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Salon du Livre 2009 : entretien avec Henri Loevenbruck

Par Alana chantelune, le lundi 6 avril 2009 à 15:38:55

Henri LoevenbruckGentiment réunis par une Leslie de Bragelonne visiblement très occupée, mais charmante et efficace, nous n'avons pas pu trouver de lieu tranquille pour l'interview. Nous sommes donc allés nous poser dans un coin, sur la moquette défraichie, où il y avait un tout petit peu moins de bruit... Assis en tailleur, comme des étudiants désœuvrés, Henri Loevenbruck s'est plié au jeu de l'interview avec naturel.

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Notre entretien avec Henri Loevenbruck

Comment trouvez-vous cette édition 2009 du salon ?
Tu sais, quand tu dédicaces, tu n’as pas le temps de te rendre compte de la qualité du salon, parce que de toute manière, tu passes ton temps assis derrière une table. J’ai donc un peu de mal à faire la différence entre les différents crus.
Et au niveau des fans qui s’adressent à vous ?
Oui, justement, j’ai encore des lecteurs qui m’ont offert une très bonne bouteille de vin, et je les en remercie, même si je suis un peu déçu, d’habitude j’ai du whisky, et cette année, je n’en ai pas encore eu ! 2009 n’est donc peut-être pas la meilleure année, mais il reste encore une séance de dédicaces tout à l’heure... Si je n’ai pas eu de whisky, c’est que ce n’est pas une bonne année ! (rires)
Trouvez-vous que le salon du livre de Paris possède une identité propre, par rapport à d’autres manifestations ?
La vraie particularité de Paris, c’est qu’il y a un monde fou, et ce sont de vrais lecteurs qui viennent, contrairement à certains salons de province ou les gens viennent plutôt voir des stars de la télé ou du cinéma. Là, ce sont des gens qui aiment lire, qui viennent avec des livres avec eux, qui savent quels auteurs ils viennent voir... C’est agréable. Sinon, il n’a pas de personnalité particulière, cet atout est déjà tellement fort !
Avec le recul, comment considérez-vous maintenant l’aventure Moïra/Gallica ? Des années après, ce sont des romans qui gagnent encore des prix.
C’est étonnant... C’est vrai que le premier, je l’ai écrit voilà 8-9 ans... Voir des gens venir se faire dédicacer un roman qui est vraiment ancien, cela me fait toujours bizarre... Je crois que c’est le propre de la Fantasy, c’est une littérature qui n’est pas ancrée dans une époque et donc plus universelle, qui vieillit peut-être un peu moins qu’un ouvrage contemporain. C’est un bonheur total, j’ai la chance d’avoir un lectorat qui se renouvelle, qui est plutôt jeune mais qui après, vous suit. Cela m’arrive d’avoir vu des lecteurs de quinze ans et puis de les revoir quand ils avaient vingt ans, cinq après, dans les salons.
Comptez-vous revenir un jour à la Fantasy ?
Oui, il y en a un de prévu, le synopsis est prêt depuis très longtemps. Je le ferai un jour, simplement, ce n’est pas le moment. Je n’en ai pas envie pour l’instant. J’ai écrit six romans de Fantasy, et là j’en suis à 4 thrillers, il est probable que je fasse encore 2 thrillers avant de me lasser et de revenir à la Fantasy ! Surtout que le roman actuel est un peu entre les deux : un thriller qui se passe au Moyen-Âge. Il y aura donc quelques points communs avec ce que je faisais en Fantasy.
Comment s’est déroulé votre passage de la Fantasy aux thrillers ?
Très naturellement. D’abord c’était du à une petite lassitude dans la narration de la Fantasy, une envie d’écrire quelque chose de plus contemporain, de plus moderne, où la voix du narrateur ressemblait plus à la mienne, où je me cachais moins derrière la narration de Fantasy qui est beaucoup plus lente et plus codifiée. Alors que dans le thriller, le narrateur me ressemble beaucoup plus. Pour moi, cela a été naturel, car ce sont deux littératures qui se ressemblent beaucoup, que je considère comme populaires, d’aventure. C’est l’intrigue qui prime avant tout, et ensuite les personnages. Ce sont les aventures que vivent les personnages qui sont le moteur de l’action et aussi de la lecture. Je sais que les gens lisent et éprouvent à peu près la même chose en lisant mes thrillers et mes romans de Fantasy : juste le besoin de savoir ce qui va se passer. Pour moi, ce qui compte avant tout, c’est de faire non pas des romans pour d’abord faire réfléchir les gens, mais d’abord pour leur donner envie de lire. Parce que c’est le plaisir premier que j’ai éprouvé en tant que lecteur quand j’avais 14-15 ans et que j’ai envie de transmettre.
En lisez-vous encore ?
Non, plus du tout. Du thriller, encore un peu, j’aime beaucoup Denis Lehanne et Michael Connelly, mais en dehors de ça, j’ai un peu de mal. Je lis plutôt de la littérature générale. Mais je lis énormément de documentation, car j’en ai besoin pour mes romans ! Voilà, ayant été un cancre à l’école, j’ai besoin de rattraper quelques lacunes, principalement en Histoire.
Y a-t-il une différence entre votre travail pour Bragelonne et celui pour Flammarion ?
Quasiment pas. C’est 50% de documentation et 50% d’écriture, c’est à peu près les mêmes rapports avec mon éditrice, Stéphanie Chevrier, qui travaille sur mes textes à peu près de la même manière que Stéphane Marsan qui s’occupait de mes textes quand j’étais chez Bragelonne. Pour moi, ça n’a pas beaucoup changé.
Aujourd’hui, qu’est-ce qui vous donne le plus de plaisir sur le plan de l’écriture ?
Heu... Le synopsis. L’écriture du synopsis, oui. C’est là que je me trouve le mieux, car c’est comme un puzzle, un jeu de construction, c’est assez ludique ! On change, on cherche le meilleur rythme, on a le temps... Le plus pénible, c’est l’écriture. Surtout quand on en est à son douzième roman. C’est un acte assez répétitif. Mine de rien, tu es assis devant un ordi tout la journée et tu tapes sur des touches. Voilà... Pour moi, aujourd’hui, c’est ce qui est devenu le plus pénible.
C’est bizarre, c’est exactement ce que j’ai ressenti pour ma Maîtrise d’Histoire !
Mais tu sais, avant d’avoir été écrivain, j’ai été chroniqueur littéraire et j’ai interviewé au moins une centaine d’écrivains, et je n’en ai rencontré que deux qui aimaient écrire. (surprise) Stephen King et Bernard Werber. Ce sont les deux seuls que j’ai rencontré et chez qui on sentait un vrai plaisir dans l’acte d’écrire. J’ai assisté à cela, je les ai vu écrire, et pour eux, c’est un bonheur, ils parvenir à s’extraire complètement du monde extérieur, et ils tapent à une vitesse ! C’est très rare. 2% des écrivains aiment écrire ! (rires)
J’ai aussi rencontré des femmes qui aimaient accoucher. Très peu, mais j’en ai rencontré, et c’est aussi bizarre que Bernard Werber. (rires). Oh, j’ai adoré mon accouchement, c’était extraordinaire ! La plupart des autres sont assez contentes du résultat mais pas trop de l’épreuve ! Pour un roman, c’est pareil... Quelques mois d’attente, et à la fin, un gros moment de douleur.
C’est une drôle d’analogie ! Et en même temps, assez jolie...
Mais il y a plein d’autres analogies ! Lorsque le livre est là, comme un bébé, il vit sa propre vie, les gens se l’approprient, tu le vois grandir, tu n’as plus le même regard sur lui avec les années. Il y a une grande analogie... Mais oui, je pense que c’est évident... je ne suis pas loin de penser que si les métiers créatifs comme celui-là voient les hommes surreprésentés, c’est qu’il y a une espèce de frustration chez l’homme de ne pas avoir la capacité d’enfanter... A mon avis, cela ne m’étonnerait pas qu’il y a un lien, même si c’est de la psychologie de comptoir ! Je pense qu’il y a un lien... Je pense. J’en sais rien, il faudrait demander à un psy ! (rires)
Qu’attendez-vous des années qui viennent, sur le plan de l’édition - en tant qu’auteur, par exemple (ou utilisateur), est-ce que le livre électronique constitue quelque chose qui vous attire ?
Pas grand-chose... Le livre électronique pour ce qui est du roman, je n’en attends pas grand-chose. J’en attends beaucoup pour la presse, je pense que le support électronique est une chance pour la presse parce que c’est un format court, et on a l’habitude de lire des formats courts sur des écrans comme sur internet.
Cela me fait rire : les écrans d’ordinateurs sont très grand, bien plus que ceux des livres électroniques et les gens ne lisent pas des romans sur leur écran d’ordinateur, alors lire 400 pages sur un truc grand comme ça... (il mime la taille d’un livre électronique) J’y crois pas. En revanche, pour la presse, oui, je pense qu’il y a un avenir. Pas pour le roman.
Les bonnes idées et les succès du marché sont souvent dictés par le consommateur et non les producteurs. Quand on regarde les MP3, c’est logique /: il y a une vraie demande. Un morceau mis sur Internet est téléchargé par 50 000 personnes dans la demi-heure qui suit. Pourquoi ? Parce que les gens ont un fichier qu’ils peuvent graver chez eux, et au bout du compte, ils ont la même chose qu’un CD acheté 20 euros à la FNAC. Mais si on met un roman à télécharger, personne ne le télécharge... Les gens ne sont pas demandeurs. Les rares bouquins qui sont bien téléchargés sur Internet, c’est Harry Potter, mais parce que les gens ne veulent pas attendre 6 mois la traduction. Pourquoi ? Parce que le résultat, ce que tu télécharges, ce n’est pas du tout un livre : c’est un fichier qu’il faut imprimer, ou mettre sur un lecteur numérique, ce n’est pas le même objet que tu vas acheter dans le commerce. Ce n’est pas un objet que tu peux refiler, que tu vas garder des années, que tu peux emmener avec toi, annoter.... Je ne crois pas du tout au livre numérique. Même si l’un de mes romans a été publié aux Echos en livre numérique... Je suppose que l’éditeur m’en voudrait beaucoup de dire ça, mais bon...
Cela rejoint mon sentiment, l’objet livre en lui-même est important, on peut le garder, l’oublier, le relire, le côté tactile est important...
Je pense par contre qu’il y a un vrai marché pour le livre audio, qui, en France est complètement à défricher, qui est un marché énorme en Allemagne, en Espagne... En France, cela commence un peu avec audiolib. Ca, j’y crois, il y a un vrai marché, car il y a des gens qui ne peuvent pas lire, et c’est pourquoi c’est une chance. Je reçois des mails très émouvants de non-voyants qui ont pu avoir Le Syndrome de Copernic parce qu’il existe chez audiolib. Il y a un marché, on peut ainsi écouter un roman quand on est dans sa voiture ! J’espère que cela arrivera, j’aime bien les romans audio. Je crois que j’ai Le Seigneur des Anneaux en roman audio, ça fait 17 CD !
*grand yeux de la part de l’interlocutrice* Combien d’heures d’écoute ?
Oula, je ne sais pas... Le Syndrome de Copernic fait déjà 13 heures ! Je n’ose pas imaginer pour le SDA !
Quels rapports entretenez-vous avec la critique ? Vous-même avez été journaliste par le passé.
Ça dépend... Globalement, je suis assez épargné, car je fais de la littérature de genre, je ne suis pas dans le milieu parisien des auteurs qui se détestent, des histoires d’éditions, qui se massacrent les uns les autres dans la presse, le milieu de la littérature en général. Les rares fois où j’ai des critiques négatives, ce sont des choses fondées, donc ça va ! Ca m’arrive de m’énerver quand un journaliste commence son article en disant que je suis un jeune auteur peroxydé, je trouve que cela n’a pas un grand intérêt littéraire, mais bon, faut que j’assume, même si c’est ma couleur naturelle, je tiens à préciser !
Vous avez eu très tôt un site internet. Comment abordez-vous ce média au quotidien ?
En fait, c’est un moyen pour moi de combler le manque de relations humaines dans mon métier. J’ai toujours fait des métiers où je côtoyais beaucoup de monde ; quand j’étais journaliste, je côtoyais plein de gens, j’avais des collègues, je travaillais avec d’autres personnes. Le métier d’écrivain est, il est vrai, plus solitaire, or je ne suis pas du tout solitaire ! Du coup, c’est un moyen de garder le contact avec les autres auteurs, mes lecteurs... Ça fait du bien, voilà, quand on est enfermé chez soi, de rester en contact avec le monde extérieur !
Enfin, que peut-on vous souhaiter pour 2009 ?
Des journées un peu plus longues... Qu’un phénomène surnaturel fasse passer les journées de 24 à 32, 33 heures ! Voilà, ça, ça m’aiderait beaucoup !

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