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Imaginales 2012 : un entretien avec Pierre Grimbert

Par Gillossen, le vendredi 15 juin 2012 à 15:00:00

2012L'interview a été réalisée le dimanche 3 Juin 2012, dans la voiture de Pierre, pour s’abriter de la pluie et pour pouvoir enregistrer sans bruit parasite extérieur, avec la souriante compagnie d’Audrey Françaix.
Pierre Grimbert est invité aux Imaginales pour la sortie du dernier tome du cycle des Gardiens de Ji, Les vénérables, il y a juste quelques jours, et Audrey Françaix pour son dernier livre Le club des apprentis criminels, sorti en Avril.
Un très grand merci à tous les deux ainsi qu'à ramaloce qui s'est chargée de cet entretien et de sa retranscription !

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L'entretien

Quel effet cela vous fait de boucler les Gardiens de Ji ?
Alors bien évidemment ça fait une petite pointe d’émotion, même si c’est quelque chose que j’attendais depuis très longtemps. J’ai également un sentiment de nostalgie par rapport à toute l’aventure ; ça boucle une période de ma vie en quelque sorte. Mais je ressens aussi un certain soulagement parce qu’il y a beaucoup de scènes que j’avais en tête depuis plusieurs années, et le fait de les avoir enfin couchées sur papier et « figées pour l’éternité » c’était une certaine libération. Beaucoup d’émotions mélangées, donc, et petit à petit ce qui en ressort c’est une certaine satisfaction, parce que je vais pouvoir passer à quelque chose de neuf, et j’ai un regain d’enthousiasme pour pouvoir repartir sur quelque chose de différent.
La religion est un thème central de la série du Secret de Ji aux Gardiens de Ji en passant par les Enfants de Ji, est ce que la religion tient une place importante dans votre vie ?
Et bien pas du tout ! (rires) Je ne suis pas croyant. Bien évidemment il ressort du secret de Ji que je ne suis pas pour les extrémismes, bon même si évidemment l’idée n’est pas d’en faire un bouquin militant. Moi, je voulais faire un livre de distraction. Par rapport à mon idée originale sur la quête des héritiers du secret oublié, il s’est trouvé que j’ai été amené à parler de plus en plus de religions, de divinités et évidemment une partie de mes propres convictions est passée dans le texte. Et donc la religion ne prend pas de place dans ma vie puisque je ne suis pas croyant, mais forcément elle se retrouve de manière centrale dans le texte. C’était un petit peu imposé par l’intrigue et son développement, surtout après tant de volumes.
Pensez-vous que la religion pour certaines personnes peut être une forme de magie du monde réelle ?
Sans doute ! Je respecte tout à fait, et c’est important de le préciser, que chacun a son propre univers, j’enfonce des portes ouvertes mais ce que vraiment je dois dénoncer à travers le Secret de Ji, ce sont évidemment les extrémismes. Ensuite, du moment que chacun est dans son univers et ne cherche pas à l’imposer aux autres, tout le monde va bien ! (rires)
Qu’est ce que tu écris actuellement ou quel est ton projet en cours ?
Alors là je suis en pleine période de prise de notes, ça fait même plusieurs années (rires), j’essaie de retravailler de la même manière avec laquelle j’ai commencé le secret de Ji. Quand j’ai voulu me lancer dans l’écriture d’un roman, je me suis consacré une période de prise de notes pendant deux mois, en m’interdisant d’écrire la moindre ligne, pour justement enrichir l’histoire, etc., que je voulais faire. Il s’est trouvé que comme c’était ma première expérience, j’avais pris beaucoup trop de notes et je voulais faire un seul volume et finalement, je me suis retrouvé à en écrire quatre. Pour mon prochain projet, pour lequel j’ai beaucoup d’espoir et d’enthousiasme, j’essaie de travailler de la même manière, ça fait plusieurs années, avec une accélération ces dernières semaines, je passe mon temps à prendre des notes mais je n’ai encore rien écrit dessus. Je ne peux pas encore en parler, je n’ai pas encore de titre, mais je peux dire que ce sera de la fantasy probablement pour un public un peu plus jeune que pour le Secret de Ji, qui s’était noirci de plus en plus au fur et à mesure des cycles. Je veux revenir à quelque chose d’un peu plus frais et léger.
Y aura-t-il un nouveau tome pour le Prophétionnel ?
Moi j’aimerais beaucoup parce que c’est une série qui me tient vraiment à cœur et que j’apprécie particulièrement, et mon entourage aussi. Et on est un petit peu désolé de voir qu’il n’a pas autant de succès que j’aimerais. J’aimerais beaucoup faire au moins un troisième tome pour le Prophétionnel, et plus si affinité, mais je suis bêtement soumis à des contraintes économiques de rentabilité…
Même question pour le monde d’Edward Craft, y aura-t-il une suite au Bas de Larguevent ?
En principe je finirai par faire une suite parce que je n’aime pas laisser les choses inachevées. J’ai eu le problème avec la Malerune qui a pu être terminée heureusement avec Michel Robert de manière brillante. Il faudrait que je le termine, là j’ai une deuxième difficulté, c’est que j’ai abandonné le jeu dont il est inspiré. Il va falloir composer avec tout ça, malheureusement je ne peux pas donner une réponse franche, d’un côté je n’aime pas laisser les choses inachevées, d’un autre coté, cela ne va pas être évident de trouver les conditions idéales pour l’écrire, donc pour l’instant, ça reste en suspens malheureusement.
Vous travaillez avec votre femme, Audrey, est ce que vous vous corrigez mutuellement ?
(Audrey) Ah oui, nous sommes nos premiers lecteurs. Je lis son livre au fur et à mesure. Et il procède pareillement avec mes romans. (Pierre) Toute la partie correction, bien sûr, nous sommes nos propres lecteurs/correcteurs, mais il y a aussi une partie importante à mes yeux, pendant même le développement de l’intrigue ou de l’action, on se retrouve parfois bloqués ou hésitants entre plusieurs alternatives… (Audrey) Oui, le fait de nous relire mutuellement et d’en discuter entre nous, ça développe des idées.
Vos enfants sont-ils vos lecteurs tests ?
(Audrey) L’aîné, qui a 12 ans, commence à lire nos livres. Le plus petit a 7 ans, donc il ne s’y intéresse pas encore… (Pierre) Comme il est très gentil, il aime toujours tout ! (Audrey) Je crois que nos jeunes lecteurs nous aident à aller à l’essentiel. On aurait tendance à mettre un peu trop de fioritures, trop de descriptions… et quand on le fait lire à notre aîné, on se rend compte qu’il se régale vraiment quand il y a très peu de descriptions.
Vous avez écrit le festin d’Ohmelle, est ce que le livre est inspiré des talents de cuisiniers de Pierre ?
(Audrey et Pierre) NON ! (rires) (Audrey) Il ne fait pas du tout la cuisine, c’est moi qui cuisine ! Je devais faire l’école hôtelière, à la base. Je voulais être cuisinière. J’ai donc pris des cours, d’abord par correspondance, puis je comptais m’inscrire à l’école hôtelière si ma tentative de devenir écrivain échouait. Et finalement, les romans ont bien fonctionné, alors j’écris mais je continue à inventer des recettes, sans arrêt. Pierre est mon testeur. (Pierre) (rires) Une place enviable c’est vrai !
Vous avez fondé les éditions Octobre en 2004, est ce que vous prenez goût au métier d’éditeur ?
(Audrey) En fait, à la base, nous avons créé les éditions Octobre pour nous offrir une liberté supplémentaire, pour pouvoir vraiment créer nos livres de A à Z, choisir nos illustrateurs, nos formats… donc ça c’est tout le côté ludique et amusant de la chose. Après ce qui est le plus embêtant ce sont les contraintes que nous n’avions pas avant… La paperasse, la comptabilité de la société, etc. C’est moins amusant d’être éditeur qu’auteur. Mais nous avons plus de liberté, et nous nous impliquons davantage dans la réalisation de nos romans.
Est-ce que les éditions Octobre vont distribuer des livres électroniques ?
Oui ! Techniquement, on est prêt, on pourra assez vite lancer nos premiers livres numériques. Il nous reste tout simplement à définir, à arrêter notre choix sur tout ce qui concerne en fait les droits d’auteurs, la part qui revient entre l’auteur, l’éditeur et les différents distributeurs. C’est donc encore une contrainte économique. Parce qu’on essaye de garder à l’esprit ce qui aussi nous a motivés au début, c'est-à-dire d’offrir des droits d’auteurs assez importants aux artistes, et on voudrait retrouver la même chose dans le numérique. Malheureusement, comme on ne peut pas (selon nous) vendre les numériques au même prix que les livres papiers, il faut les vendre moins cher, donc forcément l’auteur touche beaucoup moins et là ça nous pose un problème. On essaye de trouver une solution à ça pour que l’auteur touche au moins ou à peu près la même chose que pour un livre papier.
Pensez-vous à la solution que lorsque l’on achète le livre, on a la version électronique pour un euro de plus ?
Tout à fait ! Cela a été étudié aussi avec notre nouvelle plateforme internet, ce sont des choses que l’on peut étudier et mettre en place.
Sur le site des éditions Octobre, vous expliquez que vous prenez très peu de nouveaux auteurs…
On reçoit beaucoup de manuscrits. Le problème c’est que d’une part on apprécie beaucoup cette liberté qui ménage notre vie familiale, puisque les éditions Octobre sont à notre domicile personnel, il n’y a pas de stagiaires, etc. (Audrey) On est deux à travailler, et cela reste une petite structure qui se développe bien, mais qui garde sa taille familiale. (Pierre) Faire plus de sorties par an, ça impliquerait soit plus de travail, soit d’impliquer d’autres personnes, de prendre des risques, de faire des embauches… Bon c’est très bien de créer des emplois mais par contre, ce n’est pas du tout notre ambition, on veut rester à notre taille artisanale/familiale. Donc malheureusement, on reçoit beaucoup de manuscrits, dont certains qui sont très bons, mais est-ce qu’on est prêt à prendre le risque ? Parce que ça reste toujours un risque financier de les éditer sans garantie – en général, ce sont des premiers romans – et de multiplier notre charge de travail… Ça fait beaucoup de choses à prendre en compte avant de dire oui à un manuscrit. C’est vrai qu’on discute souvent là-dessus.
Nous parlons souvent sur le site Elbakin.net de la promotion des jeunes auteurs, comment avez-vous fait pour avancer et rendre visible votre premier roman Six héritiers à l’époque ?
Comme je le dis souvent, j’ai eu de la chance sans doute, puisque j’avais écrit « Six héritiers » qui au départ devait être un seul roman, comme je l’expliquais, mais qui s’est retrouvé le début d’une tétralogie. Je me disais « ça ne marchera jamais », quel éditeur va prendre un jeune auteur, surtout sur quatre livres ? Le livre étant fait, je l’ai envoyé, et il s’est trouvé que les éditions Mnémos étaient naissantes et étaient à la recherche de textes. À l’époque il y avait beaucoup moins d’écrivains amateurs de fantasy et étrangement mon manuscrit est sorti du lot des quelques poignées de textes qu’ils avaient dû recevoir, et puis ils ont pris le risque. (rires) Pour moi tout s’est très bien passé, j’ai envoyé mon manuscrit un vendredi et j’ai eu un coup de fil des éditions Mnémos le vendredi suivant. C’était merveilleux !
Mnémos a publié le livre, mais est-ce que vous-même avez pris des initiatives personnelles pour le faire connaître ?
À l’époque, je m’invitais de force dans tous les salons qui étaient dans ma région où je pouvais me taper l’incruste (rires), et là où les autres auteurs étaient invités à l’hôtel, moi je disais « je peux venir, j’irai au camping ». À l’époque, j’ai fait pas mal de promotions comme ça. Je ne sais pas si c’est ça qui a été décisif, mais j’étais motivé à me faire connaître. Il n’y avait pas encore internet sinon je me serais contenté de créer une page facebook et de visiter les forums. Enfin, il y avait internet mais pas de la même manière qu’aujourd’hui.
avec le recul, est ce qu’il y aurait des choses que vous feriez différemment ?
Aujourd'hui, il faut absolument passer par internet je pense. Surtout que les lecteurs des littératures de l’imaginaire sont pour moi des gens qui sont, c’est peut-être une fausse idée, des gens qui sont bien au courant des nouvelles technologies, des moyens de communications et c’est un bon moyen de les toucher. En plus il y a tout cet aspect d’espace communautaire, on sait où les lecteurs sont, on sait qui ils sont, donc c’est plus facile de les toucher. Le problème c’est qu’à l’heure actuelle, il y a beaucoup beaucoup de textes, beaucoup de gens qui produisent des textes, ce qui fait qu’il y a une offre très grande. Comment se démarquer du reste, c’est un problème.
Vous interagissez beaucoup avec vos lecteurs ?
(Audrey) Ils nous envoient des emails, essentiellement des emails. Mais nous avons décidé d’aller davantage à leur rencontre, car ils nous motivent, et c’est toujours un plaisir de discuter avec eux. (Pierre) Je n’ai pas de page communautaire, mais je réponds aux emails avec plus ou moins de rapidité. (Audrey) On n’est pas encore au point au niveau de facebook. On s’y met tout doucement.
Un dernier mot pour finir ?
À dans 10 ans pour la prochaine interview !
Mais non, ce sera avant !
Propos recueillis et mis en forme par Ramaloce.

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