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Henri Loevenbruck nous présente La Guerre des loups
Par Luigi Brosse, le dimanche 16 septembre 2001 à 23:08:56
Il y a tout juste quelques mois, nous vous proposions une interview d'Henri Loevenbruck pour la parution du premier tome de sa série La Moïra. Le tome 2, La Guerre des Loups, vient tout juste d'arriver dans les rayons. C'était donc l'occasion rêvée pour inviter l'auteur à répondre à de nouvelles questions sur son œuvre et sur sa manière d'aborder la création artistique.
Savourez !
Nos questions, ses réponses !
- Tout d'abord, laisse-moi te dire que j'ai beaucoup apprécié ce deuxième tome de la Moïra, notamment les cent dernières pages, vraiment enlevées. J'espère donc que l'accueil du public est en conséquence. A ce sujet, que penses-tu pour le moment du succès de la Louve et l'Enfant, puis du bon démarrage de celui-ci. J'ai vu que tu remerciais tes lecteurs, à la fin du roman.
- Mon éditeur et moi-même avons été très agréablement surpris par l'accueil que les lecteurs ont réservé à la Moïra. D'ailleurs, merci ! On ne pensait pas qu'un roman de pure Fantasy francophone pouvait avoir ce succès en grand format. Cela prouve déjà que contrairement à ce que l'on pense, les gens n'achètent pas de la Fantasy uniquement parce qu'il y a un nom américain sur la couverture... Ce qui est bien, c'est que "Loevenbruck", les gens ne savent pas trop ce que c'est. On me prend parfois pour un belge, un allemand, un hollandais... En réalité, c'est lorrain ! Je sais aussi que je dois beaucoup aux libraires dont certains m'ont réellement soutenu, voire appuyé ! L'accueil en librairie a été extraordinaire, je ne sais pas pourquoi... Peut-être parce que je suis un des premiers français à s'être vraiment lâchés en Fantasy depuis longtemps. J'ai voulu faire de l'aventure, sans complexe, plutôt que chercher absolument à me démarquer en tant qu'auteur francophone. Ce qui m'a interessé sur la Moïra n'était pas de revendiquer ma spécificité d'auteur francais, mais simplement de me donner du plaisir pour en donner aussi aux lecteurs. Je reçois encore plus de réactions positives avec le deuxième tome, sans doute justement parce que, maintenant que l'univers est installé et que les personnages sont en place, c'est l'aventure qui prime. Je me suis encore plus laché sur celui-là, et pour le troisième tome, ca va chier !!!
- Une chose frappante, c'est la façon dont on entre dans le monde de Gaelia, ou alors, dont on le retrouve. On est transporté dès les premières pages. Est-ce que cela se fait aussi naturellement pour toi que pour le lecteur ? Lorsque tu t'attelles à un nouveau chapitre par exemple, est-ce facile de plonger dans ton monde, hors de la réalité ?
- J'ai particulièrement travaillé là-dessus. J'ai voulu éviter au maximum aux lecteurs d'avoir besoin de relire le premier tome, parce que je sais que c'est très désagréable d'être complètement perdu au début d'un roman. Mais il y a sûrement encore quelques moments où l'on ne se souvient pas de tout ce qui s'est passé, de tous les personnages. Il y en a tellement ! Toutefois, l'un des correcteurs de La Guerre des Loups n'avait pas lu le premier tome et en très peu de pages il a compris l'intrigue et la position des personnages !!! Faut dire, c'est un docteur en lettres, il est balaise ! Ceci dit, je déconseille fortement aux gens qui n'ont pas lu le premier de commencer directement par le second. C'est véritablement une suite, cela pourrait presque être un seul roman. Quant à savoir si j'ai du mal à me replonger dans le monde de la Moïra, non, au contraire, c'est un véritable plaisir ! Les personnages ont vraiment pris vie. Jamais je n'aurais imaginé que je puisse un jour dire ça, mais c'est vrai, mes personnages me font parfois des surprises !!! Amine, par exemple. C'est difficile à expliquer, mais au cours de l'écriture, je l'ai laissée parler, et elle m'a entraîné plus loin que je ne l'avais prévu !
- Ton style a à mon avis lui aussi son importance. Il est à la fois simple, et pourtant porté par une touche, une patte assez marquée.
- J'essaie d'être clair, précis, et surtout pas trop maniéré. Je ne suis pas un puriste du style, même si je me régale en lisant les auteurs qui en ont. J'ai passé de nombreuses années à étudier la littérature et je sais apprécier un auteur qui a du style. Pour l'instant, mon objectif n'est pas d'avoir un style, mais de divertir. L'autre jour un professeur de français m'a fait remarquer qu'il y avait des maladresses de style dans la Moïra... Bon. Si déjà les lecteurs s'éclatent, je suis bien content. J'ai 29 ans, j'ai encore le temps de réfléchir au style ! Je ne suis pas sûr qu'un excès de style soit toujours au service du roman. Mais pfff, c'est un débat dans lequel on va éviter d'entrer... En revanche je suis un puriste de la clarté. Mon angoisse est toujours qu'un lecteur puisse ne pas me comprendre. Alors j'essaie d'être clair. Ma deuxième angoisse est qu'un lecteur puisse s'ennuyer. Alors j'essaie d'être fluide... J'essaie en tout cas. Mais ceux qui voient comment je m'habille savent que le style n'est pas mon premier soucis, hahaha !
- Le monde de la Moïra est bercé d'une multitude d'influences, aussi bien directement celtiques, que d'autres. Est-ce facile de les retranscrire en un tout uniforme sans avoir l'air de les agglutiner simplement pour faire... couleur locale ?
- C'est un peu compliqué parfois, je dois l'avouer ! Mais encore une fois, cet univers a fini par exister par lui-même, il a sa propre cohérence, ses propres contradictions. Finalement, il est aussi uniforme que peut l'être un monde réel, c'est-à-dire pas tellement !! Quand on regarde un pays, que de diversités ! Que de contradictions ! Que de mélanges !
- Tu as assumé de nombreuses fonctions et métiers. Et même encore maintenant, tu as plusieurs projets en chantier. Si tu devais ne retenir qu'une seule activité, quelle serait-elle ? Le métier d'écrivain ? Qu'est-ce qui t'apporté le plus de satisfactions pour le moment ?
- Si je ne devais en retenir qu'une seule, ce serait bien sûr l'écriture. Mais toutes mes activités m'ont apporté beaucoup de satisfactions. Quand je suis prof d'anglais, je me régale. Quand je suis journaliste aussi... Très bizarrement, alors que j'étais un gros paresseux jusqu'en terminale, voire plus, je suis devenu un gros bosseur. Parce que quand un boulot me plait, je me donne à fond... Et j'ai eu l'extrême chance de ne faire quasimment que des boulots qui me passionnaient. Mais rien ne vaut le plaisir d'écrire et d'être lu...
- Un personnage que j'ai pour ma part beaucoup apprécié, c'est Samael. Par certains côtés, on dirait une sorte de Saroumane survolté, pour plaisanter un peu. Comment s'est-il imposé à toi ?
- C'est un personnage ambigü. C'est une ordure, mais une ordure qui a des raisons de l'être (des raisons, pas des excuses), et qui a été faite par les gens qui aujourd'hui lui reprochent d'en être une... Tiens, ca me rappelle quelque chose de très très actuel... En gros, disons que les druides de la Moïra et la CIA ont ceci en commun : ils ont quand meme fait beaucoup de conneries qui leur retombent dessus !
- Bien entendu, une autre figure marquante de ce roman, est Dermod Cahl, le nouveau général des armées de Maolmordha. Son charisme est vraiment imposant. Je me demandais si la personnification de la mort dans le folklore breton avait eu son importance quant à son apparence ? Et sinon, est-ce que le fait que l'on se doute très vite de son identité véritable est voulu, afin de faire naître le malaise dans l'esprit du lecteur qui sait avant Aléa ?
- Je n'ai pas directement pensé au folklore breton pour Dermod Cahl. Pas consciemment en tout cas. Disons que j'ai voulu faire un mort-vivant d'envergure, et le personnage s'est imposé très vite. Euh, même à moi, il me fait peur ! Quant à sa véritable identité, oui, le lecteur la découvre plus vite qu'Aléa, et c'est un effet voulu, bien sûr. C'est amusant, ca me fait penser à la fin du film Seven. On sait très bien ce qu'il y a dans la boite que le personnage de Brad Pitt va ouvrir. On sait très bien, et pourtant on est horrifié...
- Pour en venir au personnage de l'héroïne, Aléa, elle mûrit beaucoup durant le roman. Elle se montre même parfois très dure. Etait-ce ardu justement de ton côté de démontrer que c'était le cours de l'Histoire qui lui imposait cela, et non pas la volonté de l'écrivain pour les besoins de son récit ?
- Je me répète, mais vraiment, les personnages sont lancés de telle sorte que leurs trajectoires s'imposent d'elles mêmes. Aléa n'a pas d'autre choix. Et puis elle a aussi un passé qui l'a préparée à murir un peu plus vite que la moyenne... Les expériences qu'elle vit l'ont fait bien sûr murir. Et pourtant, par moment, elle reste petite fille. Aléa aussi a ses contradictions. C'est tantôt une petite fille adorable, tantôt une petite chieuse, tantôt un leader intelligent, tantôt une folle furieuse. Bref, c'est un être humain, non ?
- Arrêtons-là les titillages ! Quelque chose que j'adore chez toi, c'est la façon dont tu arrives à conserver la flamme d'un conteur des anciens temps, tout en apportant une note moderne dans ton approche de Fantasy. Encore une fois, est-ce une démarche pensée, ou bien, chose que personnellement je crois, le monde que tu as inventé finit par acquérir une vie propre et influer sur ta manière de l'aborder ?
- D'abord merci. J'adore l'idée d'être comparé à un conteur plutôt qu'à un écrivain. C'est tout à fait mon ambition. J'adore raconter des histoires. Je commence d'ailleurs mes romans à la façon d'un conte. Et la présence des loups aussi s'ajoute à cela... Quant à moderniser le discours habituel de la Fantasy, je ne sais pas si j'y suis parvenu, mais c'était aussi un souhait. J'ai voulu faire des personnages qui se posent des vraies questions, j'ai voulu faire des vrais personnages féminins, des vrais personnages ambigüs, et peut-être cela sort un peu d'une Fantasy trop classique. Mais je n'ai pas non plus voulu faire un roman trop "prise de tête". Cela reste un roman d'aventure. D'évasion...
- Enfin, si je te dis que tu me fais plus penser à Eddings qu'à Tolkien, la comparaison te convient-elle toujours ?
- Disons que si tu me disais que je te fais penser à Tolkien le pauvre J.R.R. se retournerait dans sa tombe en te demandant de ne pas exagérer !!! Quant à Eddings, je ne pense pas lui arriver à la cheville non plus. La grande différence, c'est que j'ai lu Tolkien, et, oserais-je l'avouer, je n'ai pas lu Eddings (très peu en tout cas) !!! En revanche, j'ai lu Robert Jordan, et on me reproche souvent que la Moïra ressemble à son oeuvre, ce que je ne peux nier. D'abord parce que nous puisons dans les mêmes références culturelles, mais aussi parce que l'oeuvre de Jordan est excellente, et donc envahissante ! J'espere toutefois avoir apporté une petite touche personnelle, ne serait-ce que par le personnage d'Aléa. Ni Eddings, ni Tolkien ni Jordan n'ont fait du "messie" un personnage féminin... Na !
Interview réalisée par Gillossen
Auteur
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