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Interview de Johan Heliot

Par Luigi Brosse, le jeudi 28 juin 2007 à 10:44:56

Son dernier livre, La Lune vous salue bien est sorti il y a tout juste un mois, voici donc l'occasion d'une petite interview avec son auteur Johan Heliot.
De lui, on connait sur Elbakin.net ses deux tomes sur Faerie. Et si l'auteur est un peu un touche tout en ce qui concerne les thèmes abordés dans ses oeuvres, il est indéniablement l'un des meilleurs auteurs francophones actuels. Place donc à Johan Heliot !

NB : Je n'ai touché aucune commission pour cette éloge, je pense qu'il s'agit d'une juste rétribution pour un auteur qui le vaut bien.

Allo la Terre, ici la Lune !

Une première question à propos de votre pseudonyme. J'ai pu lire a fortiori que vous l'aviez bâti en utilisant à la fois le prénom de votre épouse, Johanna et celui de votre chien, Heliot. Pour ma part, connaissant votre faculté à jouer avec les mots, je pensais à un allusion à « helios », le Soleil par opposition avec la Lune, l'astre qui a marqué votre premier roman. Suis-je complètement à côté de la plaque ?
La réalité est très prosaïque : mon chien s'appelait bel et bien Heliot, tel quel, nom qu'il portait déjà lorsque ma femme et moi l'avons adopté. Je n'ai pas eu à me creuser la tête pour forger mon pseudo. J'ai tout de suite trouvé que l'addition de ces deux prénoms fonctionnait bien. Aujourd'hui, le véritable Heliot est mort, à quinze ans, après une belle vie de chien, faite de siestes et balades en forêt. Mais l'allusion héliotrope à mon pseudo ne m'avait pas échappée, c'est un joli hasard.
Commençons par une considération générale sur vos différentes œuvres : elles sont très difficiles à cataloguer du fait de la multitude de genres auxquels elles pourraient se raccrocher. Fantasy, science-fiction, policier, horreur, voire comique, est une liste bien pauvre. Comment vous est venue l'idée de ce mélange qui vous caractérise ?
Je n'ai jamais eu l'idée de mélanger exprès les genres, j'ai juste toujours écrit ce que j'avais envie d'écrire, donc de trouver moi-même dans un livre... On retombe là sur la fameux débat des étiquettes à accrocher aux genres. C'est un truc d'éditeur et de libraire, pas d'auteur, il me semble. Chaque histoire comporte ses parts plus ou moins grandes de chaque genre, ce qui en fait la richesse et la complexité - à l'image de la vie, quoi...
Vous abordez également dans Faerie Thriller des thèmes inhabituels, notamment l'homosexualité (entre un nain et un troll) ou encore le milieu de l'édition, tout cela sans prise de position ni jugement. Quelle est votre méthode pour conserver cette fraîcheur au récit ? Y'a t-il un tabou que vous ne pourriez pas aborder dans vos livres ?
A priori, je dirais aucun tabou, non... Cela restera à démontrer à l'épreuve des faits ! Peut-être qu'un jour je me refuserai à explorer une voie qui me paraîtra trop risquée pour moi. Mais pour l'instant, je ne me suis jamais trouvé dans une telle situation. Comme pour la question précédente, je dirais que j'infuse dans mes romans des situations semblables à celles que la vie nous offre. Pourquoi les créatures de Faërie ne pourraient-elles pas vivre des amours homosexuelles - avec le cortège de préjugés et de réactions violentes que cela engendre, hélas... Quant aux portraits que je tisse des acteurs du milieu de l'édition, ils s'inspirent de pas mal de personnes avec qui j'ai pu travailler, j'avoue !
Y'a t-il un lien entre votre ancien métier de prof d'histoire et la facilité avec laquelle vous faites vivre vos uchronies ? Dans tous les cas, j'envie vos élèves, car si vos cours étaient aussi fascinants à suivre que vos romans, ils ne devaient pas s'ennuyer.
Mmm, hélas, je n'avais pas toute latitude pour présenter mes cours et je crains que mes élèves ne se soient quand même parfois ennuyés... Mais j'essayais autant que possible de rendre mes cours vivants, en rapportant par exemple des anecdotes croustillantes sur certains personnages historiques. Mes uchronies, romaines ou fin dix-neuvième, s'ancrent dans les deux périodes que j'ai eu le plus de plaisir à étudier à la fac. Mettre en scène mes anciens cours dans le cadre d'histoires délirantes me ravit particulièrement !
D'ailleurs, qu'est-ce qui vous a finalement poussé à quitter votre métier d'enseignant ? Votre renommée ? A une certaine période, avez-vous eu l'opportunité d'échanger avec vos élèves sur votre propre production littéraire ? Étaient-ils au courant que vous étiez écrivain ?
Bigre, renommée, comme vous y allez ! Nan, ce n'est pas le cas ! Mais les projets s'accumulant, le temps n'étant pas encore extensible à volonté, j'ai dû franchir le pas, plus tôt que nous l'avions prévu avec ma femme - qui a toujours soutenu ma "vocation" d'auteur, soit dit en passant. Sinon, je n'ai jamais confondu mes deux métiers d'alors. Mes élèves, pas plus que mes collègues d'ailleurs, ne savaient pas que j'écrivais. Pour quelle raison aurais-je mis ça sur le tapis ?
Une critique que l'on pourrait émettre à l'encontre de votre trilogie de la Lune, c'est son réalisme. Vous mêlez si subtilement faits réels et imaginaires, en particulier pour les personnages, que l'on en vient parfois à ne plus savoir déceler le vrai du faux. Tout en gardant en tête que l'histoire telle que nous la connaissons a été raconté par les vainqueurs, n'avez-vous pas peur qu'avec vos récits vous puissiez en quelque sorte modifier le passé ?
Ce serait leur accorder une importance qu'ils n'ont pas ! Je crois que personne n'est dupe, aucun lecteur, des libertés que j'ai prises avec l'histoire, même si certains faits rapportés sont réels. Mais ces romans sont souvent l'occasion de découvrir des périodes assez méconnues, par exemple la Commune de Paris, pour les lecteurs curieux de chercher les références qui émaillent mes récits. J'ai parfaitement conscience de pratiquer une forme de révisionnisme en écrivant de l'uchronie, mais dans un but ludique, et pas idéologique. S'amuser à triturer l'histoire, même (surtout !) la plus sacrée, c'est l'interroger, l'explorer, essayer d'en décortiquer les mécanismes. Un exercice d'ailleurs pratiqué dans les équivalents des lycées aux Etats-Unis, dans le cadre des cours d'histoire. En France, on ne s'absout pas assez du solennel, ce qui interdit de remettre en cause certaines valeurs disons passéistes... Mais j'arrête là, on ne va pas faire de politique ici !
Comment définiriez vous le style Héliot ? En effet, dans la trilogie de la Lune, on sent que vous vous efforcez d'usurper le style de l'écrivain qui raconte l'histoire (chapeau pour Jules Verne, on se croirait parfois dans l'un des voyages extraordinaires). Naturellement, comment définiriez-vous votre propre écriture ?
A défaut d'usurper, je dirais imiter, mais c'est bien la même intention. Chaque volume rend hommage à trois époques et trois genres différents : la fin XIX et le roman feuilleton, les années 1930 et le roman noir, les années 1950 et l'espionnage. Ç'a été une grande joie de plagier certains de mes maîtres, Verne, Malet, Vian... Sinon, ma propre écriture est en constante évolution - de mon point de vue du moins ! J'aspire à plus en plus d'efficacité, à me débarrasser des scories, mais c'est un long travail...
On sait que vous êtes actuellement pas mal occupé par des projets jeunesse (serait-ce l'instituteur qui se réveille ?), est-ce que les plus grands ont une chance de pouvoir vous lire à nouveau ? Au vu de la fin très ouverte de « La Lune vous salue bien », on peut s'attendre à un gros « oui ».
Même si la jeunesse occupe une place de plus en plus grande dans mes productions, je n'abandonne pas les collections "adultes". Quant à savoir si je reviendrai ou pas au cycle de la Lune, je n'en sais franchement rien aujourd'hui. J'ai envie d'aller un peu voir ailleurs, vers le polar par exemple, ou d'autres univers SF, avant de me colleter à nouveau à l'uchronie.
Féru d'histoire, de science-fiction, de fantasy, à n'en pas douter vous devez avoir un certain bagage culturel. Pouvez-vous nous confier votre oeuvre préférée dans le domaine de la littérature, de la musique, du cinéma et de la peinture ?
Ouille, question difficile. J'estime sans fausse modestie n'avoir pas une culture très vaste... Mais s'il faut lâcher des noms, j'admire Fante aussi bien que Calaferte en littérature ; en musique, je suis plutôt branché pop sixties (« Odyssey and Oracles » des Zombies est mon album fétiche) ; en cinéma, je suis éclectique, cela va de Renoir aux frères Coen, quant à la peinture, je suis relativement ignorant en la matière, j'aime autant certains impressionnistes que des œuvres contemporaines. Bref, un peu de tout dans tout !
Enfin pour conclure, renversons-les rôles si vous le voulez bien, en vous demandant quelle est la question qui ne vous a jamais été posée mais dont vous ne désespérez pas un jour de donner la réponse.
Quels sont les trois auteurs français de SFF vivants qui ne méritent absolument pas leur succès selon vous ? Mais ne comptez pas sur moi pour donner ici une réponse !

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