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Un entretien avec Daniel Hanover

Par Alice, le lundi 9 décembre 2013 à 16:00:00

DragonAlias Daniel Abraham !
L'auteur de La Voie du Dragon paru le mois dernier chez Fleuve Noir a bien voulu répondre à nos questions. Il revient pour le coup sur ce nouveau cycle, l'écriture et la fantasy en général, ou bien encore sa relation avec George R.R. Martin, que Daniel Abraham/Hanover connaît bien.
Retrouvez ci-dessous la traduction de cet entretien exclusif !

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L'entretien

Quelles étaient vos intentions derrière La Dague et la Fortune ? Quelle est la plus grosse différence avec vos œuvres précédentes ?
La Dague et la Fortune représente pour moi d’essayer de livrer mon interprétation des forces de la fantasy épique et aussi d’utiliser la forme comme une façon de revisiter toute une série de mes trucs préférés. Avec mon cycle précédent, Les Cités de Lumière, je voulais faire quelque chose de vraiment nouveau et différent des attentes du genre. Avec La Dague et la Fortune, je voulais faire quelque chose de plus familier mais du mieux possible.
Le monde financier est par exemple rarement mis en avant dans le genre de la fantasy. Qu’est-ce qui a piqué votre intérêt ?
Je me suis intéressé à l’économie tard dans ma vie grâce aux livres House of Niccolo de Dorothy Dunnett, L’histoire de la banque Médicis de Tim Park (Medici Money) et quelques livres d'économie populaires. Ce que j’ai trouvé était fascinant : un intérêt passionné, et souvent mal dirigé, pour la façon dont les gens travaillent, une profonde considération des tromperies et du contrôle des informations, et une histoire parallèle du monde, différent du point de vue traditionnel sur l’histoire qui la considère comme un ensemble de guerres et de périodes vides entre elles. C’était un peu comme tomber dans le trou du lapin et de se réveiller au Pays des Merveilles.
Quelles questions explorez-vous ici et pensez-vous avoir réussi jusque là ?
La question au cœur de La Dague et la Fortune est le danger que représente la sécurité et le pouvoir rédempteur du doute. Quant à savoir si j’ai réussi, ce n’est pas quelque chose que je peux dire. Certainement, je sens que j’ai donné mon opinion là-dessus d’une façon qui m’a diverti et j’ai raconté une histoire que j’ai adoré tout du long, mais savoir si elle parle à d’autre personne est mon réel défi. Les lecteurs sont les seuls qui peuvent le dire.
Aimez-vous jouer avec les tropes de la fantasy ? Certains de vos personnages, comme Dawson ou Geder peuvent déstabiliser complètement les lecteurs.
Je pense que les tropes de la fantasy, comme tous les clichés, sont utilisés parce qu’ils fonctionnent. Il y a toujours le risque qu’ils soient trop utilisés mais s’ils peuvent rester frais et intéressants, ils sont vraiment puissants et le deviennent d’autant plus grâce au poids qu’ils transportent avec eux à travers le temps. Dawson, par exemple, a le rôle d’un noble quasiment classique de la fantasy qui s’accroche à l’honneur, à la chevalerie et à ce qu’il pense être juste. En fait, il est basé sur Friedrich Reck-Malleczewen qui a écrit A Diary of a Man in Despair (Le journal d’un homme désespéré). Reck-Malleczewen était un anti-nazi convaincu non parce qu’il croyait en la liberté ou à l’égalitarisme mais parce qu’il était royaliste et que les nazis faisaient partie de la classe inférieure. Il les appelait « la révolution des peintres en bâtiment ». L’idée de prendre quelqu’un si désespérément du mauvais côté de l’histoire qu’il se doublait lui-même et devenait encore une fois un héro était une idée fascinante pour moi et convenait parfaitement à l’idée d’un noble engagé au sein d’un ordre social statique dans une histoire sur le point de changer.
Comparé à vos œuvres précédentes, cette nouvelle série a-t-elle une place spéciale dans votre cœur ?
Chaque histoire a une place spéciale dans mon cœur. Ces livres ont incontestablement la leur. Ils me permettent de raconter une histoire vraiment très différente et très longue qui va être amusante. Les moments des livres qui fonctionnent le mieux me rendent heureux quand je les relis. Quelque soit leur place sur le marché, c’est un signe pour moi que j’ai réussi à faire ce que je voulais faire.
Comment est né votre intérêt pour le genre de la fantasy ?
J’ai lu énormément de fantasy quand j’étais enfant mais en tant que choix de carrière, cela a été un hasard plus qu’autre chose. En fait, j’écrivais dans beaucoup d’autres genres et dans d’autres formes mais c’était ce que j’ai trouvé sur le marché en premier et donc c’est ce qui a suscité mon intérêt et ce auquel je me suis identifié.
Vous êtes actuellement en train de travailler sur le quatrième livre de la saga. Quel est votre aspect préféré dans l’écriture ?
Je suis l’une des rares et chanceuses personnes qui aiment réellement le processus d’écriture en lui-même. J’ai beaucoup d’amis et de collègues qui aiment énormément avoir écrit. A la fin d’un projet, je suis plus triste que soulagé et j’ai toujours plaisir à commencer autre chose.
Vous avez écrit beaucoup de nouvelles. Qu’aimez-vous le plus dans ce format ?
Les nouvelles ont toute une gamme différente d’histoires possibles. Il y a des nouvelles extrêmement brillantes qui auraient fait de terribles romans et vice versa. Je pense qu’il y a une certaine finesse dans les intrigues des nouvelles que j’adore.
Avec l’adaptation en bande dessinée du Trône de Fer, The Expanse (avec Ty Franck) et vos autres romans et nouvelles… vous devez être très organisé pour gérer tout ça !
Avant de devenir un écrivain à plein temps, j’ai passé presque dix ans à travailler dans l’informatique. L’idée de devoir refaire du support technique me permet de mieux me concentrer sur le fait de ne plus avoir de support technique à faire.
Vous êtes un blogger assidu : est-ce qu’Internet est un outil important en terme de communication avec vos lecteurs, de recherches, etc ?
Internet est un outil brillant pour les recherches. Des choses qui m’auraient pris des semaines ne me prennent que quelques heures. En ce qui concerne le média social comme un pont entre l’écrivain et ses lecteurs, honnêtement, je ne sais pas si cela est efficace. Je le fais autant que j’aime le faire, mais je ne pourrais pas dire si cela aide ou m’encombre professionnellement, et il y a certainement un grand nombre de lieus où l’auteurs qui s’implique est vu comme une intrusion, je le déplore.
Quelle est votre opinion sur la fantasy aujourd’hui ?
Je pense que la fantasy passe par une période très sombre. Que ce soit sur le travail qui entraîne explicitement l’attente d’une noirceur comme dans l’œuvre de Joe Abercrombie ou sur des projets qui puisent leur force d’une profonde tristesse comme Le Trône de Fer, il y a une forte envie, non tant des écrivains que des lecteurs, de mettre en valeur le sombre et le « réalisme » réaliste. J’utilise des guillemets parce que, bien sûr, la réalité n’est pas si constamment sombre et violente comme dans ces œuvres. C’est un mouvement esthétique au sein même du genre, et au moins aux États-Unis, je pense que c’est une réaction aux décennies de guerre qui n’ont pas laissé beaucoup place aux vraies discussions. Je pense que la fantasy épique est devenue un lieu pour exprimer sa désillusion avec cette idée de bonne guerre dans un environnement où cette opinion est très banale et inexprimée.
Sur notre site Elbakin.net, nous avons récemment fait un podcast sur les romans basés sur Star Wars, Les Royaumes Oubliés, etc… quelle est votre opinion sur les romans sous licence et qu’est-ce que cela signifie pour vous de travailler dans l’univers de Star Wars avec Honor among Thieves ?
J’aime vraiment les romans sous licence. J’ai grandi en lisant les romans Star Trek écrit par des écrivains de première classe comme Vonda McIntyre et John M. Ford. Ils sont particulièrement réconfortants parce que le contrat avec le lecteur est déjà explicite. Quand Ty et moi avons écrit dans l’univers de Star Wars, on écrivait une histoire de Star Wars. C’est très sûr, un espace très confortable pour les écrivains et les lecteurs. Je sais qu’il y a quelques personnes qu pensent que tout écriture est meilleure quand elle est énervée et conflictuelle, mais je pense qu’ils sous-estiment la valeur du confort et de l’évasion.
George R.R Martin recommande La Dague et la Fortune. Vous avez travaillé avec lui dans le passé. Comment pourriez-vous définir votre relation ?
Dans Le Guide du Voyageur Galactique de Douglas Adams, il y a un moment où le thérapeute de l’ex-président de la galaxie Zaphod Beeblebrox est interviewé et il déclare : « Et bien, Zaphod c’est juste le gars, m’voyez ? » George, c’est juste ce gars, m’voyez ? C’était mon professeur à l’atelier de Clarion West, nous avons écrit une novella et puis un roman ensemble, on a joué à certains jeux de rôle, on mange ensemble de temps en temps. Souvent, j’ai l’impression qu’il y a deux personnes : George R.R Martin, demi-dieu du genre fantasy et puis George avec qui je mange et je déblatère sur des trucs parfois. Il est intelligent, drôle, on n’est pas d’accord sur la politique et l’art, et j’adore être en sa compagnie.
Une série basée sur The Expanse est en ce moment en développement. Pouvons-nous espérer la même chose pour La Dague et la Fortune ?
Il y a toujours de l’espoir mais je doute que La Dague et la Fortune soit facilement adaptable en film. C’est un projet exclusivement fait pour l’écriture.
Dernière question mais non la moindre, souhaitez-vous partager quelque chose avec vos lecteurs français ?
J’espère seulement qu’ils adoreront les livres autant moi.
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