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Henri Loevenbruck et le premier tome de Gallica
Par Luigi Brosse, le mardi 10 février 2004 à 23:15:20
Henri Loevenbruck a eu la gentillesse de nous accorder une (3eme) interview, à l'occasion de la sortie du Louvetier, premier tome de sa nouvelle trilogie explorant notamment le folklore de notre France, Gallica.
Avec enthousiasme et franc-parler, il répond à nos questions.
Nos questions, ses réponses !
- A la lecture du premier tome de Gallica, on ne peut s'empêcher de penser que vous avez franchi un palier, notamment dans la dimension que prend votre histoire, presque immédiatement. Avez-vous eu vous aussi cette impression à l'écriture ?
- Merci, car c'est un beau compliment. Je ne sais pas si j'ai franchi un nouveau palier, mais l'une de mes motivations pour écrire cette nouvelle trilogie, c'était que j'avais l'impression d'avoir raté des choses dans La Moïra - surtout au niveau de la cohérence du message - et que j'espère les réussir cette fois-ci. Quand j'ai commencé La Moïra, je n'avais qu'un seul roman publié à mon actif. Quand j'ai débuté Gallica, j'en avais cinq. Et donc plus d'expérience, plus de recul, plus d'autocritique. J'espère que tout cela servira à faire une trilogie de plus grande qualité.
- J'ai particulièrement apprécié la "réécriture" de certains aspects de l'Histoire de France, l'usage de la langue d'Oc dans les poèmes des troubadours, les intrigues des puissants, les coutumes, ce genre de choses... Est-ce déjà une passion pour vous à la base, ou bien avez-vous dû te documenter ?
- J'ai dû me documenter énormément, comme je le fais pour tous mes romans. Pour La Moïra, je me suis documenté sur les loups pendant plus d'un an. Pour Le Testament des siècles, j'ai dû effectuer un travail de recherche faramineux et épuisant. Mais j'adore ça. C'est donc avec plaisir que je me suis plongé dans l'Histoire de France et le folklore français pour Gallica.
Mon ambition était de faire vraiment de la Fantasy française. Les auteurs comme Colin, Gaborit et moi, qui appartenons à la même génération, nous interrogeons souvent sur l'identité de la Fantasy française. Nous avons été évidemment extrêmement influencés par les anglo-saxons. A présent, nous trouvons chacun, roman après roman, notre voie propre. En ce qui me concerne, j'ai voulu montrer que l'Histoire de France, les légendes et les folklores français sont largement assez riches en imaginaire pour nourrir une trilogie de Fantasy qui n'ait pas à puiser dans les mythologies nordiques, scandinaves ou anglo-saxonnes. Tout est là, dans notre culture. Nos animaux de légendes, les templiers, les ordres monastiques, les cathares, les troubadours, le régionalisme, les sorcières. Bref, Gallica - comme son nom l'indique - c'est de la Fantasy 100% française :-) Ceux qui ont déjà lu mes romans savent que ce n'est pas du patriotisme, ni du chauvinisme, loin de là. Non. Car encore une fois, je me sers de tout ce background pour sa force symbolique et pour faire passer un message aussi universel que possible. - Vos personnages féminins sont de nouveau particulièrement mis en valeur, notamment la duchesse de Quienne. Avez-vous une préférence pour elles ? Car on les sent souvent plus complexes, j'oserais dire plus travaillées, que les hommes.
- Oui, en effet. La Fantasy a souvent été une littérature très conservatrice et à la limite de la misogynie. Malgré tout l'amour que j'ai pour Tolkien, on peut dire que la Communauté de l'Anneau manque cruellement de nanas (même si il y a certains personnages secondaires féminins assez profonds) ! Quand je fais de la Fantasy, j'ai donc envie d'inverser un peu la balance, de ne pas faire une littérature passéiste et très masculine, mais plutôt une littérature progressiste et légèrement féministe. Et puis chez moi habitent deux femmes extraordinaires. Mon épouse et ma fille. Elles sont pour moi un exemple et une source d'inspiration quotidienne.
- Comment décririez-vous le "concept" des Brumes, au-delà de la représentation de la Nature, du merveilleux ?
- Je ne peux pas trop en dire car on va en découvrir davantage dans le second et surtout dans le troisième tome. Les Brumes sont des animaux de légende, chimère, licorne, dont - dans Gallica - les loups font partie. Ils sont effectivement une personnification de la Nature, mais c'est un peu plus complexe que cela et, vraiment, je ne peux rien dire pour le moment sans gâcher le plaisir de lecture des deux tomes suivants.
- Avant de poursuivre, j'aimerais savoir comment avez-vous décidé de retravailler la trilogie de La Moïra... Je ne voudrais pas poser la question qui fâche, mais comprenez-vous que certains lecteurs qui vous ont accordé leur confiance dès le début de votre aventure de La Moïra se sentent un peu... lésés ?
- Je le comprends, bien sûr, mais c'est une chose que les auteurs font souvent. Il faut un sacré ego pour estimer qu'un roman est parfait est n'a pas besoin d'être retravaillé. Les trois romans de La Moïra, après une première réimpression, étaient épuisés fin 2003. Plutôt que de les réimprimer tels quels, j'ai demandé à mon éditeur une petite faveur : je voulais corriger quelques erreurs et surtout approfondir la fin du troisième tome dont je n'étais pas complètement satisfait. Tolkien l'a fait avec Bilbo et avec Le Seigneur des anneaux. Marguerite Yourcenar l'a fait avec L'Oeuvre au noir. Je sais que c'est un peu énervant pour les lecteurs qui ont acheté la première édition et je les prie de m'excuser, mais c'est tout de même mieux pour ceux qui achèteront la nouvelle édition. Les anciens lecteurs peuvent aller jeter un coup d'oeil en bibliothèque pour relire la fin du troisième tome. Toutefois, l'histoire est toujours la même. Il n'y a pas de grand changement. J'ai seulement approfondi certaines scènes, développé certaines idées.
- A-t-il été facile de reprendre contact avec votre univers ? Est-ce qu'il a fallu que vous l'apprivoisiez de nouveau, pour ainsi dire ?
- Oui, j'ai dû le réapprivoiser, surtout que j'ai écrit un thriller entre temps, et ça n'a pas été simple, c'est vrai. En vérité, reprendre contact avec cet univers Fantasy, ce n'est pas si différent que ça du thriller. Pour les deux, j'ai le même besoin de documentation, de me replonger dans une ambiance... C'est le même travail chaque fois que je commence un nouveau roman.
- Faisons cette fois un petit bond en avant. Une fois Gallica achevée, vous voyez-vous continuer à écrire dans cet univers-là ?
- Il ne faut jamais dire jamais, mais pour l'instant, ce n'est pas dans mes projets. J'ai plusieurs thrillers à écrire ; j'ai beaucoup aimé écrire Le Testament des siècles, et j'ai envie de continuer un peu dans ce secteur là. Quand Gallica sera fini, j'aurais donc écrit six romans de Fantasy. C'est déjà pas mal. Quand j'aurais écrit six thrillers, je reviendrai peut-être à la Fantasy, qui sait ? Après le troisième tome de Gallica, je publierai donc un thriller sur lequel j'ai commencé à travailler, dont le titre de travail (attention, scoop !) est L'Heure Blanche, et qui traite de schizophrénie, du syndrome de la guerre du golfe et de l'avenir d'Homo Sapiens Sapiens.
- Entre La louve et l'enfant et Le Louvetier, comment pensez-vous avoir évolué, en tant qu'écrivain ? Et plus généralement, avez-vous senti une évolution positive pour la Fantasy en France ?
- J'ai l'impression d'avoir plus de recul, de mieux comprendre les mécanismes de l'écriture, et d'avoir discerné deux ou trois thématiques qui me tiennent à cour et que je mettais auparavant en scène de façon un peu inconsciente. Pour ce qui est de l'évolution de la Fantasy en France, elle est assez positive, mais manque encore cruellement d'auteurs. Il y a beaucoup d'auteurs de SF confirmés qui pourraient faire des romans de Fantasy remarquables et très personnels, tels Ayerdhal, Genefort, Bordage et autres, mais qui n'ont pas encore franchi le pas. Mais qu'est-ce que vous attendez, les gars ? Et puis il y a des auteurs français qui n'ont pas encore eu le succès qu'il mérite, comme Ange par exemple, dont les BD ont un accueil formidable, et dont les romans de Fantasy (Les Trois lunes de Tanjor) pourraient en surprendre plus d'un !
- Pour conclure, une dernière question, en revenant au Louvetier... Sans dévoiler de grosses surprises, que pouvez-vous nous dire sur la Voix des brumes ?
- Eh bien, dans la Voix des brumes reprendra là où Le Louvetier s'est arrêté, et Bohem y rencontrera un nouveau défi inattendu. Contrairement à La Moïra, le premier défi de Bohem prendra fin dès le deuxième tome, mais celui-ci s'ouvrira vers un défi nouveau, beaucoup plus ambitieux, et qui verra son dénouement dans le troisième tome. Je ne peux rien dire d'autre :-)
- Et, sur une note plus légère, à l'occasion de notre grand Tournoi, Aléa fait son entrée parmi les 128 personnages participants ! Un petit mot d'encouragement pour ton héroïne ?
- Aléa n'a pas besoin de moi, elle est bien plus forte que son auteur, et c'est plutôt moi qui ai besoin d'elle :-)
Interview réalisée par Gillossen
Auteur
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