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Camille Renversade, profession : Chimérologue !
Par Izareyael, le jeudi 4 février 2010 à 18:15:59
Il y a quelques mois de cela, par une belle fin de semaine automnale, quatre membres de l'équipe d'Elbakin.net s'étaient rendus au premier festival Fantastique & Légendes au Fontanil, en Isère. Nous y avions notamment rencontré Aurélia Rojon des éditions Mille Saisons. Mais ce festival a également été l'occasion de visiter le Cabinet de curiosités, la formidable exposition de Camille Renversade autour du livre qu'il a publié avec le célèbre elficologue Pierre Dubois, Dragons et Chimères, Carnets d'expédition, paru en 2008 chez Hoëbeke et dont vous pouvez bien sûr lire la critique sans plus attendre. C'est une véritable pièce meublée et décorée dans le style des salons scientifiques de la Belle époque que nous proposait l'illustrateur, comme un prolongement des voyages d'exploration présentés dans le livre.
Voici donc aujourd'hui pour vous la retranscription d'une double rencontre : tout d'abord, une visite guidée du Cabinet avec Gaston, le personnage du livre, puis ce double fictif laissera la place à l'auteur, Camille Renversade, pour une longue discussion dans laquelle vous ne manquerez pas de trouver de nombreuses anecdotes et explications passionnantes sur son travail ou encore des révélations exclusives sur la suite de ce premier livre.
Encore une fois un immense merci à Camille Renversade qui s'est très amicalement prêté au jeu et a répondu avec patience et passion aux nombreuses questions de votre envoyée spéciale ! Précisons également qu'il a aimablement mis à notre disposition quelques-unes de ses propres photographies pour compléter la visite ; vous pouvez d'ailleurs en voir davantage sur son blog.
Ouvrez grands vos yeux, et pénétrez dans le Cabinet de curiosités de Gaston Renversade !
Visiter le blog de Camille Renversade
Visite guidée avec M. Gaston Renversade
Novembre 1900
Rassemblant aussi bien des scientifiques que des aventuriers, le Club des Chasseurs de l'Étrange, actuellement présidé par M. Pétrus Barbygère, elficologue, étudie les créatures extraordinaires présentes dans le monde entier mais très rarement observées. Il organise ainsi des expéditions à la recherche de ces animaux rares et bien souvent mythiques. Un des membres du Club, M. Jules Dorgan, a eu l'heureuse idée de rassembler des échantillons de ces expéditions, preuves des stupéfiantes découvertes réalisées par les équipes du Club. C'est en compagnie de M. Gaston Renversade – également connu sous le pseudonyme de Filapatte
, dessinateur officiel du Club depuis 1892, que nous avons donc pu admirer des souvenirs de l'expédition africaine Dragons de 1897 et de l'aventure indienne de l'été dernier, à la recherche des Chimères et de Miss Alice Kingsley. Les deux créatures merveilleuses semblent d'ailleurs avoir également marqué l'artiste, si nous en croyons le compte rendu qu'il a récemment publié, carnets d'expédition où le dessinateur relate les explorations et découvertes des aventuriers du Club.
Mais laissons maintenant la parole à M. Renversade, qui a eu l'amabilité de nous guider lors de notre visite afin de nous présenter les différentes pièces exposées dans le Cabinet de curiosités.
Tout a été mis en scène par notre ami Jules Dorgan, l'explorateur qui a présenté cette première salle des Dragons et des Chimères et grâce à qui nous avons monté cette petite exposition.
Commençons par la photographie de groupe du Club des chasseurs de l'étrange, où nous pouvons voir les différents protagonistes des deux expéditions : M. Pétrus Barbygère, le Directeur ; M. Van Welmans, chasseur broussard, spécialiste des dragons en Afrique ; M. Jules Dorgan, responsable de la deuxième expédition ; miss Alice Kingsley, qui fait maintenant partie du Club ; mon père, Robert?Louis Renversade, le photographe et inventeur ; le professeur Théophile Janin, botaniste et surtout paléontologue...
Le personnage dans le cadre à l'arrière est Samuel Cornélius Dorgan, fondateur du Club, avec un crâne de petit dragon.
Ici, un crâne de chimère. Elle n'est pas présentée dans le compte rendu, mais c'est la fameuse chimère que nous avons découverte, qui a une tête entre chèvre et lion... elle est très étrange.
Au?dessus, à côté de ces petits crânes, le portrait de Pétrus Barbygère, le Président, grand spécialiste du monde féerique ; nous partirons certainement en expédition avec lui prochainement, à la recherche de fées et d'autres esprits féeriques... Mais c'est encore en préparation. J'attends pour ma part que l'on m'invite à partir ! Pour la prochaine expédition, je suivrai de toute façon le groupe scientifique.
Dans cette petite vitrine, il y a différents objets plutôt liés aux dragons : tout d'abord un dragon fossilisé, le Lindorme, qui est ici une miniature mais qui en réalité, comme on le voit sur une photographie dans le compte rendu de l'expédition, est vraiment gigantesque. Nous avons réussi à le découvrir en Afrique sous la forme d'une plaque fossilisée comme celle?ci. Ensuite, un dragonnet volant naturalisé, le Rhacodatylus Draco Minus – un de ceux, très nombreux, qui nous ont attaqués de nuit au campement. Nous en étions recouverts ; heureusement, nous avons réussi à les faire partir, mais en voici un qui a été capturé puis naturalisé. Quelques fragments d'os, qui apparaissent eux aussi dans le compte rendu de l'expédition, avec un fragment de la vertèbre du dragon Draco Magnificens. Vous pourrez d'ailleurs voir sur le sol, de l'autre côté, le crâne du même animal qui vous donnera une idée de la taille de la bête, et vous constaterez aussi grâce aux photographies du compte rendu qu'il avait effectivement une envergure assez impressionnante...
Enfin, une plume de phénix, assez rare puisqu'elle s'est envolée avant qu'il ne prenne feu. En effet, le phénix, lorsqu'il sent sa fin arriver, a la réputation de s'enflammer : il construit une sorte de nid avec des épices, y met le feu, s'enflamme et renaît ensuite dans les cendres, d'où l'on voit un petit oisillon sortir.
Nous faisons remarquer à M. Renversade qu'il a certainement eu beaucoup de chance d'assister à la combustion et à la naissance d'un phénix, car cela semble extrêmement rare.Oui, nous sommes arrivés exactement au bon moment !
confirme?t?il avec satisfaction avant de poursuivre.Pour conclure la présentation de cette petite vitrine, n'oublions pas de parler de ce basilic séché que nous avons réussi à garder lorsque ces créatures nous ont attaqués.
D'autres éléments qui font aussi partie de la collection du Club, mais provenant d'autres expéditions : des empreintes de Big Foot, une sorte d'homme sauvage géant que l'on trouverait aux États?Unis, moitié singe moitié homme. Big Foot signifie Grand Pied ; on le nomme ainsi parce que l'on retrouve énormément de ces empreintes, qui mesurent peut?être quarante ou soixante centimètres de long... Elles ont donné leur nom à l'animal, mais on l'appelle aussi Sasquash, nom donné par les Indiens.
Une main séchée de yéti, assez rare, qui a été recueillie dans un temple au Népal lors d'une expédition antérieure.
Ici, des animaux marins, des Jenny Haniver, de petits monstres bizarres qui ressemblent en fait à de petits diables – les Américains l'appellent le devil fish , poisson du diable. C'est un animal vraiment étrange, il a une tête assez diabolique. Les marins en ramènent de leurs expéditions.
De l'autre côté de la pièce, nous avons la carte de l'Afrique, ce qui permet de suivre un peu le parcours que nous avons emprunté : Congo, Brazzaville, nous avons remonté la Likouala aux herbes, le fleuve qui mène jusqu'au lac Télé – un lac assez petit et très peu visité puisqu'il faut marcher pendant plusieurs jours dans les marécages pour y arriver. C'est là que se trouve le Mokélé M'Bembé, un dragon des marais. C'est une carte très ancienne, en anglais et en latin... A notre époque, en 1897 – nous avons effectué ce voyage il y a trois ans – les choses ont bien changé !
Voici un oeuf de griffon, ramené de l'expédition en Inde, plus gros qu'un oeuf d'autruche, qui est également beaucoup plus lisse. D'après les légendes, le griffon a un corps de lion et une tête de rapace, un genre d'aigle, mais celui que nous avons vu ressemble un peu au gypaète barbu, jaune avec une sorte de barbe sous le bec... Un animal étrange, mais connu, puisqu'on le retrouve notamment dans toutes les armoiries depuis le Moyen Âge. Mais il est rarement vu dans son environnement naturel... Et nous l'avons même photographié. Il est très impressionnant, on dit qu'il peut même emporter un cheval dans ses serres !
Et voilà l'oeuf du Mokélé M'Bembé, le dragon d'Afrique, dont nous avons découvert le nid lors de l'expédition.
A côté des oeufs, le crâne d'une des licornes observées et étudiées par Miss Kingsley en Inde.
A présent, le dodo ! La pièce la plus importante de la collection de la société : le Dronte, Raphus Cucullatus – déjà un nom quand même assez amusant... Un des derniers dodos naturalisés au monde, découvert à Surat, comptoir des Indes. C'est un animal très cocasse, il a une allure plutôt originale...
Derrière, des dessins que j'ai réalisés des créatures observées... Le dragonnet volant, le petit animal que nous avons déjà vu naturalisé ; le basilic, déjà vu aussi : Basilicus occulus converto in lapidem, le basilic dont l'oeil transforme en pierre. En effet, d'après les légendes, il pétrifie du regard : si on le regarde dans les yeux, on se transforme en pierre. En fait, nous avons découvert que ce n'est pas exactement cela : il crache un venin qui en quelque sorte momifie sa proie, un peu comme font les araignées, pour ne venir la consommer que plus tard. Le scientifique?inventeur du groupe, mon père Robert?Louis Renversade, qui est également photographe, a fabriqué un appareil, le paralapidescoscope, qui permet d'être protégé des yeux du basilic. C'est une sorte de périscope, avec un jeu de miroirs qui permet d'éviter de regarder directement l'animal. Dans le compte rendu de l'expédition, nous expliquons ainsi avoir quand même pu être protégés du venin.
Ensuite, voici différents oiseaux, cornes et animaux un peu étranges ; dans le formol, une petite collection de différentes plantes rapportées de différents pays... mais je ne suis pas le grand botaniste et ne pourrais donc vous indiquer précisément le contenu des différents bocaux.
Sur le meuble, une tête phrénologique. Un des membres du Club s'y intéresse particulièrement. C'est une science tout à fait nouvelle qui pense que nous aurions dans le cerveau des cases ou des parties qui seraient consacrées à tel ou tel domaine : la science, les sentiments... et la forme de la tête reflète ces aptitudes. C'est d'ailleurs de là que vient par exemple l'expression avoir la bosse des math. Encore une fois, je ne suis pas non plus spécialiste de ce domaine en particulier, c'est une description rapide.
Sur ce meuble se trouvent aussi une tête réduite, rapportée encore d'une expédition, et la gazette du Club, dans laquelle je travaille également : elle est envoyée aux membres, nous y écrivons toutes les récits de nos expéditions et découvertes. Dans ce numéro, la présentation de la collection, avec le dodo présenté par M. Jules Dorgan, qui a créé la salle où nous nous trouvons ; miss Alice Kingsley ; différents compte rendus... Nous avons même le récit de M. Pétrus Barbygère, qui est revenu d'Angleterre où il étudie la présence de ce chien mystérieux sur la lande du Dartmoor, ainsi qu'un article de M. Arthur Conan Doyle, qui a étudié des histoires de photographies d'esprits. En haut de l'armoire, un crâne de dragon Draco magnificens – un jeune, ce crâne est assez petit ! Il a été trouvé presque entier, il manque seulement quelques dents et cornes...
Ce détail n'étant guère visible sur la photographie, nous nous permettons ici d'interrompre l'exposé de M. Renversade pour signaler à nos lecteurs que ce crâne qu'il qualifie de petit
mesure bien quarante centimètres de long !A côté, cette corne fait partie de la collection beaucoup plus ancienne. Le fondateur du Club, Samuel Cornélius Dorgan, ancêtre de M. Dorgan, a étudié les dragons au siècle dernier – je parle du XVIIIème, bien entendu. Cela doit être sa corne, il l'avait rapportée d'une de ses expéditions... Je ne sais pas exactement à quelle créature elle appartenait, mais un animal fabuleux, certainement !
Sur le sol est posé le crâne de dragon que nous avons rapporté d'Afrique, plus grand que le premier. Il s'agit d'un vrai crâne, bien entendu, et non d'une reproduction. Vous pouvez d'ailleurs voir des photographies de la découverte du squelette dans le compte rendu de l'expédition. Ce qui est amusant, c'est que l'on voit à la forme de ses dents qu'il s'agit d'un mangeur de poissons qu'il attrape en plongeant, loin de l'image du monstre carnassier que l'on imagine ; c'est ce qu'a étudié notre scientifique, le professeur Théophile Janin. La gravure à l'entrée du cabinet présente le squelette entier de l'animal avec les ailes.
Ensuite, toute une série de fossiles rapportés de divers endroits et datant d'époques diverses, ainsi qu'une très vieille collection d'insectes et qu'une petite collection de coquillages très intéressante.
A droite, conservée dans le formol, voici la salamandre de Samuel Cornélius Dorgan. Elle est très ancienne puisqu'elle date de 1775. Il ne s'agit pas de la salamandre connue dans nos contrées, mais de la Salamandra pyra, que j'ai reconstituée sur le dessin comme elle pourrait être, vivante et dans son état naturel, à partir de ce spécimen. Elle existe peut?être encore, mais est très rare.
Nous finissons par deux cornes de licorne : à gauche, la licorne classique, Equus monoceros, la vraie licorne, et à droite, le Kilin, une licorne chinoise, également assez rare, qui a une corne beaucoup plus torsadée.
A la fin de cette surprenante visite, stupéfaite par tant de créatures extraordinaires, nous ne pouvons nous empêcher de faire part de notre étonnemment : Vous avez tout de même eu beaucoup de chance dans vos expéditions...
C'est vrai, nous avons eu beaucoup de chance de croiser tous ces animaux
, reconnaît l'artiste aventurier, avant de préciser cependant : Il y a tout de même un long travail fait en amont pour partir ; l'expédition sur place est assez rapide, mais auparavant cela demande plusieurs années de préparation pour trouver les lieux où il pourrait y avoir, d'après témoignage, quelque chose d'intéressant ! Nous étudions les articles dans les journaux, tous les faits divers, ainsi que des témoignages de gens sur place, pour savoir à quel endroit on peut avoir la chance de découvrir un animal, et c'est là que l'on envoie l'équipe de scientifiques pour examiner les lieux. Cela ne se fait pas tout seul !
Heureusement pour nous, les carnets d'expédition permettent de profiter de ces aventures uniques sans avoir à endurer les difficultés du voyage !
Propos recueillis et mis en forme par Izareyael
Pages de l'article
Auteur
Camille Renversade
Biographie
Bibliographie
- Dragons et chimères, carnets d'expédition
Les interviews
- Camille Renversade, profession : Chimérologue !
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