bonnes raisons c'est que je suis assez content du troisième tome, donc je n'ai pas forcément envie d'en rajouter un qui pourrait être de trop.
Les mauvaises sont des raisons éditoriales, j'ai changé d'éditeur donc cela fait des tas de problèmes... Je ne me vois pas retourner faire un livre chez Fleuve Noir dans l'immédiat, je ne me vois pas écrire un quatrième tome chez Bragelonne d'une série commencée chez un autre... Il y a beaucoup de raisons qui font que c'est ainsi.
De quel personnage êtes-vous le plus proche et lequel avez-vous pris le plus de plaisir à imaginer ?
Celui que j'ai pris le plus de plaisir à imaginer c'est dans les Enchantements d'Ambremer, et c'est le chat Azincourt : celui-là je l'adore. Celui dont je suis le plus proche... En fait, au sujet des Lames du Cardinal (je suis en train de travailler sur le deuxième tome), j'ai remarqué en renouant avec les personnages qui forment cette petite bande que sans y faire vraiment attention j'avais mis un peu de moi dans chacun d'eux. Je ne m'étais pas rendu compte à quel point tous ces personnages, qui sont six ou sept, sont tous vraiment très personnels. Donc je serais bien en mal d'en choisir un plutôt qu'un autre.
Mais quand vous surnommez Nicolas Marciac le Gascon, c'est un clin d'œil à D'Artagnan ?
Non, c'est parce qu'il est Gascon, c'est pour ne pas écrire Marciac deux fois dans le même paragraphe. C'est purement stylistique, de même que pour Leprat, je vais décrire l'ancien mousquetaire, ce genre de choses. Pour Marciac, c'est juste une facilité.
Mais il y a aussi une réalité historique qui est qu'il y avait beaucoup de cadets gascons à cette époque à Paris : D'Artagnan est leur représentant le plus connu. Donc c'était assez logique qu’il y en ait un aussi dans ma bande.
Qu'est-ce qui vous a amené à la fantasy, étant donné que vous avez commencé par des études littéraires classiques ?
Oui, j'ai fait une Hypo et une Khâgne. La fantasy, c'est le genre que je lisais le plus volontiers quand j'étais adolescent, il a forgé mon imaginaire. Je suis d'une génération qui a vu la Guerre des Etoiles à 11 ans, ensuite quand j'étais adolescent on a eu droit à Conan, à Excalibur, Indiana Jones... On a eu quand même des gros morceaux de fantasy qui m’ont vraiment marqué. J'ai du mal à imaginer des histoires sans un élément fantastique, merveilleux ou horrifique. Ce n'est pas que la stricte réalité m'ennuie, car je lis essentiellement du polar réaliste. Mais il faut toujours que je pousse le bouchon un peu plus loin, en quelque sorte.
Et puis la fantasy est tout simplement un genre génial. Dans la catégorie littératures d'aventure, la fantasy est quand même très très bien cotée, très efficace. On peut faire tout ce qu'on veut. L'imagination court en toute liberté. Pour moi, c'est un peu plus compliqué, puisque j'essaie de respecter des cadres historiques documentés, mais c'est aussi très agréable de partir d'une réalité historique, d'imaginer un élément surnaturel ou merveilleux introduit dans cette réalité, et d'en imaginer les conséquences logiques.
C'est le principe de l'uchronie...
Oui. Encore que je ne sois pas sûr d’écrire des uchronies, parce que je crois que, à proprement parler, une uchronie exige un point de divergence précis, une date, un moment où l'Histoire prend un chemin de traverse. Ce n'est pas mon cas. Dans Les Lames du Cardinal, les dragons ont toujours été là, il n'y a pas une date ou un moment où l'Histoire change.
Ce sont plutôt des réalités parallèles, ou alors ce sont des mondes comme dans Indiana Jones : est-ce que cela se passe vraiment dans notre monde ? Il y ressemble beaucoup, mais... Ou même quelque chose qui n'est absolument pas fantastique, les James Bond : est-ce que les James Bond se passent réellement dans notre monde ? Je ne crois pas : c'est une réalité parallèle qui ressemble beaucoup à la nôtre mais qui s'en détache ; finalement mes bouquins sont un peu pareils.
Je pense justement aux Enchantements d'Ambremer : est-ce qu'on peut les qualifier de steampunk ?
Eh bien j'avais lu un article sur internet où ils parlaient de steamfantasy, en fait. C'était assez rigolo de partir du cyberpunk pour arriver au steampunk et rebondir à la steamfantasy ; il faut avoir quelques référents tout de même pour comprendre ces qualifications.
Moi je trouve ça assez drôle : je pense que c'est de la fantasy urbaine... Quand je l'ai vendu à mon éditeur, en lui parlant du projet je lui ai dit : Il y a des licornes chez les Brigades du Tigre.
Que pensez-vous de l'état de la fantasy en France ?
Je n'en pense rien, car je lis très peu de fantasy, française ou autre. Par contre, je sais que le marché se porte plutôt bien apparemment, les ventes augmentent, il y a de plus en plus de lecteurs. On se rend compte que dans les festivals, les salons, les foires, il y a quand même de plus en plus de gens qui se déplacent – de tous âges.
Je suis convaincu que le Seigneur des Anneaux au cinéma, ou Harry Potter, ont fait beaucoup de bien au genre, parce qu'ils placent des référents. On peut plus facilement expliquer la fantasy en disant : C'est comme Harry Potter, ou comme le Seigneur des Anneaux, et ensuite éventuellement on précise, on explique les différences, etc. Mais au moins, on part de quelque chose que tout le monde connaît grosso modo. Parce que, finalement, c'est toujours très difficile de définir un genre, même le genre de cape et d'épée : qu'est-ce exactement qu'un roman de cape et d'épée ? Si on doit l'expliquer, on commence par dire : « Eh bien vous connaissez Les Trois Mousquetaires ? ». Voilà, c'est bien d'avoir des référents, des oeuvres qui jalonnent bien le genre, je pense que cela aide.
J'ai l'impression que la fantasy en général se porte bien, la fantasy française aussi. Je crois qu'elle s'affranchit vraiment depuis quelques années des Anglo-saxons, avec des oeuvres originales qui sont inspirées de notre culture littéraire française.
Et quels sont vos auteurs préférés ?
Tous genres mélangés, évidemment Alexandre Dumas, mais ceux que je relis le plus souvent ce sont encore Flaubert et Maupassant. J'ai énormément d'admiration pour Goscinny, Franquin, et chez les Anglo-saxons James Lee Burke. Et le maître (quand je serai grand, je veux être lui), c'est Donald Westlake, qui est un des meilleurs auteurs de polar, mais pas seulement : de la Terre, du monde entier (rires). C'est un auteur que je ne lis pas quand j'écris pour ne pas me démoraliser ! Je ne lis pas non plus Pierre Pelot, et pour les mêmes raisons. Un Français, celui-là.
Où en est l'arrivée des Lames du Cardinal en Angleterre ? Est-ce que vous êtes toujours aussi excité par la traduction en anglais de votre œuvre ?
Oh oui ! Déjà, c'est très bon pour l'ego, c'est très flatteur et nous sommes très fiers. Quand je dis nous, c'est l'éditeur, tout le monde, parce qu'une traduction en Angleterre c'est quand même un effort collectif ! Moi aussi je suis très content que le bouquin ait retenu l'attention d'un grand éditeur anglais, puisque c'est Gollancz – ce n'est pas rien. Oui, nous sommes excités, nous attendons ça avec impatience : c'est pour mai prochain, mai 2009.
Et puis ça va probablement être une aventure pour tout le monde, puisque j'imagine que j'aurai des séances de dédicace à faire là-bas. Etre invité à Londres, je pense que ça ne va pas être totalement un calvaire ! (rires) Je trouverai quelque chose à faire là-bas...
Mais quel effet cela vous fait-il de voir que votre prose est traduite, quand vous êtes vous-même traducteur ?
Oui – enfin, je suis traducteur : je traduis les James Bond. J'aime bien ça, mais on m'a confié cela d'une part parce que je lis à peu près l'anglais, et d'autre part parce que je connais bien la mythologie bondienne. Je l'aime, surtout : c'est une sous-culture qui m'intéresse. Donc je traduis en effet les James Bond ; la traduction est un exercice assez particulier, que j'apprécie, d'une part parce qu'il faut vraiment se mettre au service d'un autre.
Et c'est très très riche, parce que je peux me dire par exemple : Oh tiens, je n'aurais absolument pas abordé cette scène de la même manière, je ne l'aurais pas vue de ce point de vue-là, etc. Et en fait c'est enrichissant, parce que d'une part ça élargit l'éventail des possibilités, et puis surtout on se rend compte que peut-être que la solution qui a été retenue par celui qu'on traduit est meilleure que celle qu'on aurait prise naturellement. Ça évite, finalement, de trop s'écouter écrire, c'est un exercice très intéressant.
Donc le fait d'être traduit : oui c'est très plaisant. Encore en anglais je pourrai le lire ; le ferai-je, je ne le sais pas encore, mais je pourrai le faire. Là, je viens de recevoir l'exemplaire en hollandais – alors là je suis obligé de faire confiance, j'ai lu Kaardinal au début, cela j'ai compris, mais tout le reste je n'y suis pas ! L'allemand ça va être pareil ; j'attends de le voir en cyrillique, pour la traduction russe, je suis vraiment impatient de le voir, ce sera très exotique. Et j'aimerai bien avoir une traduction en grec pour les mêmes raisons, ou alors coréenne, des choses comme ça, pour voir vraiment des textes avec des écritures dont j'ignore tout.
Mais oui c'est agréable, et puis je n'ai pas honte de dire que j'écris pour être lu, s'il y a un bouquin qui ne rencontre pas de succès ça me désole, parce que je pense que, d'une certaine manière, je l'ai raté. Un bouquin, un film ou n'importe quelle œuvre destinée au public qui ne rencontre pas le public, on ne m'enlèvera pas de l'idée qu'il y a quand même quelque chose qui ne marche pas. Alors, ça peut être pour d'autres raisons que la qualité du livre ou du film, mais quand même : à mon avis il vaut mieux commencer par une remise en question. Donc le fait de savoir que ça va être traduit, qu'il y a d'autres éditeurs que le mien, Bragelonne, qui ont trouvé un intérêt au texte, ça me conforte un peu dans l'idée que ce bouquin méritait d'être écrit.
Et puis ça élargit le champ des lecteurs. Je suis curieux de savoir si un lecteur allemand réagira de la même manière ou aux mêmes choses qu'un lecteur français : ça, ça peut être intéressant. Pareil pour un Anglais ou un Espagnol... Donc j'attends ça.
Et pour terminer : quels sont vos projets ?
Eh bien je travaille sur le tome deux des Lames, et si j'ai le malheur de dire que j'ai d'autres projets que celui-là je vais me faire arracher les yeux par mon éditeur parce que je suis déjà en retard (rires). Donc je suis sur le deux et vraiment je ne pense qu'à ça. Je suis vraiment ce que j'appelle en phase d'écriture, c'est-à-dire que je pense à mon bouquin quand je m'endors et j'y pense en me réveillant. J'ai du mal à faire vraiment totalement abstraction, cela m'occupe vraiment beaucoup.
Je suis mono tâche, je ne peux pas travailler sur plusieurs choses : je fais donc le Lames 2, et quand je l'aurai fini il faudra que je me dépêche de traduire un James Bond, puis ensuite écrire le Lames 3.
C'était tout – je vous remercie !
Je vous en prie.

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