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Entretien avec David Anthony Durham
Par Thys, le mardi 3 juillet 2007 à 13:54:33
L'une des sorties majeures et le plus en vue des dernières semaines aux Etats-Unis, Acacia de David Anthony Durham sera bientôt critiquée sur Elbakin.net, rejoignant nos nombreuses chroniques VO.
En attendant, et après vous avoir déjà quelque peu présenté ce roman qui ne saurait manquer la traversée de l'océan Atlantique pour arriver en version française un jour ou l'autre, nous avons décidé de vous proposer une interview de l'auteur, intégralement traduite pour vous, chers lecteurs. Si vous êtes curieux, et même si ce n'est pas le cas, nous ne saurions que trop vous conseiller de la lire !
Dès maintenant !
L'interview proprement dite
- Votre premier livre fantasy Acacia sort en juin, quelles sont les qualités qui devraient inciter les lecteurs à s'intéresser à cette nouvelle série ?
-
David Anthony Durham : J'aimerai bien penser que les lecteurs fantasy trouveront qu'ils n'ont jamais rien lu comme Acacia. J'ai été très heureux que les premières critiques le comparent avec George RR Martin, Gay Gavriel Kay et Ursula LeGuin. C'est à la fois flatteur et ça rend humble. Ce sont tous des influences et des inspirations, mais je ne suis vraiment comme aucun d'entre eux. Je suis arrivé en fantasy en tant qu'écrivain de fictions historiques. Mon approche de la narration et de la construction du monde n'a pas les mêmes bases, de même que la vision du monde. J'ai grandi en tant que noir aux Etats-Unis, mais ma famille est originaire des Caraïbes – ce qui signifie que mes perspectives ont été façonnées par une culture différente. En tant qu'adulte, j'ai choisi de vivre pendant des années en Europe. Je suis marié avec une Ecossaise (née dans les Shetland, rien moins, aussi différente que possible) et appartenant à une famille étendue multiraciale qu'on retrouve aussi loin dans le monde qu'en Nouvelle-Zélande. Tout ceci renseigne sur mon écriture. Le monde d'Acacia est multiculturel et divers. Les méchants et les héros ne se définissent pas en noirs ou blancs. Je vois le monde de manière bien plus complexe, et je voulais que cette complexité nourrisse la narration d'Acacia. J'ai entendu beaucoup de lecteurs fantasy dire que, bien qu'ils aient leurs auteurs favoris, ils cherchent aussi quelque chose de différent. C'est ce que j'ai essayé de faire.
- J'ai noté que le titre de la série est The war with Mein, Acacia est donc le premier d'une série de plusieurs tomes ?
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Oui. Pour le moment, je suis sur une intrigue qui porte sur deux livres supplémentaires. Je ne voudrai pas trop en dire – sur ce qui se passe dans ce livre ou le prochain – mais je dirai que les deux prochains livres impliquent des luttes beaucoup plus vastes qui mettent en cause bien plus de pays. C'est à propos du conflit entre le Monde connu et les Autres terres.
- Votre précédent livre relevait du domaine historique. Qu'est-ce qui vous a amené à la fantasy ?
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Je pensais à Acacia depuis 8 ans avant de l'écrire. Et ceci seulement en ce qui concerne le scénario et les conflits du roman. Mon amour de la fantasy remonte bien plus loin. J'ai appris à aimer lire grâce à la fantasy. Je n'étais pas un très bon lecteur lorsque j'étais jeune. C'était dur pour moi, mais lorsque j'ai commencé à lire de la fantasy j'ai découvert des mondes, des personnages et des histoires si merveilleuses que j'avais plus qu'envie de m'y frayer un chemin. Je dois beaucoup à C. S. Lewis, Lloyd Alexander, Ursula LeGuin, et, bien sûr, à Tolkien. Je me rappelle la première fois que j'ai lu 40 pages en un jour. C'était le Hobbit. Et je me rappelle le jour suivant, lorsque j'en ai lu 60, et le jour encore après où j'ai lu un exceptionnel 90 pages en un jour ! Je n'avais jamais pensé que ce soit possible – enfin, pas pour moi.
J'étais à Trinidad à ce moment, imaginez donc le mélange, être plongé dans la Terre du Milieu tout en étant entouré par la chaleur des tropiques, l'odeur de la cuisine au curry, le bruit des lézards et la vision des busards tournoyant au loin, attendant la fin des incendies pour ramasser la nourriture…J'ai eu de la chance que les histoires imaginaires puissent parler à travers tant de différences raciales, culturelles et géographiques. Je pense que c'est encore le cas aujourd'hui, de manière plus actuelle. Il s'est écoulé de longues années entre cette enfance et maintenant. Pendant ce temps, j'admets que j'ai perdu la fantasy. J'ai étudié l'histoire et l'anglais à la fac, et j'ai été diplômé en écriture. J'étais endoctriné dans un monde littéraire qui prenait de haut tout ce qu'il considérait comme de la littérature de genre. Ils étaient nombreux à la fac à dédaigner le scénario, la narration, l'aventure, l'ambition de raconter de grandes histoires, et ils prenaient de haut les écrivains qui étaient lus par de vrais gens. Le temps que je m'en échappe, j'avais oublié une bonne partie de ce qui faisait que j'aimais lire, au début. C'est seulement après en être sorti depuis quelques années, et avoir souffert du rejet de mes deux premiers romans (toujours pas publiés) que j'ai lentement commencé à redécouvrir l'amour de la lecture. La famille de ma femme m'a rappelé cela – à la différence de la doctrine de la fac – des gens intelligents lisent des fictions historiques, des polars, de la SF et de la fantasy. Je me suis rappelé que j'aimais les scénarii, l'action, l'aventure, et que des problèmes intéressants peuvent être abordés pendant que l'on divertit le lecteur. Cela m'a remis dans la bonne voie pour écrire des romans publiables avec des tonnes de scénarii. Gabriel's story est un western. Walk through darkness est un roman de poursuite. Pride of Carthage est une ancienne épopée guerrière. Le bond jusqu'à la fantasy peut sembler arbitraire à certains, mais pour moi, c'est un retour là où a commencé mon amour de la lecture. Je suis fier de ça, et j'aimerai rester dans cette partie du monde littéraire pour un moment. - Pouvez-vous nous parler des différences de recherches entre l'historique et la fantasy ?
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C'est finalement assez semblable. Je me rappelle de Neal Stephenson disant que construire le monde de The baroque cycle n'était pas différent que construire des mondes pour des livres plus évidemment SF. Dans tous les cas, il faut bâtir un monde étranger crédible. Pour Pride of Carthage j'ai du étudier les textes historiques pour avoir des détails sur cette époque et ce lieu étrange, avec Acacia, j'ai dû créer des détails similaires, qui paraissent aussi substantiels et réels. Pour Pride of Carthage, j'ai lu plus spécifiquement à propos des anciennes guerres en Méditerranée, pour Acacia j'ai lu plus largement sur l'histoire mondiale, la mythologie, l'anthropologie culturelle. C'était super d'être libéré des limites de la fiction historique. Je pouvais prendre un peu d'histoire Européenne, un peu d'Afrique tribale, un peu de l'épopée de Gilgamesh, un peu d'histoire Chinoise…et je pouvais mélanger tout ça avec quelques sorciers bannis et une invasion par des guerriers nomades. C'était marrant.
- Il y a des ellipses dans vos romans, lorsque les enfants de la famille royale Akaran deviennent adultes. Les fans de George RR Martin connaissent son envie d'éviter d'écrire sur des enfants autant que possible – il voulait hâter leur croissance – était-ce un problème pour vous, et si oui, trouvez-vous cela embêtant en tant qu'auteur ?
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Je n'ai pas de réticence à écrire à propos d'enfants. En fait, je voudrais écrire des livres pour jeune public un de ces jours. La décision de sauter ces années était une décision de mercenaire. Je savais que mon éditeur partait dans un territoire inconnu avec ce roman. J'avais une grosse pression pour livrer autant de l'histoire que possible en un seul livre. J'ai proposé de fractionner ce livre en 2 ou 3 tomes, mais nous ne sommes pas tombés d'accord sur la manière de le faire avec mon éditeur – et nous n'étions pas sûr que ce soit la bonne chose à faire. J'ai donc choisi de faire le break entre la première et la seconde partie pour avancer jusqu'au centre du conflit et à ce que les jeunes adultes Akaran vont faire à ce propos.
- Serait-il incorrect de dire que la Ligue est devenue un punching ball capitaliste dans Acacia ?
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Si vous me demandez si cela représente ma critique de ces pouvoirs commerciaux énormes qui influencent la politique internationale, contrôlent l'approvisionnement global et réclament leur profit monétaire…Eh bien, oui, il y a quelque chose du punching ball là-dedans. Bien que, pour un punching ball, ils soient rarement frappés par les coups qui ébranlent le monde en frappant toutes les autres forces majeures. Ils flottent au dessus de tout ça, ramassant toujours un profit alors que les nations s'élèvent et tombent. Je les respecte presque pour ça.
- L'une des choses les plus intrigantes dans les traditions ou l'entraînement militaire des Akaran, pour moi, est le fait de mimer strictement les séquences de combat historiques ou même mythiques dans les combats présents. D'où vient cette idée ?
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La notion de la Forme est née d'elle-même – dans le sens où je ne suis pas sûr de savoir quand, où ou bien pourquoi elle s'est formée. Elle est juste venue. Elle semblait bien. D'une certaine manière, elle est symbolique de la vision qu'ont d'eux-mêmes les Akarans. Leurs nobles se tournent vers un passé mythique idéalisé. Ils se voient comme les descendants d'anciens héros, alors quoi de mieux pour leurs jeunes guerriers que de suivre l'exemple des anciens ? Je pense qu'ils comprennent qu'il est improbable qu'ils se retrouvent dans la situation précise du Prêtre d'Adaval, par exemple, contre les 20 gardes à tête de loup du culte rebelle d'Andar…pourtant, il y a beaucoup à apprendre à entraîner le corps dans la routine. Et puis je pense que les entraînements de la Forme concernent l'endoctrinement d'une génération pour qu'elle s'approprie les mythes nationaux.
- Quelles sont vos influences littéraires ?
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Il y en a tant, qui datent de différentes époques. Comme je l'ai dit, j'ai appris à aimer la lecture grâce à Tolkien, Lewis et Leguin. A la fac, je me suis mis aux auteurs Afro-Américains tels que Toni Morrison, Ralph Ellison, Richard Wright, et puis à la fiction mondiale, d'Amérique Latine, d'Afrique, d'Europe Orientale, de Russie. En tant que romancier historique, je me suis intéressé à Cormac McCarthy, Margaret Atwood, T. C. Boyle, Louise Erdrich, Michael Chabon. J'aime aussi les bons auteurs de polars, James Lee Burke, George Pelecanos, Walter Mosley, Dennis Lehane. Et plus, récemment, j'ai réappris à aimer la SF et la fantasy avec Frank Herbert, Neal Stephenson, Neil Gaiman, Susanna Clarke, George R. R. Martin. Il y en a bien d'autres aussi. Posez-moi la même question un autre jour, il est possible que vous obteniez une réponse différente.
- L'un des thèmes que vous abordez est l'application du rôle de leader et les motivations bénignes ou altruistes de ce rôle. On voit cela autant avec les Akarans que le Mein. Est-ce une observation précise, et si oui, qu'est-ce qui vous a amené au sujet ?
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C'est une observation précise. C'est le monde moderne et le rôle qu'y joue l'Amérique qui m'y a amené. J'ai vécu assez longtemps à l'étranger pour savoir que nombre de personnes très intelligentes considèrent les actions, les intentions et les effets de l'Amérique sous une lumière très différente de celle sous laquelle les Américains se voient eux-mêmes. Je ne pouvais pas l'ignorer, surtout parce que ces idées viennent de gens qui j'aime beaucoup – mes nouveaux amis et ma nouvelle famille. Je suis toujours assez Américain pour espérer que leadership et altruisme puissent aller ensemble. D'un autre côté, mes études de l'histoire et mon expérience de la vie remettent en question cet espoir.
Mes personnages doivent se confronter au problème à ma place. C'est ce qui m'intéresse à leur propos. Il est rare qu'un personnage ouvertement mauvais soit au premier plan de mon travail. Ils peuvent évoluer en marge, mais les personnages principaux sont des gens qui essayent de faire de leur mieux face à ce qui leur arrive. C'est vrai de Leodan Akaran alors qu'il gouverne l'empire dont il sait qu'il est pourri de l'intérieur. C'est le cas de Hanish Mein quand il tente de conquérir cet empire et de trouver un meilleur moyen de le gouverner. C'est aussi le cas des enfants Akaran qui grandissent et – parfois à contrecœur – finissent par accepter le rôle que leur assigne leur naissance. - Les enfants Akaran prennent différents chemins, lesquels avez-vous préféré voir grandir ?
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J'ai tous aimé les écrire. Si je devais désigner un favori, ce serait Mena. Je ne voudrais pas trop en dire mais j'aime la manière dont elle grandit pour passer de l'enfant intuitive qu'elle était à déesse de la rage qu'elle devient plus tard. J'aime aussi ce que devient Daniel.
- Alors que vous écriviez les livres, y a-t-il un personnage qui vous a surpris dans son évolution ou est-ce que tout s'est organisé comme prévu ?
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C'est étrange – j'ai entendu d'autres auteurs en parler – mais je savais exactement comment ce tome finirai lorsque je l'ai commencé. Je ne savais pas vraiment comment j'allais atteindre cette fin, donc, le gros travail du livre est de comprendre comment les personnages vont devenir ce que je sais qu'ils seront à la fin.
- Le personnage que j'ai préféré suivre dans Acacia est le général Leeka. Autrement, on suit presque toujours les familles Mein ou Akaran. Quelle perspective apporte Leeka au livre ?
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J'aime sélectionner une large toile de personnages principaux pour représenter différentes couches de la société dont je parle. Je l'ai fait dans une moindre mesure dans mes derniers écrits, et puis, j'y suis largement revenu dans Pride of Carthage. Il est vrai que l'on suit beaucoup les deux familles principales dans Acacia mais il y a également Thaddeus, Rialus et votre favori, Leeka. Ils sont tous importants à mes yeux, mais Leeka était également mon préféré. Depuis ses premières scènes il est sur le terrain, dans la nature, défendant sa vie. Alors que la plupart des personnages principaux ignorent même que quelque chose cloche, Leeka affronte déjà une horde d'envahisseurs telle que l'empire n'en a jamais affronté auparavant. J'aime la juxtaposition de ses scènes d'action avec les scènes plus calmes qui se déroulent dans le luxe et la sécurité apparente de l'enceinte royale. Tous les autres personnages principaux ont hérité leur rang et leurs responsabilités. Leeka est un bosseur, un soldat de carrière. Ce qu'il fait dans ce tome – et dans les suivants – vient de sa seule initiative. Je respecte cela en lui.
- Le rôle de conseiller est classique en fantasy et vous en avez quelques-uns. Thaddeus est-il censé servir de comparatif ou de contraste avec Rialus ?
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Ils sont en conflits pour différentes raisons – et ils ont des personnalités très différentes – mais ils ont tous les deux leurs problèmes en ce qui concernent les rapports qu'ils entretiennent avec la puissance qu'ils servent. Je ne pense pas qu'ils aient quoi que ce soit à faire l'un avec l'autre cependant. Il est intéressant que vous en parliez. Je pense qu'ils se sont tous deux développés sans que j'y fasse vraiment attention. C'est simplement que dès que je place un personnage près du pouvoir – mais pas au pouvoir – je les trouve facilement compromis.
- Je trouve que vous avez tendance à traiter vos conflits les plus importants hors-champ ou sur un minimum de pages, est-ce une décision consciente ?
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Ca ne l'était pas au début. Je pense que ça vient du fait d'avoir écrit Pride of Carthage avant Acacia. Il y avait tant de batailles dans ce roman que je devais sans cesse trouver de nouvelles manières de les décrire, ou des yeux différents pour les voir. Je ne voulais pas répéter tout cela dans Acacia. Je me suis rendu compte que je voulais qu'on se concentre plus sur les personnages et les batailles émotionnelles qu'ils traversent pour prendre les décisions qui gagnent ou perdent les batailles importantes. Et puis il y a d'autres points qu'il me semblait naturel de traiter hors-champ. Certaines de choses que déclenche Corinn, par exemple, se passent loin d'elle. Elle ne les voit pas, mais elle les engendre et en affronte les effets. Il me semblait logique que le lecteur en ait une expérience similaire.
- Vous avez parlé d'un regain d'amour pour la SF et la Fantasy, et du fait que vous voudriez écrire pour un jeune public. Pensez-vous vous attaquer à la SF dans le futur ?
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Je ne pense pas que j'y serais très bon. J'aime lire de la bonne SF autant que de la bonne fantasy, mais je ne m'intéresse pas vraiment à la technologie et à la science. Je n'ai aucune idée de ce que nous réserve le futur, ni des technologies qui seront en jeu. Je sais que la SF n'est pas forcément centrée sur la technologie, ou dans le futur ou dans l'espace, mais mon attention est plutôt attirée par ce qui se déroule avant dans le temps, par l'histoire et les mythes qui font de nous ce que nous sommes. C'est la raison pour laquelle je peux explorer les thèmes qui m'intéressent pendant longtemps en fantasy et en fiction historique. Je suis heureux de laisser la SF aux auteurs qui sont vraiment doués pour ça. D'un autre côté, mon intérêt pour la littérature jeunesse vient à la fois de mon expérience en tant que jeune lecteur et de mes lectures avec mes enfants. J'adorerais écrire des histoires pour eux, le style d'histoires imaginaires qui sont terriblement vivantes dans l'esprit des enfants. C'est un intérêt très personnel, mais je pense aussi que c'est un public merveilleux pour lequel écrire. Je voudrais écrire des histoires pour d'autres, qui sont comme le jeune garçon de 13 ans que j'étais, remplissant les rayons des librairies pour leurs prochaines aventures.
- Le débat sur les différences entre la SF et la fantasy est sans fin. Du point de vue d'un écrivain de fictions historiques, qui vient de sortir son premier roman fantasy, quelles différences observez-vous ?
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Peut-être qu'avec l'âge et la connaissance sur cette question, je verrai mieux les différences. Pour le moment, ce n'est pas très clair. Quand je pense à de grands écrivains dans les deux genres - Herbert, Stephenson, Card, Gaiman, Martin, LeGuin – ils m'attirent par la fraîcheur de leur vision, la qualité de leur écriture et de leurs histoires. Ce sont les choses qui m'importent le plus, et je suis heureux de traverser les frontières des genres pour trouver les écrivains qui me parlent le plus. Il en va de même pour les autres genres. Je ne suis pas un lecteur de genre. Je ne lirai pas n'importe qui juste parce qu'il est dans un genre que j'aime, et je ne m'abstiendrai pas de lire quelqu'un parce que je ne suis pas familier avec son genre. Tout est dans l'écriture. Je serais plus du genre à éviter de dresser des frontières. J'aimerai les atténuer d'ailleurs.
- L'un des moments les plus tristes pour moi a été le fait que Hanish ne se prononce pas sur l'esclavage. Jusque là, je le trouvais assez héroïque, de même que ses frères. Quelle importance cela avait-il de donner un visage aux Meins ?
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C'est crucial pour moi qu'à la fois mes héros et mes méchants aient une identité réelle, des visages et des cœurs. Tenez, je vais sans doute revoir le Seigneur des Anneaux une nouvelle centaine de fois dans les années à venir. J'adhère aux histoires avec des bons identifiables et des méchants sans visages. Mais pour mon propre travail, je m'intéresse plus aux héros compromis et aux méchants complexes. C'est le monde tel que je le vois, et c'est ce monde qui m'a amené à écrire au début. Je trouve que, dans la vie, nos héros ont tendance à nous décevoir, et qu'il est bien plus facile de dire ce que vous feriez si vous en aviez le pouvoir que de faire effectivement les choses lorsque vous en avez l'occasion. Mais qu'est-ce qu'on y peut ? Nous avons besoin de héros. Nous avons besoin de rêver.
- Pour vous, cette série a-t-elle commencé avec l'histoire des Akarans ou celle des Meins ?
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Les Akarans. Je savais qui ils étaient avant d'en savoir plus sur ce roman et sur le monde.
- Quelle est l'importance d'Igguldan, comme représentant un idéal ou par rapport à la vie des autres personnages ?
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Difficile de répondre sans trop en dire, je ne pense pas pouvoir le faire sans spoiler.
- Vous avez mentionné votre point de vue unique – de l'intérieur et de l'extérieur en perspective – pensez-vous présenter une vision différente ou plus complète ?
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Je ne veux pas dire que mon monde est plus complet de que celui des autres. George R.R. Martin, Steven Erikson et d'autres écrivent dans des mondes immenses et complexes. Mais j'ai l'impression d'être différent, du point de vue de la perspective je pense. En tant que personne de couleur, je vois le monde à travers des lentilles teintées de mon identité d'une manière particulière. C'est le même monde, oui, mais des choses différentes sont mises en valeur. Je pense que c'est important – et l'une des principales choses que peut apporter la littérature – pour les gens de regarder à travers des lentilles différentes de temps à autres. Ceci dit, je pense que tout ce qui est unique dans ma perspective se voit de manière subtile dans Acacia. Certains lecteurs le noteront, d'autres non. C'est comme ça.
- Vous commencez juste la promotion d'Acacia. Je sais que Colleen est l'une des meilleures, le processus de promo vous semble-t-il différent pour un livre fantasy ?
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Très différent. Colleen fait confiance aux lecteurs de fantasy pour savoir ce qu'ils aiment ou n'aiment pas, et elle n'a pas peur de les laisser exprimer leurs opinions. Dans la littérature, les éditeurs et les publicistes ne donnent pas de copie de lecture aux lecteurs lambda. Ils se concentrent sur les professionnels. Je pense qu'ils ne font pas assez confiance à leurs lecteurs pour les laisser se faire une opinion sur les titres avant leur sortie.
On fait toujours les mêmes efforts pour attirer l'attention de l'industrie mainstream. Je suis heureux d'entendre que certains grands magasines vont le critiquer, etc, mais je sais que certains grands médias n'accordent pas beaucoup de place à la fantasy. Il me semble donc logique que l'on compense cela en amenant le livre directement aux lecteurs fidèles du genre. Et la communauté Internet dont vous faites partie est nouvelle pour moi, mais j'en perçois l'importance. Je pense que les titres qui attirent beaucoup l'attention le font souvent pour de mauvaises raisons, comme lorsqu'il a été versé une grosse avance, ou lorsque l'éditeur promet un gros budget promo… L'attention se porte souvent sur les risques encourus. Le livre les vaut-il ? Sera-t-il un échec et plombera-t-il la carrière de l'auteur ? Je trouve cela rafraîchissant d'avoir aujourd'hui l'attention de gens qui veulent lire de bons livres, des gens qui sont prêts à me donner une chance et espèrent que je leur amène quelque chose de bon. - J'ai vu sur votre site que vous disiez ceci à propos de l'utilité de la fiction historique : « Je pense que la fiction historique peut tout aussi bien être informative qu'un simple écrit historique. Je n'ai jamais lu de livre d'histoire qui ne fut ouvertement subjectif, qui ne voulait pas vous faire croire certaines choses et moduler votre compréhension des choses. J'ai lu des fictions, cependant, qui – à cause de mon implication auprès des personnages et d'une connexion a un lieu et une époque imaginaires – Beloved de Toni Morrison par exemple – ne tendent pas tant à répondre aux questions qu'à en poser. Il y a tellement de choses positives qui débutent quand on se pose des questions ».
Vous avez évolué vers un genre encore plus stigmatisé – que pensez-vous de l'éventuelle utilité de la fantasy, et comment cela s'est-il appliqué à vous ? -
Je crois fermement que les gens se crée une identité culturelle mythologique. La plupart des histoires qui traversent le temps le font parce qu'elles reflètent ce que les cultures veulent voir comme leurs valeurs, leurs qualités, et leur noblesse. C'est ce que font les anciennes poésies épiques, et je pense que, dans ses meilleures manifestations, la SF et la fantasy peuvent faire de même. Je me rappelle l'effet qu'a eu Star Wars sur moi lorsque j'avais 7 ans. Et maintenant, je vois l'effet que cela produit sur mes enfants. Ils en connaissent plus là-dessus que moi ! Ils ont plus de jouets, une histoire plus longue et un background bien plus complexe avec lequel composer. L'histoire de l'ascension d'Anakin, de sa chute et de son retour est important pour eux dans le sens où cela défini leurs premières notions de moralité. Je pense qu'on peut en dire autant de l'incroyable popularité du Seigneur des Anneaux, surtout parce que les films se sont nourris de l'ambiance sombre et des peurs d'un monde post-11 septembre. Le fait est, lorsque j'ai lu Le Hobbit cet été là à Trinidad, aucun des personnages du livre ne me ressemblait. Aucun. Je l'aime toujours pourtant. J'y suis toujours connecté. J'ai sublimé ma réalité ethnique pour entrer dans celle d'un autre. Cela ne posait pas de problème…Et puis, finalement, ça en posait, c'est en partie pourquoi j'ai écrit Acacia. J'espère qu'à peu près tout le monde pourra lire Acacia et y trouver des personnages qui lui ressemble. C'est une mythologie imaginaire dans laquelle on peut se retrouver d'une manière que j'ai rarement vu (Terremer d'Ursula LeGuin faisant exception). C'est quelque chose dont je suis fier, quelque chose qui pourrait affecter des vies d'une manière modeste mais incommensurable.
Article originel par Jay Tomio, le 30 avril 2007.
Auteur
David Anthony Durham
Biographie
Bibliographie
- Acacia
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