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Irène Fernandez et l’univers de C.S. Lewis

Par Guybrush, le jeudi 5 janvier 2006 à 14:26:43

Narnia : comme Harry Potter ?

Irène Fernandez, il y a beaucoup, en ce moment c'est la mode des contes pour enfants qui deviennent des sortes de vastes fresques cinématographiques, on pense à Harry Potter, on pense à Philip Pullman. Que pensez-vous de cette mode ? Est-ce que C. S. Lewis fait partie du train comme les autres ?
Je ne sais pas si c'est une mode: une mode pour qui ? Si c'est une mode pour les enfants qui lisent, on peut en être absolument enchanté mais je ne sais pas si cela traduit quelque chose dans notre société du point de vue des adultes. Et si ça a du succès, si les livres dont vous parlez ont du succès, c'est quand même parce que c'est des bons livres, pour commencer, qu'on lit parce qu'on a plaisir à les lire et parce que c'est vrai que les adultes aussi peuvent avoir plaisir à les lire.
Vous pensez pas qu'il y a une sorte de régression vers l'enfance comme on le dit souvent ?
Ecoutez, là, je ne la vois pas... ça ne consiste, la régression... Lire des livres pour enfants n'est pas une régression, vous voyez, je ne pense pas que c'est un signe d'infantilisme. il faudrait quand même arriver à distinguer l'infantile de ce qui est le fait de l'enfance. ou alors quand le Christ dit de laisser les enfants venir à lui, c'est de l'infantilisme ?
Quand même ce recours à la magie, cette volonté de puissance par l'artifice est-ce que c'est pas quelque chose d'inquiétant ?
Ah, si c'est ça, certainement mais il faut quand même distinguer le royaume de l'imaginaire -pris au sens fort, hein- de, de la magie. La magie en tant que moyen de pouvoir ou recherche du pouvoir est cert..., et surtout si c'est par des moyens plus ou moins occultes etc. ça peut effectivement entraîner sur de mauvais chemins. Je ne crois pas d'ailleurs que si on lit Harry Potter -que personnellement j'aime beaucoup, c'est peut être moins grand je crois que Narnia, Tolkien etc., mais c'est quand même de très bons livres-, mais Harry Potter bien sûr, il a des dons de sorcier, c'est un monde où il y a de la magie, on a des dons -ou non d'ailleurs- par la naissance mais c'est, dans le monde de Rowling, c'est un moyen la magie, c'est un... on apprend une « technique » comme ici on apprend l'informatique, ou autre chose. Alors après, comme l'informatique d'ailleurs, on s'en sert pour le bien ou pour le mal mais, je veux dire, il n'y a pas cette espèce d'atmosphère d'occultisme, de révélation de secrets qu'on aurait, auxquels les autres n'auraient pas accès etc, enfin tout le mauvais côté. Je ne crois pas du tout qu'il y ait ça.
Alors, dans Narnia il y a assez peu de magie justement.
Il n'y a pas de magie non, il y a même pas de magie du tout. Il y a des événements surnaturels, enfin...
Alors, vous avez dit que Harry Potter c'est moins bien que Narnia...Pourquoi ?
Ça c'est un jugement bien sûr que...
Non non, justifiez, pourquoi vous...
Mais ce sont de très bon récits, de plus en plus inventifs, de plus en plus noirs d'ailleurs parce que le dernier est terrible, ça va faire sûrement un choc aux enfants qui liront et qui s'étaient attachés -parce qu'on s'attache aux personnages etc-, alors je veux pas déflorer, mais il y a une mort absolument... d'un personnage essentiel. Mais, si vous voulez, c'est pas un reproche, c'est simplement un autre genre, il n'y a pas dans Rowling, il n'y a pas de poésie. Narnia c'est aussi un grand poème. Si vous lisez Tolkien, il a une poésie, franchement fantastique, voyez. Et bien, il manque cette dimension là. Enfin, à mon avis.
Alors, on a parlé de Harry Potter, il y a un autre livre à la mode, ce sont tous les livres de Philip Pullman. Philip Pullman écrit des choses très violentes contre Narnia.
Philip Pullman, il est vraiment anti-chrétien.
Alors expliquez un peu qui est ce Philip Pullman.
Philip Pullman est un auteur, d'ailleurs, qui a beaucoup de talent, qui écrit bien, qui a une forte imagination créatrice, très bien, mais qui a écrit une, en particulier, une trilogie qui a été traduite et dont on va tirer un film, qui met en scène lui aussi un monde fanstastique etc, mais qui est un monde fantastique de révolte contre Dieu qui d'ailleurs n'est pas Dieu mais un vieil archange gâteux, enfin, vous voyez, ça. Et, bon, c'est d'ailleurs assez sinistre dans l'ensemble, mais enfin, on peut pas dire qu'il manque de talent. Mais il déteste... Il déteste Dieu. C'est pas simplement quelqu'un comme Rowling qui pourrait être agnostique ou bien athée, c'est un anti-Dieu. Par conséquence, il déteste Narnia. Il a écrit encore il y a deux trois ans des articles d'une violence contre Narnia, je veux dire comme « nauséabonds », « horribles », « dangereux », « véhiculant une idéologie dangereuse », voyez. Alors ça vous laisse un peu pantois, mais enfin c'est comme ça.
Sur quoi il se fonde ? Est-ce qu'on peut critiquer Narnia ?
Bien sûr que l'on peut critiquer Narnia, on peut dire, par exemple, il y a des choses... D'ailleurs Lewis, qui est mort relativement jeune, voulait unifier un peu le monde de Narnia - parce qu'il les a écrit comme ça, les uns après les autres. Quand il a écrit le Voyage du Passeur d'Aurore par exemple, il croyait que ça serait le dernier, il y a d'ailleurs comme une espèce de « fin ». Et puis après il en a écrit encore trois autres! Voyez, c'est, donc, on peut, il manque, il y a des choses qui ne sont pas cohérentes, et puis on peut trouver que certains thèmes ne conviennent pas. Je veux dire, on peut toujours critiquer un auteur. Mais ça, Pullman ne le critique pas en tant que, d'un point de vue littéraire, d'un point de vue de la composition, il le critique parce que il est chrétien. C'est d'ailleurs honorable pour Lewis parce qu'il se fait attaquer pour quelque chose, parce qu'il représente... Si vous lisez la fin de Pullman où le vieil archange gâteux se... on arrive à l'expédier, je ne dirai pas « ad patres », je sais pas trop où mais enfin, on se débarrasse de Dieu si vous voulez pour, pour d'ailleurs quelque chose qui n'est pas particulièrement joyeux.
Justement c'est ce que, c'est ce que vous disiez, ce qu'il y a de frappant chez Lewis c'est qu'il y a quelque chose de joyeux, heu... c'est ça qui est frappant.
Ah oui mais, en fait la joie est un de ses grands thèmes, j'allais dire la vraie joie, ce qui d'ailleurs inclut aussi cette joie de la vie. vous savez Lewis c'était un grand buveur de bière, il adorait les femmes comme on l'a déjà dit. Mais la joie c'est une anticipation déjà de la présence de Dieu pour lui, voyez, donc ça, c'est très très important. Tout ce qui est, en fait,... Il connaissait très bien la tristesse, la dépression, le malheur. Il a perdu sa femme alors qu'il s'était marié tardivement -on en avait tiré d'ailleurs un film « Shadow Lands », « Les Ombres du coeur » -qui n'était pas très fidèle mais qui essayait de traiter ça- donc ce n'est pas l'un de ces optimistes qui vous prêchent une joie alors qu'on a envie de... donne des envies de -comme disait Chesterton- de les assassiner. C'est quelqu'un qui, dont la joie au coeur devait être, enfin, comme le signe que Dieu finalement l'emportera. Et ça je crois que c'est très important. Ça se traduit dans une espèce d'allégresse aussi de son propos, de son récit.
C'est une oeuvre allègre.
Ah oui.
Et justement c'est une oeuvre qui, peut-être par son allégresse, contraste avec celui dont on n'arrête pas de parler qui est Tolkien qui lui est, on a l'impression que c'est beaucoup moins allègre, c'est beaucoup plus...
Ah, eh bien, Lewis était un grand ami de Tolkien, vous savez qu'il l'a beaucoup aidé, enfin l'a soutenu pour la composition interminable du Seigneur des Anneaux. Il disait que c'était pour lui une oeuvre où le thème de l'angoisse est dominant. Je crois qu'il parfaitement raison. Mais chez Lewis ce thème existe aussi. Par exemple il y a une île où les rêves se réalisent, à Narnia, qu'on rencontre. Alors tout le monde veut y aller, les rêves se réalisent... En fait ce sont les cauchemars qui se réalisent, pas les rêves ce sont les cauchemars. Vous voyez qu'il y a quand même un côté où il était tout à fait sensible à ça, mais finalement... Il faut dire que Narnia c'est un livre qui se termine dans l'approche du Paradis. Tous les héros sont morts. Il y a quatre ou cinq chapitres après leur mort. Alors évidemment il ne décrit pas la vision de Dieu. Mais, une approche qui est certainement une des plus belles choses que j'ai lues sur la question. Ça, on peut le lire quand on est petit et on peut le lire, certainement, beaucoup plus quand on est adulte.
Écoutez, merci Irène Fernandez de nous avoir parlé avec autant de simplicité et d'allégresse de Narnia et de C. S. Lewis.
Merci.
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