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Rencontre avec Pierre Pevel !

Par Izareyael, le dimanche 8 juin 2008 à 00:12:38

Souvenez-vous, c'était en mars dernier... Nos envoyés spéciaux au Salon du Livre de Paris avait eu l'occasion de rencontrer plusieurs auteurs, comme Mélanie Fazi dont l'interview retranscrite peut être lue ici. Voici à présent, sans plus tarder, la retranscription de l'entretien avec Pierre Pevel !

L'interview

Alors, comment se passe ce Salon du Livre 2008 ?
Ah, pour l'instant c'est très très bien, je suis arrivé hier mais je n'ai pas mis les pieds dans le salon, j'en ai profité pour faire un peu de shopping en touriste à Paris ! Mais là, cet après-midi, ça se passe admirablement bien, je réponds à des interviews, les gens sont gentils avec moi, tout va bien !
Et le contact avec les fans ? Vous n'avez pas encore eu de séance de dédicace...
Non, je n'ai pas encore eu de séance de signatures, ça aura lieu demain et après-demain, mais j'ai déjà eu deux-trois personnes qui sont venues comme ça, me faire signer un livre de manière un peu sauvage, sur un coin de table... C'est très agréable, c'est très gentil !
Donc on peut dire que pour l'instant ça commence bien !
Tout va bien ! ...C'est bien pour ça qu'il faut que ça change !
Nous allons repartir un peu en arrière... Vous n'en aviez pas parlé lors de votre première interview pour Les Lames du Cardinal... à la base, qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire ? C'est un peu bateau, je sais...
Non, non, ce n'est pas bateau, mais c'est très difficile... Ce n'est pas un un besoin fondamental, parce que les jours où je n'écris pas je vis très très bien ! De toute façon, je préfère jouer avec mes chats, regarder des DVD ou faire un jeu avec ma console vidéo que de travailler, d'une manière générale. Mais... honnêtement, c'est quand même à peu près la seule chose que je sache faire. Et, d'après certains, je ne la fais pas bien ! Mais je ne sais pas faire autre chose. Très honnêtement, je ne sais pas faire autre chose. Je n'ai pas de métier.
Ça me vient pas loin de l'envie, du plaisir de raconter des histoires. Voilà. Donc ça me prend, l'écriture c'est vraiment ça ! Mais je pense que je serais aussi heureux si j'étais scénariste de cinéma, ou de bandes dessinées, ou... Tout métier qui me permettrait d'inventer des histoires, de les raconter et de gagner de l'argent avec m'aurait autant plu, probablement, que l'écriture.
C'est le côté conteur ?
Oui, oui ! Je suis raconteur d'histoires !
Je vais passer maintenant aux Lames du Cardinal. La dernière fois, rien de révélé sur l'intrigue ! C'est classé Secret Défense, à part que c'était la suite du premier ! J'aurais voulu savoir si vous étiez bien avancé, si la sortie est toujours prévue pour octobre...
C'est toujours la suite du premier... Oui, oui, je dois commencer l'écriture bientôt... Je l'écris l'été, de manière à ce qu'il puisse sortir au milieu de l'automne, quelque chose comme ça. Donc oui, tout ça est en bonne voie !
Mais sur l'intrigue, c'est toujours classé Secret Défense ?
C'est la suite du un, oui. Je ne peux pas aller plus loin. Disons que... Honnêtement, ce n'est pas que je n'en sais rien. C'est que je pourrais vous répondre quelque chose qui ne sera plus vrai demain. C'est encore magmatique, c'est encore en situation d'évoluer. Donc bon, moi, je sais grossièrement dans quelle direction ça va, mais si je vous disais ce dont je suis déjà sûr...
Ça en dirait trop.
Oui ! Je dirais la forme. Donc c'est les mêmes personnages, c'est la suite de l'aventure, ça va se situer très peu de temps après le premier tome... Le premier tome c'est en mai et on sera en juin, pour vous dire si c'est quand même proche... et on va en apprendre un peu plus sur les personnages, en même temps qu'il va y avoir une nouvelle aventure.
La fin vous est venue dès le début, vous saviez comment ça allait se terminer ?
Je sais de quoi il est question, donc grosso modo je sais comment ça va se finir, quoi. Mettons que... c'est pas ça du tout, mais si je savais qu'ils vont affronter un vampire, par la même occasion je sais qu'a priori ils vont gagner contre le vampire - c'est ça l'idée. Donc oui, je sais dans quelle direction ça va, je sais quels personnages historiques vont entrer en jeu... Je ne peux vraiment pas dire grand-chose de plus que ça. De toute façon, j'ai déjà répondu à deux interviews avant vous, les deux m'ont demandé ce qui allait se passer, et je ne leur ai pas répondu. Donc éthiquement, je ne peux pas vous répondre, à vous.
J'apprécie la ténacité, mais je ne céderai pas pour autant !
Donc vous allez le rédiger cet été, c'est ça ?
Oui, j'écris cet été. En fait, je commence le mois prochain (avril 2008, NdlR).
Quelle place prend l'écriture dans votre emploi du temps ?
Ah, c'est mon métier, donc forcément j'y consacre du temps, oui !
Mais en attendant vous n'écrivez pas ? En attendant le mois prochain j'imagine que non, mais êtes-vous parfois sur plusieurs sujets en même temps ?
Jamais, non. Je me consacre entièrement à un livre à la fois. Je n'y arrive pas. J'ai déjà essayé, j'aimerais bien, ça me ferait probablement gagner du temps. Si je pouvais, par exemple, réfléchir à l'intrigue d'un livre pendant que j'en écris un autre, j'irais deux fois plus vite ! Mais je n'y arrive pas, il faut vraiment que je me concentre sur un livre à la fois, donc je réfléchis à l'intrigue du livre, ensuite j'écris le livre, et ensuite je réfléchis à l'intrigue du suivant.
Donc même une idée, simplement, vous ne pouvez pas la développer ?
Je peux la noter dans un coin. Mais honnêtement, je n'ai pas vraiment beaucoup d'idées ! Je suis tellement accaparé, obsédé par le bouquin que je suis en train de faire, que j'ai du mal à faire autre chose ! On me l'a déjà demandé, j'ai déjà vu des gens qui, très amicalement, me disaient Tu t'arrêtes une semaine, tu m'écris une petite nouvelle, ça m'aiderait,etc... et le fait est que non, je n'y arrive pas ! Pour moi, cette semaine, c'est une semaine perdue, parce que je ne cesse de penser au bouquin que je devrais être en train d'écrire et que je n'écris pas.
Ça rentre en fait dans le cadre de ce que vous m'expliquiez, comme quoi vous aviez vraiment besoin de tout cadrer dans l'intrigue, en dehors des dialogues qui doivent rester très spontanées...
Il vaut mieux en effet... De toute façon, je n'entame jamais l'écriture d'un roman sans savoir exactement comment il se finit, comment il est découpé, chapitre par chapitre, scène par scène... Pour les dialogues, oui, j'essaie de garder une certaine fraîcheur, une spontanéité dans l'instant, quoi. Ça c'est l'avantage du scénariste par rapport à la vraie vie, c'est que si je pense à une super bonne réplique quinze jours après, je peux la mettre dans l'instant ! mais pas téléphoner au gars pour lui dire au fait, j'aurais dû te dire ça ! C'est vrai que, de ce côté-là, c'est l'avantage ! C'est plus facile pour les personnages de rôles de fiction d'avoir beaucoup d'esprit, parce qu'ils peuvent réfléchir beaucoup longtemps que nous !
Un peu plus tôt, quand j'interviewais Patrice Louinet, on parlait d'Howard, forcément, et ça m'a rappelé une phrase d'Howard par rapport aux écrits qui pourrait s'adapter, je trouve... Qu'est-ce que vous en pensez quand il dit qu'il faut écrire l'histoire sous forme romanesque ? Pour attraper le lecteur, en somme.
L'Histoire avec un grand H ?
Oui.
Euh... Non, moi je fais beaucoup plus que ça, je mets des dragons !
C'est probablement l'étape ultime... Parce qu'après les dragons, qu'est-ce qu'on peut faire d'autre ? Mais oui, non, c'est pas faux ! Enfin l'idée, avec mes bouquins, ce n'est pas de faire découvrir l'histoire ! Si on veut découvrir le XVIIe siècle, il vaut mieux prendre les livres que j'ai lus, moi, pour écrire le livre. Mais oui, le point de vue se défend !
Donc j'imagine quand même que vous conseillez de lire de vrais ouvrages historiques, ce qui paraît logique.
Non, je conseille de lire mes livres. C'est ça que je conseille. (rire) Et si on s'intéresse vraiment à l'époque, plus qu'aux histoires de dragons avec des bagarres, etc., il vaut mieux lire des bouquins historiques.
C'est intéressant parce que justement j'imagine que l'Histoire est vraiment quelque chose qui importe, dans le sens où c'est une base pour vos romans...
C'est surtout la période qui m'intéresse. Je ne suis pas historien comme on pourrait être cinéphile et aimer tous les films... Moi, ce que j'aime, c'est le début du XVIIe siècle, essentiellement français – ceci dit, il est intéressant en Angleterre, en Hollande et en Allemagne – mais moi, ce qui m'intéresse, c'est l'époque des mousquetaires, c'est Richelieu, Louis XIII, les bagarres à l'épée, les duels et les carrosses !
Et dans Les Enchantements d'Ambremer par exemple ?
Ah, c'était une autre époque, qui m'intéresse aussi beaucoup, mais elle m'intéressait surtout beaucoup, cette époque – donc le début du XXe siècle – parce que je trouvais que du point de vue de l'architecture, de la culture, des arts, peinture, etc., ça s'adaptait particulièrement à un traitement féérique. Mais avec Les Trois Mousquetaires qui m'ont fait découvrir la période et Les Lames du Cardinal que j'ai écrit, ce qui m'intéresse avant tout c'est le Paris, la France de cette époque, sur laquelle je suis très documenté, oui, ça c'est certain.
Trouvez-vous qu'on accorde à l'Histoire – de façon générale, pas seulement cette période – la place qu'elle mérite ?
Je vais vous dire, d'une certaine manière, en général, on n'a que ce qu'on mérite. Mais... est-ce que l'Histoire a le traitement qu'elle mérite dans la société actuelle ? C'est-à-dire est-ce qu'on ne devrait pas essayer de se souvenir un peu plus de ce qu'il s'est passé pour essayer de ne pas refaire les mêmes conneries ? Oui, je pense que si... Ce serait pas bête. Je me souviens, quand j'écrivais Wielstadt, je décrivais une guerre – enfin, par le petit bout de la lorgnette, mais je décrivais une guerre civile, qui est la Guerre de Trente Ans. Et à la même époque, il y avait ce qu'il s'est passé en ex-Yougoslavie. Et il y avait parfois des échos qui étaient faits à mon bouquin quand je regardais le journal le soir ou que j'ouvrais mon papelard le matin... C'était bizarre. Je me disais Il s'est passé trois siècles et on fait les mêmes horreurs, pour les mêmes raisons, à peu de choses près, et... et l'être humain est toujours capable, du jour au lendemain, de s'égorger entre voisins...
Ça reste une situation un peu dérangeante quand on s'en aperçoit...
C'était pas rigolo. C'était pas rigolo. C'était... pas tellement à désespérer de l'espèce humaine, parce qu'on sait de quoi elle est faite, mais c'est... Cette barbarie, elle est toujours contemporaine, quoi. On se berce toujours de l'idée qu'à notre époque ceci, à notre époque cela, ben à notre époque rien du tout, notre époque c'est la même que celle d'avant, et, quand il s'agit de faire du mal à autrui, ni plus ni moins douée qu'avant.
Ça a pu aller jusqu'à bloquer, parfois, dans l'écriture ?
Non, j'ai même envie de dire au contraire ! C'est-à-dire que je n'avais qu'à ouvrir ma télé pour comprendre des trucs sur ce qu'il s'était passé à l'époque ! C'était plutôt l'époque contemporaine qui éclairait le passé, finalement, pour moi. A ce niveau-là, c'était aussi troublant qu'intéressant ! C'est-à-dire que, si je n'étais pas en mesure de comprendre pourquoi, à la fin de la Guerre de Trente Ans, dans telle région d'Allemagne, il restait trente pour cent de la population – trente pour cent ! – je n'avais qu'à regarder ce qui se passait au Kosovo... Ah oui, oui. Je comprends. Ça n'a rien d'étonnant, c'est presque normal !
Ce n'est pas très joyeux...
Allez ! Maintenant, une blague ! Talalala ! (rire gêné)
Je vais revenir aux Lames, encore une fois. Vous m'aviez dit dans l'entretien de novembre, je ne sais pas si vous vous souvenez, qu'au départ c'était un projet de pure fantasy. J'aurais voulu savoir si un jour vous pensez pouvoir vous en tenir à ce parti-pris, est-ce que vous pouvez imaginer un roman de votre part qui serait vraiment cent pour cent fantasy ?
Eh bien faut croire que non ! Parce que l'idée, au début, vraiment, oui, c'était un truc purement de fantasy, je voulais raconter dans un monde totalement imaginaire, avec de la grosse fantasy, des grosses bagarres, des grosses guerres...
On ne devait pas retrouver un simili-ordre des mousquetaires...
Ah non, absolument pas, non, non ! Ça devait raconter l'histoire d'une bande de mercenaires, un truc un peu violent...
Ça n'aurait pas été juste de l'histoire plus déguisée...
Non, non. Par contre, au fur et à mesure que je travaillais et que je cherchais, je me rendais compte que je développais beaucoup un monde qui ressemblait à l'Europe du XVIIe siècle, avec un royaume qui ressemblait beaucoup à la France du XVIIe siècle, un roi qui ressemblait à Louis XIII, qui était aidé par un ministre qui ressemblait à Richelieu, donc... Après avoir signé un contrat sur un plan de fantasy pure, je suis allé voir Stéphane Marsan, mon éditeur, je lui ai dit Honnêtement, au lieu de faire semblant, est-ce que ça ne serait pas mieux que j'y aille franco ? Et il m'a dit Banco, fais le roman que tu veux écrire. Et voilà. C'est devenu Les Lames du Cardinal. Je crois qu'on est toujours rattrapé par ses trucs. Moi, mon truc, ma marotte, c'est les mousquetaires, les gars avec des bottes hautes, des rapières, des pourpoints et des chapeaux... Enfin voilà, c'est mon truc, c'est mon truc.
Ç'aurait été vraiment embêtant pour vous qu'il refuse ?
Ç'aurait surtout été embêtant pour lui, je crois ! (rire) Parce qu'il m'avait déjà donné de l'argent, je l'avais déjà dépensé ! (rire) Non, mais Stéphane est un bon éditeur... Evidemment, je pense qu'a priori il aurait préféré un truc de pure fantasy, parce que Bragelonne c'est plutôt pure fantasy, quoi, là, je débarquais avec un truc un peu...
Mais a posteriori, vu le succès que rencontre le livre, et auprès même d'éditeurs étrangers, pour des traductions, on est ravis !
C'est vous qui lui aviez proposé le projet, à la base ?
Des mercenaires ? Ah non, non, c'est mon idée à moi, il n'y est pour rien ! D'une certaine manière, il s'est vraiment fait avoir ! Je lui ai vraiment dit Oui, je veux faire ça, je suis décidé à faire de la vraie fantasy, je veux le faire chez toi... Il a dit Ouais, banco, on y va tous ensemble !, tout ça, et puis au bout de six mois de travail je suis revenu la queue entre les jambes en disant Ben écoute, tu vas rire, mais... voilà, quoi. Heureusement, c'est un bon éditeur, parce qu'il m'a laissé faire ce que je voulais.
Et là, le roman était déjà bien avancé ?
Non, je n'en étais encore vraiment qu'à la période que j'appelle pré-magmatique, c'est-à-dire que je commence à avoir des envies que j'essaie de mettre en forme. Et là, je me rendais compte que je me dirigeais vers un truc qui faisait semblant de ne pas être un roman de cape et d'épée. Donc à partir du moment où il m'a dit oui, j'ai tout repris à zéro, j'ai tout rasé et je me suis dit Bon, je repars. Alors, qu'est-ce que je fais ? Et j'ai pensé à une équipe de mecs qui bossent pour le Cardinal de Richelieu.
Et c'est quand même resté le roman d'origine, dans l'esprit, ou pas ?
Ah, mais il n'y avait même pas de roman dans l'esprit. Il y avait juste que j'avais envie, très sincèrement, de faire un roman personnel, un roman de pure fantasy. Il n'y avait pas encore vraiment de personnages, il n'y avait même pas encore vraiment d'univers ! Je n'avais que cette envie qui était vraiment sincère ! Et c'est en essayant de travailler sur cette envie et de développer des idées que je me rendais compte que je penchais de plus en plus vers du cape et d'épée, quoi ! et une période que je connais bien et que j'adore, et tout ça ! Donc quand je me suis rendu compte que je penchais vraiment, je me suis dit Soit je rétablis totalement, j'essaie d'écrire un bouquin que peut-être je n'ai pas envie de faire, soit j'en parle à Stéphane très vite pour qu'on essaie de décider de ce qu'on fait.
Vous avez pu lui expliquer les choses, alors ?
Oui, je considère que c'est aussi pour ça que j'ai rejoint les éditions Bragelonne avec plaisir. Pour moi, l'écriture d'un livre, c'est une collaboration avec son éditeur ! C'est sûr que c'est moi qui écris, il ne me fera jamais écrire un truc que je n'ai pas envie de faire, mais par contre j'écoute ses avis, d'ailleurs je lui demande régulièrement qu'est-ce que tu penses de ça, est-ce que ceci, est-ce que cela... C'est pas des réunions marketing du genre Ah, il faudrait qu'on mette un jeune enfant parce que ça va plaire aux ados, ça n'est pas du tout comme ça que ça se passe, mais par contre c'est l'idée que Là, ton bouquin, il commence peut-être un peu tard..., ou Il faudrait que tu mettes un peu plus d'action rapidement, ou Là on ne comprend pas, tout simplement, parce qu'il y a des choses qui sont très claires dans ma tête et qui ne le sont pas forcément sous ma plume ! Donc travailler avec un éditeur c'est très, très intéressant. Le travail que j'ai avec Stéphane Marsan me plaît beaucoup.
Donc jusqu'à présent il a été très à l'écoute.
Oui, et en plus j'ai des rapports d'amitié avec Stéphane et avec Alain (Névant, gérant des éditions Bragelonne, NDLR) que je n'ai avec personne d'autre dans le milieu. Là, Alain, je le connais depuis très longtemps maintenant, et c'est des gens que j'adore ! D'ailleurs, avant même que je rencontre Bragelonne, on dînait régulièrement ensemble, et je leur parlais de mes livres chez d'autres éditeurs, et on parlait de choses et d'autres, et de séries télé, et de films, et de livres, et de ceci, et de cela ! Mais les rapports d'amitié qu'on a, avec eux, on les avait bien avant ! Je l'ai déjà dit plusieurs fois, mais quand j'ai signé chez Bragelonne j'ai eu le sentiment de réparer une anomalie. Il n'était que temps que j'aille chez Bragelonne. J'aurais dû y être depuis longtemps. On s'aime bien, on a les mêmes points de vue sur les livres... C'est vraiment normal qu'on bosse ensemble, quoi ! Si on devait se fâcher, je serais vraiment très, très peiné !
Ça veut dire qu'on ne vous verra plus chez un autre éditeur ?
A priori, non. Il est hors de question que j'aille chez un autre éditeur que chez Bragelonne. Si tout d'un coup j'ai envie d'un roman érotique c'est peut-être pas Bragelonne qui va le faire, c'est certain, ou un polar, par exemple, mais tant que je fais un livre qui, même tiré par les cheveux, avec un vague prétexte, peut être chez Bragelonne, je serai chez Bragelonne, il n'y a aucun doute. Aucun doute.
En fait, pour revenir à l'interview de novembre, je vous ai posé une question sur le jeu de rôle, mais je n'avais pas dû bien formuler, comme c'était par mails, et je ne voudrais pas vous avoir froissé avec ma question... En fait, je voulais plus parler du point de vue du lecteur par rapport à celui du joueur, et aussi par rapport à la liberté du romancier, alors que le lecteur se retrouve plutôt dans le rôle d'un spectateur qui ne peut pas influer comme un joueur le peut...
Déjà, le lecteur s'approprie beaucoup plus un roman qu'on ne le croit. Il peut lire des trucs qui ne sont pas dans le livre, il peut ne pas lire des trucs qui y sont, donc je suis assez étonné, très prudent, sur la part de non-liberté qu'aurait le lecteur par rapport à un roman. Maintenant, il est certain qu'il ne peut pas décider que le personnage va à droite ou que le personnage va à gauche, ça, c'est évident.
Mais par rapport au jeu de rôle, finalement, il faut également faire la différence, capitale, entre le fait d'avoir été maître de jeu dans un jeu de rôle, ce qu'à peu près tout le monde a été, et le fait d'avoir travaillé dans le jeu de rôle, d'avoir écrit des scénarios, des univers, des règles pour le jeu. Moi, j'ai été un professionnel du jeu de rôle à une époque. On n'était pas tant que ça, on se connaissait tous, et c'était la belle époque, parce qu'on a connu l'âge d'or du jeu de rôle en France.
Mais, blague à part, la création d'un auteur de jeu de rôle est très, très, très différente de celle d'un romancier, et elle finit par avoir tellement peu de choses à voir, que les comparaisons sont presque impossibles. Le fait, c'est que le romancier, quand il a fini de travailler, il a produit l'oeuvre. L'oeuvre, ça va être une nouvelle, un roman, voire un scénario de bande dessinée... L'auteur de jeu de rôle, quand il a fini de travailler, l'oeuvre est encore à faire. Parce que l'oeuvre, ça va être la partie qui sera jouée – les parties qui seront jouées. Donc l'auteur du jeu de rôle doit fournir un produit qui doit engendrer l'oeuvre finale, qui sera la partie, le jeu, le plaisir que les gens auront pris. Il faut qu'il donne autant d'armes que possible, le plus gros arsenal possible, pour que l'oeuvre se fasse dans le bon sens. Mais il s'arrête à mi-chemin. Il s'arrête au milieu du gué, il passe le truc au maître de jeu, qui lui finit de traverser et va sur l'autre rive. Le romancier, lui, traverse tout – et il construit son pont, d'ailleurs, donc il n'est même pas emmerdé à passer par le gué ou pas.
Donc c'est vraiment très, très différent, et je crois sincèrement qu'il y a autant de rapport entre la carrière d'un auteur de jeu de rôle et une carrière de romancier qu'entre un décorateur de théâtre et un comédien, finalement. Alors oui, ils vont à peu près dans les mêmes endroits, ils se croisent parfois, ils peuvent discuter et avoir des conversations intéressantes, mais ils ne font vraiment pas le même métier.
Le fait est que ça fait dix ans que j'ai totalement arrêté le jeu de rôle, et d'y jouer et de travailler, et donc je ne me reconnais guère de légitimité pour en parler d'une manière plus générale, parce que je ne sais absolument pas quelle direction ça a pris.
Justement j'allais vous demander si vous suiviez encore d'un oeil le marché...
Pas du tout, non. Ce n'est pas une période dont j'ai honte, que je regrette, j'ai passé de très bons moments, et d'ailleurs c'est là que j'ai rencontré Alain, Gérard et plein d'autres... donc c'était un très bon moment, on s'est bien amusé, mais pour moi c'est vraiment une page tournée, et c'est un milieu que je ne connais plus du tout de toute façon, tous les éditeurs de mon temps, ils n'existent plus, ils ont arrêté de faire du jeu de rôle...
Mais la vivacité qui était dans le jeu de rôle, à l'époque où j'y étais, est maintenant passée dans le jeu sur plateau. Il y a énormément de jeux de plateau, et donc tous les univers possibles... Quand on rentre dans une boutique de jeux maintenant, c'est ce qui est sidérant, la proportion s'est inversée. Avant il devait y avoir 20% de jeux de plateau et 80% de jeux de rôle, la proportion s'est inversée, et avec une richesse égale, c'est très étonnant.
Le dernier que j'ai acheté c'est un jeu où il y a un duel... De toute façon, moi, dès qu'il y a un mousquetaire sur une couverture, j'achète tout de suite !
Alors c'est facile de vous piéger ?
Ah, oui ! Moi, on m'a très facilement ! On met un mousquetaire, une épée, et tout de suite je tombe dans le panneau.
Mais parfois vous avez des bonnes surprises comme ça !
Oui, en plus le jeu n'était pas inintéressant du tout ! ... Non, mais c'est mon truc, les mousquetaires.
Vous aviez parlé de « pilote d'une série » pour ce tome... Cet aspect feuilletonnant revient assez souvent, est-ce que c'est un aspect de la culture « populaire » que vous appréciez, est-ce que là aussi c'est caractéristique ?
Oui, oui, j'adore ! De toute façon, j'aime beaucoup les romanciers fin XIXe-début XXe. On est en pleine période des feuilletonistes, Les Trois Mousquetaires sont d'abord parus dans un journal, puis ensuite Ponson du Terrail, Zévaco, tous ! Tous étaient feuilletonistes ! J'adore cette littérature, et je trouve qu'elle rejoint la passion actuelle que j'ai pour les séries télé ! Je trouve vraiment que c'est fait admirablement, et moi j'essaie de faire ça en bouquin ! J'ai vraiment construit le tome des Lames comme le pilote. J'y présente l'univers, les personnages,etc. ; il sert à cibler exactement, présenter l'univers aux gens, en leur disant Voilà, si vous aimez, continuez à lire ; si ça ne vous plaît pas, ce n'est pas la peine parce que c'est exactement ça, donc ce n'est pas la peine de se faire du mal !
Je vais plus loin, mais ça vous aurait plu d'écrire une histoire à épisodes comme Les derniers hommes de Pierre Bordage ?
Oui, j'aurais probablement aimé ça, mais je n'aurais pas écrit au fil de la plume, j'aurais vraiment tout construit au départ. Oui, au moins les six premiers épisodes, histoire de voir à l'avance s'il y aura un problème...
Comme la diffusion d'un épidode pilote ?
Exactement.
C'est vrai que maintenant c'est pas quelque chose qui se fait très souvent, mais ça vous aurait intéressé, sur le principe ?
Ah oui ! Très, très, très, très, très fort ! Vraiment.
J'aurais voulu maintenant vous poser une question sur le rôle de l'imaginaire dans la littérature d'aujourd'hui... C'est assez vaste, comme question, mais est-ce que, par exemple, l'emploi de la fantasy dans vos romans, avec l'apparition de dragons, etc. Est-ce que ça joue aussi à votre avis sur ce sentiment d'évasion chez le lecteur ?
Le lecteur, ce qu'il veut avant tout, c'est qu'on lui raconte l'histoire. Ça a l'air tellement con à dire, mais c'est la vraie vérité – les gens veulent qu'on leur raconte des histoires. Ensuite, peu importe l'histoire, ou presque. Quand je dis peu importe l'histoire, je veux dire que ce soit une histoire fantastique, ou réaliste, ou un polar... du moment qu'il y a une histoire et qu'il se passe des trucs. Maintenant c'est vrai qu'il y a des lecteurs qui a priori ont besoin de pudeur, ou de prudence, qui ne vont pas aller vers la fantasy, ou bien la science-fiction, peut-être qu'il y en a qui ne vont jamais lire de polars... Ça, ensuite, chacun a soit ses oeillères, soit ses habitudes... il n'y a même pas matière à débat, chacun fait comme il veut !
Moi, la fantasy, je suis tombé dedans quand j'étais petit. J'avais onze ans quand j'ai vu La Guerre des Etoiles au cinéma. Un nouvel espoir, La Guerre des Etoiles, c'est de la fantasy.
C'est marquant, à onze ans !
Ah, ça m'a... S'il y avait une acception positive au terme traumatisé, c'est ce qu'il faut employer ! J'ai vraiment été marqué à vie par ce truc ! Et chaque fois que j'entends les notes de John Williams sur le thème de La Guerre des Etoiles, chaque fois que je vois certaines images... j'ai tous les poils qui se hérissent sur mes bras, je suis sous le coup de ces émotions... Donc je suis tombé dans la fantasy quand j'étais petit, ensuite... j'ai eu de la chance, quoi ! On a eu Conan et Excalibur quasiment dans la foulée au cinéma, des sombres daubes également, genre L'Epée sauvage, Dar l'invincible, mais bon ! Il fallait faire un certain tri, mais on s'en sortait !
Adolescent, je ne lisais pratiquement que de la fantasy, ce que j'ai arrêté au bout d'un moment, mais je ne lisais que ça... j'ai lu mes classiques, évidemment – Tolkien, Leibner, Moorcock, Vance, Zelazny... enfin, tous les grands, quoi !Donc c'est vraiment ancré en moi.
Pour revenir à ce qu'on disait tout à l'heure, peut-être que je pourrais écrire un bouquin de fantasy pure. Peut-être. Mais ce dont je suis sûr, c'est que je ne pourrais pas écrire un bouquin sans fantasy. Je crois vraiment que j'en suis incapable. Une fois j'ai essayé de faire un polar, au bout du cinquième chapitre la maison était hantée. J''y arrive pas. Ça vient comme ça.
Du coup c'est comme ça que vous avez toujours un prétexte pour rester chez Bragelonne ?
Ah ben là a priori oui ça devrait bien se passer ! A moins que je fasse de la SF ! - Et encore ils ont une collection de SF, mais ils n'en font pas beaucoup. Donc ils en font des très bon, donc comme le mien ne serait probablement pas excellent, j'ai plus de chances de leur balancer un bouquin de fantasy médiocre que de la SF.
J'ai une question par rapport à un media qui me concerne en particulier. J'aurais voulu savoir, en tant qu'auteur, et également en tant que lecteur parfois, quelle place internet occupe pour vous, par exemple pour d'éventuelles recherches, même si vous devez chercher à côté aussi...
Des recherches ? Bien sûr que si des recherches !
J'aurais pensé que vous préfériez le papier...
Au contraire ! Je trouve des textes grâce à Google livre, des textes qui ne sont absolument plus disponibles nulle part !
Par exemple sur la marine de guerre au XVIIe siècle...
Exactement ! Là, j'ai découvert de vieux dictionnaires culturo-historiques sur la période, j'ai trouvé des mémoires qui ne sont plus édités nulle part... Ah oui, internet me sert énormément, ne serait-ce que pour faire des bibliographies ! Je tape sur... un moteur de recherche bien connu... deux-trois termes, et rapidement je trouve des références sur des sites... des librairies en ligne bien connues !... et ça permet de faire des bibliographies bien commodes ! Pour ça, internet, c'est génial ! Pour moi, c'est un accès à la culture, c'est une fenêtre ouverte sur le monde, j'adore ! C'est un outil génial !
Pou la traduction ça peut être pratique pour chercher aussi...
Oui, j'aime bien aussi ! Je viens de traduire un James Bond qui se passe intégralement dans l'Angleterre des années cinquante, et il y a des tas de références culturelles, qui ne devaient déjà pas être claires pour un Français des années cinquante, alors pour un Français des années 2010, vous imaginez ! Heureusement que j'avais un carnet pour savoir ce que c'était que ce truc-là !
Il a une date, ce prochain James Bond ?
Euh, oui, il a une date. Mais ce n'est pas un secret, c'est que je ne la connais pas ! Mais je pense que ça doit être la rentrée...
Non, c'était juste comme ça, comme vous en parliez... Ça ne nous occupe pas directement, de toute façon. Mais sinon, est-ce que vous utilisez internet pour être en contact avec des sites d’actualité, ou vos fans ?
Absolument pas.
C'est parce que cet aspect-là des choses ne vous intéresse pas, ou pour vous c'est inutile... ?
Non, non... Les forums, c'est d'un intérêt très limité. Dans le sens de savoir ce qu'on pense des livres. Parce que les avis sont souvent outranciers, aussi bien dans la critique laudative que négative. En sachant que, en général, pour les critiques laudatives, outrancières aussi, il y va un peu fort le garçon, c'est pas si bien que ça ; par contre la critique négative outrancière fait très mal. Donc ce n'est pas d'un intérêt fondamental.
Maintenant, le contact des fans, pourquoi pas, il faudrait que je fasse l'effort d'avoir, probablement, un myspace ou un truc comme ça... Oui, il faudrait. J'en discute, voir si on pourrait organiser quelque chose. Non, ce que je préférerais probablement faire – on le fera peut-être avec Fantasy.fr -, c'est organiser un soir, pendant deux heures et demie, où on annonce aux gens que je suis disponible sur tel forum en direct, et je réponds à des questions... Ça, oui, c'est envisageable.
Mais sinon, honnêtement, moi, je suis le genre de romancier – je n'ai absolument aucun mépris pour mes lecteurs, bien au contraire, ne serait-ce que parce qu'ils me font manger – mais l'idée c'est que moi, mon rapport avec les lecteurs, c'est les livres ! Et ils ont une manière très facile de me dire s'ils aiment ou s'ils n'aiment pas, c'est quand ils achètent ou quand ils n'achètent pas le suivant ! Donc le message passe très clairement, et je crois que c'est une méthode de communication qui me correspond absolument.
Je vais revenir un peu, maintenant qu'on touche à la fin, sur Wielstadt. Aviez-vous prévu dès le départ de vous en tenir à trois romans ?
Au tout début, je voulais en faire quatre, un par saison. Et puis, rapidement, j'y ai renoncé. Donc il n'y en a que trois, un par saison. Je fais ce que je veux. (rire) Et en fait, ça s'est arrêté bien, quoi. Mais, souvent, le destin d'un livre est associé à des tas d'autres choses, des tas de facteurs qui sont totalement étrangers au livre. Ou alors ça peut être un éditeur qui change de métier, une politique éditoriale qui change... Il y a des tas de choses qui peuvent faire qu'un livre ne voit pas le jour. Il se trouve que Wielstadt s'est bien fini au bon moment, mais tout s'est fini en même temps, aussi bien la collaboration avec Pocket, à part avec Fleuve Noir, que ce que j'avais à raconter dans le livre.
Finalement, s'il n'y avait pas eu de changements éditoriaux, il n'y aurait pas forcément eu de quatrième tome ?
Ce n'est pas du tout certain qu'il y aurait eu un quatrième tome. Très honnêtement. Surtout que je suis, très immodestement, assez satisfait de ce troisième tome, je pense que c'est le meilleur des trois, et donc c'est mieux de s'arrêter là.
Justement, vous parliez tout à l'heure des lecteurs qui parfois lisent des choses qui ne sont pas dans les romans, ou au contraire en zappent certains passages... c'est un peu le cas avec la fin, parce que certains lecteurs ont tendance à trouver que justement ça se termine comme ça devait se terminer, et d'autres vont concevoir que vraiment il devrait y avoir une suite parce que vous l'avez un peu laissé en plan...
C'est l'ambiguïté de cette fin, qui est en fait un semi-échec pour le héros, parce qu'il réussit à faire ce qu'il devait faire, mais après il renonce à continuer, comme s'il partait en retraite anticipée de héros, quoi. Donc c'est un peu traumatisant pour certains, mais, moi, j'ai bien aimé ça, justement, je suis très content de cet effet-là !
C'est vrai que j'ai trouvé la fin très réussie, mais du coup c'est un peu partagé pour le lecteur...
Bien sûr ! Mais en même temps je dois être très honnête. Si j'avais vraiment voulu tout finir, je l'aurais tué, Kantz ! Je me suis quand même offert une porte de sortie, en cas que... si jamais... parce qu'il ne faut jamais dire Fontaine, je ne boirai pas de ton eau ! Peut-être qu'un jour j'aurai envie d'y revenir, on ne sait pas ! Mais ce n'est vraiment pas prévu, ce n'est pas d'actualité. Là, mon truc, c'est Les Lames, chez Bragelonne !
J'avais noté, après une interview qui date de quelques années maintenant, que vous auriez aimé voir des auteurs citer ce monde, se l'approprier...
Ça, c'est un vieux fantasme d'atelier d'écriture...
A l'époque déjà vous disiez que ce serait vraiment très compliqué... Ça n'a jamais été vraiment envisagé ?
Non, non... J'aimerais bien, j'aimerais bien, je serais prêt même – c'est marrant, on en reparlait cet après-midi – sur Les Lames ! Eventuellement de savoir, dans cet univers, ce qu'il se passe réellement en Espagne ! Pendant les Espagnols aux Lames du Cardinal ! Oui, bien sûr, ce serait très excitant, j'adorerais ça ! Mais en même temps je conçois tout à fait qu'un autre auteur ait envie de développer ses univers à lui plutôt que de venir chez moi !
C'est un peu comme le spin-off en série télé, sauf que c'est à la limite moins facile à lancer...
Ça pourrait venir, mais d'une volonté d'un éditeur très forte. Et d'un éditeur européen, parce que, si Bragelonne avait un Bragelonnes à Madrid, il pourrait dire à un jeune auteur Pourquoi tu n'essaierais pas de faire ça ? Ce serait plus facile pour toi, tu as déjà l'univers, tu as un romancier qui en a écrit quelques-uns qui pourrait t'aider, éventuellement, tu pourrais l'appeler,etc. Mais il faut vraiment plus que le caprice d'un auteur pour que ce genre de projet naisse – et réussisse. Il faut vraiment une volonté éditoriale.
Et une synergie entre chacun.
Oui, et ça n'est pas gagné du tout, parce que tout le monde a autre chose à faire. Moi y compris.
C'est donc pour cela que vous tenez à entretenir une part de mystère, par exemple avec l’identité de la Dame en rouge, vous savez que les lecteurs se perdent en conjectures...
Mais je dis qui c'est la Dame en rouge ! C'est informel, je n'ai peut-être pas stabiloté le texte, mais je le dis !
Donc c'est au lecteur de deviner lui-même, mais vous donnez la réponse ?
Quand je vous disais que le lecteur ne lisait pas toujours tout ! Ça arrive même des fois à des interviewers, alors vous vous rendez compte !
On retrouve régulièrement des dragons dans vos écrits. Est-ce que cette créature fantastique vous fascine plus que d'autres ?
Oui, comme j'ai dit, effectivement, c'est super chouette les dragons ! Rien que ça, ça suffit, comme raison ! En plus, ce que j'aime bien, c'est que c'est une créature dont on peut faire à peu près n'importe quoi, tout et n'importe quoi. Dans Wielstadt, mon dragon est quasiment une force de la nature, il est perçu et décrit comme tel, aussi bien qu'un orage de grêle...
C'est aussi une force protectrice, non ?
Oui, mais en même temps dangereuse, il a menacé la ville... Vraiment une force de la nature ! Pas particulièrement d'intelligence, mais bon. Tandis que ceux des Lames, c'est des créatures intelligentes, voire retorses, etc. Et les deux cas sont aussi crédibles l'un que l'autre, et ça il n'y a guère que le dragon qui y arrive. Si on prend l'exemple du vampire, c'est quand même plus ou moins toujours intelligent. Si ça commence à ne plus être intelligent, ça s'appelle des goules, ça s'appelle autre chose, on lui trouve un autre nom... mais un vrai vampire, c'est intelligent. Et un vrai dragon, c'est tout. Et là, encore, je ne parle que d'un point de vue occidental sur le dragon ! Si on regarde ce qu'en font les Japonais... d'ailleurs ils ne sont pas loin de cette idée de force de la nature, c'est un peu à eux que je l'ai pris.
Non, non, le dragon, c'est trop bien ! Et puis ça fait super dans le décor, c'est joli – ça va avec tout, un dragon ! Vous n'avez pas à réfléchir à ce que vous mettez le matin quand vous avez un dragon avec vous !
C'est la créature par excellence ?
De fantasy, ah oui ! S'il y a une créature qui est archétypale de la fantasy, évidemment, c'est le dragon ! Imaginons qu'il y a un éditeur sans nom mais, comme logo, un dragon, c'est un éditeur de quoi ? De fantasy ! ou alors de conneries new age, mais a priori...
J'en arrive à la dernière question... Je sais qu'on est déjà en mars, mais j'aurais voulu savoir ce qu'on peut vous souhaiter pour l'année 2008 ?
Il y a beaucoup de projets de traduction des Lames... donc que ces projets aboutissent !
Vous aurez une part active dans la traduction ?
J'aurai une part financière qui m'intéresse bien... (rire) Je n'en fais pas mystère, j'aime bien les sous, parce que ça sert à les dépenser ! C'est pour ça que c'est bien ! (rire) Donc ces projets-là me tentent ; je n'aurai une part active en aucun cas, parce que s'il s'agit de traduire le bouquin en néerlandais, je ne vais pas pouvoir aider ! Par contre, c'est pour l'édition, par exemple, on va pouvoir regarder les projets de couverture...
Par exemple, un traducteur pourrait vous contacter ?
Ah, mais il serait le bienvenu ! Oui, bien sûr ! S'il a un doute sur un terme, ou sur une intention d'auteur, bien sûr, il le fera ! Mais j'ai déjà été traduit sans avoir été contacté par la personne, donc je ne serais pas surpris si ça se reproduisait...
Donc oui, si ces projets de traduction pouvaient aboutir, et si Les Lames 2 marchait aussi bien que le 1...
Et en même temps, vous n'avez toujours pas été approché depuis septembre pour, je ne sais pas, une adaptation en BD...
Non, non. Mais, honnêtement, ça se fait très, très peu ! Il ne faut pas croire qu'il y a tant de passerelles que ça entre ces univers-là ! Je pense que ces univers ne sont pas si proches. Ce ne sont pas les mêmes éditeurs, il n'y a pas les mêmes ambitions...
Je demandais simplement, parce que vous disiez que ça vous aurait bien plu.
Oui, tout ce qui me rapporte des sous m'intéresse ! (rire) Même moi, j'aurais bien pu, éventuellement, écrire un scénario qui se déroulerait dans l'univers des Lames – probablement pas avec Les Lames, mais dans leur univers – oui, pourquoi pas, bien sûr, ça me dirait ! Mais ça représente tellement de boulot... Il faudrait que je me lance là-dedans, ensuite il faudrait trouver un dessinateur, il faudrait que le dessinateur me plaise parce que sinon je serais malheureux, et s'il ne me plaît pas je fermerais ma gueule mais je serais malheureux quand même, pour un succès qui n'est pas sûr...
Il vaut mieux que je consacre cette énergie à écrire le deuxième tome...
Donc c'est déjà une année 2008 bien chargée !
Une année 2008 sans vacances pour moi, déjà !
Et le tome trois est déjà prévu ?
Pas du tout. Je n'ai pas écrit le deux ! Non, après le tome 2, il y a James Bond, et ensuite... je ne sais pas. Peut-être que je serais très malade, très vieux et très fatigué... et qu'il faudra me parler doucement...
Ce sera le mot de la fin... Merci beaucoup !
Mais c'est moi !

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