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Un entretien avec Lois McMaster Bujold !

Par Lisbei, le lundi 12 mai 2008 à 13:41:02

Lois McMaster Bujold n'est pas n'importe qui sur la scène mondiale de la Fantasy et de la Science-Fiction, et ce n'est pas l'interview suivante qui nous démontrera le contraire !
Intégralement traduite pour vous, ce passionnant entretien revient sur ses derniers ouvrages en date, sa carrière, la place de la SF et de la Fantasy, le poids du temps qui passe, et tout un tas d'autres choses ! Car il semblerait que l'auteur du récemment publié chez nous Le Couteau de Partage ne manque pas de choses à dire, précisément !
N'hésitons donc pas à prendre le temps de la lire et de mieux la découvrir...

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Questions et réponses avec l'auteur

Question : Votre nouveau livre Passage sort le 22 avril 2008, continuant le cycle The Sharing Knife qui a commencé avec Beguilement et Legacy, et d’après mes informations vous avez également achevé le quatrième tome, intitulé Horizon, dont la sortie est prévue pour février 2009 (ndt : en France, les éditions Bragelonne ont publié en février 2008 le premier tome de cette saga, sous le titre : Le couteau du partage tome 01 : Ensorcellement). Ces nouveaux livres sont-ils comme le premier diptyque, qui était en somme une seule histoire coupée en deux ? Vaut-il mieux pour les nouveaux lecteurs commencer par Beguilement ou peuvent-ils se lancer directement dans Passage ? Et qu’est-ce qui vous plaît tant chez Fawn Bluefield, Dag Redwing et leur monde pour que vous continuiez d’écrire leurs aventures ?

Lois : Etant donné que cette deuxième paire de livres dans la tétralogie The Sharing Knife (TSK) était pensée comme un diptyque (presque) depuis le début (au lieu d’être découpée après coup), ils sont chacun plus complets que les deux premiers. Chaque tome a des éléments d’intrigue qui sont posés et résolus entre la première et la dernière page, et ils ont chacun une unité de lieux (Passage est un voyage fluvial, Horizon est une expédition sur les routes). Ils peuvent donc être lus séparément, ou du moins la jonction entre les deux ne contient pas un suspens propre à causer une crise cardiaque aux lecteurs. Mais il existe une intrigue plus large et des fils conducteurs qui parcourent les deux tomes, ou plutôt les quatre, et qui ne seront dénoués qu’à la fin d’Horizon, quand la structure complète deviendra finalement visible.
Si je pouvais vous en faire un dessin, le schéma de la série TSK ressemblerait à une rangée de quatre petits arcs (les volumes), surmontée par deux arcs (les deux diptyques), eux-mêmes surmontés d’un seul arc englobant le tout (la tétralogie).
Il y a suffisamment d’éléments antérieurs repris au début de chaque volume pour qu’ils puissent à la rigueur être lus seuls (ce qui sera de toute façon fait par certains lecteurs), mais ce n’est pas la suggestion du chef ; il manquerait des pièces importantes au puzzle qui se construit dans la tête du lecteur.
Pour ceux qui auraient manqué le début, les trois premiers chapitres de Beguilement sont toujours disponibles gratuitement en ligne. Pourquoi obliger la pauvre auteure à rester assise là à vous raconter de quoi parle le livre, alors que vous pouvez le voir par vous-même ? Les livres sont faits pour être lus, pas décrits.
TSK a commencé comme un projet pour me redonner du plaisir à écrire, à un moment où je me sentais en panne sèche, et il a complètement rempli son objectif. J’ai fait plusieurs expériences littéraires simultanément, comme utiliser des paysages et des populations appartenant clairement au Nouveau Monde, et non des avatars recyclés d’un pseudo-Moyen Âge européen. Une autre piste était d’observer ce qui allait se passer si je donnais à mes personnages un vrai problème d’adultes à résoudre, un qui défierait les solutions simples et cathartiques comme couper la tête d’un sale type ou renverser la Tour Sombre du jour. « Démographique » est un mot qui n’existe même pas dans le vocabulaire de Dag, mais il voit clairement les contours du problème central de l’histoire. En voir la solution est aussi difficile pour lui que pour nous.
Mais ce que je voulais voir par-dessus tout, c’est ce qui allait se produire si j’essayais de faire d’une histoire d’amour l’intrigue centrale d’un roman de fantasy. Et franchement, c’était réellement une expérience instructive, car j’ai non seulement exploré les rouages qui font qu’une histoire d’amour fonctionne, mais j’ai également, et c’était plus inattendu, mis à jour nombre de ressorts et de conventions cachés qui permettent à la fantasy de fonctionner. Il s’est révélé qu’il s’agissait d’un cocktail bien plus compliqué à réaliser que je ne le croyais, car après tout, j’avais déjà eu des intrigues amoureuses secondaires à la fois dans mes romans de fantasy et dans mes romans de SF, et ne s’agissait-il pas là d’inverser légèrement les proportions ?
Eh bien finalement, non. Les deux formes ont des points de vue narratifs différents. Dans un roman d’amour au sens actuel du genre, qu’on pourrait décrire comme l’histoire d’une séduction de la première rencontre jusqu’à l’engagement final, on se concentre sur le personnage. Rien dans l’histoire (comme l’imminence de la fin du monde, par exemple) ne peut donc présenter un plus grand intérêt. Sur un plan moins évident, c’est la réalité : les romans d’amour sont en fait des histoires sur la promulgation de l’évolution humaine à travers la sélection sexuelle, une activité qui a long terme est bien plus fondamentale et importante que n’importe quelle politique éphémère, qu’elle se compte en années ou en siècles. (D’ailleurs, il existe désormais une théorie, faite par des biologistes travaillant sur l’évolution, disant que l’intelligence humaine est le résultat de la sélection sexuelle.) Donc les histoires d’amour sont à la fois plus individuelles et plus universelles que la plupart des intrigues de SF et de fantasy.
En voyant les réactions des lecteurs aux deux premiers tomes de TSK, je me suis rendue compte à quel point la plupart des intrigues de SF et de fantasy étaient centrées sur la politique. Dans ces genres, seule une action politique (au nombre desquelles la guerre et les actions militaires représentent un sous-ensemble conséquent) est considérée comme suffisamment « importante » pour rendre les personnages intéressants aux yeux des lecteurs. Les intrigues poétiques sont rares, et si des écrivains tentent régulièrement de faire des histoires à propos d’autre chose, de n’importe quelle autre chose, comme une expérience artistique, par exemple, ces essais deviennent tout aussi régulièrement des bides sur le plan commercial. (Il est vrai que Le Vent dans les saules ou La Dernière Licorne seront éternels, mais étiquetés « livres pour enfants ».)
J’en suis venue à croire que si les romans d’amour sont des fictions sur l’amour, et que les romans policiers sont des fictions sur la justice, les romans de SF et de fantasy sont eux des fictions sur l’action politique. (Parmi lesquelles le stéréotype de l’héroïc fantasy avec un héros masculin, jeune et fort est à nouveau un sous-ensemble particulièrement visible et même tape-à-l’œil.)
Quoi qu’il en soit, le deuxième diptyque de TSK est plus directement aux prises avec les questions politiques qui étaient jusque là inhérentes aux personnages de Dag et de Fawn, chacun représentant sa propre culture dans cette histoire de choc des cultures. Les livres pris en tant que tout parlent beaucoup des tensions qui existent entre l’individuel et le politique, et comment le dernier dépend du premier, si étroitement qu’il n’ose pas reconnaître sa dette avant de frôler la faillite.
De toute façon, l’histoire de la séduction étant finie à la fin du second volume, le deuxième diptyque se tourne plus vers le champ politique. J’adorais ce monde et les personnages, et même quand j’ai dû me plonger à nouveau dans une intrigue politique pour écrire la suite, ils m’ont embarquée avec eux. J’attends avec impatience de voir la réaction des lecteurs des deux sexes à ce second diptyque, en me demandant si elles vont être aussi révélatrices que celles que j’ai observées jusqu’ici.

Question : Vous travaillez actuellement à un nouveau roman de la série Vorkosigan pour les éditions Baen Books, et je suis sûr que beaucoup de lecteurs sont transportés par cette nouvelle. Est-ce que vous pouvez nous dire quelque chose sur ce livre, ou sur d’autres projets en cours ?

Lois : Le nouveau livre sur Miles est, comme on dit, « en voie de développement » pour le moment, et heureusement beaucoup plus aujourd’hui que, disons, il y a un mois, où il me rendait à moitié folle, sans que cette frénésie me soit d’aucun secours. J’entre dans ma phase de préparation à l’écriture, je prends des notes et tout ce qui s’ensuit. Je ne peux pas ajouter grand-chose pour l’instant, si ce n’est que, étant donné que je le commence avec environ quatre mois de retard, et que des interruptions imprévues risquent de me prendre encore deux mois, ce livre sera fini plus tard que prévu. Ce sera un livre ; Miles en sera le héros.
The Vorkosigan Companion, une compilation d’interviews, d’articles et un index sur le Vorkosiverse (ndt : contraction de Vorkosigan universe) (il a été baptisé ainsi par les lecteurs, je n’aurais pas osé le faire moi-même), va sortir chez Baen. On ne m’a pas encore donné le planning, bien que « Locus » l’annonce pour décembre 2008. Mon amie de toujours Lillian Stewart Carl est une des éditrices, avec l’équipe de Marty Greenberg de Teknobook.
La _WorldCon_ (ndt : World Science Fiction Convention 2008, prévue à Denvers en août 2008) voudrait un texte pour leur programme, de préférence une nouvelle, ce à quoi j’aurais dû m’attendre, mais je ne l’ai pas fait. (Ils voudraient aussi un discours.) Je n’ai pas écrit de nouvelle depuis vingt ans, cela risque donc de poser problème. A moins que quelques neurones ne se mettent à faire des étincelles d’ici le 1er mai (mais ce n’est pas une solution dans la mesure où j’ai vraiment besoin de tout ce qui me reste de cervelle pour le livre de Miles), ils vont probablement hériter d’un extrait du Vorkosigan Companion à paraître. J’ai au moins deux autres interviews promises qui me tournent autour ce mois-ci (des articles de blog pour Eos, et une interview avec mon éditeur chinois). J’ai l’impression d’avoir déjà accordé des centaines, alors qu’en réalité cela doit être plutôt une demi-douzaine, d’interviews cette année, et même si je prenais la fuite je n’arriverais pas à tenir la distance. Et d’autres vont venir, j’en suis sûre.

Question : Dans les littératures de l’imaginaire, il semble y avoir un véritable fossé entre la science-fiction et la fantasy, par exemple dans la manière dont les éditeurs vendent le livre, dans les agissements des fans, etc. Etant donné que vous avez écrit à la fois de la science-fiction et de la fantasy, que pensez-vous de ce fossé, et comment ressentez-vous les différences entre la littérature de science-fiction et la littérature de fantasy ?

Lois : Je sais que pour certains la fantasy et la science-fiction sont deux genres différents, mais pour moi elles forment un continuum. Un continuum long, compliqué et plein de ramifications, c’est vrai. Je dirais que « Si le surnaturel est présenté comme réel, c’est de la fantasy », mais alors où classer l’uchronie ? Le but de la SF est de susciter chez le lecteur un sentiment d’étonnement, celui de fantasy, le sentiment du sacré. S’agit-il vraiment de deux choses différentes ou de deux noms différents pour recouvrir une seule et unique chose ? Et ainsi de suite.
Pour moi, les aspects techniques de l’écriture – le choix des scènes et des points de vue, la construction du monde, la manière de camper les personnages et l’intrigue, le rythme – sont les mêmes pour les deux genres. Et, comme je le disais plus haut, les deux genres portent une attention particulière à la politique en tant que sujet, bien que j’aie tenté de me tenir à l’écart de cela tant dans la série du Chalion que dans celle du Sharing Knife. Disons que si les livres qui se trouvent aux extrémités opposées du continuum SF/fantasy sont faciles à distinguer les uns des autres, c’est plus difficile pour ceux qui se trouvent vers le centre.
La classification est une affaire de théoriciens. Moi je fais partie des données. Mon travail n’est pas d’expliquer, mais de faire, tout simplement, et au mieux de mes capacités.

Question : Pour rester sur ce sujet, que pensez-vous de l’évolution de la fantasy et de la SF depuis que vous avez été publiée pour la première fois dans les années 80, et comment voyez-vous le futur des littératures de l’imaginaire, surtout en ce qui concerne les avancées technologiques ?

Lois : Il y a certainement une compétition plus acharnée pour capter le temps et l’intérêt de notre audience, mais elle bute sur la limite des 24h/jour et des 7j/semaine. Il y a un moment, qui pour moi arrive assez vite, où une personne ne peut tout simplement pas avaler davantage d’informations, quelle que soit sa vitesse, sans prendre une pause pour les digérer. J’ai parfois l’impression, dans ce monde saturé d’informations, d’être une personne qu’on a emmenée dans un immense supermarché en lui disant qu’elle doit manger toute la nourriture qui se trouve dans les rayons. C’est tout bonnement impossible.
Si la SF en tant que genre doit être sauvée (est-elle menacée ?), je pense que cela devra être accompli par la nouvelle génération de jeunes écrivains. Je tombe parfois ici ou là sur d’étranges poches de résistances anti-genres – je me suis laissée dire que les Anglais étaient hostiles aux genres. (Non, je ne sais pas comment ils concilient cela avec Harry Potter, Tolkien, etc. ; pour moi non plus, ça ne colle pas.) Mais s’il y a une baisse d’intérêt du lectorat, je n’en ai vu aucun signe pour le moment ; ce que j’ai constaté, c’est une perte de parts de marché pour les écrivains en tant qu’individus, simplement parce que nous sommes si nombreux à présent, et que nous produisons toujours davantage – et ce qui a été écrit avant nous non seulement ne disparaît pas du marché, mais est constamment réédité et remis sur le marché. Le fournisseur d’e-book Fictionwise.com ajoute 125 nouveaux titres à son catalogue _par semaine_. Et donc nous butons contre cette limite des 24h/j, 7j/s. En d’autres termes, une ville qui peut fournir des clients à deux épiceries ne peut en fournir suffisamment pour trois, cinq ou cinq cents.
Mais pour l’instant, nous assistons à un boom du côté des lecteurs.
Pour vous dire, je ne regarde pratiquement aucune émission télé ces jours-ci. Je regarde plutôt des DVD, surtout des animés, des documentaires sur la science, la nature et les voyages. C’est une conséquence de la nullité des programmes télé et aussi de la plus grande disponibilité des DVD (grâce à des services comme Netflix, qui, entre parenthèse, s’oriente désormais vers le téléchargement en ligne). On a bien noté le fait que si le cinéma gagne sa vie en vendant des histoires aux spectateurs, la télé gagne sa vie en vendant des spectateurs aux publicitaires. Si les règles du marché changent à nouveau et nous permettent d’acheter des histoires à la télé, au lieu de voir notre audience vendue à des publicitaires qui n’ont aucun intérêt direct pour l’art, cela pourrait aider à dévier, au moins en partie, cette course effrénée vers le bas qui nous dégoûte tant de la télé. Ou peut-être pas…
Une chose que je n’avais pas prévue est l’impact du développement des téléchargements sur iPod et MP3 sur le marché du livre-audio qui, toutes proportions gardées, est en train d’exploser. Au lieu de devoir s’encombrer de supports physiques lourds et coûteux, les gens peuvent simplement télécharger des livres entiers, voir des bibliothèques entières, en format audio, et y aller. La facilité d’accès et l’immense choix proposé (comme celui de Netflix avec les DVD pour moi) permet à plus de gens d’essayer plus de livres, et de prendre l’habitude d’en écouter.
Je pense que tous ces nouveaux outils et supports de création rendus accessibles aux masses vont encourager le développement de nouvelles formes artistiques, en plus de l’art venant de circuits non-traditionnels. Les BD en ligne, les films amateurs (non, pas ce genre-là, quoique même ce genre-là pourrait être contraint de s’améliorer pour attirer et retenir les spectateurs), les peintures numériques – les meilleures œuvres qui émergeront d’une si large base de gens créatifs se révèleront sûrement impressionnantes.

Question : Si l’on considère votre longue expérience, toutes les récompenses (prix Hugo et Nebula) que vous avez gagnées et le fait de figurer sur la liste des auteurs les plus vendus du New York Times (NYT), quels défis avez-vous encore à relever, et quelles sont vos motivations ?

Lois : Eh bien, déjà, je ne suis sur la liste des meilleurs auteurs du NYT qu’au sens large : j’ai figuré plusieurs fois sur la liste des 35 meilleurs auteurs, ce qui suffit à avoir le droit de le mentionner sur ses livres, mais je n’ai pas encore atteint _La Liste_, celle des 16 meilleurs auteurs, la liste qui figure dans toutes les librairies et dans tous les journaux du pays. Je n’aurais même pas eu cette ambition si je n’en étais pas déjà passée très près, sans le vouloir à l’époque, alors pourquoi ne pas gravir ces dernières marches ? C’est une récompense qui est distribuée 64 fois par mois, pourquoi est-ce plus difficile à obtenir qu’un prix qui n’est décerné qu’une fois par an ? C’est ce que je me dis parfois. Ça reste pour moi un sommet que je n’ai pas encore gravi.
Mais je pense que ce que je désire le plus actuellement est d’avoir le contrôle de mon propre temps. J’ai songé à ce que « retraite » signifiait pour moi alors que ce que je voudrais faire, si j’étais à la retraite, serait rester à la maison et écrire des livres, ce qui est plus ou moins ce que je fais déjà. J’aimerais vraiment prendre ma retraite si cela signifiait ne plus avoir de date butoir, ne plus faire autant de promotion de mes livres, bien que cela soit incompatible avec cette histoire de liste du NYT. J’avoue que je m’interroge parfois sur l’utilité des ces efforts. Je veux dire, J.R.R. Tolkien n’a jamais fait de tournée promotionnelle, n’a jamais tenu de blog, n’a jamais clamé ses opinions partout sur internet, et ses livres se vendent très bien quand même. Si je me cachais et que je faisais croire que je suis morte, est-ce qu’on me laisserait écrire en paix ? Je m’imagine un flot continu de manuscrits posthumes de Bujold, récemment découverts, arrivant d’un grenier du Minnesota, ou plutôt, dans mon cas, d’une cave …
Sans aller jusqu’à organiser un faux enterrement, je pense que j’aimerais retrouver mes racines et écrire tous mes livres en entier, à mon rythme, sans les vendre avant qu’ils ne soient achevés. (Enfin, sans que l’on me coupe l’électricité, sans qu’on refuse mes chèques, sans être dépourvue de toute assurance-maladie, ou tous les autres désagréments que je connaissais à cette époque révolue.) Je voudrais déjà y être cette année, mais je fais une exception pour mon éditeur Tony Weisskopf de chez Baen, en regard des deux décennies où nous avons travaillé ensemble.

Question : Récemment, sur SF Signal’s Mind Meld, la question suivante a été posée : « Deux des plus éminents auteurs de fantasy, Tolkien et Lewis, étaient chrétiens, alors que les pères de la SF étaient athées, et que la SF elle-même, pourrait-on dire, s’est développée autour des idées de Darwin et autres notions sur l’évolution. La SF est-elle antithétique par rapport à la religion ? » La réponse à cette question est disponible sur leur site, mais que répondriez-vous ?

Lois : Etant donné le nombre d’écrivains de SF et de fantasy que je connais et qui sont de confessions aussi variées que Quaker, catholiques, mormons, juifs, protestants ou agnostiques et athées (et c’est la même chose chez les scientifiques), je dirais que non. La religion ou son absence est une question de point de vue de l’auteur sur le monde, et va dépendre de l’auteur, pas du genre.
Le darwinisme n’est pas nécessairement incompatible avec la religion d’ailleurs, il requiert simplement une foi moins naïve et peut-être moins confortable.
Par définition, tout ce qui n’est pas lui-même est incompatible avec la pire sorte de fondamentalisme. Il n’y a aucun moyen à l’art, sous quelque forme que ce soit, de répondre à cela, dans la mesure où de telles croyances se contentent de se boucher les oreilles en criant la-la-la à la face du monde. Une position de repli défensif inébranlable.

Question : pour finir, l’année écoulée a été rude pour les écrivains des littératures de l’imaginaire. Nombre d’auteurs sont morts, parmi lesquels Robert Jordan, Madeline L’Engle, Lloyd Alexander, Leigh Eddings, Fred Saberhagen, Jack Williamson, Alice Borcherdt et Kurt Vonnegut jr ; dans le même temps on a diagnostiqué à Terry Pratchett la maladie d’Alzheimer. Et tout récemment, c’est le légendaire auteur de SF Arthur C. Clarke qui a tiré sa révérence. Avez-vous été affectée par ces événements et voudriez-vous en dire quelque chose ?

Lois : Cela a certainement contribué à réveiller ma conscience de la valeur du temps dont je dispose, et des personnes qui l’occupent, et cela a également mis toutes les carrières, y compris la mienne, en perspective. Des feuilles au gré du vent. Des voix qui s’éteignent. Je suppose qu’il n’est pas très rationnel de s’exclamer « Mais c’est bien trop tôt ! » pour des auteurs qui décèdent à plus de 90 ans, et pourtant nous ne pouvons nous en empêcher, mais voir le nombre croissant de gens de mon âge ou plus jeunes que moi dans la rubrique nécrologique du Locus a tendance à me donner plus à réfléchir. (N’oubliez pas John M. Ford dans votre liste.)
Cela me rappelle également que le genre sur lequel je travaille est encore neuf, vieux seulement d’une longue génération. J’espère vraiment vivre assez longtemps pour le voir détourné par une nouvelle génération, et kidnappé vers une nouvelle vie et de nouveaux usages, de préférence sous un chœur de « Mais c’est très mal ! » émanant des retraités, dont je ferai, je l’espère, partie, si j’ai de la chance et que je fais attention. Et si non, eh bien, j’aurais déjà eu sacrément mon tour.

Article originel.


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